C L E S Les fractures de l’extrémité inférieure de l’humérus : définition, classification et traitement Coude Victor Katz* M O T S Fracture Raideur L Le bon déroulement de la rééducation conditionne grandement le résultat fonctionnel dans ces fractures. Outre la qualité de la réduction, c’est la rigidité du montage qui va permettre au kinésithérapeute de prendre en charge les patients dans les meilleures conditions. ▲ Fig. 1 : vue de face. 12- Trochlée 13- Condyle 15- Fossette coronoïdienne 17- Epicondyle médial 18- Epicondyle latéral 12- Coronoïde 14- Tête radiale Ces fractures qui sont le plus souvent articulaires peuvent présenter des aspects très différents et parfois s’étendre à la région diaphysaire. Plusieurs éléments rendent leur traitement difficile : la nécessité d’une réduction anatomique, la proximité des éléments vasculonerveux et comme toute lésion du coude, la nécessité d’une rééducation précoce afin d’éviter les raideurs fréquentes. ➢ ● Anatomie Forme de la palette En forme de fourche, elle est composée de deux piliers (interne et externe). Cette fourche tient la partie articulaire du coude par son axe de flexion-extension. Entre les deux piliers se trouvent deux évidements : la fossette olécraniennne en arrière et la fossette coronoïdienne en avant. L’ensemble de la palette est déjeté en avant et forme un angle de 45° avec la diaphyse. Forme de la partie articulaire La surface articulaire est composée de deux parties : 12 ➢ ES fractures de l’extrémité inférieure de l’humérus, encore appelées fractures de la palette humérale, concernent la zone située entre le muscle brachial antérieur et l’interligne du coude. ▲ Fig. 2 : vue de profil. Palette déjetée en avant de 45°, favorisant la flexion. – la trochlée interne s’articule avec l’ulna. Elle a une forme de poulie avec une gorge oblique et deux joues ; – le condyle (capitellum) est externe et s’articule avec la tête radiale. Il a une forme sphérique et est recouvert de cartilage uniquement en avant et en bas. ● Epidémiologie De part et d’autre se trouvent les épicondyles (latéral et médial, en arrière desquels passe le nerf ulnaire). * Médecin. Centre de chirurgie orthopédique et traumatologique, CHU Bichat-Claude Bernard, Paris. Sur ces deux zones sont insérés la plupart des muscles de l’avantbras. KS n° 415 Octobre 2001 Il existe deux pics de fréquence. Le premier, entre 20 et 30 ans, concerne souvent des hommes avec un traumatisme violent, des fractures étagées et des lésions associées. Texte issu des XVIIe Journées de rééducation du membre supérieur et de la main : “Pathologies traumatiques et non traumatiques du coude. Sujets d’actualité : controverses”, 18 et 19 janvier 2002. Les fractures de l’extrémité inférieure de l’humérus : définition, classification et traitement Technique Pratique L’autre, entre 60 et 80 ans, concerne souvent des femmes ostéoporotiques. La durée de l’immobilisation est de 6 semaines. Traitement chirurgical+++ ● Classification REDUCTION (SOFCOT, 1979) ■ Fractures extra-articulaires FRACTURES A SUPRACONDYLIENNES B (A) PARCELLAIRES (B) C D Ce sont les plus fréquentes (25 à 55 %). Elles associent un trait supracondylien à un trait intercondylien qui détache souvent la joue externe de la trochlée. E ■ Fractures parcellaires articulaires (D) Le trait est plutôt sagittal. La fracture du condyle externe (3 à 10 % des fractures) emporte l’épicondyle latéral, le condyle externe et la joue externe de la trochlée. La fracture du condyle interne est plus rare (1 à 5 %) et concerne surtout l’adolescent. FRACTURES ARTICULAIRES PURES C’est la voie royale qui permet d’aborder toutes les fractures articulaires. Elle permet de synthéser les deux piliers. L’abord de l’humérus peut se faire de différentes façons, soit en relevant le triceps par olécranotomie, soit en passant au milieu en gardant une continuité périostée, soit en le coupant en “V” inversé, soit enfin en passant de part et d’autre. Les nerfs radial et ulnaire sont au préalable repérés. Fractures sus et intercondyliennes (C) UNICONDYLIENNES ✓ Voie latérale ✓ Voie postérieure Elles sont rares chez l’adulte. Le trait sépare l’épicondyle médial ou latéral. Le déplacement est conditionné par les muscles qui s’y insèrent. FRACTURES Voie d’abord Elle peut être interne ou externe. Elle permet de synthéser les fractures sagittales unicondyliennes ou les fractures supracondyliennes. La voie externe est la plus utilisée. Elles représentent 15 à 20 % des fractures. Le trait peut être transversal, oblique, comminutif, remonter sur la diaphyse. FRACTURES ET OSTEOSYNTHESE (E) Le trait est plutôt frontal et sépare vers l’avant une partie cartilagineuse. Elles sont rares (moins de 2 %). Suivant la taille du fragment, on distingue trois types : – la fracture du capitellum (partie condylienne externe) ; – la fracture de Hahn-Steinthal (partie antérieure du condyle et de la joue externe de la trochlée) ; – la fracture diacondylienne de Kocher (toute la partie articulaire). ● Lésions associées+++ Autres atteintes ostéo-articulaires Les lésions étagées du même membre représentent 2 à 15 % des cas et sont de mauvais pronostics car elles alourdissent la rééducation. Une luxation