3. Paires de Gelfand Dans ce chapitre, on consid`ere des paires (G

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3. Paires de Gelfand
Dans ce chapitre, on considère des paires (G, K) constituées d’un groupe localement
compact G et d’un sous–groupe compact K. G est muni d’une mesure de Haar invariante
à gauche et K de la mesure de Haar bi–invariante normalisée.
Introduisons l’opérateur de moyenne Z
Z
f ♮ (x) =
dk1
K
dk2 f (k1 xk2 )
K
et la notation F (G)♮ pour désigner le sous–espace des fonctions bi–K–invariantes dans
un espace fonctionnel F (G) sur G.
Lemme : f 7−→ f ♮ est un projecteur de C(G) sur C(G)♮ .
Exercice : Montrer que f 7−→ f ♮ est un projecteur de F (G) sur F (G)♮ pour les espaces
fonctionnels suivants : F (G) = Cc (G), Co (G), L1loc (G), Lp (G) (pour tout 1 ≤ p ≤ ∞).
En particulier, on observera que l’opérateur de moyenne est bien défini sur L1loc (G) et on
Z
Z
établira l’identité
♮
dx f (x) = dx f (x)
G
G
dans le cas F (G) = L1 (G).
Exercice : Vérifier que Cc (G)♮ et L1 (G)♮ sont des algèbres de convolution.
Définition : (G, K) est une paire de Gelfand 1 si le produit de convolution est commutatif pour les fonctions bi–K–invariantes, plus précisément si
f ∗ g = g ∗ f ∀ f, g ∈ Cc (G)♮ .
Dans ce cas, la relation de commutativité f ∗g = g ∗f s’étend à des classes de fonctions
plus générales, par exemple f, g ∈ L1 (G)♮ .
Lemme : Si (G, K) est une paire de Gelfand, alors G est unimodulaire.
Démonstration : Soit f ∈ Cc (G). Il existe g ∈ Cc (G) telle que g = 1 sur K(supp f )−1 K.
Par suite g ♮ = 1 sur (supp f ♮ )−1Z. L’identité fZ♮ ∗g ♮ (e) = g ♮ ∗f ♮ (e) donne
Comme
on en déduit que
dy f (y) = dy f (y −1 ) .
G
Z
Z G
−1
dy f (y ) = dy ∆(y)−1 f (y) ,
G
G
Z
Z
dy f (y) = dy ∆(y)−1 f (y) .
G
G
Ceci étant valable pour tout f ∈ Cc (G), on a ∆ = 1.
Lemme : Supposons que G possède un automorphisme involutif continu θ tel que
Kθ(x)K = Kx−1 K pour tout x ∈ G.
Alors (G, K) est une paire de Gelfand.
Démonstration :
Posons f θ (x) = f (θ(x)) pour les fonctions et µθ (A) = µ(θ(A)) pour les mesures sur G.
Observons tout d’abord l’invariance par θ de la mesure de Haar λ de G. Comme λθ
est une mesure de Haar invariante à gauche, il existe en effet c > 0 tel que λθ = c λ et
l’identité θ 2 = 1 implique c = 1.
1 Israel
Moiseevich Gelfand, mathématicien russe, né en 1913.
1
2
Montrons ensuite l’unimodularité de G. La moyenne f ♮ d’une fonction f ∈ Cc (G) vérifie
par hypothèse (f ♮ )θ = (f ♮ )∨ . En intégrant cette identité sur G, on obtient
Z
Z
dx f (x) = dx ∆(x)−1 f (x) .
G
G
Ce résultat étant valable pour tout f ∈ Cc (G), on en déduit que ∆ = 1.
Considérons finalement le produit de convolution de deux fonctions f, g ∈ Cc (G)♮ . Par
hypothèse, on a f θ = f ∨ , g θ = g∨ et (f ∗g)θ = (f ∗g)∨ . Par suite,
f ∗g = {(f ∗g)θ }∨ = {f θ ∗g θ }∨ = (g θ )∨ ∗(f θ )∨ = g∗f .
