112680OQA_02.fm Page 13 Vendredi, 16. février 2007 3:28 15 2 BIOSYNTHÈSE ET SÉCRÉTION DES HORMONES STÉROÏDIENNES Fernand LABRIE, Alain BÉLANGER et Van LUU-THE Les hormones stéroïdiennes se divisent en cinq classes qui se lient à cinq types correspondants de récepteurs nucléaires ayant des spécificités de liaison et d’action uniques. Ces cinq classes de stéroïdes sont les glucocorticoïdes, les minéralocorticoïdes, les androgènes, les œstrogènes et la progestérone. Les minéralocorticoïdes et les glucocorticoïdes proviennent respectivement des zones glomérulée et fasciculée du cortex surrénalien, alors que les androgènes et les œstrogènes sont synthétisés par les testicules et les ovaires ainsi que par les tissus périphériques ; la progestérone est quant à elle d’origine ovarienne. En revanche, le placenta synthétise des œstrogènes. Structure générale Les hormones stéroïdiennes sécrétées par les glandes endocrines classiques, soit les surrénales, les testicules et les ovaires, sont synthétisées à partir du cholestérol. Ces hormones ont donc toutes en commun le noyau cyclopentanoperhydrophénanthrène (Figure 2-1). Les glucocorticoïdes, les minéralocorticoïdes et la progestérone sont des stéroïdes de type prégnane alors que les androgènes sont des dérivés de l’androstane et que les œstrogènes possèdent le noyau de l’estrane. Par ailleurs, dans les tissus périphériques où est synthétisée la quasi-totalité des stéroïdes sexuels chez la femme après la ménopause et où, chez l’homme, sont formés environ 50 p. 100 des androgènes, la synthèse des hormones stéroïdiennes se fait à partir de la déhydroépiandrostérone (DHEA), un précurseur stéroïdien d’origine surrénalienne. Bien que la surrénale sécrète très peu de stéroïdes sexuels actifs, elle joue un rôle majeur dans la physiologie des stéroïdes sexuels chez l’homme et chez la femme en sécrétant en grande quantité le précurseur inactif DHEA qui est converti en androgènes et en œstrogènes dans les tissus périphériques possédant les systèmes enzymatiques appropriés. Les glucocorticoïdes et minéralocorticoïdes sont des stéroïdes possédant 21 carbones avec une chaîne latérale de deux carbones à la position 17. Les stéroïdes C19 ou androgènes, pour leur part, possèdent un groupe cétone ou hydroxyle à la position 17, alors que les œstrogènes (stéroïdes C18), tout en possédant un groupe cétone ou hydroxyle en position 17, sont dépourvus de groupe méthyle à la position 10. Sans entrer dans les détails de la nomenclature des stéroïdes, il est bon de mentionner que les groupements situés à la face supérieure du noyau stéroïdien caractérisé par une structure générale plane sont identifiés par la lettre β et une ligne pleine (–OH) alors que les groupements situés au plan inférieur du noyau stéroïdien sont identifiés par la lettre grecque α et une ligne pointillée (- - OH). Cholestérol (27 carbones) CH3 C O Dérivés du prégnane (21 carbones) Glucocorticoïdes Minéralocorticoïdes Progestérone Dérivés de l’androstane (19 carbones) Androgènes Dérivés de l’œstrane (18 carbones) Œstrogènes Figure 2-1 Structures de base des glucocorticoïdes, minéralocorticoïdes, androgènes, œstrogènes et progestérone, formés à partir du cholestérol. Cortex surrénalien Les stéroïdes sécrétés par le cortex surrénalien dans les conditions physiologiques sont les glucocorticoïdes cortisol et corticostérone, le minéralocorticoïde aldostérone et, en beaucoup plus grande quantité, la DHEA qui est le précurseur des stéroïdes sexuels formés dans les tissus périphériques. Comme le montre la figure 