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sociétés et cultures urbaines XI-XIII

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Thème 3 : Sociétés et cultures de l’Europe médiévale du XIe au XIIIe siècle (8-9h)
Sociétés et cultures urbaines XI-XIII siècle seconde générale
I/Mobiliser les connaissances indispensables :
I/L'essor urbain au Moyen Âge et sa diversité :
➢ L'écrasante majorité des grandes villes françaises ont été fondées à l'époque romaine. Ces villes antiques
étaient des lieux de consommation et de pouvoir mais à la fin de l'empire romain, celles-ci ont vu leur
population diminuer du fait de l'insécurité et de l'absence d'administration et d'impôts. Leurs bâtiments
ont cessé d'être entretenus.
➢ Elles vont renaître à l'orée de l'An Mil, mais d'une toute autre façon : elles vont trouver leur place dans
le réseau féodal des seigneuries et des villages en assumant une fonction de production et d'échanges
avec les campagnes environnantes, les fonctions de pouvoir et de consommations devenant au moins
pour un temps secondaires.
L'Église dans la ville :
Si l'administration civile a largement disparu des villes à la fin de l'Antiquité, celles-ci ont gardé leur
importance dès lors qu'y résidait un évêque (évêché constitue le principal pôle d'attraction de la ville). La ville
médiévale est caractérisée par une très forte présence des églises et des monastères. La construction des
cathédrales gothiques aux XIIe et XIIIe siècles, renforce encore cette visibilité de l'Église dans la ville.
La ville, refuge et lieu de pouvoir
La ville sert aussi de lieu de refuge. Les Romains avaient construit de nombreuses enceintes fortifiées autour
de leurs villes, qui sont souvent réutilisées durant le Haut Moyen Âge et même après. Cependant, à partir du
XIIe siècle, on assiste à une multiplication des murailles (remparts), de plus en plus vastes car elles intègrent
les quartiers périphériques, à moins qu'ils ne soient eux-mêmes dotés de leur propre enceinte.
Les villes se développent aussi en tant que centres du pouvoir, autour des châteaux. Des commerçants s'y
installent pour profiter de la clientèle que constitue le personnel du château, d'autres souhaitent pouvoir s'y
réfugier en cas d'attaque.
La ville et la campagne :
L'Église comme le ou les seigneurs, contribuent à drainer vers la ville les surplus dégagés par les campagnes, à
une époque de forte croissance agricole. Ces surplus sont aussi souvent commercialisés dans la ville, ou juste à
l'extérieur, sur les marchés et lors des foires annuelles. La ville exerce ainsi une forte attraction sur la région
qui l'entoure. Cette influence est encore plus forte en Italie, où les villes acquièrent progressivement un contrôle
total, aussi bien économique qu'administratif, sur ce qu'on appelle leur contado, c'est à dire le territoire situé
autour de la ville et qui contribue à la nourrir. En effet, la caractéristique principale de la ville est qu'elle ne
produit pas elle-même ce qu'elle consomme.
Le rôle du commerce et de l'artisanat dans l'essor urbain :
Si les villes se développent fortement au Moyen Âge central, c'est avant tout grâce au commerce et à l'artisanat.
Les nobles et ecclésiastiques s'enrichissent grâce à l'augmentation des prélèvements agricoles. Des innovations
techniques permettent ainsi la fabrication en grande quantité de draps en Flandres. Cette région devient, à
partir du Xe siècle, l'un des pôles de croissance en Europe, et de très nombreuses villes s'y développent
(Bruges, Gand, Lille, Douai...), grâce à la production et au commerce de ces textiles. L'autre région motrice
est le nord de l'Italie, où des villes comme Milan, Gênes, Pise ou surtout Venise, mènent ce commerce.
Le développement des foires de Champagne illustre le rôle que peuvent jouer les seigneurs désireux de capter
à leur profit les flux commerciaux originaires d'un de ces deux pôles, en l'occurrence d'Italie, à destination de
l'Île de France et de la Normandie. Ce sont en effet les comtes de Champagne Thibaud IV (1125-1152) et Henri
le Libéral (1152-1181) qui décident d'attirer sur leur territoire les marchands qui passent plus à l'est. Ils le font
en organisant des foires dans leurs villes (Troyes, Provins, Bar-sur-Aube), en assurant la sécurité des axes de
circulation, et en ne prélevant que des impôts peu élevés. Ce faisant, ils permettent l'enrichissement et le
développement de ces villes grâce au commerce.
L'essentiel de l'essor urbain est toutefois dû aux artisans. La construction de grandes églises et cathédrales
attire ainsi de nombreux bâtisseurs dans les villes. Les nouveaux métiers à tisser qui se répandent à partir du
XIe siècle entraînent une concentration de cette activité qui ne peut plus être pratiquée dans le cadre
domestique, comme avant. On trouve aussi des bouchers, des boulangers, des cordonniers ou des orfèvres.