Exemples :
−1 t
• G = GL(n, R), K = O(n), θ(x) = (x
) = (xt )−1 .
De même pour G = SL(n, R), K = SO(n).
−1 ∗
• G = GL(n, C), K = U(n), θ(x) = (x
) = (x∗ )−1 .
De même pour G = SL(n, C), K = SU(n).
Le critère suivant est utile dans les exemples.
Lemme : Supposons que la topologie de G/K est définie par une distance d invariante
par G et que l’action de G sur l’espace métrique (G/K, d) est doublement transitive.
Alors (G, K) est une paire de Gelfand.
Rappels : Soit G un groupe opérant sur un espace métrique (X, d).
• La distance d est invariante par G si d(g.x, g.y) = d(x, y), pour tout g ∈ G et pour tout
x, y ∈ X.
• L’action est (simplement) transitive si, pour tout x, y ∈ X, il existe g ∈ G tel que g.x = y.
′
′
2
′
′
• l’action est doublement transitive si, pour tout (x, x ), (y, y ) ∈ X avec d(x, x ) = d(y, y ),
il existe g ∈ G tel que (g.x, g.x′) = (y, y ′).
Exercice : Soit G un groupe opérant transitivement sur un ensemble X, muni d’une
mesure invariante d, x0 ∈ X et H le stabilisateur de x0 . Montrer que l’action de G sur
X est doublement transitive si et seulement si l’action de H sur tout sphère centrée au
point x0 est transitive i.e.
pour tout x, x′ ∈ X avec d(x, x0 ) = d(x′, x0 ), il existe h ∈ H tel que h.x = h.x′.
Démonstration du lemme : Soit x ∈ G. Comme la distance sur G/K est invariante
par G, on a d(xK, eK) = d(eK, x−1K). Par hypothèse, il existe k ∈ K tel que kxK =
x−1K. Ainsi KxK = Kx−1 K pour tout x ∈ G et on conclut en utilisant le lemme
précédent.
La paire de Gelfand la plus simple est constituée de G = R et K = {0}. Dans ce cas, les
fonctions de base pour l’analyse de Fourier sont les fonctions exponentielles, qui possèdent
les caractérisations équivalentes suivantes :
zx
• Il existe z ∈ C tel que ϕ(x) = e
pour tout x ∈ R,
∗
• ϕ est un homomorphisme continu de R dans C . En d’autres termes, ϕ est une
fonction non nulle continue de R dans C, qui vérifie la relation fonctionnelle
ϕ(x+y) = ϕ(x) ϕ(y) pour tout x, y ∈ R .
• ϕ est une fonction non nulle continue de R dans C telle que
Z
+∞
dx f (x) ϕ(−x)
χ(f ) =
−∞
est un caractère de l’algèbre de convolution Cc (R), i.e.
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χ(f ∗g) = χ(f ) χ(g) pour tout f, g ∈ Cc (R).
• ϕ est une fonction non nulle dérivable de R dans C, qui est une fonction propre pour
la dérivée, i.e.
il existe z ∈ C tel que ϕ′ = z ϕ .
Introduisons l’analogue des fonctions exponentielles dans le cadre général des paires de
Gelfand. Nous en donnerons trois caractérisations fonctionnelles. Dans les cas particuliers considérés dans les chapitres suivants, nous en donnerons une quatrième caractérisation au moyen d’une équation différentielle.
Définition : Une fonction sphérique pour une paire de Gelfand (G, K) est une fonction
ϕ : G → C non nulle
Z continue, qui vérifie la relation fonctionnelle
dk ϕ(xky) = ϕ(x) ϕ(y) pour tout x, y ∈ G
(⋆)
K
Lemme : Soit ϕ une fonction sphérique. Alors
• ϕ est bi–K–invariante,
• ϕ(e) = 1.
