Tumeurs noires Service de Dermatologie CHU Ibn Rochd-Casablanca Tumeur noire Carcinomes Basocellulaire Epidermoïde Mélanome Tumeurs cutanées • Cancers humains de l’adulte les plus fréquents au monde. • Motif de consultation quotidien. • Incidence : augmentation constante (allongement de la durée de vie + exposition solaire répétée). • Âge d’apparition : > 40 ans, sauf terrain favorisant (immunodépression, xeroderma pigmentosum , syndrome de Gorlin) Facteurs de risques communs • Age. • Exposition aux UV. • Génodermatoses. • Immunodépression. Carcinome basocellulaire • Age après 50 ans. • Facteurs prédisposant : Exposition solaire, génodermatoses, immunodépression. Diagnostic positif • Sur zones photo-exposées, jamais sur les muqueuses. • Une clé sémiologique quasi-constante, la perle • Lésion perlée : papule rosée arrondie translucide souvent avec télangiectasies • Diamètre variable, du millimètre à plusieurs centimètres. • Associée à d’autres éléments sémiologiques : croûte, sclérose, ulcération, pigmentation, kératose. Variétés cliniques de CBC Nodulaire Superficiel Sclérodermiforme • Toutes ces formes peuvent s’ulcérer au cours de leur évolution. • La pigmentation est possible dans toutes les formes. C. Basocellulaire nodulaire: Le plus fréquent. C. Basocellulaire superficiel • Plaque érythémateuse, pigmentée, croûteuse. • Bordée de petites perles parfois à peine visibles à l’oeil nu et s’étendant progressivement. C. Basocellulaire sclérodermiforme Aspect d’une cicatrice blanchâtre, dure, mal limitée, parfois atrophique. Diagnostic différentiel • Autres tumeurs cutanées +++ (CE, mélanome dans les formes pigmentées). • Autres dermatoses : CBC superficiel • Plaque de psoriasis • Dermatophytose Diagnostic positif Orienté par la dermoscopie. Biopsie cutanée avec étude anatomopathologique. Évolution, pronostic • Risques évolutifs • Récidive • Extension locorégionale. • Métastases exceptionnelles: pas de bilan d’extension à distance. Carcinome épidermoïde (spinocellulaire) • Âge moyen : 74 ans (homme), 77 ans (femme). • Sexe ratio H/F: proche de 2. Carcinome épidermoïde: facteurs de risque • • • • • • • • Toute plaie ou inflammation chronique ++ Peau ou semi-muqueuses Cicatrices post-traumatiques, brûlures, ulcère de jambe ++, lichen scléreux (OGE++), lèpre (MPP) Rayonnement ionisant HPV (16 et 18) Immunodépression: HIV, traitements immunosuppresseurs…. Carcinogènes chimiques: Tabac ++ (lèvre inférieure) Arsénic, goudrons, hydrocarbures, huile de Cade et goudron de Genévrier. Médicamenteux: Azathioprine, ciclosporine, CTC orale prolongée. Intrinsèques: phototype clair, génodermatoses: xeroderma pigmentosum (XP), albinisme , Syndrome de Bloom, syndrome de Muir-Torre, Dyskératose de Zinsser Cole Engma, épidermolyse bulleuse dystrophique , épidermodysplasie verruciforme , syndrome de Bazex, Pachyonychie congénitale, Porokératose, NF1, Ichtyose congénitale, surdité et kératite (KID Sd). PRÉCURSEURS DE CE Lésions bénignes pouvant progresser vers un CE. Biopsie cutanée au moindre doute de transformation Traitement préventif de ces lésions est à instaurer sans délai Nous distinguons : Kératoses Kératoses actiniques Autres variétés de kératoses Lésions précancéreuses des muqueuses et semi-muqueuses KÉRATOSES ACTINIQUES (KA) Zones photoexposées 4 formes cliniques: 1/KA commune: Lésions rugueuses, d’épaisseur variable, plus palpables que visibles, < 1cm , plus ou moins érythémateuses, parfois pigmentées, jaunâtre ou brunâtre adhérente. On distingue les KA isolées et les KA multiples, confluant parfois en nappes (cuir chevelu alopécique). Sont souvent associées à d’autres signes d’héliodermie (rides, lentigos actiniques...). KÉRATOSES ACTINIQUES (KA) 2/Corne cutanée: hyperkératose très marquée, de taille et de coloration variables, formant une protubérance plus épaisse et plus haute que large 3/KA pigmentée et extensive: variante marquée par une tendance à l’extension en surface, jusqu’à plusieurs centimètres de diamètre, surface très discrètement en relief par rapport à la peau voisine. Le caractère rugueux des kératoses actiniques communes absent. Diagnostic différentiel = kératose séborrhéique, lentigo actinique et surtout mélanose de Dubreuilh KÉRATOSES