Introduction : Le terme « code de bonne conduite » englobe une ambiguïté intrinsèque. La notion de code renvoie à un ensemble de normes ayant un caractère coercitif. Le code qui se définit comme : « un corps cohérent de textes englobant selon un plan systématique l'ensemble des règles relatives à une matière est issu, soit de travaux législatifs, soit d'une élaboration réglementaire, soit d'une codification formelle de textes préexistants »1. Or, la notion de code de bonne conduite en tant que telle englobe une sémantique différente. Elle renvoie à la notion de déontologie. Ce vocable est issu des écrits d'un philosophe utilitariste anglais Jeremy Bentham. Il s'agit en effet d'un ensemble de règles qui déterminent « l'art de ce qu'il est concevable de faire ». L'origine étymologique des codes de bonne conduite renvoie au champ lexical de la morale. En effet, « to deon » en grec se traduit littéralement comme « ce qu’il faut faire », il exprime l’idée de devoir, de convenance, voir de manque. Le terme logos englobe en lui l'idée de la science, du discours, de la connaissance. La déontologie se rapproche ainsi de la morale qui est la connaissance de ce qui est bien ou mal. Un code de conduite privé est un ensemble d'engagements adoptés par une entreprise ou un groupe d'entreprises privées, rassemblés dans un document unique appelé indifféremment code, charte ou guide et qui présente la caractéristique de ne pas être formellement obligatoire. Les codes de conduite privés appartiennent donc exclusivement à la sphère privée2 et sont purement volontaires3. La fonction des codes de conduite est d'assurer l'autorégulation d'un secteur d'activité par les professionnels4. Les codes répondent ainsi à une démarche néocorporatiste5 par laquelle une profession se donne des règles et les moyens d'en assurer l'efficacité. L'autorégulation a la faveur des professionnels car ceux-ci sont à la fois les concepteurs et les destinataires des règles. L'Etat n'est 1 Gérard Cornu, Vocabulaire juridique- Association Henri Capitant, éd. PUF 2003, v. code Il faut à ce propos distinguer les codes de conduite privés des codes de conduite adoptés sous l'égide d'organisations internationales telles que l'O.N.U. ou l'O.C.D.E. Dans cette hypothèse, les codes de conduite sont revêtus du sceau de la Communauté internationale des Etats 3 Pour M. Farjat, les codes de conduite sont une manifestation supplémentaire de ce qu'il est convenu d'appeler la « soft law », c'est-à-dire le droit « mou » ou le droit « à l'état vert » (G. Farjat, « Réflexions sur les codes de conduite privés », in Le droit des relations économiques internationales, Etudes offertes à B. Goldman, 1982, p. 47, spéc., p. 48). V. aussi B. Oppetit, « L'engagement d'honneur », D. 1979, Chron. 109. 4 V. A. Page, « Self-regulation and codes of practice », Journal of business law 1980, p. 24. 5 V., pour une définition du néocorporatisme, Ch. Hannoun, « La déontologie des activités financières : contribution aux recherches actuelles sur le néocorporatisme », R.T.D. corn. 1989.417. 2 pas hostile à cette forme de régulation. Au contraire, les codes de conduite sont l'expression d'une politique néolibérale, inspirée par la déréglementation 6 , par laquelle l'Etat laisse aux professionnels le soin de réguler leur activité7. La difficulté fondamentale que soulèvent les codes de bonne conduite relève de l'appréciation de leur valeur normative. Cette valeur varie en fonction de l'autorité qui met en place le code, de son pouvoir de réglementation, du degré d'engagement qu'elle entend prendre en édictant ce code. Nous pouvons constater la mixité des sources des codes de bonne conduite, ce qui démontre l’importance de déterminer la portée normative et la valeur des engagements pris par le biais de ces codes. Les codes de bonne conduite sont d'abord les codes de déontologie des professionnels. Les codes sont issus des associations purement privées qui disposent d'une autonomie par rapport aux autorités normatives extérieures et qui regroupent les intérêts de la profession, il s’agit d’une certaine autonomie collective. Aujourd'hui, nous pouvons constater que ce ne sont plus seulement les professions savantes qui édictent de tels codes8. Ainsi, des professionnels qui ne faisaient pas l’objet de réglementation légale ont mis en place des codes de bonne conduite afin de légitimer leur profession et restaurer la confiance de leurs clients. Un exemple particulièrement marquant porte sur les différents syndicats et associations professionnelles des conseillers en gestion de patrimoine9. Dans le cadre des marchés financiers un nombre important d'associations professionnelles se sont également mises en place10 et chacune d'elles élabore les codes de bonne conduite destinés à ses membres. Depuis le milieu des années 1970, des tentatives ont été faites par des organisations internationales ou sous leurs auspices afin de définir des ensembles normatifs, appelés des 6 J. Chevallier, « Les enjeux de la déréglementation », R.D.P. 1 987.281 . « Après le déréglementation, les nouvelles formes de régulation : premier bilan », Colloque du CREDECO, Nice, 30-31 octobre 1996, à paraître 7 Selon L. Huyse et S. Parmentier (« Decoding codes : the dialogue between consumers and suppliers through codes of conduct in the European community », Journal of consumer policy, 1990, 13, 253) : « II est clair que l'Etat, plutôt que de produire lui-même des normes, choisit de plus en plus d'encourager la production de normes par les parties privées et ce dans divers champs de régulation. L'Etat fait en sorte de fournir les conditions de cette production privée du droit ». 8 Comme le code de bonne conduite des pompes funèbre; code de déontologie de l'assurance-vie établi en 1978... , V. Carbol, La déontologie : l'impossible définition ? , R.R.J. 2004-I, p.564 9 A. Pellissier Tanon, La déontologie du conseil en gestion de patrimoine : bilan et prospective, Gaz. Pal. 22 avril 2000, p.727 ; L’auteur cite parmi les plus représentatives les associations suivantes : CGPC; ANCDPG; CCEF; CNCEF… 10 AFB et AFEI- les deux sont adhérents de l’AFECEI; AFTI; AFTE; AFTB; AFG-ASSFI; SFAF; ANSA … « Codes de conduite », destinés essentiellement à régir les activités des sociétés transnationales ou entreprises multinationales. Elles ont mis en place des codes de portée universelle11. La véritable question du débat est de déterminer dans quelle mesure les codes de bonne conduite « privés » c’est-à-dire issus de simples associations professionnelles ou élaborés par la technique de l’autorégulation s’intègrent dans l’appareil normatif 11 Par exemple la résolution 35/63 de l'assemblée générale de l'ONU de 1980 qui concerne les pratiques commerciales restrictives ; la résolution du conseil de l'Organisation internationale de travail de 1977 sur les entreprises multinationales et la politique sociale ; la résolution de l'assemblée générale de l'ONU de 1986 : code pour la protection du consommateur ; le code international sur la commercialisation des substituts du lait maternel- résolution WHA 34 - 32 de l'assemblée de l’OMS de 1991 ; en 1976 a été institué le code de conduite des sociétés transnationales dans le cadre de la commission des sociétés transnationales de l’ECOSOC ; cité par Nguyen Huu Tru, Les codes de conduite : un bilan, RGDI public 1992, p.51