
of Joy dans le gymnase de l’université de Columbia, à New-York. Même si cette expérience
est amateure, elle constitue la première en date sur une scène réellement centrale. Ce
dispositif connaît ensuite un développement exponentiel avec des promoteurs comme Gilmore
Brown qu’il l’essaie à Pasadena House, en Californie (1926) ; comme Hughes Glenn, dans le
cadre universitaire au Penthouse, à Washington (1932) ; ou encore comme Margo Jones avec
son Théâtre Number 47, au Texas, qui ouvre le premier théâtre en rond professionnel
américain en 1947. Ce dispositif commence à se développer pour faire face à la carence
générale du théâtre. Au début du XXème siècle, les contraintes économiques pour
l’amortissement d’une salle de théâtre à l’italienne avec son rideau de fer, son équipement et
ses décors, sont inaccessibles pour beaucoup d’artistes. Dans un premier temps, des amateurs
passionnés élaborent les premiers essais scéniques du rond en les aménageant dans des locaux
universitaires ou associatifs. Cette solution répond aux difficultés économiques en même
temps que celle-ci participe à renouveler l’art dramatique outre Atlantique11. De façon
cyclique, ces remises en question de l’espace scénique, proposant un rapport cubique ou un
rapport sphérique, permettent au théâtre de se ressourcer en modifiant notre perception de
l’espace scénique12. Malgré l’intérêt qu’il a suscité à ces débuts, le théâtre amateur se révèle
inefficace à long terme pour se substituer au théâtre professionnel. Pour les artistes
américains, la disponibilité et la détermination des acteurs amateurs n’est pas suffisante pour
accéder à un théâtre de qualité13. De plus, l’aménagement d’une scène centrale n’a pas le
même impact économique que la construction d’un théâtre en rond. Le développement
professionnel de la scène centrale américaine, qui commence dans les années 1950, ne
remporte pas l'adhésion de tous les artistes. La plupart sont plutôt en quête d’une flexibilité
qu’ils trouvent dans le théâtre transformable, permettant de disposer du théâtre en rond, de la
scène ouverte ou de la scène frontale selon la dramaturgie choisie.
Les Russes œuvrent également à l’élaboration du mouvement de la scène centrale. Leurs
premières expériences commencent en 1921, lorsque Nikolaï Okhlopkov est chargé
d’organiser les célébrations de la victoire des bolcheviks, à l’occasion des fêtes du 1er mai, à
Irkoutsk. Ces grandes manifestations politiques de masse théâtrale ont lieu sur des places
publiques en plein air. Celles-ci rassemblent des milliers de personnes qui prennent place tout
autour d’une grande tribune.
« Acteurs et public forment une communauté unie par le même idéal [...]. Trente mille
personnes participèrent à cette opération. Okhlopkov restera fasciné par les spectacles de
masse14. »
Il renouvelle cette pratique, qui lui apporte une vision différente de l’espace scénique, sur
la scène centrale de son petit Théâtre Réaliste de Moscou, en 1933. Cet artiste russe, qui
partage sa passion entre théâtre et cinéma, développe des procédés proches du
cinématographe grâce à l’association de sa scène annulaire et sa scène centrale. Par exemple,
en 1933 pour La Mère de Gorki, les spectateurs entourent et sont entourés par le spectacle.
« Le dispositif scénique favorise cette avalanche de chocs sonores et visuels
perçus en simultanéité : les acteurs sont partout ; au-dessus, parmi, derrière ou
devant les spectateurs. D'où les protestations de certains d'entre eux qui sortent
épuisés d'avoir dû se tourner dans tous les sens pour "tout" voir. Mais le désordre est
organisé par la lumière qui sélectionne, accentue certains détails en créant des effets
de gros plan. C'est elle aussi qui interrompt le déroulement de l'action pour, comme
par un flash-back, ramener le spectateur en arrière dans le temps15.»
11Voir Margo Jones, Theatre in the round, New York, USA, Editions Rinehart and Co, 1951, p. 37-38.
12Voir Etienne Souriau, « Le Cube et la Sphère », in Architecture et Dramaturgie, Communications
présentées par André Villiers, in Bibliothèque d’Esthétique, Paris, Flammarion Éditeur, 1950, p. 498.
13Margo Jones, Theatre in the round, op.cit., p. 63.
14 Marie-Christine Autant-Mathieu, « Unir les arts pour souder les hommes : le théâtre de Nikolaï
Okhlopkov », in L'Œuvre d'art totale, Paris, CNRS Éditions – coll. « Arts du spectacle / Spectacles, histoire,
société », 1995, p. 180.
4
15 Ibid., p. 181.