SE TROUVER
de Luigi Pirandello (SICILE, 1932, SOUS L’ITALIE FASCISTE DE MUSSOLINI PRIX NOBEL DE LITTERATURE EN 1934)
traduction Jean-Paul Manganaro
mise en scène Stanislas Nordey
Cette pièce de Pirandello est bâtie sur un paradoxe. Comment une actrice célèbre pour sa capacité à reproduire sur scène
l’expression même de la vie dans toutes ses nuances peut-elle exister en-dehors de son art ? Donata Genzi est cette star du
théâtre dont les feux brillent comme des diamants dans le regard de ses admirateurs. Elle est sur un piédestal. D’ailleurs on
l’attend fébrilement au pied d’une volée de marches, telle une déesse descendant de l’Olympe ou une actrice au festival de
Cannes. C’est Emmanuelle Béart qui joue Donata Genzi dans cette mise en scène de Stanislas Nordey reprise après son
succès de la saison passée.
Fidèle du TNB, dont il a dirigé l’école pendant 12 ans formant quatre promotions d’acteurs, Stanislas Nordey montre comment
l’opposition entre l’art comme absolu et la vie traverse le personnage de Donata Genzi au point de se perdre. La pièce
développe ce paradoxe de la comédienne qui veut aussi être une femme comme les autres. Avec au centre la question de la
folie quand soudain elle ne sait plus qui elle est. Pour finalement revenir à elle-même et accepter sa situation, c’est-à-dire se
trouver.
Après avoir monté avec succès Hofmannsthal, Feydeau, Camus, Stanislas Nordey réussit avec cette première incursion dans
l’oeuvre de Pirandello un véritable coup de maître qui a comblé les publics du TNB, du Théâtre Liberté de Toulon et du
Théâtre National de la Colline à Paris pour une cinquantaine de représentations. Reprise de la pièce à Rennes et en tournée :
Saint-Quentin-en-Yvelines, Vannes, Liège et Luxembourg.
Emmanuelle Béart vient de recevoir le Prix du Syndicat de la Critique 2012, meilleure comédienne, ainsi que les
Beaumarchais du Figaro, meilleure comédienne, décernés par le jury et le public.
Jeudi 27 septembre 2012 durée : 2h30
collaboratrice artistique Claire ingrid Cottanceau
scénographie Emmanuel Clolus
lumières Philippe Berthomé
son Michel Zurcher
costumes Raoul Fernandez
coiffures Jean-Jacques Puchu-Lapeyrade
régie générale Antoine Guilloux
avec Emmanuelle Béart, Claire ingrid Cottanceau, Michel Demierre, Vincent Dissez, Raoul Fernandez, Marina Keltchewsky,
Frédéric Leidgens, Marine de Missolz, Véronique Nordey, Julien Polet, Laurent Sauvage
construction décor atelier du Grand T – Nantes sous la direction de François Corbal
ateliers costumes atelier Caraco Canezou (Paris), Julien de Caurel (Rennes), Mine Barral Vergez (Paris), atelier du TNB
chaussures Pompeï Galvin, Repetto
production déléguée Théâtre National de Bretagne/Rennes coproductionCompagnie Nordey ; Les Théâtres de la Ville de Luxembourg
; Théâtre de la Place/Liège ; Théâtre National de la Colline/Paris ; Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines/Scène Nationale
Critiques
http://www.lestroiscoups.com critique écrite par Jean-François PICAUT
France INFO CULTURE 17 mars 2012 :
http://www.franceinfo.fr/culture-medias/france-info-culture/se-trouver-de-luigi-pirandello-559303-2012-03-17
Nous sommes sur la Riviera dans une très belle demeure de style art déco. Les invités d’Elisa Arcuri
attendent avec fébrilité de rencontrer la grande comédienne de théâtre Donata Genzi. Ils ont tous des
préjugés sur le métier d’actrice.
Ce sont d’abord ces préjugés que Pirandello met à mal : cette femme vit son art comme un sacerdoce. Sa
vocation est presque religieuse. Elle n’a jamais eu d’amants, elle n’a jamais vécu que par et pour son art.
Elle est à l’image de Pirandello : l’écrivain sicilien a été marié très tôt à une femme qu’il n’aimait pas et qui va
sombrer dans la folie. Il aura trois enfants avec elle et ne la quittera pas.
Et lorsque son biographe lui demande de raconter sa vie voici ce qu’il lui répond : "J'ai oublié de vivre, oublié au
point de ne pouvoir rien dire (…) sur ma vie, si ce n'est peut-être que je ne la vis pas, mais que je l'écris. ( …) Si vous
voulez savoir quelque chose de moi, je pourrais vous répondre : Attendez un peu, que je pose la question à mes
personnages."
Le personnage de Donata a oublié de vivre, sa vie se confond avec les rôles qu’elle a créé au théâtre.
Emmanuelle Béart irradie la scène, le rôle semble avoir été écrit pour elle.