II/Cultures et sociétés urbaines :
Des groupes sociaux très différents :
Au Moyen Âge, le groupe est une notion extrêmement importante car il peut protéger l'individu. Il est donc
important de s'organiser, en particulier par métiers, pour faire respecter ses droits et imposer des règles afin de
limiter la concurrence : ainsi naissent les guildes et les corporations, associations professionnelles par type de
métier. Les membres prêtent un serment, s'engagent à respecter certains tarifs et à prêter assistance aux autres
membres. Des banquets viennent renforcer cette solidarité. Elles font aussi pression pour obtenir des avantages.
Les guildes et corporations les plus importantes font construire des bâtiments qui leur servent de quartier
général. Les premiers noms de rue sont d'ailleurs souvent des noms de métier (rue des Tanneurs, rue de la
Boucherie,...). Grâce à ces associations, les marchands et artisans peuvent affirmer leurs droits face aux
hommes d'Église et face aux seigneurs et surtout chevaliers, qui habitent plus souvent en ville qu'on ne le croit
souvent.
Enfin, s'ils ne forment pas une catégorie professionnelle, les Juifs représentent un groupe spécifique dans les
villes du Moyen Âge. Ils sont surtout présents dans les villes du Sud, mais on en trouve aussi plus au Nord,
dans des quartiers (« juiveries ») .
La ville, lieu de la mobilité sociale :
Se côtoient donc en ville des hommes d'horizons très divers et de statuts sociaux très divers, mais,
contrairement à la campagne, où le paysan n'a a priori pas de chance de progresser socialement, les hiérarchies
sont moins fermées en ville. Cette situation est d'autant plus marquée que, lorsqu'ils fondent des bourgs ou
villes, les seigneurs accordent des conditions intéressantes à ceux qui viennent s'y installer. « L'air de la ville
rend libre », dit un proverbe du temps. La ville est considérée comme un lieu d'espoir, mais aussi un lieu de
perdition, en particulier par l'Église : à partir du XIIIe siècle, des nouveaux ordres religieux, les ordres
mendiants (« franciscains » ou « dominicains ») se spécialisent dans la prédication urbaine. Ils s'adressent aux
différentes catégories de métiers, signe que l'Église apprivoise progressivement cette réalité nouvelle.
L'affirmation d'une identité urbaine :
Ces développements donnent naissance à une réelle identité urbaine. Chaque ville a son histoire, ses fêtes, ses
traditions : l'identité urbaine est profondément religieuse. Ce sentiment d'appartenance à une même
communauté conduit les habitants des villes, surtout les bourgeois, à demander plus de pouvoir et une plus
grande autonomie pour cette ville, des privilèges qui sont inscrits dans une « franchise », document émis par le
seigneur. Cela apparait en premier en Italie, où la tradition urbaine est bien plus forte qu'ailleurs, et en Flandres,
où le comte crée des villes et les dote d'institutions civiques car il en tire des revenus importants. La forme la
plus aboutie de cette évolution est l'apparition d'une « commune » dans la ville. La commune a le droit d'élire
ses magistrats, de faire respecter son propre droit et d'avoir les attributs d'une institution autonome : des
armoiries, un sceau. Elle construit également des bâtiments qui symbolise sa puissance, comme un beffroi,
mais aussi des institutions de charité ou encore des ponts. Si certains acceptent sans trop de difficulté de
transformer des villes en communes, dans d'autres cas le rapport de force va jusqu'à l'affrontement.
II/ mise au point scientifique :
« Dans l’histoire longue des villes, ces siècles sont aussi importants que ceux de la révolution industrielle
des 19e et 20e siècle et son explosion urbaine. » (Simone Roux.)
Spécificité de la période : le temps du renouveau urbain en Occident. Il intervient après une phase de repli au
Haut Moyen Age (qui fait suite elle-même à un « âge d’or antique », lié à la romanisation, dont l’urbanisation
était le corollaire). Ce repli est manifeste, même s’il doit être nuancé : il a été plus faible dans les espaces
fortement romanisés (sud de la France, Italie) et la présence de l’évêque a permis une permanence du fait urbain
dans toute l’Europe christianisée. Ce repli a coïncidé avec la mise en place de la société féodo-seigneuriale.
Quels ont été les facteurs et les modalités de la croissance urbaine du XIe au XIII siècle ?
