Le spectacle repose aussi en grande partie sur la compétition. Cette rivalité est-elle
typiquement masculine ?
Yahya : Peut-être, oui. Mais à mon avis, on considère trop souvent, à tort, la compétition
comme néfaste. J'aime le sport et j'aime les jeux, alors que je perds invariablement. Et
pourtant, c'est plus amusant quand il y a un enjeu, car à ce moment-là, tout prend une
certaine importance. Ça crée une énergie favorable : on progresse, on arrive à aller plus loin.
Dans le spectacle, l'élément de compétition est abordé sous plusieurs angles. Même dans les
moments les plus émouvants, il y a de l'émulation. Prenons une soirée autour du feu de
camp. Ça a l'air merveilleux, mais en même temps on s'énerve en voyant le type à la guitare
qui tente d'impressionner les filles. Du coup, on prend sa propre guitare en espérant jouer un
morceau encore plus fort qui les impressionnera encore plus.
Yahya, vous avez subi une commotion cérébrale au cours des répétitions, ce qui vous a
empêché de participer en tant qu'acteur et danseur. Vous vous êtes donc chargé de la mise
en scène. Mais à l'origine, le spectacle devait être une création collective des six interprètes
et créateurs.
Yahya : Le spectacle aurait pu exister sans metteur en scène, mais cela aurait été difficile.
Pour la plupart d'entre nous, c'est la première fois que nous créons un spectacle de théâtre
de mouvement. Ici, nous ne pouvions retomber que partiellement sur les points de repère et
l'aplomb que nous avons acquis ces dernières années dans le théâtre de texte. Cela a rendu
le processus plus laborieux, mais aussi plus frais et ouvert.
Dans des spectacles tels que Klein Rusland et PUT, le mouvement était aussi très présent, mais
il restait toujours subordonné au récit. Dans Chicks for money nous avons voulu inverser
l'ordre. Enfant, Arend, Oliver et moi, nous avons participé à plusieurs spectacles de théâtre
de mouvement de KOPERGIETERY, dont Mannen, Rennen, Tom waits for no man… Quand j'ai
fait De titel is alvast geweldig avec Gilles, le texte était un élément nouveau.
Nous avons continué dans cette voie depuis et, dans ce spectacle, il nous a semblé amusant
de rechercher une nouvelle fois le mouvement.
Ce n'est pas devenu une véritable pièce de danse.
Yahya : C'est plutôt du théâtre imagé. Et c'est intéressant de voir comment les images
peuvent susciter des émotions. Mais moi, dès le départ, j'avais besoin d'un texte. Les quelques
passages parlés qui ont finalement été conservés dans la pièce sont des anecdotes qui
servent de contrepoids au mouvement. Elles le rendent d'une certaine façon plus ordinaire,
plus terre-à-terre.
Arend : Moi, il me faut toujours un récit comme point d'appui. Voilà le tiraillement permanent
pendant les répétitions : va-t-on chercher un récit ou, au contraire, laisser le mouvement aussi
ouvert que possible ?
Oliver : Avec la danse, on court le risque d'aboutir à des mouvements creux qui ne racontent
rien. Pendant les répétitions, nous avons sondé chaque mouvement pour trouver un contenu
possible, un sens. Le résultat est un spectacle à mi-chemin entre le théâtre et la danse. Nous
avons examiné comment transposer une donnée concrète – une fête, par exemple – dans
une image qui n'y renverrait qu'indirectement. Comment montrer beaucoup de choses à
l'aide de quelques éléments seulement.
Hendrik : Il s'agit effectivement de montrer, plutôt que de raconter. Nous avons recherché
une grande intégrité et sincérité sur scène.
Gilles : Nous avons découvert combien la simplicité peut être puissante. À mesure que nous
simplifions les images pour nous, le spectateur peut y lire de plus en plus et ces images
acquièrent davantage de niveaux.
Robrecht : En optant pour la danse et le mouvement, nous nous sommes rencontrés d'une
autre façon. Quand on travaille sur des textes, le psychologisme arrive bien plus tôt. On s'y
confronte tout de suite mutuellement au cours d'improvisations, pendant la recherche d'un
contenu. Dans un processus comme le nôtre, il faut laisser une grande liberté les uns aux
autres. Le psychologisme n'intervient qu'à la fin : qu'avons-nous créé, qu'est-ce que cela veut
dire, où cela a-t-il sa place ?