2-2, le précurseur de tous les stéroïdes synthétisés dans le cortex surrénalien est le cholestérol. Ce cholestérol, en très grande majorité, est capté au niveau de la surrénale à partir du LDL-cholestérol de la circulation. Dans les mitochondries, le cholestérol est transformé en prégnénolone par la cholestérol desmolase. Cette enzyme est aussi connue comme enzyme de séparation de la chaîne latérale (cholesterol side chain cleavage 112680OQA_02.fm Page 14 Vendredi, 16. février 2007 3:28 15 14 ASPECTS GÉNÉRAUX Cholestérol ACTH Cholestérol desmolase (P450scc) CH3 C O CH3 17α-Hydroxylase (P450c17) C O 17,20-Lyase (P450c17) O OH 17α-Hydroxyprégnénolone Prégnénolone HO HO CH3 C CH3 O C Progestérone O CH2OH CH2OH C C O O O 17α-Hydroxyprogestérone O 21β-Hydroxylase (P450c21) Déhydroépiandrostérone (DHEA) Androstènedione O Sulfotransférase 3β-Hydroxystéroïde déshydrogénase HO O O OH 11-Désoxycorticostérone O O SO4 11β-Hydroxylase (P450c11) CH2OH C CH2OH O C HO HO Corticostérone O DHEAS 11-Désoxycortisol O O OH Cortisol O Figure 2-2 Voies de la biosynthèse des glucocorticoïdes, minéralocorticoïdes et DHEA (déhydroépiandrostérone) dans le cortex surrénalien. enzyme ou P450scc ou CYP11A1). La prégnénolone est déshydrogénée en position 3, suivie d’une isomérisation de la double liaison de la position 5 à 4 par la 3β-hydroxystéroïde déshydrogénase (HSD3B2), pour former la progestérone (voir Figure 2-2). Par ailleurs, la CYP17 transforme la prégnénolone et la progestérone d’abord en 17α-hydroxyprégnénolone et en 17α-hydroxyprogestérone, respectivement. La DHEA est ensuite formée à partir de la 17α-hydroxyprégnénolone alors que l’androstènedione est formée en faible quantité à partir de la 17α-hydroxyprogestérone. Ces deux réactions enzymatiques s’effectuent sur le même site catalytique de l’enzyme CYP17. La DHEA est le stéroïde sécrété en plus grande quantité par le cortex surrénalien, surtout comme dérivé sulfaté, c’est-à-dire le sulfate de DHEA (DHEAS). La DHEA atteint les tissus périphériques pour être transformée localement en stéroïdes sexuels actifs par le mécanisme appelé intracrinologie [2]. La progestérone et la 17α-hydroxyprogestérone sont partiellement converties par la 21β-hydroxylase (P450c21, CYP21) pour former la 11-désoxycorticostérone et le 11-désoxycortisol. Ces produits sont ensuite transformés en corticostérone et en cortisol, respectivement, par la CYP11B1, présente uniquement dans la zone fasciculée. Par ailleurs, dans la zone glomérulée, la corticostérone est convertie en aldostérone par la CYP11B2 qui est exclusivement retrouvée dans cette zone. La sécrétion de cortisol (10 à 20 mg/j par la zone fasciculée) est essentiellement sous le contrôle de l’hormone adrénocorticotrope ou corticotrophine (ACTH) dont la sécrétion est elle-même stimulée par le facteur libérateur de l’ACTH (CRH, corticotropin-releasing hormone) sécrété par l’hypothalamus et inhibé par le cortisol. L’ACTH se lie au récepteur mélanocortine 2 à la surface des cellules surrénaliennes pour activer l’adénylate cyclase en complémentarité avec 112680OQA_02.fm Page 15 Vendredi, 16. février 2007 3:28 15 BIOSYNTHÈSE ET SÉCRÉTION DES HORMONES STÉROÏDIENNES l’implication du calcium, ce qui induit une augmentation du transfert du cholestérol de l’extérieur des mitochondries vers l’intérieur à l’aide de la protéine STAR. De plus, la zone glomérulée est le site exclusif de synthèse de l’aldostérone (100 à 150 μg/j) sous le contrôle principalement de l’angiotensine II. La DHEA et le DHEAS formés principalement dans la