Ce renouveau urbain a pour cadre une civilisation occidentale fondamentalement rurale et une société féodoseigneuriale à son apogée. Le monde urbain est donc un monde minoritaire, tout au long de la période. S’il ne
constitue pas un monde séparé hermétiquement du reste de l’espace occidental, et possède des liens nombreux
avec le monde rural et la civilisation féodale, le monde des villes est néanmoins le lieu du développement d’une
société différente, dans laquelle les historiens ont observé dans de nombreux aspects les prémices de la
modernité (Simone Roux propose une définition éclairante de la modernité, comme « les bases de la croissance
et de la civilisation qui caractérisent les sociétés postérieures »)
En quoi les villes sont-elles le creuset d’une société et d’une culture nouvelles qui se distinguent du cadre
global de la société et de la culture féodales alors dominantes en Occident ?
Cette problématique englobe de nombreux domaines thématiques, parmi lesquelles :
- sur le plan politique : la question du développement des communes, une forme de gouvernement et de
pouvoir novatrice pour le Moyen Age qui s’inscrit dans le cadre féodo-seigneurial puis s’en émancipe plus ou
moins selon les régions
- sur le plan économique : la place des métiers dans le fonctionnement (économique, mais aussi social,
politique, culturel) des villes ; la question de l’innovation économique, avec le développement de pratiques
nouvelles (le terme « précapitaliste » est discuté) dans les grandes villes, et celle, plus générale du rôle de ce
dynamisme économique dans l’évolution des sociétés et cultures urbaines (place de l’argent dans la vie
quotidienne et les mentalités, …)
- sur le plan culturel : la question de l’existence d’une « culture urbaine » et de ses spécificités ; elles
sont en particulier observables au travers de l’aspect religieux, avec la création et le succès des ordres
mendiants, une nouvelle forme, fondamentalement urbaine, d’encadrement religieux.
Problème fondamental pour la période XIe-XIIe siècle : les sources sont très lacunaires, alors qu’elles
sont beaucoup plus abondantes à partir du XIIIe (on parle de « Révolution documentaire » pour désigner cette
multiplication des documents écrits, d’abord dans l’Italie urbaine) : mais les sources du XIII e enregistrent alors
souvent des phénomènes qui se sont précisément développés pendant la période étudiée. En outre, la ville reste
longtemps absente documents seigneuriaux, qui nient le phénomène. Rappel : il existe en revanche une histoire
urbaine de commande dès le Moyen Age, des monographies élogieuses réalisées par des chroniqueurs, qui sont
aussi un marqueur de l’émergence d’une identité urbaine.
Selon la thèse classique proposée par l’historien belge Henri Pirenne en 1927, le principal facteur du
renouveau urbain en Occident est la reprise du grand commerce, miné par les conquêtes arabes du VIe et VIIe
siècle (expliquant ainsi le repli du haut Moyen Age). Ainsi, les principaux acteurs du dynamisme urbain sont les
marchands dont l’esprit initiative et la réussite jouent un rôle moteur en particulier dans les deux pôles de
Flandre et d’Italie du Nord. L’origine des villes réside, selon cette thèse, dans la constitution d’une
agglomération marchande : les marchands mettent en place un portus ou bien installent leurs entrepôts et leurs
activités marchandes dans un faubourg auprès d’anciens noyaux pré-urbains (abbaye, castrum ).
Ce modèle a été remis en cause et enrichi par les recherches ultérieures. En nuançant la coupure du haut
Moyen Age, les historiens ont mis en avant le fait que l’essor urbain est d’abord une conséquence de l’essor
global de l’Occident et en premier lieu l’essor rural et la croissance démographique exceptionnelle (la
population occidentale faisant plus que doubler entre 1050 et 1250), sous l’effet de la hausse de la fécondité et
le recul des grandes familles. Par ailleurs si les fonctions économiques sont bien les principaux moteurs du
développement urbain, les fonctions politiques et administratives, éducatives ou religieuses sont sans doute plus
fréquemment à l’origine du développement des noyaux urbains : la présence de l’évêque d’une abbaye, d’une
université étant en soi un des moyens du développement économique et un acteur de la mise en valeur des
territoires urbains. Certes, la localisation des plus grandes cités sur les grands axes commerciaux témoigne du
rôle du grand commerce, mais la situation au cœur des plus riches terroirs agricoles, comme en France du NordEst et dans les Flandres constitue un autre atout.
Les villes sont fondamentalement des lieux d’échange, de brassage des populations, ce qui implique
nécessairement une plus grande ouverture sociale qu’au village et constitue un facteur favorable à l’innovation
technique, mais aussi à celle des mentalités. Il y a une originalité du monde urbain par rapport aux normes
sociales, mentales, religieuses des sociétés féodo-seigneuriales. On a beaucoup souligné, l’importance du
dynamisme des marchands, de l’initiative privée, sans l’impulsion des autorités, et on a vu dans ces
caractéristiques des sources de la civilisation occidentale moderne. Les notions de profit, d’ascension sociale et
de liberté, sont des valeurs fondamentalement urbaines, par opposition au monde des campagnes dans lequel la
domination seigneuriale pèse de tout son poids.
