pour quitter Marie-Clothilde (Josianne Dicaire). Le mystérieux mutisme de la jeune femme lui confère
une présence insondable tout au long de la pièce. C’est Christian-Bernard qui lui parle, qui lui lit le
journal, qui découpe un enfant dans ses rêves, qui cuisine un gâteau, qui rentre du bureau. C’est lui qui
se rend compte qu’il ne peut vivre sans elle et qu’il doit la reconquérir. Son monologue intérieur
empreint d’une violence parfois retenue, parfois explicite, est une ode à la solitude et à l’isolement qui
est marquée par l’interprétation vive et rigide, éclatée mais réservée, de Jonathan Michaud. Marie-
Clothilde, dans son silence dérangeant, est interprétée avec une justesse immobile qui attire le regard du
spectateur tout au long de la pièce. C’est un périlleux exploit qui est surmonté avec la rigueur corporelle
nécessaire.
La mise en scène singulière de Gaétan Paré ressemble aux personnages de Blutsch. Elle nous intrigue et
génère un sentiment de libre incompréhension nous permettant de plonger tête première dans un monde
où l’être humain n’est jamais à l’abri de lui-même.
C’est l’entracte, on change de décor !
MÉHARI ET ADRIEN, ballade pour deux personnages et un side-car
Un gros ventilateur. Une moto, un side-car. Le ventilateur s’allume, le bruit des moteurs aussi et on
embarque. Il y a Méhari (Bénédicte Décary) et il y a Adrien (Sébastien Dodge). C’est instantané, ils
nous prennent avec eux, ils nous attachent à leur side-car, et, avoir le vent face, ça fait du bien. On suit
leur roadtrip avec un plaisir nostalgique qui prend le visage des deux protagonistes. Ils sont jeunes, ont
une soif éperdue de vivre mais portent en eux un malaise innommable.
Sur la route, Méhari et Adrien s’impose à la vie avec une candeur si belle que la bulle dans laquelle ils
flottent devient tangible. Les comédiens nous offrent une performance généreuse et vivante qui ne
manque jamais de nous surprendre. La courte pièce d’environ 45 minutes nous donne à rire, à sourire,
mais aussi, pour ma part, à pleurer. C’est la vie quoi ! Avec tout les contrastes que celle-ci contient.
La scénographie, encore une fois simple et dénudée d’éléments superflus, est attachante par sa
simplicité. La mise en scène est imagée et dynamise chacune des lignes et répliques écrites par l’auteur.
Même si on se perd parfois, même si on voudrait tout comprendre, c’est la charge émotionnelle qui reste
la ligne conductrice.
Les deux courtes pièces se distinguent l’une de l’autre mais elles s’inspirent toutes deux des relations
interpersonnelles et de la solitude à l’intérieur même de celles-ci. La première laisse une note aigre et
même pas douce (à vous de voir pourquoi !) tandis que la deuxième donne une envie de libre fugue.
Malgré quelques problèmes techniques bénins, tout y était. Du théâtre authentique qui donne envie
d’appuyer sur rembobiner pour revivre encore et encore, les moments, les vrais moments que le metteur
en scène et que les acteurs nous donnent à grosses bouchées. Et ce qui est formidable, c’est que c’est
im
ossible de le faire.