zone réticulée sont les stéroïdes sécrétés en plus grande quantité par les surrénales (25 à 30 mg/j). L’activité HSD3B2 est donc relativement faible dans la zone réticulée, conduisant ainsi à une faible transformation de DHEA en androstènedione. Dans la surrénale fœtale, la DHEA et le DHEAS sécrétés en grande quantité par les surrénales sont transformés en œstrogènes par les trophoblastes du placenta. comme substrat de base pour former la testostérone. La principale voie de formation à partir du cholestérol est via la DHEA grâce à l’action de la CYP17 qui possède les deux activités 17α-hydroxylase et 17,20-lyase. Par la suite, la HSD3B2 transforme la DHEA en androstènedione qui est elle-même convertie en testostérone par la 17β-HSD de type 3. Les cellules de Leydig du testicule contiennent également une faible activité aromatase (CYP19) qui transforme de l’androstènedione en œstrone et la testostérone en œstradiol. La 17β-HSD de type 1 transforme l’œstrone en œstradiol qui peut être reconverti en œstrone grâce à l’activité de la 17β-HSD de type 2. Par ailleurs, la 17β-HSD de type 1 permet également de transformer la DHEA en androst-5-ène-3β,17β-diol (5-diol), un stéroïde possédant une activité œstrogénique intrinsèque non négligeable. La sécrétion des stéroïdes par les testicules est essentiellement sous le contrôle de l’hormone lutéinisante (LH) d’origine hypophysaire. L’action de la LH dans les cellules de Leydig implique l’activation du système de l’AMP cyclique qui induit une augmentation du transfert du cholestérol de l’extérieur des mitochondries vers l’intérieur à l’aide de la protéine STAR. Le taux de sécrétion de la testostérone chez l’homme adulte est de l’ordre de 4 à 9 mg/j. Testicule La testostérone est le principal stéroïde sécrété par les testicules. Comme l’indique la figure 2-3, la testostérone possède un groupe hydroxyle en position β sur le carbone 17. Tout comme pour la surrénale, les cellules de Leydig du testicule utilisent le cholestérol Cholestérol LH Cholestérol desmolase (P450scc) CH3 C O HO 17α-Hydroxylase (P450c17) CH3 C O OH HO 3β-Hydroxystéroïde déshydrogénase O O HO CH 3 CH3 C C O déshydrogénase OH HO Déhydroépiandrostérone Androstènediol OH O O OH O Progestérone 17β-Hydroxystéroïde 17,20-Lyase (P450c17) 17α-Hydroxyprégnénolone Prégnénolone 15 O 17α-Hydroxyprogestérone O Testostérone Androstènedione 5α-Réductase OH O O O Dihydrotestostérone Androstanedione Aromatase OH O HO HO Œstrone Figure 2-3 Voies de la biosynthèse des androgènes et des œstrogènes dans le testicule et l’ovaire. Œstradiol 112680OQA_02.fm Page 16 Vendredi, 16. février 2007 3:28 15 ASPECTS GÉNÉRAUX Ovaire Les principaux stéroïdes sécrétés par l’ovaire sont les œstrogènes et la progestérone. Comme le montre la figure 2-3, les voies de synthèse des œstrogènes dans l’ovaire sont similaires à celles du testicule. De fait, les enzymes stéroïdogéniques impliquées dans le testicule et l’ovaire sont les mêmes, mais leur niveau d’expression est tout simplement différent, à l’exception de l’enzyme qui transforme l’androstènedione en testostérone, soit la 17β-HSD de type 5 dans l’ovaire [9], alors que dans les cellules de Leydig du testicule, la même réaction est catalysée par la 17β-HSD de type 3. Les œstrogènes sont formés dans le follicule ovarien par les cellules de la thèque et de la granulosa. Les œstrogènes sont formés par l’aromatisation des androgènes androstènedione et testostérone grâce à l’aromatase (voir Figure 2-3). La voie préférentielle est cependant la transformation de l’androstènedione