ICI
C’EST
AILLEURS
EXMAISON DES JEUNES ET DE LA CULTURE FONDÉE EN 1963
Spectacles
du 6 au 24 mars Europe l’échappée belle Marie Fourquet
du 6 au 24 mars Pour l’instant, je doute Cie ad-apte
du 8 avril au 4 mai A l’Hôtel des routes Théâtre de l’Esquisse
du 22 mai au 9 juin Elseneur-Machine José Lillo
du 18 au 20 juin Entre spectacle de sortie de la Manufacture,
Haute école de théâtre de Suisse romande,
sous la direction d’Oskar Gómez Mata
du 26 au 30 juin Kaïros, sisyphes et zombies LAlakran
du 6 au 16 juillet Fermez les théâtres! Michel Deutsch
suivi de Le trip Rousseau Dominique Ziegler
(un voyage théâtral à L’ilôt 13)
OFF
2 mars Avant-première : Le principe d’incertitude
un film de Michel Deutsch
8, 9, 15 et 16 juin Un tour en ville … avec Pierre Miserez
Renseignements: www.saintgervais.ch
MARS_JUILLET 2012
03
« Nous
sommes
la génération
des loisirs »
EuropE l’échappéE bEllE
du 6 au 24 mars 2012
TexTe eT mise en scène marie FourqueT
collaboraTion arTisTique PhiliPPe solTermann
avec Fanny bruneT, François Karlen,
valérie liengme eT PhiliPPe solTermann
PhoTo © sTéPhane Pecorini
PhoTo de couverTure © marie FourqueT
1
LE COLLECTIF ROSA S’EST CONSTITEN SEPTEMBRE 2010, EN RÉACTION À LADOP
TION DE LA 4ÈME RÉVISION DE LA LOI SUR LASSURANCECHÔMAGE. IL EST COM
POSÉ DE PROFESSIONNELS DU SPECTACLE: COMÉDIENS, AUTEURS, METTEURS EN
SCÈNE, CHORÉGRAPHES, TECHNICIENS, DANSEURS, CINÉASTES. LA PRÉCARITÉ
DANS LAQUELLE VIT LA MAJORITÉ D’ENTRE EUX S’ACCROÎT CHAQUE JOUR.
Le grand entretien. 2
Rencontre avec Marie Fourquet,
auteure et metteure en scène qui s’est glissée
dans la peau de l’Europe
Le contribution. 4
Je peux faire quoi ?
par Philippe Soltermann
L’avant-première. 5
Michel Deutsch et
Le principe d’incertitude,
film commando
La cartographie. 6
Quand Rousseau regarde à nouveau Genève
Le petit entretien. 8
Elseneur-Machine,
un acte contre-culturel de José Lillo
La carte postale. 9
Julie Gilbert et sa cabane au Canada
Les transversales. 10-14
Rodrigo Garcia, Romeo Castellucci et le Christ,
par Bruno Tackels
Un éloge de l’esquisse, par Maxime Pégatoquet
Si c’est ça la vie, faudrait la changer, bordel!,
par Oskar Gómez Mata
Les news du théâtre. 16
L’actualité des résidents. 16
Octobre 2011. Le collectif ROSA sort « Le cahier noir de l’in-
termience ». Ce que lon pressentait éclate au grand jour :
précarisés, les comédiens et les autres intermients de la
scène genevoise portent, à bout de bras, le théâtre d’une cité
qui ne le leur rend pas.
En 1757, D’Alembert, dans un article de l’Encyclopédie, pro-
pose létablissement d’une troupe de comédiens à Genève,
qui n’en a pas. Selon lui, la cité de Calvin, par sa rigueur morale, dispose du cadre idéal pour
redresser les mœurs d’une profession dissolue. Il explique que l’absence de reconnaissance
sociale dont sourent les comédiens est à l’origine de leur avilissement. Il demande que ceux-
ci soient encadrés par des lois strictes et qu’en contre-partie ils soient rémunérés, « pension-
nés par le gouvernement » – et placés « sur la même ligne que les autres citoyens ».
D’Alembert invente, d’une certaine manière, le statut du comédien professionnel. Mais pas
n’importe quel comédien, ni n’importe quel théâtre. Il s’agit d’un théâtre aristocratique, im-
porté de Paris, destiné à la distraction des patriciens genevois et de leurs hôtes français, et de
comédiens indiérents aux préoccupations locales. D’un côté, D’Alembert valorise le théâtre,
de l’autre il limite son usage à une caste de privilégiés.
