9700 signes cela devrait aller L’OREILLE DANS TOUS SES ETATS L'enfant et son audition L’oreille est un organe essentiel pour une bonne évolution de l’enfant. Elisabeth Péri Fontaa, ORL-audiophonologiste, nous rend attentifs à certains points de vigilance à avoir quand on est responsable d’enfants. Dr Elisabeth Peri-Fontaa. orl-audiophonologiste Le fœtus entend tous les sons Le développement de l’audition démarre très tôt, dès le début de la 4ème semaine après la fécondation et elle est fonctionnelle à partir du 6ième mois. Le fœtus perçoit les bruits internes du corps de sa mère, ainsi que sa voix et celle du père, les bruits de la maison, la musique. Au cours des premiers mois de la vie, le rôle des stimulations auditives est capital. Elles permettent au système nerveux de se structurer. Ceci a des conséquences pratiques : il faut "nourrir" le mieux possible l'oreille par des paroles, par la musique : tous ces sons jouent un grand rôle dans la plasticité neuro-cérébrale de l'enfant. Le bébé reconnaît la langue maternelle : le bébé francophone reconnaît les syllabes (et les différentie très tôt, même lorsqu’elles sont très proches: pa/ba, to/ton…), mais met plus de temps à identifier les mots (accentuation de la dernière syllabe). Le bébé anglophone, identifie rapidement les unités nominales grâce à l’accentuation de la 1ère syllabe, le bébé chinois reconnaît les différents sons d’une syllabe en fonction de son intonation (langue à tons). La phrase interrogative (prosodie ascendante) se différencie d’une phrase affirmative (prosodie descendante). Les pauses dans le discours lui permettent de mieux comprendre par exemple : « attends!... j’arrive dans 2 minutes » plutôt que : « attends! J’arrive dans…2 minutes ». Parler au bébé dans la langue de son pays ou dans les langues respectives de chacun des parents lorsque ceux-ci ont grandi dans des pays différents est tout à fait recommandé. Comment évaluer l’audition d’un petit enfant ? Cette évaluation est possible à tout âge ! Avec les voix, les jouets calibrés en fréquence et en intensité, clochettes, le bruit d’une cuillère sur une tasse... A partir du moment où l’enfant commence à acquérir la position assise, le tonus musculaire dorsal lui permet de dégager sa tête afin d’avoir des mouvements de réaction bien coordonnés, et il va chercher d’où vient le son. Si au fil du temps l’enfant ne tourne pas la tête, ne réagit pas à la voix il faut faire pratiquer un bilan auditif chez un médecin ORL. Dans l’audiométrie tonale en conditionnement, le son est délivré par des haut-parleurs, puis par un casque, oreilles séparées. Les réactions du bébé sont variables en fonction de l'âge. De 0 à 2 mois : réactions réflexes : ces réactions sont faciles à mettre en évidence mais s’épuisent rapidement : agitation des bras, écarquillement des yeux, arrêt-reprise de la tétée, arrêt-déclenchement des pleurs... De 2 à 5 mois: les réactions sont plus difficiles à mettre en évidence parce que l’enfant n’a plus de réflexes archaïques et pas encore la possibilité de réagir volontairement. A partir de 6 mois: la stimulation auditive en dehors du regard de l’enfant, va déclencher une réaction d’orientation vers la source sonore, dont on peut apprécier la rapidité, la symétrie droite-gauche, la régularité en fonction de la fréquence utilisée... A partir de 12 mois: placé sur les genoux de sa mère devant une scène qui peut s’animer (petit train, marionnettes), on conditionne l’enfant à déclencher la scène, par son regard, son orientation de la tête, sa pression sur un bouton lorsqu’il entend le son. L'enfant est ainsi «conditionné» à réagir dès que le son est émis. On peut ainsi rechercher l'intensité la plus faible avec laquelle s’obtient une réponse de l'enfant. A partir de 2 ans: on réalise le plus souvent sans difficulté une première audiométrie avec casque : l’enfant déclenche le mouvement du petit train lorsqu’il entend la « musique ». D’autres méthodes, dites objectives, ne font intervenir ni les réactions de l’enfant, ni la subjectivité de l’examinateur. Elles sont utilisées soit comme méthodes de dépistage soit comme méthodes de confirmation diagnostique, quand on suspecte une surdité. La surdité de l'enfant : un problème de santé publique La déficience auditive est le déficit sensoriel le plus fréquent à la naissance. C’est un problème de santé publique en raison des chiffres élevés des surdités et de leur répercussion sur le développement de la communication, sur la scolarité et l’insertion sociale ultérieure de l’enfant. La prise en charge précoce des troubles de l’audition en conditionne le pronostic, qu’il s’agisse de l’acquisition du langage et à plus long terme, de l’intégration sociale. La surdité est de différents types. La surdité d’une seule oreille, même totale n’a pas de conséquence sur le développement de l’enfant. C’est l’atteinte