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Commentaire de "Elsa au miroir" de Louis Aragon

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Louis Aragon est un poète, romancier et écrivain français né probablement le 3
octobre 1897 à Paris et mort le 24 décembre 1982 dans la même ville. Après avoir
participé au dadaïsme français, il devint l’un des principaux créateurs du
surréalisme. Sa poésie est inspirée par l’amour qu’il voue à sa femme Elsa Triolet,
elle-même écrivaine importante du début du XXème siècle. Son poème soumis à
notre étude, « Elsa au miroir », issu du recueil La Diane Française, est paru en
1945, pendant la seconde guerre mondiale. A cette époque les poètes issus du
mouvement surréaliste, confrontés aux horreurs de la guerre prirent position et
s’engagèrent politiquement en publiant des textes qui invitait à une action
militante contre le régime de Vichy. Ce poème décrit une scène à priori banale :
une femme se peignant face à un miroir. Mais au-delà d’un éloge amoureux à sa
femme, cette scène porte un message plus profond. Aussi nous nous demanderons
comment, par la description de la femme aimée dans son intimité, le poète arrive
à évoquer les réalités de la guerre et de l’occupation en France ainsi que les
souvenirs douloureux qui y sont liés. Pour se faire, nous verrons d’une part les
qualités de la femme aimée dans son quotidien, et d’autre part leur contribution à
représenter la guerre.
Transition partie 1 à 2
Si au premier abord, le poème représente la muse du poète dans une activité quasi
banale, il établit une médiation entre la sphère privée et le monde politique
extérieur, et évoque par-là implicitement, le contexte de la deuxième guerre
mondiale, prévalant en France à cette époque.
Partie 2 : les représentations de la guerre dans « Elsa au miroir »
1. La Guerre, un thème allusif
Dans le poème, le mot « guerre » et le champ lexical de la guerre n’ont jamais été
directement employés. Le texte du poème semble codé même s’il comporte des
indications temporelles importantes qui induisent l’idée de la guerre. Ainsi, dans
le ver 22 (« comme dans la semaine est assise le jeudi »), l’auteur établit une
analogie entre les jours de la semaine et les années de guerre et réfère
spécifiquement par jeudi à l’année 1942 ou les armées allemandes sont à leurs
apogées. De même, l’expression « les flammes des longs soirs (ver 28)» renvoie
« aux bombardements ». A travers les vers 27 « Et vous savez leurs noms sans
que je les aie dits » et 28 « Et ce que signifient les flammes des longs soirs »,
l’auteur indique clairement que son message est crypté. La réalité de la guerre est
camouflée par le champ lexical du théâtre. En effet, dès le premier vers, Aragon
réfère à « notre tragédie » sachant qu’une tragédie finit forcément mal (par la
mort des acteurs). Ainsi, l’emploi répété de « tragédie » renseigne la perception
de l’auteur par rapport au capital humain perdu au cours des combats. L’utilisation
du pronom « notre » dans « notre tragédie » indique que pour Aragon, la tragédie
en question est commune à tous les français. En outre, le terme « acteurs (ver 25)»
du champ lexical du théâtre est employé ici par le poète en référence aux résistants
français lors de la seconde guerre mondiale. De même, le « miroir » décrit par le
poète tout le long de son texte peut être assimilé à une ouverture scénique avec
Aragon et Elsa comme spectateurs de la représentation.
2. La guerre, cause de souffrance
Si la guerre est un thème implicite dans le poème, la souffrance et l’indignation
qu’elle cause y sont clairement perceptibles. La structure et le rythme employé
par le poète sont indicatifs de son ressenti et de sa souffrance face aux événements
de la seconde guerre mondiale. En effet, le poème est composé de deux parts
séparés par une volta au 4ème quintile. Le premier part composé de 4 quintiles est
très musical avec des strophes longues et berceuses, parcourues par des répétitions
systématiques de vers (1, 2 et 3) et de rimes, traduisant la vision du poète d’un
monde dans lequel la guerre, la déshumanisation, et l’inhumanité sont répétitives
et déprimantes. Après le volta, le poème se poursuit par une série de cinq distiques
caractéristique d’un changement de ton dont la brusquerie renseigne l’émergence
de la souffrance du poète. En outre, de nombreux effets poétiques sont utilisés
pour traduire la souffrance de l’auteur face à la guerre, aux morts, et à l’injustice.
« Elle martyrisait à plaisir sa mémoire » : il s'agit d'une antithèse, presque un
oxymore. Par un geste doux, elle ravive la douleur. Une deuxième antithèse est
créée avec l’amour et la beauté d’Elsa, et la tragédie de l’Occupation. « Les
cheveux d’or (3) » d’Elsa sont une métaphore pour les incendies. L’expression
« Sans y croire ... » montre le désespoir et le défaitisme qui régnait à cette sombre
et terne période. En plus, Aragon référence à l’Occupation quand il répète, « notre
tragédie (1, 5, 8, 17, 21, 25) » et il compare « ce miroir maudit (18) » et « ce
monde maudit (26)». Il emploie plus loin une assonance en « d » avec « je les ai
dits (27) » et « reflet d’incendie (30) », ce qui renforce ces métaphores.
3. La guerre, un souvenir indélébile
Le souvenir est un thème récurrent très présent dans « Elsa au miroir ». Le premier
indice en est la date d’écriture du poème : il a été écrit en 1945 à la fin de la
seconde guerre mondiale, ce qui en fait un souvenir de la situation. En outre, « Je
croyais voir (ver 3) » et « Les coins de ma mémoire (ver 20) » indiquent que le
poète se souvient des événements de la guerre malgré lui : ses souvenirs sont
comme des traumatismes qui lui reviennent en flash lorsqu’il observe sa femme
dans le miroir.
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