Plus globale est l’importance des associations volontaires dans la vie urbaine (métiers, confréries,
communes, université, ….). Ce phénomène s’inscrit comme une réponse à la rupture des solidarités villageoises
qu’implique l’installation en ville. La promiscuité impose de nouvelles règles sociales mais les règles
collectives ne sont mises en place que très progressivement .
On observe enfin de nombreux signes de l’affirmation d’une identité urbaine (on parle aussi de « culture
communale ») : sceaux ; édification de monuments beffroi (dont les cloches rythment “le temps du marchand”
par opposition au “temps de l’Église” (J. Le Goff)), palais communal, mais les monuments ecclésiastiques
peuvent aussi acquérir une dimension identitaire (cathédrale).
De manière générale, politique et religion se mêlent dans le cadre d’une véritable « religion civique »,
qui s’exprime dans des fêtes urbaines en l’honneur du saint patron que la commune a choisi pour la ville ou en
commémoration de la naissance de la ville (qui correspond souvent à l’octroi d’une charte) : l’espace public est
alors investi collectivement lors de fêtes par la communauté qui se met en scène lors de défilés, de processions.
Ce phénomène est particulièrement visible en Italie.
À lire dans l'Histoire n°428 article d'Hélène Noizet : Il y a toujours eu des villes (2016)
ROUX S. Le Monde des villes au Moyen Age, Carré Histoire, Hachette, 2004.
HEERS J. La Ville au Moyen Age en Occident, Fayard, 1990
Duby G (dir.), Histoire de la France Urbaine, tome 2 : La ville médiévale, Seuil, 1980. (Incontournable)
III/La transposition didactique:
En seconde : BO :
➢ Au Moyen âge, le monde des villes est très minoritaire, mais il s’y produit des évolutions importantes,
annonciatrices de la modernité.
➢ Toutefois, ce mouvement pose la question de la définition même de la ville.
➢ L’importance croissante des villes s’accompagne partout d’une reconnaissance juridique.
➢ La naissance d’une «culture urbaine » traduit la prise de conscience d’une spécificité de plus en plus
affirmée, prémisse d’une évolution vers la modernité
➢ Le choix de deux villes doit permettre de mettre en évidence certains traits communs significatifs de
l’essor du monde urbain en Europe tout en montrant la grande diversité des conditions, des formes et de
la chronologie de cette dynamique.
➢ Les deux cas étudiés doivent donc être pris dans des régions différentes, l’un dans le Nord de l’Europe
(Lübeck, Paris, Londres, Bruges, Arras, une cité hanséatique) et l’autre dans l’aire méditerranéenne (cité
d’Espagne ou de Sicile, Venise ou une cité marchande ouverte sur l’Orient).
Il y a une activité proposée par le Musée de la Cour d'Or sur la ville de Metz : étude du gouvernement, de son
économie et son architecture (séance au Musée + visite dans la ville). Pour ma part, j'ai proposé un parcours
différent en lien avec le chapitre sur la chétienté médiévale où j'avais également axé sur Metz (étude du tympan
de la Cathédrale) : très intéressant pour les élèves. J'ai terminé l'étude du thème avec une visite de la ville.
En 5ème : Thème 2 - Société, Église et pouvoir politique dans l’occident féodal (XIe -XVe siècles)
• L’ordre seigneurial : la formation et la domination des campagnes
• L’émergence d’une nouvelle société urbaine
• L’affirmation de l’État monarchique dans le Royaume des Capétiens et des Valois
B.O :
➢ l’essor urbain de cette période est lié à cette transformation de la société et de l’économie
➢ Les villes elles-mêmes croissent aux XIIe et XIIIe siècles et desserrent les liens de la domination
féodale. À la fin de notre période, on estime que les urbains représentent 20% de la population
européenne, regroupés surtout en Italie du Nord, en Flandre, dans l’axe rhénan et au sein du royaume de
France. Le plus souvent, elles négocient avec le seigneur des chartes de franchises, parfois elles
deviennent une « commune » qui s’administre elle-même et où s’affirme le groupe social de la
bourgeoisie commerçante. De nouveaux modes de vie s’y développent (consommation de pain frais
avec la naissance de la corporation des boulangers, de viande de bœuf avec la naissance de la
corporation des bouchers).
➢ Le mouvement d’urbanisation peut être abordé à partir de ses causes : essor du commerce, importance
des centres religieux, des Universités, des lieux de pouvoir : on ne se focalisera pas sur les révoltes
urbaines. Les exemples locaux peuvent là encore être mobilisés, et il est possible d’étudier une charte
pour montrer que les libertés des villes sont le plus souvent négociées avec le seigneur.
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