Démonstration : Soit a ∈ G tel que ϕ(a) 6= 0. On montre tout d’abord que ϕ est
K–invariante à gauche, respectivement à droite, en prenant x = a, respectivement y = a,
dans (⋆) et en utilisant la bi–invariance de la mesure de Haar sur K. On montre ensuite
que ϕ(e) = 1 en prenant dans (⋆) une des deux variables x, y égale à a et l’autre égale
à e.
Théorème : Les conditions suivantes sont équivalentes, pour une fonction ϕ : G → C
bi–K–invariante continue telle que ϕ(e) = 1.
(a) ϕ est uneZ fonction sphérique.
dx f (x) ϕ(x−1 ) est un caractère de l’algèbre de convolution Cc (G)♮ , i.e.
G
χϕ (f ∗g) = χϕ (f ) χϕ (g) pour tout f, g ∈ Cc (G)♮ .
(c) ϕ est une fonction propre pour la convolution des fonctions bi–K–invariantes, i.e.
pour tout f ∈ Cc (G)♮ , il existe χ(f ) ∈ C tel que f ∗ϕ = χ(f ) ϕ .
Démonstration :
• (a) ⇐⇒ (b) : Pour tout f, g ∈ Cc (G), on obtient
Z
Z
nZ
o
♮
♮
♮
♮
χϕ (f ∗g ) − χϕ (f ) χϕ (g ) = dx f (x) dy g(y)
dk ϕ(xky) − ϕ(x) ϕ(y)
(b) χϕ (f ) =
G
G
K
en développant et en simplifiant le membre de gauche. L’équivalence entre (a) et (b)
résulte immédiatement de cette identité.
• (a) =⇒ (c) : Pour tout f ∈ Cc (G) et pour tout y ∈ G, on obtient de même
Z
nZ
o
♮
♮
(f ∗ϕ)(y) − χϕ (f ) ϕ(y) = dx f (x)
dk ϕ(x−1 ky) − ϕ(x−1 ) ϕ(y) .
G
K
D’où l’implication (a) =⇒ (c).
♮
• (c) =⇒ (b) : Il est clair que f 7−→ χ(f ) est un caractère de Cc (G) . On identifie
χ = χϕ en évaluant l’identité χ(f )ϕ(x) = (f ∗ϕ)(x) en x = e.
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L’ensemble des fonctions sphériques de la paire de Gelfand (G, K) est noté Σ. Il est
muni de la topologie de la convergence uniforme sur les parties compactes de G, qui est
définie par la famille de semi–normes
NA (f ) = sup x∈A |f (x)|
indexée par les parties compactes A de G.
Définition : La transformation
de Gelfand est définie par
Z
pour tout f ∈ Cc (G)♮ et pour tout ϕ ∈ Σ.
dx f (x) ϕ(x−1 )
Gf (ϕ) =
G
Remarques :
• G transforme le produit de convolution en produit ponctuel :
G(f ∗ g) = (Gf ) (Gg) .
1
♮
• On peut montrer que G s’étend en un homorphisme de l’algèbre de Banach L (G)
(pour le produit de convolution) dans l’algèbre de Banach Cb (Σ1 ) (pour le produit
ponctuel), où Σ1 ⊂ Σ désigne l’ensemble des fonctions sphériques bornées.
• On a une formule de Plancherel
Z
Z
dx |f (x)|2 =
et une formule d’inversion
G
f (x) =
dµ(ϕ) |f (ϕ)|2
Σ2
Z
dµ(ϕ) (Gf )(ϕ) ϕ(x) .
Σ2
La mesure de Plancherel µ est supportée par une partie de Σ1 et plus précisément du
sous–ensemble Σ2 des fonctions sphériques de type positif.
• Dans les exemples, le programme de base consiste à déterminer l’ensemble Σ et la
mesure µ.
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