Théophile Gautier
Mademoiselle de Maupin
En 1835, Théophile Gautier publie Mademoiselle de Maupin.
Mais ne nous fions pas à sa date de publication : ce n’est pas un
roman classique, tant dans son fond que sur sa forme.
Quand on ouvre le livre, on a d’abord la lettre d’un jeune
homme qui s’ennuie, écrivant à un vieil ami à lui. Pourtant, ce n’est
pas un roman épistolaire. Ou plutôt : ce n’est pas vraiment un
roman épistolaire. Car si certains chapitres sont des lettres,
d’autres sont tout à fait des passages de roman, avec narrateur
omniscient commentant les personnages. Mais plutôt que cela,
voyons de quoi traite ce roman magnifique et définitivement
original.
Préparez-vous à perdre vos préjugés et à ne plus savoir qui
est qui, qui est quoi. Préparez-vous à vivre la même expérience que
les personnages, avec la même force, le même étonnement. Le
style est envoûtant, les rebondissements sont inattendus. Prévoyez
du temps avant de commencer votre lecture : vous pourriez bien
ne pas pouvoir l’interrompre quoique le livre ne soit pas très long.
Celui que l’on peut appeler le personnage principal s’appelle d’Albert. C’est un jeune homme qui
s’ennuie à la campagne, tourne en rond, n’a aucune vie sociale. Mais il a un idéal : un idéal de beauté, un
idéal féminin. Il l’imagine régulièrement, se met en scène avec elle. Seulement, il en a une vision si
stricte qu’il ne pourra jamais trouver cette personne. Il décide donc de fréquenter quelques jeunes
femmes qu’il rencontre dans des salons.
Un jour, presque par hasard, il rencontre un jeune chevalier. Mais il est si beau que d’Albert est
sûr que c’est une femme, en dépit d’une apparence contraire évidente. Fou d’amour, il est surtout très
malheureux : si c’est une femme, pourquoi se déguise-t-elle ainsi ? Si c’est un homme, que sont
devenues ses certitudes à propos de son idéal ?
Mademoiselle de Maupin est d’une modernité incroyable : Gautier est très en avance sur son
temps par rapport à la force de caractère et de volonté qu’il donne à ses personnages féminins.
Cependant, et c’est très dommage même si le contexte historique peut l’expliquer, les témoignages
d’homophobie sont parfois effrayants. On ne peut pas être prédictif en tout.
Une lecture déroutante avec des personnages originaux, qui passent d'un monde commun au
vrai : il fait parfois peur, mais il est beaucoup plus riche et divers. Un livre à (re)découvrir avec l'œil du
XXIème siècle.
Hubert Camus
LITTÉRATURE P.5