Un an plus tard, Rousseau s’oppose radicalement à un tel projet, lui préférant un spectacle
participatif et civique. Il aura gain de cause.
Considérant que le théâtre n’est pas réformable en l’état, puisqu’il renforce selon lui les privi-
lèges et exclut le peuple de ses bénéces supposés, Rousseau le voit comme un frein à léman-
cipation. Il s’aaque tant à la fonction de l’art dramatique qu’à celui qui l’incarne, le comédien
qui « se donne en représentation pour de l’argent ». Rousseau tient en horreur la représentation,
de soi comme celle des autres, qu’il associe au paraître et à la duplicité. Il appelle à sortir des
salons et des théâtres, à rejoindre le plein air, dénonçant la division entre salle et scène, spec-
tateur et acteur, jusqu’à abolir la représentation même, anticipant le happening. Exit le profes-
sionnel, vive l’amateur ! Quoi ? Il n’y a pourtant pas d’art sans représentation.
Par ce geste iconoclaste, agitateur et sincère, Rousseau cherche à mobiliser et à relier les ci-
toyens de Genève, les faisant passer de la position de spectateur à celle d’acteur. Un acteur
pas comme les autres, démultiplié, acteur de sa vie dans la cité.
En proposant de donner « les spectacteurs en spectacle », Rousseau excède et déplace le
problème posé par D’Alembert. Ce n’est plus de théâtre à proprement parler dont il s’agit. Il
dessine un projet utopique pour le peuple et par lui, « chacun se voit et s’aime dans les autres,
an que tous en soient mieux réunis. » A circonstance exceptionnelle, solution exceptionnelle :
trente ans avant la Révolution française et ses fêtes spectaculaires dont il est l’inspirateur,
Rousseau prend le risque de suspendre un théâtre incapable, à ses yeux, de changer le monde,
ni « des sentiments et des mœurs qu’il ne peut que suivre et embellir ». Rousseau ouvre un
champ d’expérimentation, individuelle et collective, l’art se dénit d’abord comme un art de
vivre ensemble.
En 2012, la société est devenue spectacle et il y a de moins en moins d’acteurs au rendez-vous.
Le (télé)spectateur est le contraire même du citoyen acteur auquel Rousseau rêvait, mais
a-t-il jamais existé ? Quant au théâtre, nest-il pas toujours à transformer ? Philippe Macasdar
L’édito
Le sommaire
Mars 2012
« Ici c’est ailleurs »,
la revue de St-Gervais
Genève Le Théâtre
Le
paradoxe
de
Genève
L’Équipe
Direction : Philippe Macasdar
Adjointe à la direction : Yoko Miyata
Gestion nancière : Alberto Caridad
Production : Florence Chappuis
Communication et presse :
Emmanuelle Stevan
Relations publiques : Anaïs Balabazan
Assistante de direction : Aldjia Moulaï
(Interim : Pierrine Poget)
Régie générale et lumières :
Ludovic Buter
Régie son et vidéo : Pierre-Alain Besse
Entretien : Lidia Usaï
Bâtiment et sécurité : Ignacio Llusià
Responsable accueil et billeterie :
Gaïl Menzi
Accueil : Tristan Audeoud,
Sandra Irsapoulle, Ivan Martin
Apprentie administration :
Sónia Da Silva Marques
Buets :
Florence et Guillaume Chappuis
Publication
Responsable : Philippe Macasdar
Coordination : Maxime Pégatoquet,
Pierrine Poget et Emmanuelle Stevan
Rédaction des textes :
Julie Gilbert, Oskar Gómez Mata,
Maxime Pégatoquet, Philippe
Soltermann, Bruno Tackels
et les compagnies
Graphisme :
atelier blvdr / Daniel Kunzi
Impression :
Sro-Kundig, Genève
mars 2012
La fondation pour les arts de la scène
et les expressions culturelles
pluridisciplinaires est subventionnée
par le Département de la Culture
de la Ville de Genève
et par le Département de l’instruction
publique du Canton de Genève.
