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L'Agonie de la 4ème république

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L’AGONIE DE LA IV ème REPUBLIQUE
INTRODUCTION
Charles de Gaulle a dit : « le 13 mai 1958, le pouvoir n’était pas à prendre, il était à
ramasser ». Cette allocution devenue célèbre sonne comme étant la sentence finale de la
IVème république qui expire. Pourtant, ce régime politique, depuis 1946 a su remettre en
état un pays brisé par la seconde guerre mondiale. Durant 12 ans, il a traversé vents et
marées, crises et difficultés, mais celle du 13 mai 1958, lui a été insurmontable et fatale.
Comment la République en est-elle arrivée là ? Elle n’a pourtant pas été victime, d’une mort
subite, inattendue. Sa fin, elle l’a vu venir, bien avant le 13 mai. La IVème république a vécu
la passion lente et douloureuse, en vérité, elle se savait déjà condamnée. Ce régime
gangréné a porté sa croix, depuis la guerre de l’Indochine, et a été crucifié en ce jour
fatidique, apogée de son agonie, et de l’essor de la guerre d’Algérie. Toutefois, dans un
nuage de soubresauts, elle a cru en sa résurrection, en se remettant aux mains de
gouvernements aussi brefs que successifs, et, qui tour à tour, creuseront un peu plus sa
tombe. Alors de quoi est-elle morte ? Comment la IVème république s’est-elle enlisée dans
uns spirale autodestructrice, la conduisant inévitablement à sa perte le 13 mai 1958 ? C’est à
cette question que nous répondrons en diagnostiquant, en amont les symptômes de ce
cancer politique, avant de nous pencher sur la phase terminale de la IVème république. Et en
aval, nous analyserons le dernier souffle d’un régime parlementaire.
I/LES SYMPTOMES D’UN CANCER POLITIQUE
La IVème république influencée et calquée sur le modèle de la IIIème république,
subira les conséquences d’un régime parlementaire capricieux. En effet, bien avant le début
des événements d’Algérie Le Gouvernent et le Parlement sont jonchés de divisions et
d’oppositions politiques. Le parti communiste, majeur de l’après-guerre s’éloigne à partir
d’octobre 1956. Déserté, le gouvernement de Guy Mollet en 1957, est critiqué par la gauche,
son propre parti mais paradoxalement soutenu par la droite qui commence à s’imposer. S’en
suivront des divergences au sein même des partis, avec l’exemple des radicaux durant le
gouvernement de Maurice Bourgès Maunoury, successeur de Mollet. Le paysage politique
est profondément scindé à l’égard des équipes gouvernementales, entre les libéraux, les
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radicaux socialistes, les partisans et La droite, profitant ainsi à la montée de l’extrême
droite. De ce fait, plus aucune majorité stable ne pouvait soutenir les gouvernements, et qui
plus est, sont rapidement renversés. En l’espace de deux années, deux gouvernements se
succèdent infructueusement. Guy mollet restera pendant 16 mois, ce qui est le record de la
IVème République, mais sera aussitôt remplacé par Bourgès Maunoury qui après 4 mois
sera aussi renversé. S’ouvre alors une longue crise ministérielle de 35 jours, durant de
laquelle, on ne parvint à réunir une majorité constituante. Felix Gaillard, plus jeune président
sera investi presque par lassitude. La IVème république subira alors les lourds frais des
gouvernements blafards, transparents, manquant d’autorité, malmenés par les oppositions
et quasi improvisés. L’impossibilité de poser un Président du Conseil stable, un homme fort
incarnant le gouvernement, à l’instar du général de Gaulle, dépeindra un Conseil minoré
face à un parlement omnipotent. En plus les conséquences financières sont considérables,
l’on dénombre l’alourdissement des dépenses militaires, le déséquilibre de la balance
commerciale, l’épuisement progressif des réserves d’or et de devises, l’accélération de
l’inflation. L’incapacité à régler la crise du pays et La tentative malheureuse de Mollet pour
la loi d’augmentation des impôts, ne fera qu’aggraver la situation catastrophique de la
politique et de l’économie du pays. Ce sera aussi la cause principale de son renversement.
Ainsi, les décisions hâtives, le manque de fermeté, la précipitation gouvernementale auront
raison de la IV République, déjà indolente.
