Jean HAXAIRE STAGE RISQUES ET EDD Lot & Garonne Mardi 25 mars 2014 Lycée JB de Baudre d’Agen Professeur de Biologie Attaché MNHN Paris Co-chair BOLD Program Les risques liés aux espèces « invasives » Une espèce envahissante, espèce envahissante exogène ou espèce exotique envahissante (l'anglicisme «espèce invasive» est parfois utilisé) est une espèce vivante exotique qui devient un agent de perturbation nuisant à la biodiversité autochtone des écosystèmes naturels ou semi-naturels parmi lesquels elle s’est établie. Différence Ne pas confondre Espèce introduite : en écologie, c’est une espèce qui a été changée de place entre deux grandes ères géographiques par l’activité humaine et à l’échelle historique. →Espèce invasive L'écureuil gris (Sciurus carolinensis) Au début du XXe siècle, il a été introduit en Afrique du Sud et en Angleterre, et est devenu invasif depuis dans cette île, aboutissant à une réduction drastique des populations de l’écureuil roux L'écureuil gris n'attaque pas les arbres dépérissant comme le font d'autres animaux (dont le pic), mais il semble curieusement rechercher les arbres les plus vigoureux, dont il mange le phloème et lèche la sève après les avoir écorcés. L'écureuil gris a apporté un virus relativement bénin pour lui, mais fatal pour son cousin. Il détruit aussi l'habitat des écureuils roux. En 2009, on comptait 2,5 millions d'écureuils gris en Angleterre pour 160 000 roux. Il sera en France vers 2030 via l’Italie. →prudence toutefois. L’écureuil roux est en déclin avec ou sans son cousin gris Sciurus vulgarisSOLUTION ??? Un restaurateur anglais propose en 2008 des brochettes d'écureuil gris au menu dans le but de sauver l'écureuil roux local ☺ →Espèce introduite Le Sphinx livournien (Hyles livornica) il a été introduit en Guyane Française, probablement dans les années 1960. Il s’y est parfaitement acclimaté. Son origine est principalement l’Afrique du nord. Son impact écologique semble nul (comme la médiatisation de sa présence) HAXAIRE J.,1993.- Systématique et répartition des espèces du groupe d'Hyles lineata (Fabricius) (Lepidoptera Sphingidae). Lambillionea XCIII (2): 156-166. L’homme, maître d’œuvre des invasions Quelques exemples célèbres Un cas d’école: L’écrevisse de Lousiane (Procambarus clarkii) Procambarus clarkii est considérée comme l’espèce écologiquement la plus plastique des décapodes. Espèce à stratégie de reproduction « r » 2 stratégies de reproduction • la stratégie r, basée sur la production d'un grand nombre de jeunes, le plus tôt possible, avec une mortalité très élevée. C'est une adaptation aux milieux instables et imprévisibles, souvent dégradés • la stratégie K, basée sur une durée de vie très longue, et une reproduction rare et plus tardive. C’est une adaptation aux milieux stables, peu anthropisés. • Les espèces à stratégie r sont généralement les premières d'une succession écologique. Elles sont ensuite supplantées par les espèces à stratégie K. • Il existe des mécanismes permettant la pérennisation de biotopes dominés par les espèces à stratégie r, ce sont les blocages • Ces blocages sont le plus souvent liés à l’intervention humaine. Dans le cas de l’écrevisse de Lousiane (Procambarus clarkii) • P. clarkii s’enterrant dans le sol en cas de sécheresse, gel, faibles concentrations en oxygène, fortes teneurs en matière organiques, elle peut résister à des conditions extrêmes. • P. clarkii est capable de tolérer des périodes sèches de plus de quatre mois1 et des eaux stagnantes moins claires ou ayant une plus forte salinité que les espèces européennes. • Elle remplace Astacus astacus (Ecrevisse à pattes rouges) sur tout le territoire, en lui transmettant un champignon mortel, en dégradant son milieu de vie, en consommant ses larves et ses aliments… Cette écrevisse est à stratégie K donc plus compétitive en milieu stable (mature) Exemple de blocage….. Autres types de blocage…. La question est donc: L’expansion d’une espèce invasive est elle la cause ou la conséquence de la perturbation d’un écosystème? Autres exemples La grenouille taureau Lithobates catesbeianus, originaire de Floride, a été introduite en France par le propriétaire d'un château, l’aviateur Armand Lotti pour agrémenter l'étang de son parc. Lors d'un hiver rigoureux, des individus se sont échappés dans la nature. Le Séneçon du Cap Senecio inaequidens est originaire des hauts plateaux d’Afrique du Sud. Il aurait été introduit entre 1934 et 1936, par l'intermédiaire de graines accrochées à des toisons de moutons venues d'Afrique du Sud, importées par les usines de Calais et Mazamet. Cacyreus marshalli, le brun du Pelargonium Recommandation DRAAF* Midi Pyrénées. • 3- Stratégie de lutte Dès la détection de C. marshalli, couper et brûler ou congeler les inflorescences. La lutte chimique se fait sur les larves dès leur naissance. Pulvériser un produit homologué avant qu’elles ne pénètrent dans la plante. 4- Réglementation Organisme réglementé pour l’importation au sein de l’Annexe IV - I et pour le Passeport Phytosanitaire Européen (P.P.E.) au sein de l’annexe IV - II de la Directive Européenne 2000/29/CE modifiée retranscrite dans l’arrêté national du 22 novembre 2002. Organisme nuisible de lutte obligatoire listé dans l’arrêté national du 31 juillet 2000. Pépiniéristes, revendeurs : pour savoir si vos productions ou les produits que vous revendez sont concernés en fonction de leur destination (zone protégée, production destinée aux amateurs ou aux professionnels, etc.), consultez le résumé de la réglementation. En pépinière et chez les revendeurs, les plants présentant des symptômes doivent être signalés (contacter la DRAF-SRPV de votre région). Pour connaître les produits homologués sur cet organisme, consulter e-phy…. * La Direction Régionale de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt POINTS COMMUNS A TOUS CES CAS Reproduction de l’espèce invasive Stratégie r. Espèces à vie courte, à reproduction rapide et à très fort taux de reproduction. Régime alimentaire de l’espèce invasive Ultra généraliste, ou aliments présents partout sur le territoire Ecosystèmes touchés Dégradés, très fortement anthropisés, et/ou peu compétitifs (îles en particulier) * Espèces touchées/menacées par l’invasion Espèces à stratégie K, donc très spécialisées, à vie longue, à reproduction tardive et à descendance peu abondante. Espèces compétitives en milieu stable. Indice de spécialisation de l’invasive souvent inférieur à 0,5 ** * Le renard arctique, (Alopex lagopus) "fléau" des îles Aléoutiennes Les trappeurs, vers la fin du XIXe siècle, ont introduit le petit mammifère sur plus de 400 îles de l'archipel. Dans cet environnement, le carnivore a profité de proies abondantes et "naïves" - les nombreux oiseaux de mer - pour prospérer plus que de raison Guano: on est passé de 400 g environ à 10 g environ par mètre carré. Prairie Toundr a ** Indice de spécialisation ou SSI = Species Specialization Index • C’est le nombre d’habitats réellement occupés par une espèce en fonction du nombre total d’habitats. • Estimé par la fonction (H/h-1) ½ H= nombre total d’habitats. h=nombre d’habitats occupé. Pigeon ramier: SSI=0,19 2,26 Perdrix grise: SSI = 1er Bilan • Ce qui