bilatérale qui entraîne des difficultés dans l'acquisition du langage oral. En fonction de la zone atteinte, on classe les surdités en 2 groupes : les surdités de transmission et les surdités de perception. Les surdités de transmission sont liées à une atteinte de l'oreille externe et/ou de l'oreille moyenne…Dans leur grande majorité, ces surdités sont transitoires et accessibles à un traitement curatif (médical ou chirurgical). Entre 12 mois et 5/6 ans, l'enfant développe son immunité par des infections ORL répétées. Il faut environ 40 épisodes infectieux pour atteindre l'immunité mature. Ces infections repérées peuvent s’accompagner d’une baisse de l’audition et nécessitent, parfois, l’ablation des végétations adénoïdes. En cas d’atteinte de l'oreille interne ou des voies qui conduisent le son au cerveau auditif, c'est la perception du message sonore ou la conduction du message électrique qui est altérée. Il n'existe actuellement pas de solution thérapeutique, ni médicale, ni chirurgicale, pour guérir ces atteintes mais des améliorations de l’audition sont possibles. Près de ¾ des surdités de perception sont d'origine génétique, les autres sont liées à des causes extrinsèques pendant la grossesse : rubéole, cytomégalovirus, toxoplasmose, exposition à des médicaments toxiques, ou après la naissance : souffrance du nouveau-né, méningite bactérienne, traitement toxique… Les surdités génétiques sont héréditaires. Actuellement, on connait une centaine de gènes responsables d'une surdité. La surdité et le développement langagier de l'enfant Les conséquences sont d’autant plus difficiles à prendre en charge que le diagnostic est tardif. L’évolution de l’enfant va dépendre également des capacités de son entourage à s’adapter à ses difficultés de communication. Si la surdité est profonde ou sévère le développement du langage oral est impossible sans prise en charge adaptée. Si la surdité est moyenne avec perception de certains sons mais de façon incomplète, il s’en suivra un retard ou un trouble du langage. Une surdité légère peut amener un retard de la parole, des difficultés dans la prononciation et dans les acquisitions scolaires. Les surdités profondes et sévères peuvent causer un retard du développement psychomoteur, des troubles de la communication : altération du contact, retrait, troubles du caractère. Le bébé sourd est souvent calme, il ne se réveille pas quand on entre dans sa chambre, il ne sursaute pas aux bruits forts ou inhabituels. Il ne manifeste sa joie de voir l’adulte que lorsque ce dernier entre dans son champ de vision. Il ne se calme pas à la voix, il n’est pas à l’écoute des voix de sa mère ou de ses proches. Les productions de l’enfant déficient auditif sont pauvres : pas de jasis, peu de babillage. Les productions s’appauvrissent progressivement et peuvent entraîner des troubles dans les interactions adulte-enfant. L’enfant ne respecte pas le tour de parole dans les échanges et il n’a pas tendance à entrer dans le jeu d’imitation des productions sonores de l’adulte. Celui-ci n’adapte plus son langage à un enfant qui n’entre pas dans un dialogue. Progressivement, le regard de l’enfant devient plus difficile à accrocher, le contact interpersonnel est labile, l’enfant est perçu comme différent, étrange... Les parents et l’entourage s’inquiètent de l’évolution comportementale de l’enfant, remarquent les difficultés relationnelles, mais n’évoquent pas toujours la possibilité de difficultés auditives. Sourd, lui ? Dans son acception populaire, «sourd» signifie absence complète de perception acoustique, Pour les parents, les inquiétudes ne sont donc pas fondées: l’enfant a des difficultés, certes, mais qui sont plus souvent perçues comme caractérielles...Et c’est ainsi que le temps passe et que les enfants sont adressés pour un premier bilan de l’audition tardivement, après 2 ans, quand le retard de langage occupe le devant de la scène. Déficient auditif, l’enfant n’a pu assimiler qu’une portion de cet héritage langagier, insuffisante pour lui permettre de construire son langage oral et surtout, pour entrer dans les nuances de la langue, dans l’abstraction, dans le partage (parler de quelque chose à quelqu’un...). L'audition est donc à surveiller à tout âge et en particulier en cas de difficulté développementale. Le bilan auditif et surtout l'accompagnement d'un enfant déficient auditif est possible quel que soit son âge. La prise en charge, la plus précoce possible, doit permettre d’aider les parents à trouver un moyen de communiquer efficacement avec leur enfant, au travers d’un langage qu’ils pourront partager, qu'il soit oral ou gestuel (Langue des signes). Des aides humaines et des outils techniques multiples sont actuellement disponibles (accompagnement orthophonique, instituts spécialisés, appareillage auditif ou implant cochléaire, Langage Parlé Complété,…).