D’autre part, Si la politique interne du pays est désastreuse, la politique externe est
chaotique. En juillet 1956, L’Egypte principal soutien du FLN, Front de Libération Nationale
algérien, réclame la nationalisation du canal de Suez, autrefois détenu par la France et
l’Angleterre. Pour la politique gouvernementale c’est l’occasion rêvée, de rétablir sa
puissance diplomatique et militaire, effritées par les guerres et redorer son blason sur
l’échiquier international. Par ricochet, attaquer le gouvernement Nasser, c’est affaiblir le
FLN. Débute alors une intervention Franco-anglaise le 5 novembre 1956. La victoire était
assurée mais se heurtant à l’hostilité américaine et la menace de répression soviétique, la
France se retranche. C’est un Véritable fiasco diplomatique. De surcroît, Le 8 février 1958,
deux avions de la concorde tricolore poursuivant des combattants algériens réfugiés en
Tunisie bombardent la localité de Sakhiet Sidi Youssef. Résultat, de nombreux morts et des
centaines de blessés. La Tunisie, par la voix du Président Bourguiba en appelant à l’ONU,
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réclame réparation.
Le gouvernement Gaillard fortement embarrassé, par la tournure
internationale que prend le conflit, est alors obligé d’accepter une mission de « bons
offices » anglo-américaine. La politique gouvernementale plie de nouveau les genoux.
Critiqué pour sa docilité face au médiateur états-unien, Gaillard sera renversé le 15 avril
1958.En définitive, Cette accumulation d’exactions isolera de la scène internationale, la
France, et les derniers gouvernements de la IVème République. Vivement réprimandée pour
son agression contre l’Egypte et sa politique belliqueuse en Algérie, elle sera condamnée
devant l’ONU, sans aucun soutien militaire ni financier extérieur,
qui de surcroît,
l’accableront et l’ entraineront dans sa chute.
Mais entre 1954 et l’année 1957 qui est la désagrégation du conflit outre méditerranée,
l’opinion publique a symptomatiquement changé de camp. Au départ majoritairement
favorable à la politique militaire du maintien de l’Algérie française, elle commence à
ressentir l’impuissance des gouvernements. Grâce à la prolifération des médias de masse,
aux récits des proches et des habitants algériens, victimes directes ou collatérales, une
bonne partie de l’opinion estimait juste la cause de FLN et de l’indépendance de l’Algérie. Se
révoltant contre des gouvernements apathiques, elle prend conscience des massacres
opérés, de l’emploi de la torture, impropres aux valeurs républicaine et surtout de
l’incapacité diplomatique à régler la crise, autrement que par les armes. L’impopularité
grandiloquente de la fin de la IVème République ne parvient plus à convaincre les français
du bienfondé de l’usage de la force contre les insurgés.
D’un autre côté, un courant
« activiste » se développe à la fois en hexagone et dans la colonie, qui, outre la défense de
l’Algérie française, estimait qu’un coup d’Etat était nécessaire pour instituer un pouvoir fort,
et ainsi pallier à la mollesse gouvernementale. Dans certains de ces groupes, on glissait d’un
nationalisme exacerbé à des théories bien proches du fascisme. Plusieurs fois, La
République, par
les Présidents du Conseil, subira
la violente intimidation des forces
militaires en Algérie, de sorte que la déliquescence du pouvoir n’était que la traduction de la
déliquescence de l’opinion. La situation était mûre pour une crise majeure et, un
grouillement de complots divers s’ourdissait. Car depuis le début la crise, La IVème
république est mise à mal, et sera de plus en plus bousculée par la menace militaire,
virulente, au point de pousser le gouvernement prématuré de Pierre Pflimlin au bord de la
sellette le 13 mai 1958.
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II/ PHASE TERMINALE DE LA 4 REPUBLIQUE
Le 12 mai 1958 à la suite d’un déploiement de parachutistes coloniaux, pour constituer avec
les CRS les forces de l’ordre disponibles, Robert Lacoste, gouverneur Général de L’Algérie,
énonce la menace du « Diên Biên Phu Diplomatique ». Dans la même journée, l’armée lance
un appel à la grève générale. Accusant le président de vouloir liquider l’Algérie française et
de favoriser une politique d’abandon, elle prend d’assaut le Gouvernement général. Après la
chute de Gaillard, Pierre Pflimlin est pressenti pour sortir le pays du bourbier politique. Ainsi
l’idée d’une solution négociée avec le FLN émerge, ce qui n’est pas du tout du goût des
européens d’Algérie, qui sont sentimentalement et matériellement attachés à la colonie,
opposés à toute idée d’abandon ou même de négociations avec le FLN. L’objectif de la 4ème
République reste instable, et incertain. Un président du conseil qui voudrait engager des
“pourparlers” engage comme ministre André Mutter uniquement car celui-ci est d’un parti
de droite afin de remonter dans l’estime des français d’Algérie. La politique française à ce
jour encore est écartelée par deux extrêmes, soit elle tente de plaire à son archaïsme et
refuse une nouvelle défaite, soit elle met fin à ce conflit en donnant son indépendance à
l’Algérie tout en assumant les conséquences de ce choix. Le mécontentement est d’autant
plus présent au sein de l’armée qui avait le sentiment que le pouvoir politique ne la
soutenait pas, craignant qu’il soit tenté de négocier une paix boiteuse. Les militaires étaient
alors hostiles à défendre un régime et des politiciens qu’ils méprisent. Conjointement liés,
vindicatifs, ils s’unissent contre le Gouvernement. Le Comité de vigilance avertissait le
Président du Conseil désigné « que toutes les mesures seront prises pour empêcher l’arrivée
sur le sol de l’Algérie française, d’un ministre chargé de mettre en œuvre une politique
algérienne conforme à ses déclarations et ses prises de positions récentes », déclaration à
laquelle répliquera Pierre Pflimlin, nouveau Président du conseil suite à son investiture, le 13
mai 1958 en disant « La France ne reculera pas devant l’Algérie ».