Elle a puisé dans son vécu de comédienne pour interpréter ce personnage.
C’est aussi une pièce sur la solitude, l’incommunicabilité entre les êtres.
Marcel Proust disait : nous sommes tous des monades, des points de vue sur le monde mais pour que deux
êtres parviennent à se comprendre, à se parler. Donata Grazi a oublié de vivre sa vie de femme et lorsqu’elle
rencontre Ely Nielsen peintre et marin suédois, elle s’abandonne totalement à cet amour. C’est un être
inadapté qui refuse de vivre en société et ne rêve que de partir en mer. Comme elle c’est un marginal,
inadapté à la vie. Il peut faire penser à James Dean dans la fureur de vivre. Et pourtant, cet homme qu’elle a
choisi ne la comprend pas. Elle est cérébrale, il est physique. Ils ne parlent pas la même langue. Il va lui
demander de renoncer au théâtre. Il lui demande l’impossible.
Emmanuelle Béart nous explique comment la mise en scène parvient à montrer cette dimension de la pièce.
Ecrite en 1932 par un dramaturge sicilien issu d’une famille catholique conservatrice, la pièce aborde pourtant
de manière très crue la question de la sexualité féminine.
C’est étonnant la liberté avec laquelle Pirandello s’attarde sur les déconvenues de son héroïne : Donata
confie à son amant qu’elle n’a pas éprouvé du plaisir. Elle dira à son amie Elisa : "Il a fait trop attention à lui".
Mais surtout, entre l’homme qui l’aime et qui lui demande de tout abandonner pour lui et le théâtre, elle
choisira le théâtre.
Emmanuelle Béart nous rappelle que la pièce est écrite sous l’Italie fasciste de Mussolini et pointe la
modernité et l’avant-gardisme de Pirandello pour son époque.
Le blog de Martine Silber : marsupilamima.blogspot.fr (Photos Elisabeth Carecchio)
Voilà du Stanislas Nordey 100% pur jus. Certains acteurs et même actrices vont jusqu'à adopter les tics de
Nordey, attitudes fébriles, jeux de bras à peine pliés au coude, main refermée , pouce et index joints. Assez
curieux, tous ces Nordey sur scène, en même temps.
Autrement dit, pour ceux qui connaissent le comédien et metteur en scène, les uns vont adorer, les autres
détester. Et pour ceux qui ne connaissent pas, aller voir le spectacle est un excellent moyen de se faire une
opinion.
En une phrase, c'est beau, parfois ennuyeux, et Emmanuelle Béart est épatante, Vincent Dissez aussi. Ce qui
ne veut pas dire que le reste de la troupe n'est pas à la hauteur, mais tout simplement, on les oublie un peu.
Ils s'effacent.
Les gens savants et ceux qui ont lu le dossier de presse expliquent que l'origine de la pièce vient de la
relation entre la comédienne Marta Alba et Pirandello:
La vie de Marta Abba est indissociable de celle du grand dramaturge et metteur en scène de théâtre sicilien,
Luigi Pirandello dans la fin de vie duquel elle tint une grande place. De sa rencontre avec lui en 1923, jusqu’à
la mort du “maître” en 1936, elle recevra 560 lettres à propos desquelles les historiens discutent encore de
savoir s’il y eut ou non une grande histoire d’amour entre eux. On discute également de savoir si la grandeur
de la star fut induite par le génie du “Maître” où si, à l’inverse, Pirandello fut illuminé par la Muse
enchanteresse, lorsqu’il écrivit des textes pour elle.
Au début de la pièce, place à l'esthétique: costumes en teintes douces, décors soignés, raffinés, composition
précise et parfaite des déplacements des comédiens: face au public à l'antique, alignés comme des pions sur
un échiquier, profils dirigés dans la même direction. Tous prêts pour une succession de plans plus
photographiques que cinématographiques. On s'engourdit un peu. Du moins, moi.
Ce début permet de situer de façon assez
classique et simple les personnages du drame
qui va suivre. Quelques amis friqués attendent
l'arrivée de Donata Genzy ( Emmanuelle Béart) ,
une comédienne célèbre, amie de la maîtresse
de maison, qui vient chercher un refuge pour se
reposer. On la dirait aujourd'hui en plein "burn
out". Les invités attendent son arrivée avec
impatience passant en revue tous les ragots
qu'elle a pu susciter avant de pouvoir la
rencontrer à leur tour.
Seule, une jeune fille, fantasque adolescente, Nina, s'inquiète. Elle sent, elle
sait qu'il ne faut pas que Donata rencontre, Ely Nielsen (Vincent Dissez),
l'artiste peintre, rebelle, exalté, qui ne rêve que de partir en mer.
Et commencent à se poser les questions de fonds qui vont traverser la
pièce, qui est la femme, qui est la comédienne, comment la même personne
peut être les deux, qu'est-ce qui prime, qu'est-ce que le jeu, qu'est-ce que la
création??? On s'engourdit un peu plus.
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