ACTINIQUES (KA) 4/KA lichénoïde solitaire: papule souvent unique, rouge/brune, lichénoïde, à surface +/rugueuse, sur la moitié haute du thorax (décolleté++) Le diagnostic différentiel = CEC ++, doit être suspectée devant toute infiltration, bourgeonnement, exulcération ou apparition d’une sensibilité. Évolution : régression, stabilisation, progression vers un CE (10% sur 10 ans) Traitement: la destruction préventive de toutes les kératoses actiniques est souhaitable (cryothérapie, électrocoagulation, laser, 5FU..) Exérèse chirurgicale + étude anapath si suspicion de transformation Surveillance : 1 fois/an Prévention : photoprotection Lésions précancéreuses des muqueuses et semimuqueuses Muqueuse buccale •Muqueuse ano-génitale •Muqueuse conjonctivale • MUQUEUSE BUCCALE Chéilite actinique chronique: Sujets de phototypes clairs ayant été exposés aux UV de façon chronique Hommes++, lèvre inférieure++ Zones sèches et squameuses de couleur variable des lèvres Leucoplasie: Peut affecter toutes les localisations de la cavité orale Lésion blanche, ne s’efface pas au frottement Peut s’associer à des lésions érythroplasiques=erythroleucoplasie Se développe soit: Érythroplasie : Sur irritation chronique : tabac « leucoplaise en pastille », UV, tic de mordillement, défaut d’occlusion dentaire Sur pathologie: lichen plan érosif, candidose rebelle congénitale Plaque érythémateuse brillante, fixe, à limite nette, unique ou multifocale Lichen plan buccal Fibrose orale sous-muqueuse Stomatite érosive non spécifique fibroseCE MUQUEUSE ANO-GÉNITALE Les néoplasies intraépithéliales du pénis (PIN), de la vulve (VIN) ou anales (AIN) sont définies par la présence d’atypies cytologiques et architecturales au sein de l’épithélium. Différents aspects cliniques: Femme : localisation grande lèvre = classique Homme : le gland ++ Prurit : maître symptôme Plaque unique le plus souvent, ou multifocale, rouge, brune, blanche ou grise,+/-infiltrée ou érosive, parfois verruqueuse ou suintante Classification de l’ISSVD (2005) = deux types étiologiques de VIN : VIN de type commun, « indifférenciées », anciennes VIN de haut grade (2 et 3) , associées à une infection à HPV (papulose bowénoïde et la maladie de Bowen) VIN sur lichen scléreux, dites « différenciées » ou VIN simplex MUQUEUSE ANO-GÉNITALE Papulose bowenoïde: Femme jeune++ Maculopapules, polymorphes et multifocales, pigmentés parfois regroupés en plaques en région ano-génitale HPV 16, 18,31 et 39 = rôle étiologique Association fréquente à la néoplasie cervicale intraépithéliale (CIN) : immunodéprimé ++ Erythroplasie de Queyrat : Sujets>50 ans, post-ménopause, hommes non-circonscis HPV 16-18 Tâche rouge luisante siègeant : Grande lèvre Gland ou prépuce MUQUEUSE ANO-GÉNITALE Lichen scléreux : Risque de transformation de 5% Sclérose blanc nacré entraînant une disparition progressive des reliefs mucocutanés (symphyse des petites et grandes lèvres, ou balanopréputiale) et de sténoses orificielles avec encapuchonnement du clitoris ou phimosis. Siège : grandes et petites lèvres ( périnée ou à l’anus) balanopréputiale MUQUEUSE CONJONCTIVALE CONJONCTIVITE ACTINIQUE: Appelée aussi « ophtalmie des neiges », conjonctivite dûe à une exposition importante aux UV Carcinome intra-épithélial, ou carcinome in situ (maladie de Bowen) Forme non invasive de CE Pas de franchissement de la membrane basale Métastase impossible Lésion souvent unique, en zone photo-exposée Plaque érythémateuse ± pigmentée, squamocroûteuse, bien limitée, bordure parfois festonnée • Confirmation: Biopsie + examen anatomopathologique • Traitement • Chirurgie • Cryochirurgie • 5-fluoro-uracile topique • photothérapie dynamique (PDT)) • Signes évoquant transformation en carcinome épidermoide invasif: • Aspect « fissuraire/érodé » superficiel • Infiltration ± ulcération franche Carcinome épidermoïde primitif cutané invasif Surtout après 60 ans Homme > femme 3 clés sémiologiques ± associées entre elles Infiltration Bourgeon Ulcération • Lésion croûteuse, jaunâtre, indurée avec ulcération centrale • Lésion végétante ou bourgeonnante ou l’association des deux. Examen clinique 1. Contrôle de la mobilité par rapport au plan profond , diamètre 2. Recherche d’autres carcinomes