Le FNL exécute trois soldats français pour venger les meurtres de leurs confrères tués à
l’échafaud. Des manifestations plus importantes que les précédentes émergent à la date du
13 mai 1958. Simultanément, la fièvre monte en Algérie. En effet les pieds-noirs
(descendants d’européens nés en Algérie et revendiquant l’Algérie française), opposés à
toute idée d’abandon ou même de négociations avec les « terroristes », redoutent les
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initiatives du gouvernement et l’arrivée de Pflimlin. Ils comptaient sur l’aide de l’armée, elle
se battait de manière discontinue, elle a connu beaucoup d’épreuves et subi beaucoup
d’humiliations et ne voulait point connaitre une autre défaite d’autant plus qu’elle avait
acquis dans ce pays d’importantes responsabilités : militaires, administratives, médicales,
scolaires.
Cependant ne se sentant pas soutenue par le pouvoir politique et craignant l’indépendance
de l’Algérie, elle ne veut plus défendre un régime et des politiciens qu’elle méprise alors
certains officiers complotent afin d’imposer à Paris un pouvoir fort. D’autre part, les
gaullistes gardent espoirs de renverser le régime de partis et de ramener le général De
Gaulle. Durant la crise, ils firent preuve d’une habileté manœuvrière afin de créer l’idée
d’une solution gaulliste. Les acteurs arrivent progressivement avec Pflimlin se présentant à
l’Assemblé National, à Alger les activistes organisent une manifestation en l’hommage des
soldats assassinés par le FNL mais la manifestation dégénère en émeute, et certains en
profitent. Au milieu de se désordre un Conseil de salut public fut créé et l’on nomma le
général Raoul Salan délégué général et le général Massu à la présidence du Conseil. Le 14
mai, à travers la presse et la radio les français tentent de comprendre se qu’il s’est passé et
le gouvernement français condamne les militaires qui ont joué un jeu de dissidence.
Dans le chaos, l’on fait appel au général De Gaulle. Comment celui-ci va-t-il se prononcer ?
Comment la 4ème République sera-t-elle chamboulée par l’homme qui s’y était opposé ?
III/ Le dernier souffle de la 4ème République (15 mai 1958 – 5 octobre 1958)
Du 15 au 27 mai, de Gaulle fait trois déclarations décisives dans le rôle qu’il jouera à la suite
de cette crise et favorisant son retour sur la scène. Le 15 mai 1958 : le général Salan lance
un appel au général de Gaulle. De Gaulle avait alors dit dans un communiqué de presse qu’il
était « prêt à assurer les pouvoirs de la République ». Il fut l’homme providentiel qui reste
dans les mémoires comme celui qui a sauvé la France, son retour est déjà perçu comme la
fin de l’instabilité. Dans un contexte où celui-ci a été appelé au préalable par le général
Massu, sa figure est représentative de l’ordre. Le général de Gaulle qui a rejeté la
constitution de la 4ème République est rappelé tel un remède miracle à une maladie sans
précédent, une étape culminante dans l’agonie de la IVème république. Lors de la seconde
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déclaration à la date du 19 mai 1958 , il dit : « croit-on qu’à 67 ans je vais commencer une
carrière de dictateur ? » un moyen pour lui d’annoncer son arrivée comme positive et
objective, comme s’il devait uniquement se concentrer sur ce qui est à faire. Il rappelle ainsi
son respect pour la démocratie afin de rejeter toute idée de dictature. Le maillon fort que
possède de Gaulle est le fait que Guy Mollet soit rallié à sa cause. Dans la nuit du 26 au 27
mai, de Gaulle rencontre le président du conseil, Pierre Pflimlin, mais leur entrevue n’aboutit
à rien, ce que vient changer la troisième déclaration du général de Gaulle, le 27 mai 1958. Il
dit « entamer le processus régulier nécessaire à l’établissement d’un gouvernement
républicain » de Gaulle par ce moyen renforce l’idée du bien-fondé de son retour au
pouvoir, il permet d’éviter une guerre civile car les militaires obéissent à son injonction et
l’opération « résurrection » est repoussée. Pflimlin est impuissant face à de Gaulle soutenu
par Guy Mollet et démissionne donc dans la nuit du 27 mai. Le dernier homme représentant
la constitution de la 4ème République quitte donc le pouvoir, un autre pied dans la tombe
pour celle-ci.