du coude est parfois retrouvée, souvent avec une fracture unicondylienne. A part, pour sa grande fréquence (8 %), l’association d’une fracture du capitellum et de la tête radiale, par un mécanisme de percussion indirecte lors d’une chute sur la main en pronation. Complications cutanées Une ouverture cutanée est retrouvée dans 25 à 33 % des cas, surtout dans les fractures diaphysoépiphysaires. KS n° 415 Octobre 2001 Lésions nerveuses Elles existent dans 2 à 7 % des cas selon les séries. C’est le nerf radial qui est le plus souvent concerné puis le nerf ulnaire. L’atteinte du nerf médian est exceptionnelle. Ces lésions sont dans leur très grande majorité bénignes et régressent spontanément. ● Traitement Le traitement actuel est essentiellement chirurgical car il permet une réduction anatomique et permet une rééducation précoce. La consolidation se fait en 45 jours. Ostéosynthèse Le vissage seul, en triangulation, peut-être utilisé mais il doit être évité dans les fractures hautes, pour son manque de rigidité. Les plaques postérieures sont peu utilisées car elles ne s’opposent pas aux forces de flexion/extension et sont responsables d’adhérences au triceps. La plaque externe prémoulée (plaque de Lecestre) est la solution de choix car, rigide, elle s’adapte parfaitement à l’anatomie. Dans certaines fractures comminutives, la meilleure solution est l’association d’une plaque externe et d’une plaque interne. Les fragments articulaires sont fixés par des vis de petit calibre, parfois enfouies dans le cartilage. Traitement orthopédique Il est indiqué dans les fractures extra-articulaires non déplacées. L’immobilisation se fait dans une résine brachio-antébrachio-palmaire, coude à 90° de flexion et main en prono-supination neutre. ■ Suites La priorité pour ces fractures est une rééducation précoce, débutée dès le premier jour, éventuellement sous couvert d’une analgésie plexique postopératoire. 13 Les fractures de l’extrémité inférieure de l’humérus : définition, classification et traitement La rééducation doit être douce en évitant la mobilisation passive forcée, et favoriser le travail actif aidé et postural. Une attelle BABP est associée pendant 45 jours. semble diminuer le taux d’ossifications qui est de l’ordre de 20 %. Le protocole le plus efficace est l’Indocid (25 mg x 3/jour pendant 21 jours). Complications nerveuses SOLUTIONS ■ DE SAUVETAGE Rééducation immédiate Parfois utilisée dans les fractures articulaires très basses et comminutives du sujet âgé. Le remodelage des extrémités se fait par le mouvement. ■ Arthroplasties Ce traitement peut être en concurrence avec le précédent, mais n’est pas encore de pratique courante. ■ Arthrodèse Surtout utilisée en cas d’échec ou de complications d’autres techniques. ● Complications Raideur+++ C’est la complication la plus fréquente et les fractures de la palette représentent la principale cause de raideur (21 à 45 % selon les séries). Certains éléments sont des facteurs péjoratifs : caractère articulaire de la fracture, fracture ouverte, luxation associée, lésions étagées, apparition d’une complication postopératoire. C’est souvent en raison d’une immobilisation plus longue que les facteurs précédents augmentent le risque. Les causes de raideur sont multiples : – cal vicieux ; – dégâts articulaires ; – comblement des fossettes olécraniennes et coronoïdiennes ; – rétractions des parties molles périarticulaires ; – adhérences du triceps ; – ossifications périarticulaires. Leur fréquence est diversement appréciée (16 % à la table ronde de la SOFCOT). BIBLIOGRAPHIE 1. KAPANDJI I.-A. Physiologie articulaire : membre supérieur. Paris : Maloine, 1994 : 8695. 2. LECESTRE P., AUBANIAL J.-M., CLAISSE P. Table ronde sur les fractures de l’extrémité inférieure de l’humérus chez l’adulte. Rev. Chir. Orthop. 1980;66(Suppl. II):21-50. 3. MARCIREAU D., OBERLIN C. Fractures de la palette humérale de l’adulte. Encycl. Méd. Chir. (Paris), Appareil Locomoteur, 14-041-A-10, 1995, 8p. C’est l’atteinte du nerf ulnaire qui est la plus fréquente et la plus grave. Le nerf doit être repéré et protégé et en cas de conflit potentiel avec le matériel, il ne faut pas hésiter à le transposer en avant. En cas d’atteinte, il persiste un déficit dans près de 50 % des cas. L’atteinte du nerf radial est beaucoup moins fréquente et récupère presque toujours. Elle est le fait surtout des fractures diaphysoépiphysaires. Autres – L’infection : complication rare (5 %) mais grave, elle est plus fréquente en cas d’ouverture cutanée, d’intervention retardée, de chirurgie longue et de matériel massif ; – la pseudarthrose : elle est souvent due à une forte comminution ou à un montage insuffisant ; – les cals vicieux. ● Conclusion Le bon déroulement de la rééducation conditionne grandement le résultat fonctionnel dans ces fractures. Outre la qualité de la réduction c’est la rigidité du montage qui va permettre au kinésithérapeute de prendre en charge les patients dans les meilleures conditions.■ Indexation Internet : Coude – Fracture – Raideur La meilleure prévention est la rééducation précoce et la lutte contre les ossifications. La prise de certains anti-inflammatoires 14 KS n° 415 Octobre 2001