en œstrone, suivie de la transformation de l’œstrone en œstradiol par les 17β-HSD œstrogènespécifiques de types 1 et 12. Tout comme dans les cellules de Leydig du testicule, le mécanisme d’action de la LH dans les cellules de la thèque interne implique la liaison de la LH à son récepteur et l’activation de la voie de signalisation de l’AMP cyclique, qui augmente le transport du cholestérol de l’extérieur vers l’intérieur des mitochondries par l’enzyme CYP11A1 et accroît ainsi l’accessibilité du cholestérol à l’enzyme CYP17. De plus, les cellules de la thèque interne synthétisent, par l’enzyme CYP17, l’androstènedione qui est alors transférée aux cellules de la granulosa où la transformation en œstradiol est majoritairement effectuée. Les cellules de la granulosa possèdent des récepteurs de l’hormone folliculostimulante (FSH) qui facilite la formation et la sécrétion d’œstradiol grâce à l’augmentation de l’activité de l’aromatase (CYP19). Les cellules du stroma de l’ovaire ont également la capacité à produire des androgènes. C’est la testostérone et l’androstènedione formées par les cellules stromales qui continuent à être sécrétées dans la circulation après la ménopause et constituent de fait 50 p. 100 de la testostérone circulante. Toutefois, comme nous le verrons plus loin, ce pourcentage est une surestimation majeure du rôle réel des ovaires dans l’apport androgénique total chez la femme, car la formation des androgènes dans les tissus périphériques à partir de la DHEA est de très loin la source la plus importante de formation des androgènes, même si une fraction mineure seulement de ces androgènes formés dans les tissus périphériques se retrouve dans la circulation. Ainsi, bien que les tissus périphériques forment une quantité d’androgènes au moins cinq fois supérieure à la contribution ovarienne, ces androgènes agissent localement sans être libérés dans la circulation de façon importante, de sorte que leur quantité retrouvée dans la circulation ne correspond qu’à 50 p. 100 de la concentration de testostérone circulante. La raison en est que la totalité de la testostérone d’origine ovarienne se retrouve dans la circulation, alors que seulement 10 à 15 p. 100 de la testostérone d’origine périphérique y est présente. Stéroïdogenèse des androgènes et des œstrogènes dans les tissus périphériques : intracrinologie Mécanismes de l’intracrinologie Une découverte d’importance majeure dans le domaine de la physiologie des stéroïdes sexuels est celle démontrant que l’homme, de même que les autres primates supérieurs, sont les seuls parmi les espèces animales à posséder des glandes surrénales sécrétant des quantités importantes des précurseurs stéroïdiens inactifs DHEA et DHEAS (Figures 2-4 et 2-5). Les niveaux élevés de DHEA et de DHEAS dans la circulation fournissent une quantité importante de précurseurs qui peuvent être transformés en androgènes et œstrogènes actifs dans les tissus périphériques possédant les systèmes enzymatiques appropriés. Le terme intracrinologie a été introduit en 1988 [5] pour décrire la biosynthèse des stéroïdes actifs dans les tissus périphériques cibles où ces stéroïdes exercent leur action dans les cellules mêmes où leur synthèse a lieu, en évitant ainsi leur sécrétion et leur dilution dans la circulation générale (voir Figure 2-4). En effet, comme nous l’avons mentionné, ces stéroïdes ne diffusent qu’en très faible quantité dans l’espace extracellulaire et dans la circulation générale [2], ce qui explique que les mesures des niveaux de stéroïdes sexuels