et/ou mélanome sur l’ensemble de la peau 3. recherche d’une adénopathie dans le territoire de drainage. Diagnostic différentiel • Tous les autres cancers cutanés • Kératoses actiniques • Anatomopathologie: confirmation + caractérisation histopronostique • Bilan d’extension • Echographie ganglionnaire , scanner thoracoabdominal. Évolution, pronostic • Infiltration neurotrope • Dissémination par emboles vasculaires • Risque de récidive : estimé globalement à 7 % après diagnostic d’un CE • Evolution métastatique (régionale ou systémique) • Lymphophile : premiers relais ganglionnaires (2 %des formes cutanées et 20 % des formes muqueuses) • Hématogène : poumons ++, foie, cerveau, etc. • Plus fréquent pour les CE muqueux. Traitement des carcinomes cutanés Formes localisées de CBC et CE • Chirurgie de la tumeur primitive • marges d’exérèse standardisées de 5 mm à 10 mm en fonction du type de tumeur • plus élevées pour le CE que pour le CBC selon les critères de pronostic • Après: suture ou greffe • Malades inopérables ou localisations délabrantes: • radiothérapie (électronthérapie ou curiethérapie) pourles CBC et les CE • cryochirurgie (cryode de contact sous contrôle impédancemètrique. • Tumeurs superficielles : • Photothérapie dynamique • Topiques : imiquimod pour les CBC superficiels ou CE in situ uniquement. • Exerèse. • Chimiothérapie de « réduction tumorale » : CE de grande taille (réduction de la masse tumorale avant intervention avant intervention) ou CE inopérables. Sels de platine ++ et inhibiteurs de l’EGF-récepteur • Thérapie ciblée inhibitrice de la voie Hedgehog : forme avancées de CBC non éligibles à une chirurgie et/ou une radiothérapie : vismodegib et sonidegib CE métastatiques : traitement discuté en RCP Suivi des patients, prévention secondaire • Après traitement • Surveillance médicale régulière (1 fois par an à vie) • Dépistage : • Récidive locale • Nouveau CBC ou nouveau CE • Mélanome • Information des patients et éducation à l’autosurveillance/autodépistage. Prévention primaire • Photoprotection. • Traitement des lésions précancéreuses (kératoses actiniques, lésions virales HPV-induites. . .) Mélanome Tumeurs malignes développées aux dépens des mélanocytes Le plus malin des cancers Rôle de l’environnement : Exposition solaire Prédisposition familiale : facteurs génétiques Diagnostic positif La suspicion de mélanome est clinique • Règle du « vilain petit canard » • Règle « ABCDE »: Suspicion de mélanome si ≥ 2 critères parmi • Une lésion signalée comme suspecte par le patient doit être contrôlée avec soin par le médecin Dermoscopie • Microscopie de surface par épiluminescence • Augmente la sensibilité et la spécificité de l’examen clinique • Opérateurs formés La confirmation est anatomopathologique • Lésion suspecte de mélanome : exérèse à visée diagnostique. • Urgence diagnostique • Exérèse complète (emportant la tumeur dans son entier, jusqu’à l’hypoderme) • Pas de biopsie partielle • L’examen histologique permet : affirmer la nature mélanocytaire affirmer la malignité recueillir les paramètres histo-pronostiques fondamentaux : indice de Breslow, ulcération, index mitotique préciser le caractère complet ou non de l’exérèse Diagnostic différentiel • Tumeurs mélanocytaires bénignes : nævus • kératoses séborrhéiques • carcinomes basocellulaires « pigmentés » • histiocytofibromes pigmentés • angiomes thrombosés • Toujours privilégier l’hypothèse du mélanome dans la démarche diagnostique Au moindre doute l’exérèse (dans certains cas une biopsie) doit être faite Risques évolutifs • Mélanome in situ (intra-épidermique) : guérison cons-tante après exérèse et marge élargie chirurgicales • Mélanome invasif : • récidive locale • métastases cutanées ou sous-cutanées « en transit »entre la tumeur et le premier relais ganglionnaire • métastases ganglionnaires régionales • métastases viscérales Traitement • Exérèse chirurgicale • Bilan d’extension selon le stade histologique • Dans des structures spécialisées en RCP Conclusion • Cancers humains de l’adulte les plus fréquents au monde • Motif de consultation quotidien • Pronostic variable selon le type • Facteur de risque principal: exposition solaire • Prévention et diagnostic précoce ++++