Conseil de fondation
Membres : Dominique Berlie,
Renate Cornu, Marc Dalphin,
Françoise Dupraz, Cyrille Joie,
Sami Kanaan, Christina Kotsos,
Christiane Leuenberger, Amar Madani,
Jean-Bernard Moet, Jean Prévost,
Cléa Redalié, Salika Wenger
et Jean Zahno
Le grand
entretien
Mars 2012
« Ici c’est ailleurs »,
la revue de St-Gervais
Le Théâtre
Le grand
entretien
Mars 2012
« Ici c’est ailleurs »,
la revue de St-Gervais
Le Théâtre
2
3
Trois semaines durant, Marie Fourquet est à
l’ache de St-Gervais avec deux spectacles.
Une reprise de Pour l’instant je doute, jouée
au 7
ème
, et une création articulée autour de
l’Europe, cee utopie politique, cee convic-
tion intime. Elle s’en explique.
Calais, ville du Nord de la France, pourrait être un condensé de l’Eu-
rope. Bombardée pendant la Seconde Guerre mondiale, ses bunkers
abritent aujourd’hui les migrants et leurs rêves d’Angleterre. Pour té-
moigner de cee réalité, hors les JT d’actualité, de nombreux artistes
se sont collés au sujet : l’écrivain Olivier Adam (A l’abri de rien, éd.
de l’Olivier), le cinéaste Philippe Lioret (Welcome) ou le photographe
genevois Jean Revillard (Jungles, éd. Labor & Fides).
A son tour, l’auteure et meeure en scène Marie Fourquet s’y inté-
resse et s’interroge : « L’Europe n’est-elle pas, et depuis Euripide, une
terre d’enfants en errance qui frappent aux portes des villes ? ». A tra-
vers cee ville marquée par l’histoire, dernièrement encore touchée
par la liquidation de la société SeaFrance, elle interroge l’utopie euro-
péenne après en avoir remonté le l de la construction, commençant
son voyage à Sarajevo, là où, comme souvent, l’histoire a basculé.
Deux précisions encore. Marie Fourquet vient d’obtenir la naturalisa-
tion suisse. Mais elle est originaire de Calais.
«Quand
j’étais enfant,
Europe,
je l’imaginais
blonde,
avec
une grande
robe bleue...»
Il y a un souvenir d’enfance, mais aussi une utopie qui est le l conduc-
teur de mon spectacle. La pièce est moins politique que personnelle.
C’est une pièce que je dédie à mes enfants, parce qu’ils ne sont pas
européens. Ils sont franco-suisses, mais pas européens comme moi
j’ai pu lêtre ou comme je pourrai l’être. Je leur dédie, car j’aimerai qu’ils
soient européens et qu’ils puissent encore y croire et se positionner
vis-à-vis d’elle. Cest la première fois que je m’expose de cee ma-
nière dans une pièce assez violente par rapport aux thèmes abordés
(la guerre, les migrants...), et où, en plus, j’expose même mes en-
fants.
Quel est le postulat de départ ?
C’est une soirée entre amis. Ils sont quatre, irresponsables et dégé-
nérés de par leurs propos et leurs positions. Ca commence simplement
par une jeune femme qui enlève sa culoe. On peut trouver ça super-
ciel, alors que pour moi ça évoque immédiatement le mythe de La
jeune lle et la Mort, ce rapport à la sexualité quand on peut se retrou-
ver dans une situation extrême.
Par rapport à vos précédents spectacles, il y a autant de mordant, d’ironie,
de légèreté, mais vous passez des relations homme-femme à l’Europe. Qu’est-
ce qui a déclenché l’envie de cee pièce ?
Le fait que j’ai acquis la nationalité suisse, tout simplement. C’est une
nationalité que j’ai voulue parce que j’élève mes enfants en Suisse et
que je voulais pouvoir voter dans le pays j’élève mes enfants. Le
truc de base, quoi. Et puis, un jour, après avoir suivi un cours à l’Uni-
versité sur l’Europe et l’enjeu de la culture européenne, je me suis
rendu compte que nombre de Suisses autour de moi ne connaissaient
pas le fonctionnement de cee structure. , je me suis dit : « Waouh ».
Personnellement, je me che de ma nationalité française. Par contre,
acquérir une nationalité dans un pays qui nest pas européen a provo-
qué un sentiment très fort en moi.