actifs dans la circulation sous-estiment très nettement le rôle des tissus périphériques dans la formation et l’action des stéroïdes sexuels, notamment chez la femme. De fait, les stéroïdes sexuels Endocrine Paracrine Autocrine Intracrine Tissu cible 16 Circulation générale DHEA Surrénale Figure 2-4 Schéma des sécrétions endocrine, paracrine, intracrine et autocrine. De façon classique, l’activité endocrine se réfère aux hormones synthétisées par les glandes spécialisées, à savoir les surrénales, les testicules et les ovaires. Ces hormones sont libérées dans la circulation générale et transportées vers les cellules cibles situées à distance. Par ailleurs, les hormones libérées d’une cellule peuvent influencer l’activité des cellules voisines, ce qui constitue l’activité paracrine, alors que d’autres hormones libérées d’une cellule peuvent exercer leur action positive ou négative sur la cellule même qui les a sécrétées, ce qui représente une activité autocrine. L’activité intracrine se réfère à la formation d’hormones actives à partir du précurseur déhydroépiandrostérone (DHEA) synthétisé au niveau des surrénales. Ces hormones formées localement exercent leur action à l’intérieur même des cellules où elles ont été formées, sans libération significative dans le compartiment extracellulaire ni la circulation générale. Par ailleurs, ces stéroïdes actifs sont inactivés dans les mêmes cellules sous forme de dérivés glucuronides et sulfates, qui diffusent facilement dans la circulation pour être éliminés, surtout par le foie et par le rein. 112680OQA_02.fm Page 17 Vendredi, 16. février 2007 3:28 15 BIOSYNTHÈSE ET SÉCRÉTION DES HORMONES STÉROÏDIENNES 5-DIOL-FA DHEAS Sulfatase SURRÉNALE DHEA Stéroïde FA Sulfotransférase estérase 17β-HSD-1 DHEA Stéroïde sulfatase ER œstrogénique Réponse TESTO 17β-HSD-2 5α-Réductase 1 5α-Réductase 2 Réponse 5-DIOL 3β-HSD-1 17β-HSD-5 4-DIONE AR 5α-Réductase 1 5α-Réductase 2 androgénique 17β-HSD-5, 13 Aromatase 17β-HSD-7 3(α→β)-HSE 5-DIOL-S 17β-HSD-2 17β-HSD-4 3β-HSD-1 17 A-DIONE DHT 17β-HSD-2 3α-HSD-1 RoDH-1 3α-HSD-3 (3α-HSD-4) 3β-HSD-1 ADT 3(α→β)-HSE 17β-HSD-7 RoDH-1 3(α→β)(3α-HSD-4) HSE 3β-HSD-1 3α-DIOL 3(α→β)-HSE 3α-HSD-1 3α-HSD-3 17β-HSD-5, 13 17β-HSD-2 17β-HSD-5, 13 épi-ADT 17β-HSD-2 3β-DIOL 17β-HSD-1, 7, 12 E1 Sulfotransférase 17β-HSD-2 17β-HSD-4 Sulfatase Aromatase E2 Sulfotransférase E1-S UGT2B7 UGT2B15 UGT2B17 Sult2B1 Sult2B1 UGT1A1 UGT1A1 3α-DIOL-G ADT-G ADT-S 3β-Diol-S E1-G E2-G Élimination des stéroïdes Sulfatase E2-S Figure 2-5 Enzymes de la stéroïdogenèse et de l’inactivation des stéroïdes sexuels dans les tissus intracrines périphériques humains. La surrénale sécrète des quantités importantes de déhydroépiandrostérone (DHEA) et de son sulfate (DHEAS). L’enzyme 3β-hydroxystéroïde déshydrogénase (HSD3B2) transforme la DHEA en androstènedione (4-dione), qui peut être convertie en testostérone (Testo) par les 17β-hydroxystéroïde déshydrogénases de type 5 ou en œstrone (E1) par l’aromatase. La testostérone est ensuite transformée en dihydrotestostérone (DHT), l’androgène le plus actif, par la 5α-réductase en œstradiol (E2), l’œstrogène le plus actif, par l’aromatase. Les stéroïdes actifs interagissent avec leurs récepteurs spécifiques, soit les récepteurs des œstrogènes (ER), le récepteur des androgènes (AR), pour être ensuite inactivés, surtout par les glucuronosyltransférases (UGT) et par les sulfotransférases. mesurés dans la circulation ne sont le reflet fidèle que des stéroïdes sécrétés par les glandes endocrines classiques, soit les ovaires et les