caractérise l’espèce invasive, ça n’est pas son origine exotique, mais ses caractéristiques écologiques. Ce sont des espèces généralistes, peu exigeantes en terme d’habitat. Un exemple hautement médiatisé ©J. Haxaire Vespa velutina Un nouvel envahisseur prédateur d’abeilles ? Vespa velutina en France ©J. Haxaire Frelon asiatique (Vespa velutina Lepeletier) ©A. Rortais Frelon oriental (Vespa orientalis L.) ©J. Haxaire Frelon d’Europe (Vespa crabro L.) Vespa velutina en France -1er Novembre 2005 : Nérac (47) -- Novembre 2005 : Tombeboeuf (47) -- 8 mai 2006 : Réserve de la Mazière (47) Vespa velutina nigrithorax Haxaire J., Bouguet J.-P. & Tamisier J.-Ph. (2006). Vespa velutina Lepeletier, 1836, une redoutable nouveauté pour la faune de France Bull. Soc. Entomol. Fr. 111 (2) : 194. Vespa velutina en France V. crabro Introduit volontairement aux USA au 19e pour lutter contre les défoliateurs des forêts V. velutina V. Velutina var. nigrithorax V. orientalis Introduit involontairement à Madagascar au 20e et à Mexico au 21e siècles Avant 2004? 23 Vespa spp. en Asie 2004 Les proies Proies ramenées au nid entre le 6 et le 27 juillet 2007 Apis mellifera Hallictinae sp. Apidae sp. Brachycera sp Muscidae sp. Calliphoridae sp. Insecta sp. Vertebrate sp. Apis mellifera Hallictinae sp. Apidae sp. Brachycera sp Muscidae sp. Calliphoridae sp. Insecta sp. Vertebrate sp. Soit… 85 % d’abeilles D’après Villemant & al. 2011 Vespa velutina en France Sa piqûre n’est pas plus dangereuse que celle des autres Vespidae Vespa crabro Vespa velutina Son aiguillon n’est pas plus long que celui du frelon d’Europe ORIGINE DE LA SOUCHE FRANÇAISE ? Lutter mais... préserver la biodiversité Groupes zoologiques collectés La situation au Cap Ferret Vespa velutina en France • Vespa velutina fait désormais partie de la faune de France • Impossible à éradiquer Mais • Limiter sa progression • Protéger les ruchers ©J. Haxaire • Sans causer plus de dégâts que le frelon lui-même • Pas de risque majeur pour la santé humaine Le plus important: Agir (?) sans porter atteinte à la biodiversité BILAN Dans la plupart des cas, une espèce introduite ne cesse son expansion que quand elle a atteint la totalité des biotopes et de l’aire géographique accessibles Cinétique de l’expansion d’une espèce introduite : arrivée, naturalisation, phases d’expansion et de persistance. Au cours de ces deux dernières phases, l’abondance de l’espèce fluctue naturellement. Ces fluctuations naturelles (ovales) sont souvent interprétées comme un déclin définitif de l’espèce. D’après Boudouresque (1999a) -La transformation massive des habitats depuis quelques décennies à fragilisé et fait disparaitre nombre d’espèces spécialistes. -Cela à ouvert le terrain aux espèces généralistes, peu exigeantes. -Qu’elles soient exotiques ou non ne change rien à la donne. -Il a été calculé que d’ici 2050, 30 45% des oiseaux pourraient bien avoir disparu de nos campagnes, remplacés par des espèces qui acceptent les biotopes saturés d’engrais et de pesticides, et au climat lourdement modifié. -Ça n’est pas en éliminant l’ibis sacré, la grenouille taureau, le buddleia ou en luttant vainement contre la progression inéluctable du frelon asiatique que nous restaurerons la diversité de nos paysages ni des espèces qu’ils hébergent. Il est désormais difficile de soutenir que l’expansion d’une minorité d’espèces exotiques puisse être à l’origine du bouleversement généralisé des écosystèmes et de la raréfaction des espèces spécialistes, en France et ailleurs Anne Teyssèdres & Robert Barbault Pour la Science n°376, février 2009 FIN QUESTIONS ?