Pour quelles raisons ?
C’est un pays qui n’a pas connu la guerre, les ares de la reconstruction.
Moi, quelque part, j’ai hérité de mes grand-parents et parents cee
énergie-là. Pour moi qui ai joué dans les blockhaus à Calais, qui ai
baigné dans tout cet univers de guerre, tu crains d’avoir un oncle
qui faisait le collabo parce que tu sais qu’il nest pas possible que tout
le monde aie fait partie des résistants, tu sens qu’ici ce sont des cho-
ses qui sont très peu présentes. Ensuite, je suis devenue Suissesse.
J’élève mes gamins ici. Qu’est-ce qui se passe ? Parlons de l’Europe.
Dans la pièce, vous préférez parler d’Europe, telle une gure mythique gréco-
romaine, plutôt que de l’Europe ? Avec ce choix, il y avait l’idée de retrouver
une forme d’utopie originelle ?
Je voulais créer un personnage. Quand j’étais enfant, Europe, je l’ima-
ginais blonde, avec une grande robe bleue et les cheveux de la couleur
des étoiles. Europe, c’est cee gure de la jeune lle sur laquelle je
travaille beaucoup dans la pièce. Il y a la jeune lle vierge propre à la
tragédie grecque ; la jeune lle tuée à Sarajevo, première victime et
élément déclencheur de la guerre ; la jeune lle mourant sur une rou-
te de Calais renversée par un ami médecin...
Avec lallégorie des jeunes lles, vous
cherchiez à montrer que l’Europe, na-
lement, n’en est encore qu’à ses balbu-
tiements et qu’il faut l’encadrer, l’ac-
compagner ?
Elle n’est plus vierge, peut-être
même qu’elle ne l’a jamais été, mais
c’est maintenant qu’il faut y aller et
qu’il faut y croire. Néanmoins, il y a
deux doutes qui subsistent en moi : le fait que la Bosnie n’y soit pas,
alors que dans mon Europe utopique idéale elle aurait y être ac-
cueillie à bras ouverts, an de justier le « plus jamais ça » et qu’on lui
demande pardon pour ce qui s’y est déroulé ; et cee jeune femme
tuée à Calais, à deux pas de a été construit le tunnel sous la
Manche, le symbole qui allait nous rendre tous européens, mais qui
fait que géographiquement parlant, ça crée une sorte de nœud gordien,
de boule au ventre.
Europe, la pièce, peut-elle se voir comme une sorte de cri, alors qu’on a
l’impression que cet état unionniste prend l’eau de toutes parts ?
J’ai commencé à travailler sur ce texte bien avant les dégradations
successives de la Grèce et la crise de leuro. Tu te fais toujours rara-
per par l’actualité, mais mon approche se voulait plus intime, plus sin-
cère quelque part. Si, par exemple, la Grèce devait sortir de l’Europe,
pour moi, ce serait terrible, ma réaction serait très aective.
Vous-même, vous êtes allée à Sarajevo pour une forme de voyage initiatique,
pour comprendre l’Europe par ses racines ? Et vous y avez emmené vos en-
fants...
Mon gamin a très mal vécu ce voyage. Le climat est encore très post-
traumatique. Et il ne comprenait pourquoi tous ses copains partaient
au soleil et lui devait se trouver là. Par la suite, on devait aller à Sre-
benica, mais on a préféré annuler le déplacement, car je n’aurai pas
pu le justier devant lui.
Nous sommes la génération des loisirs, dit l’un de vos personnages. Comment
qualieriez-vous celle d’avant ?
La génération de mes grand-parents, c’est celle de la reconstruction.
Je l’ai vraiment compris quand je suis arrivée à Sarajevo. Quand on
sait qu’il y a eu près de 1’600 enfants tués dans les rues de la ville,
quand on comprend de quoi ils essaient de se relever, j’ai compris pour-
quoi on est heureux de l’arrivée d’un McDonald’s ou qu’on a envie d’un
jean’s Diesel, d’un iPhone.
Pour avoir grandi dans un tel environnement, il faut avouer à un moment
que j’en ai soupé de toutes ces histoires, des commémorations dans
les cimetières, des récits de vieux combaants, des histoires de Juifs
gazés. Franchement, en tant qu’enfant, à un moment, on n’en pouvait
plus, on avait envie d’autre chose.