testicules. Les connaissances dans le domaine de l’intracrinologie ont fait un progrès majeur suite à l’élucidation de la structure de la plupart Tableau 2-I Quantités et activités des stéroïdes sécrétés par les surrénales chez l’être humain. Stéroïde Cortisol (composé F) Corticostérone (composé B) Aldostérone Désoxycorticostérone (DOC) Déhydroépiandrostérone (DHEA) mg sécrétés par 24 heures Concentration sérique (μg/l) Activité glucocorticoïde Activité minéralocorticoïde 10-20 139 1,0 1,0 3 4 0,3 15 0,10-0,15 0,20 0,06 0,06 0,3 0,2 3 000 100 > 20 2 000 0 0 des ADN complémentaires et des gènes qui encodent les enzymes de la stéroïdogenèse responsables de la transformation de la DHEA et du DHEAS en androgènes et œstrogènes dans les tissus périphériques [6, 8] (voir Figure 2-5). Il est remarquable de constater que l’homme, en plus de posséder un système endocrinien très sophistiqué, compte en grande partie sur la formation des stéroïdes sexuels dans les tissus périphériques pour assurer le fonctionnement normal de l’organisme. Ainsi, chez l’homme et la femme, les stéroïdes sexuels sont-ils formés en quantité très importante dans les tissus périphériques à partir de la DHEA, conférant à ces tissus une autonomie par laquelle ils peuvent ajuster la formation et le métabolisme des stéroïdes sexuels en fonction des besoins locaux, ce qui est l’essence même de l’intracrinologie [2, 5, 6, 8, 10]. Cette absence de dilution des hormones dans le compartiment extracellulaire et dans la circulation générale permet de réduire au minimum la quantité d’hormones requises pour exercer une action efficace et bien contrôlée dans chacun des tissus cibles, et indépendamment des autres tissus. Mentionnons également qu’environ un tiers de tous les cancers (sein, prostate et utérus) dépendent des stéroïdes sexuels et sont donc des candidats de premier choix pour des approches thérapeutiques 112680OQA_02.fm Page 18 Vendredi, 16. février 2007 3:28 15 18 ASPECTS GÉNÉRAUX fondées sur le contrôle de l’activité intracrine. Ce champ de l’endocrinologie a d’ailleurs déjà eu des répercussions majeures qui ont permis une amélioration très importante du traitement des deux cancers les plus fréquents chez l’homme et chez la femme, à savoir les cancers de la prostate et du sein, pour lesquels le blocage hormonal a accru de façon très importante la survie, notamment pour le cancer de la prostate où le risque de décès est proche de zéro [3]. Double source d’androgènes chez l’homme Intact, normal GnRH CRH Testostérone Hypophyse antérieure LH ACTH DHT Testostérone A) Testicule (50 p. 100) Bien que la castration chirurgicale ou l’administration d’un agoniste de la GnRH [4] entraîne une diminution de 90 à 95 p. 100 des niveaux circulants de testostérone chez l’homme [4, 6], un effet beaucoup plus faible est observé sur le paramètre directement responsable de la stimulation de la cellule prostatique normale ou cancéreuse, à savoir la concentration intraprostatique de dihydrotestostérone (DHT), l’androgène le plus puissant [6]. De fait, les niveaux intraprostatiques de DHT ne sont diminués que de 50 p. 100 par la castration médicale ou chirurgicale [6] (Figure 2-6A). DHEA (50 p. 100) Prostate Surrénale 15 30 25 CRH Hypophyse antérieure ACTH LH Ovaire 12 DHEAS sérique (mol/l) DHEA sérique (nmol/l) GnRH 20 15 10 0 A) 0 20 40 60 80 B) DHEA-FA sérique (nM) 8 DHEA E2 Testostérone DHT B) Glande mammaire et une série d’autres tissus périphériques Figure 2-6 Représentation schématique de la double source de stéroïdes sexuels chez l’homme (A) et la femme (B). 