Charles de Gaulle est de nouveau sur la scène. Le 1 er juin il est nommé président du
conseil pendant que René Coty est président de la république c’est-à-dire le président du
Parlement, et le 2 mai, il obtient les pleins pouvoirs pour six mois et peut donc former son
gouvernement. Celui-ci comporte des représentants de plusieurs partis à l’exemple de Pierre
Pflimlin du MRP (mouvement républicain populaire) ainsi que Guy Mollet de la SFIO (Section
française de l'Internationale Ouvrière), ceux du parti indépendantiste avec Antoine Pinay aux
finances. De plus les gaullistes comme André Malraux et Michel Debré étaient minoritaires.
Tandis que la 4ème République était virtuellement morte, elle vivait toujours par sa
constitution. Le 3 juin, par 351 voix contre 161 de communistes et de mendésistes mais aussi
avec 70 absentions des socialistes, la loi donne à de Gaulle le pouvoir de réviser la
Constitution, il doit néanmoins respecter trois conditions : la séparation des pouvoirs, l’avis
du Comité consultatif constitutionnel et la subordination de la promulgation de sa
constitution par un referendum. Tous les hommes politiques de ce gouvernement
s’entendent sur le fait qu’il faut mettre fin aux instabilités politiques et renforcer l’exécutif.
Le gouvernement du général de Gaulle a été la fin de l’agonie de la 4 ème République car au
sein même de celle-ci se préparait sa fin.
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L’élaboration d’une nouvelle constitution enterre la précédente et par la même la 4 ème
République. Le projet de cette nouvelle constitution rend compte de la prédominance du
pouvoir de l’exécutif et du président qui peut prendre le contrôle si les institutions,
l’indépendance de la nation ou l’intégrité nationale sont menacées. Le président se place au
dessus de tout. Il n’y avait plus d’investiture, le gouvernement, dont le premier ministre est
choisit par le président, est responsable devant l’Assemblée nationale. Par l’article 49/3 il
peut faire adopter un texte si aucune motion de censure n’est déposée. De Gaulle respecte
ses engagements et les conditions auxquelles il devait se conformer pour établir sa
constitution. La 4ème République connait ici son dernier souffle, suite à cette mort lente
durant laquelle sa constitution n’a cessée de lui poser problème en maintenant son
instabilité. De Gaulle abrège ses souffrances. L’homme providentiel voit sa constitution
approuvée le 28 septembre 1958 par 79,2% des inscrits, une victoire écrasante pour la
constitution de la 5ème république et un reflet éminent d’une volonté de la France à enterrer
la 4ème République puisqu’il s’agit d’une des premières fois où autant d’électeurs s’étaient
mobilisés et où tous les départements avaient donnés un vote positif. La volonté populaire
de changer de république et de constitution s’est ainsi fait ressentir. La 4 ème République fut
officiellement morte à la proclamation de celle qui lui succède, d’abord par la promulgation
de la nouvelle constitution, le 4 octobre 1958, puis, par celle de la 5 ème République, le 5
octobre 1958, ce qui constitue la fin de cette étape ultime avant la mort qu’est l’agonie.
CONCLUSION :
A l’issue de ce mois de mai 1958 qui voit sombrer la IV e République, où elle avait été
diagnostiquée malade à cause d’une impossible stabilité gouvernementale, d’une déchéance
diplomatique et d’une déliquescence de l’opinion publique. C’est le coup de force du 13 mai,
avec la prise du Gouvernement général qui mène la République dans sa phase terminale. On
peut dire que la 4 e République est principalement morte de la guerre d’Algérie. Ainsi, dans
son dernier souffle, elle a recours à l’homme providentiel, le Général de Gaulle à qui elle
donne les pleins pouvoirs. Il l’achève par la mise en place d’une nouvelle constitution,
menant à la Ve République. L’Agonie de la IVème République sera alors la passerelle d’un
régime parlementaire à un régime présidentiel.
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