Et puis, à Sarajevo, j’ai physiquement eu la nausée pendant trois jours,
car j’ai compris que j’avais vraiment envoyé « chier » mes grand-parents
pendant longtemps.
Quelle est la position de votre génération ?
On va y aller quand même. Cest une histoire d’amour impossible.
Vous venez de Calais, une ville qu’on peut voir comme un carrefour de l’Eu-
rope et qui se retrouve presque montrée du doigt comme une prison à ciel
ouvert. Pour quelles raisons ?
J’aurais pu appeler cee pièce Mon Europe, pour ne pas que ça de-
vienne cee chose immatérielle, faite de marchés économiques et de
tribunaux de justice. Mais celle à laquelle j’ai cru et à laquelle j’ai en-
core envie de croire.
maxime PégaToqueT
Marie Fourquet
europe l’échappée Belle
du 6 au 24 Mars 2012
TexTe eT mise en scène marie FourqueT - collaboraTion arTisTique PhiliPPe solTermann
avec Fanny bruneT, François Karlen, valérie liengme, PhiliPPe solTermann
PhoTo © marie FourqueT, PhoTo monTage © daniel Kunzi
Avant-Première
Mars 2012
« Ici c’est ailleurs »,
la revue de St-Gervais
Le Théâtre
La contribution
au grand
entretien
Mars 2012
« Ici c’est ailleurs »,
la revue de St-Gervais
Le Théâtre
Les principes
de Michel Deutsch
Avec Le principe d’incertitude, Michel Deutsch passe d’une pièce de théâtre montée sur scè-
ne, La décennie rouge, à un lm typé Nouvelle Vague tourné dans les rues genevoises. A dé-
couvrir en exclusivité.
Il y a de cela une poignée d’années, le réalisateur et meeur en scène Michel Deutsch montait
sur scène La Décennie rouge (Mensch oder Schwein), relecture du mythe sanglant de la ban-
de à Baader-Meinhof.
Un docu commando dans les rues genevoises
L’aventure fut aussi riche que généreusement humaine. « On ne va pas se quier comme ça »
dit Michel Deutsch qui a alors embrigadé une partie de ses acteurs and Co pour une opération
de ciné-commando. Un tournage à Genève, quinze jours durant, une plongée dans la tran-
quille et quotidienne banalité genevoise, un road-movie circulaire et labyrinthique. Michel
Deutsch : « Le principe d’incertitude raconte l’histoire des amours et des doutes qui agitent
les acteurs pendant le montage de la pièce. Amours, trahisons et politique... Pour certains la
fuite en avant s’impose : changer le monde veut dire passer à l’acte. Pour d’autres il s’agit, par
un soir émouvant, d’approfondir leur pratique artistique. »
Un cinéma de vérité
Contemporain de la Nouvelle Vague sous toutes ses formes, Deutsch cherche à en retrouver
l’esprit. Il tourne ses lms quasi comme des documentaires. Fonctionne avec de jeunes acteurs
qui débarquent dans le métier. S’ore quelques hommages appuyés avec, notamment, une
revisitation réussie d’une scène mythique de La Chinoise de Godard Anne Wiazemsky
mouchait Jean-Pierre Léaud d’un absolu « Je ne t’aime plus ». Mahias Langho y fait une
apparition, Jean-Marc Stehlé un aller-retour depuis sa base parisienne.
Michel Deutsch : « Depuis quelques années, mon travail est tourné vers une mémoire du temps
présent : creuser le présent pour lever les fantômes – les cadavres – qui l’habitent. » Réalisé
en 2009, Le principe d’incertitude, le lm, déroule sa Genève internationale et culturelle : du
quartier des banques à la librairie Le Rameau d’Or, des trams du réseau orange au MAMCO,
lieu auquel il a emprunté le titre de l’exposition qui s’y déroulait au moment du tournage. Le
principe d’incertitude. Un moment volé de vérité, à voir sur la... scène de St-Gervais le Théâtre.
Car si, comme le remarquait André Bazin, le théâtre permet de mieux voir le cinéma, le cinéma,
quant à lui, permet de s’intéresser autrement au théâtre.
