- article du 13 avril 2020 En Amazonie, la grande peur des peuples indigènes face au coronavirus Livrées à elles-mêmes dans une région sous-équipée, les communautés tentent de se protéger de la maladie qui se propage. Des membres de la tribu Pataxo, à l’entrée de leur village de Nao Xoha, le 25 mars dans l’Etat brésilien du Minas Gerais. L e scénario d’une crise profonde prend chaque jour un peu plus forme au sein des communautés indigènes d’Amazonie. Répartis sur 7 millions de kilomètres carrés, douze fois la taille de la France, à cheval sur neuf pays, les Indiens du bassin amazonien recensent, depuis un peu plus d’une semaine, les premières contaminations au coronavirus. D’une région à l’autre, les cas se multiplient et pourraient prendre des proportions alarmantes si les orientations des autorités locales pour aider les peuples autochtones à faire face à l’épidémie de Covid-19 demeurent à ce point inexistantes, ou presque. Au Brésil, au moins trois Indiens d’Amazonie sont déjà décédés des suites de la maladie, selon l’Institut socioenvironnemental (ISA) − une ONG spécialisée dans les droits des peuples −, qui conteste les chiffres divulgués par le ministère de la santé (celui-ci ne reconnaissait, vendredi 10 avril, que 6 cas confirmés, 24 suspects et un seul décès). En Equateur, les Indiens sont d’autant plus inquiets que, dans ce petit pays de 15 millions d’habitants, le nombre de malades est monté ces derniers jours à 7 161, celui des morts à 297. La ville de Guayaquil, submergée par la pandémie, n’est qu’à sept heures de route de la jungle, un peu plus de 200 km à vol d’oiseau. Au Pérou, un seul cas a été à ce jour recensé, celui d’un leader indigène, Aurelio Chino, contaminé lors d’un séjour en Europe où il effectuait une tournée pour dénoncer les ravages de l’industrie pétrolière. Il a été en contact avec plusieurs personnes avant d’être confiné. MANQUE DE DÉCISIONS Partout, la peur gagne les aldeias (« villages ») indiens où le confinement à l’intérieur des communautés est, par nature, difficile. La vie collective dans la maloca, la « maison commune », rend toute quarantaine individuelle quasi impossible. Une situation d’autant plus périlleuse que les populations indigènes souffrent déjà de multiples comorbidités, qu’elles sont plus exposées aux virus et ont moins accès aux soins. « On le sait, affirme Sydney Possuelo, célèbre sertaniste (spécialiste du Sertao, région du nord-est du pays) brésilien et ancien président de la Fondation nationale de l’Indien (Funai), cette nouvelle maladie hautement contagieuse et virulente représente un danger particulier pour ces populations immunologiquement vulnérables. De tout temps, les virus transmis par les Blancs aux peuples autochtones ont eu un effet beaucoup plus dangereux en raison de la faiblesse de leurs anticorps. » De 90 à 95 % des 10 à 12 millions d’Indiens présents au moment Un contrôle sanitaire dans la tribu Ticuna, le 2 avril à Lago Grande (Brésil). de l’invasion européenne ont été exterminés par les maladies importées par les colonisateurs. Pour l’heure, les communautés tentent de s’adapter. Dans la plupart des pays, les caciques (les chefs de villages) et dirigeants locaux ont imposé l’ « auto-isolement ». Un réflexe qui fait partie d’une stratégie adoptée depuis des siècles pour se prémunir des violences extérieures. (…) La ville de Sao Gabriel da Cachoeira, sur les rives du rio Negro, plus grande « ville indigène » du pays avec 22 ethnies différentes, s’est mise « sous cloche » : tous les transports fluviaux et aériens en direction ou en provenance de la ville ont été interrompus. Des tracts mettant en garde contre la dangerosité du virus ont été traduits en quatre langues indigènes (…) et distribués dans les postes de santé. (…) En Equateur, le porte-parole de la Confédération des nationalités indigènes de l’Amazonie équatorienne (Confeniae), Andres Tapia, s’inquiète, lui aussi, du manque de décisions de la part des autorités nationales : « L’attention des pouvoirs publics se concentre évidemment sur les agglomérations. Aucune politique, aucun protocole n’ont encore été définis pour protéger les communautés indiennes de la forêt. » Celles-ci regroupent plus de 300 000 individus. Quelque 70 cas de Covid-19 ont déjà été diagnostiqués en Amazonie équatorienne. « Certaines communautés ont fait le choix de se retirer dans leurs réserves ou leurs tambos, leurs refuges ou relais saisonniers. D’autres ont du mal à comprendre ce qu’il se passe », ajoute le responsable. « VULNÉRABILITÉ MAXIMALE » De l’autre côté de la frontière, en Colombie, le docteur Pablo Montoya, spécialiste en santé publique, craint que « le besoin urgent en équipements hospitaliers de pointe dans les agglomérations ne réduise encore les ressources qui sont allouées à la région amazonienne ». Aucun cas de Covid-19 n’a encore été enregistré en Amazonie colombienne. « Mais dans la jungle immense, les frontières n’existent pas […] Les Indiens sont les plus menacés par la pandémie, et la région amazonienne est la plus mal équipée du pays pour y faire face », souligne Wilmar Bahamon, agroécologue qui travaille en Amazonie colombienne depuis des années. Les communautés indiennes utilisent pour se déplacer les innombrables cours d’eau de la jungle, et « se réunissent à cette époque de l’année, qui est une période de fêtes », explique Daniel Aristizabal, de l’organisation écologiste Amazon Conservation Team (ACT). Comment parler de quarantaine aux peuples de la forêt ? Comment leur expliquer qu’ils devraient porter des masques ? Et éviter de dormir dans la case commune ? « L’information est encore très insuffisante et elle doit être faite dans les termes que les Indiens comprennent », insiste le docteur Montoya. L’organisation ACT a lancé une campagne sur le réseau WhatsApp avec audios et vidéos − en espagnol et en portugais « pour le moment » − afin de tenter de sensibiliser et de former les leaders indigènes. (…) Par Nicolas BOURCIER, Marie DELCAS, Bruno MEYERFELD et Amanda CHAPARRO. r pa s cés igène a n me ind ent » : s n de oig l i s , é m Br naro ie té « lso zon Bo ma d'A Cliquer ici !