6 4 2 C) 20 40 60 80 20 40 60 80 5 Androst-5-ène-3β-17β-diol sérique (nM) 10 Œstradiol (E2) Testostérone 6 3 5 Surrénale 9 0 20 40 60 80 D) 4 3 2 1 0 Âge (années) Figure 2-7 Effet de l’âge sur les niveaux circulants de DHEA (A), de DHEAS (B), de DHEA-acide gras (C) et d’androst-5-ène-3β,17β-diol (D) chez la femme. 112680OQA_02.fm Page 19 Vendredi, 16. février 2007 3:28 15 BIOSYNTHÈSE ET SÉCRÉTION DES HORMONES STÉROÏDIENNES S’ajoutant aux androgènes d’origine testiculaire, les androgènes fabriqués localement dans la prostate, à partir de la DHEA, exercent essentiellement leur action dans les cellules mêmes qui sont le site de leur formation. Comme nous l’avons vu, la testostérone et la DHT ainsi formées dans la prostate ne diffusent pas à l’extérieur de la cellule avant d’avoir été inactivées ou métabolisées en dérivés glucuronidés qui sont hydrosolubles et diffusent facilement dans la circulation où ils peuvent être mesurés (voir Figure 2-5). D’ailleurs, des enzymes UDP-glucuronosyltransférases spécifiques pour l’inactivation des androgènes ont été retrouvées dans la prostate humaine [1]. Contrairement à la conviction antérieure qui voulait que les testicules soient responsables de 90 à 95 p. 100 de la production totale d’androgènes chez l’homme, comme le suggère la simple mesure des changements des taux circulants de testostérone après castration, il est maintenant bien démontré que le tissu prostatique possède tous les mécanismes enzymatiques lui permettant de transformer localement les précurseurs stéroïdiens inactifs DHEAS et DHEA en testostérone et en DHT. Rôle de l’intracrinologie chez la femme Chez la femme, le rôle de l’intracrinologie est encore plus important que celui observé chez l’homme [7]. Ainsi les œstrogènes et la grande majorité des androgènes chez la femme ménopausée sont synthétisés localement dans les tissus périphériques par les enzymes stéroïdogéniques spécifiques à chaque tissu et selon les mécanismes de l’intracrinologie (voir Figures 2-5 et 2-6B). L’importance de la formation intracrine ou périphérique des stéroïdes sexuels est illustrée par le succès des inhibiteurs de l’aromatase et des anti-œstrogènes dans la prévention et le traitement du cancer du sein chez la femme ménopausée alors que les ovaires ont cessé de fournir des œstrogènes. D’autre part, une série de problèmes liés à un déficit en stéroïdes sexuels accompagnent la ménopause et la diminution de sécrétion de la DHEA avec l’âge (Figure 2-7), l’ostéoporose étant l’exemple le mieux défini. Dans ce contexte, il s’avère donc que la femme, à la ménopause, ne souffre pas uniquement d’un déficit en œstrogènes ovariens mais qu’elle subit également les conséquences d’une 19 diminution des androgènes associée à une baisse de sécrétion de la DHEA par les surrénales ayant débuté plusieurs années avant la ménopause. Conclusion Ainsi, en plus des tissus stéroïdogéniques classiques comme la surrénale et les gonades, les stéroïdes sexuels sont synthétisés dans la plupart des tissus périphériques où le niveau de leur production est ajusté aux besoins de ces tissus. En outre, des enzymes d’inactivation des stéroïdes sont aussi présentes dans ces tissus, permettant ainsi l’élimination des stéroïdes actifs de ces tissus vers la circulation. BIBLIOGRAPHIE 1. BÉLANGER A, PELLETIER G, LABRIE F et al. Inactivation of androgens by UDP-glucuronosyltransferase enzymes in humans. Trends Endocrinol Metab, 2003, 14 : 473-479. 2. LABRIE F. Intracrinology. 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