4
le principe d’incertitude
a voir le 2 Mars 2012, à 20h.
un Film de michel deuTsch.
avec Jeanne de monT, sara louis, Pascal sangla, Julien Tsongas, lucie
zelger. eT les ParTiciPaTions excePTionnelles de anne-marie delbarT,
michèle Foucher, maTThias langhoFF, Jean-marc sTehlé eT PhiliPPe
macasdar. PhoTo © michel deuTsch
5
...autant
d’armes
à feu
et si peu
d’accidents.
Je peux faire quoi?
On s’habitue à cee vie… une vie en demi-teinte,
toujours au semi-régime, vin rouge mais légumes
juste après, côte à l’os mais ratatouille, surtout
pas de frites.
Je ne suis pas peu er de vivre dans un pays
responsable avec autant d’armes à feu et si peu
d’accidents.
Même si on doute du bien fondé et des intentions
peu louables des référendums, si le peuple décide,
autant accepter, tu sais qu’il existe des peuples
qui se baent pour la démocratie, alors c’est fa-
cile de se plaindre quand on vit dans un pays si
confortable.
La vérité peut faire défaut, ça ne vaut rien, on par-
le de constitution de règles humaines, de législa-
tion, de concordance, de bien-être et de respect.
Le pamphlet, je trouve ça laid, désuet et à dire vrai,
extrêmement vulgaire.
Tu veux quoi, nous parler des enfants soldats ?
De la famine ? Du peuple kurde ou de la guerre au
Nigeria ?
Non mais ça va ?
Ici, juste en bas de chez moi, je vois depuis mon
balcon, enn, ma terrasse avec grill, je vois un
homme qui promène son chien, il lui a coupé les
oreilles pour le rendre plus agressif, alors l’huma-
nité, je ne sais par quel bout la prendre pour la haïr.
Elle se salit toute seule dès qu’on l’observe. Elle
fait sa honte comme on fait sa bile.
Parfois la lumière prend force dans notre quoti-
dien,
le ic qui tire que dans les pneus,
l’instituteur compétent capable de démission,
la critique de théâtre qui se tait,
le pauvre qui gagne à l’euro million.
Oui des fois la vie semble juste, moins brutale et
douce, comme le pompiste qui te donne des tic-
kets de réduction pour ton prochain plein. Tu peux
même avoir une carafe si tu cumules sur ta carte
de délité, alors autant être dèle à son pompis-
te.
Mais, comment je vais réussir à être réac alors que
je déteste mon époque ?
Comment je vais réussir l’échec de dire en n de
repas, juste avant le café, en mâchant un biscuit...
avant c’était mieux
Alors, il faut faire quoi ?
Prendre une année sabbatique avec mes enfants
pour qu’ils comprennent leurs privilèges ?
Qu’ils voient la pauvreté, la guerre ? Qu’ils la tou-
chent ? Qu’ils la côtoient plutôt qu’un skate park
et des lms en 3D ?
Comprendre son monde,
un bout du monde,
sortir de son voisinage,
balloer nos privilèges,
aller voir le monde en famille,
un charnier pour ces 7 ans,
Srebrenica c’est formateur,
à 10 ans, on fait Tchernobyl,
14 ans, Auschwitz et après on tore
une mobylee,
16 ans, on nit par le Rwanda,
20 ans, lecture d’un livre de BHL
et tu deviens enn un adulte,
21 ans, visite du parlement européen
pour se souvenir.
On manque toujours de rites formateurs.
Plutôt qu’une communion et qu’un service
militaire,
on fait les touristes du monde.
Faire comprendre dans une simple notion péda-
gogique père-ls comment j’aime la vie, leurs vies
et mamuser encore et encore.
Souvent visible et risible de mes fatigues, j’ai
même pas le courage de prendre un bain, je vais
jusqu’à justier mon errance dépressive par un
dogme écologique.
Les bains assèchent les rivières, alors je dors
sale.
Alors je peux faire quoi ?
M’acheter un camping-car et faire les châteaux de
la Loire ?
Ou m’acheter des bâtons pour faire de la randon-
née ?
Faudrait même trouver le style,
avoir son style,
le pantalon avec poches sur le côté, des sandales
et un t-shirt vieux campeur, au mieux décathlon
en micro bres.
Comprendre sa vie comme la lecture d’un guide
de voyage avec des belles photos au milieu.
philippe solterMann
1 / 11 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !