Une guerre souterraine contre Louis XIV. L`Espagne, la Hollande et

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Mélanges de la Casa de
Velázquez
42-2 (2012)
Género, sexo y nación: representaciones y prácticas políticas en España (siglos xix-xx)‎
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Charles-Édouard Levillain
Une guerre souterraine contre Louis
XIV. L’Espagne, la Hollande et les
projets de révolte de 1674
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Charles-Édouard Levillain, « Une guerre souterraine contre Louis XIV. L’Espagne, la Hollande et les projets de révolte
de 1674 », Mélanges de la Casa de Velázquez [En ligne], 42-2 | 2012, mis en ligne le 15 novembre 2014, consulté le
09 juin 2014. URL : http://mcv.revues.org/4682
Éditeur : Casa de Velázquez
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miscellanées
Une guerre souterraine
contre Louis XIV
L’Espagne, la Hollande
et les projets de révolte de 1674
Charles-Édouard Levillain
Université Paris VII
De l’année 1674, il est coutume de retenir, d’un point de vue français, au
moins deux événements : la prise de la Franche-Comté et la révolte avortée
de Normandie. Deux événements qui permettent généralement de conforter
l’image établie d’un royaume pacifié par la force, solide à l’intérieur, puissant
à l’extérieur. Les révoltes de 1674-1675 suscitent depuis longtemps la curiosité
des historiens, que ce soit la révolte de Normandie (1674), la révolte de Bretagne (1675) ou celle de Bordeaux (1675)1. Rares sont les études, cependant,
à tenter de les inscrire dans un contexte international2. Pour l’essentiel, l’historiographie existante envisage les révoltes de 1674-1675 dans un contexte
franco-français, sur le fondement de sources exclusivement françaises3.
Le paradoxe veut que ces projets de révolte qualifiés par Claude Michaud,
dans une recension de 1979, « d’affaires menues et de peu de portées4 » en
raison de l’absence de passage à l’acte et du faible nombre de personnes
1
Le meilleur ouvrage sur les révoltes de Louis XIV reste celui de Malettke, 1976. Pour une
synthèse en français, Malettke, 1996. Sur le contexte général des révoltes du xviie siècle, voir
l’ouvrage indispensable de Bercé, 1974. De même Nicolas, 2002. Sur la révolte de Bretagne,
Cornette, 2005, t. I, chap. xxxii passim, et Aubert, 2010. Pour la révolte de Bordeaux, Loirette,
1978. Sur les révoltes de Provence, Pillorget, 1975.
2
Pour une exception récente, voir Levillain, 2010 a. Pour la révolte de Bretagne, Bérenger, 1975.
3
Les recherches nécessaires à la rédaction de cet article ont été effectuées dans le cadre d’une
bourse postdoctorale de la Casa de Velázquez au printemps 2011. Je tiens à remercier le directeur,
Jean-Pierre Étienvre, le directeur des études, Stéphane Michonneau, ainsi que Flora Lorente pour
leur précieuse assistance au cours de mon séjour. Je tiens aussi à remercier mon collègue Manuel
Herrero Sánchez et Isabel Aguirre, des Archives générales de Simancas, pour leurs bons conseils.
Que Cécile d’Antin soit remerciée pour sa relecture attentive. De même souhaiterais-je remercier les
deux lecteurs anonymes de la première version de cet article. Gauthier Aubert m’a très aimablement
communiqué des documents auxquels je n’ai pas accès depuis Bruxelles. En l’absence de règle claire,
l’expression « États Généraux » entraîne souvent des confusions orthographiques. Nous avons opté
pour la règle suivante : « États-Généraux » lorsqu’il s’agit des Provinces-Unies, « États généraux »
lorsqu’il s’agit de la France.
4
C. Michaud, dans Annales. Histoire, Sciences sociales, 34 (4), 1979, p. 802.
Mélanges de la Casa de Velázquez. Nouvelle série, 42 (2), 2012, pp. 201-223. ISSN : 0076-230X. © Casa de Velázquez.
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impliquées — tout au plus 300 personnes pour l’ensemble des provinces
françaises — aient suscité une documentation considérable dans plusieurs
pays, que ce soit en Espagne, en France ou en Hollande. De là, sans doute,
un débat historiographique qui se poursuit depuis celui qui opposa Roland
Mousnier à Boris Porchnev au cours des années 19605 : d’un côté, le modèle
d’une révolte nobiliaire, ensuite appliqué par Klaus Malettke aux révoltes
avortées de 1674-1675 ; de l’autre, celui de révoltes populaires, envisagées par
Porchnev à l’intérieur du cadre plus large d’une lutte des classes qui aurait
préparé l’avènement de la Révolution française.
La présente étude propose une analyse décentrée des révoltes de 1674
en renversant la perspective traditionnelle et en envisageant le problème
d’un point de vue hispano-néerlandais. Il s’agira donc d’une contribution
à ce que Manuel Herrero Sánchez, dans un ouvrage très novateur, a appelé
« le rapprochement hispano-néerlandais6 ». Les sources néerlandaises traitant des événements de 1674 se trouvent essentiellement dans les archives
du Grand Pensionnaire Fagel et elles ont déjà été utilisées. En revanche,
il existe de nombreux documents aujourd’hui conservés dans les Archives
générales de Simancas qui restent mal connus et qui permettent de jeter un
regard nouveau sur le rôle joué par l’Espagne dans la lutte contre la France.
Klaus Malettke s’est appuyé sur la correspondance Monterrey (le gouverneur général des Pays-Bas espagnols), aujourd’hui répartie entre Bruxelles
et Simancas, mais son enquête par ailleurs remarquable souffre de deux
limites : d’une part, une liasse importante a été laissée de côté, restant donc
à ce jour inutilisée7 ; d’autre part, l’attention du grand historien allemand
se concentre sur la France, ne laissant pas entrevoir la manière dont les événements de 1674 ont été vécus par la couronne d’Espagne. C’est en ce sens
que notre étude accordera toute la place qu’elles méritent aux consultes du
Conseil d’État.
L’équilibre des grandes puissances en 1674
D’un point de vue anglo-néerlandais, la question ne fait pas de doute : le
héros de la lutte anti-française, à partir des années 1672-1673, fut Guillaume III
d’Orange. Il est frappant de constater que la belle synthèse publiée à l’issue des
célébrations du tricentenaire de la mort de Guillaume III ne contient pas un seul
article sur l’Espagne8. Soyons clairs : dans une perspective anglo-néerlandaise,
l’image d’une Espagne impuissante continue à dominer la compréhension des
événements des années 1670. Comme l’écrivait l’ambassadeur britannique Sir
5
Porchnev, 1972 ; Mousnier, 1968.
Herrero Sánchez, 2000. On se reportera également à l’ouvrage de Salinas, 1989 et à la thèse
inédite de Collantes, 1989.
7
AGS, Estado K 1664, Francía 1667-1675, D.23.
8
Mijers et Onnekink (éd.), 2007.
6
Mélanges de la Casa de Velázquez. Nouvelle série, 42 (2), 2012, pp. 201-223. ISSN : 0076-230X. © Casa de Velázquez.
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William Temple en 1674, « leur gouvernement est tellement brisé par les factions ministérielles sous la minorité de leur roi qu’ils se trouvent incapables de
toute action d’envergure dans le monde9 ». C’est comme si, au fond, la débilité
physique et mentale du jeune roi très catholique reflétait l’effritement, pour ne
pas dire l’effondrement de la monarchie espagnole.
Ce constat d’impuissance demande à être nuancé à l’aune d’une lecture plus précise des événements de 1674. De toute évidence, la perte de
la Franche-Comté, généreusement célébrée par la propagande française10,
constitua un revers important pour la monarchie espagnole, faisant tomber
dans l’escarcelle de Louis XIV une portion de l’ancien héritage de Charles
Quint. La percée de la France vers les frontières de l’Empire se faisait plus
pressante. D’un autre côté, les archives relatives aux révoltes de 1674 montrent
que l’Espagne participa activement à l’organisation, à la coordination et au
financement de cette guerre souterraine menée contre Louis XIV : non pas
seulement en Normandie, mais aussi en Guyenne, Languedoc, Provence et
Roussillon, plus proches des frontières naturelles de l’Espagne.
Il n’est donc pas exclu de parler d’une « résilience » de la monarchie
espagnole en matière internationale11. Dès le début du règne de Louis XIV,
l’Espagne se distingua par une remarquable capacité à cultiver ses réseaux
d’espionnage et de renseignement12. La création d’une ambassade d’Espagne
à La Haye au lendemain de la paix de Münster (1648) y contribua largement
en Europe du Nord-Ouest. L’espoir que nourrissait la régence espagnole, aux
côtés de Guillaume III, était de susciter en France un large soulèvement qui
déstabilisât Louis XIV, l’obligeant, d’une part, à reconnaître des privilèges aux
insurgés et, d’autre part, à négocier une paix favorable aux Impériaux. L’Espagne, en réalité, jouait, à défaut de puissance militaire, un rôle de jonction
qui se justifiait par sa présence dans les Flandres : à la fois avec l’empereur
Léopold Ier — solidarité dynastique obligeait — et les puissances du Nord,
que ce soit les Provinces-Unies ou l’Angleterre de Charles II.
Les années 1674-1675 marquèrent une inflexion importante dans la guerre
de Hollande. Après avoir concentré ses efforts contre les Provinces-Unies en
1672-1673, Louis XIV en retira progressivement ses troupes, ne gardant que la
forteresse de Grave sur la Meuse. Une puissante coalition s’était formée contre
la France, réunissant la Hollande, le Brandebourg, l’Autriche et l’Espagne.
9
TBL, OSB-MSS-FILES T, Archives Sir William Temple, Folder 14923, Temple à Danby, 26-X1674, s.f. Ambassadeur d’Angleterre auprès des États-Généraux de 1668 à 1670 et auteur des célèbres
Observations sur les Provinces-Unies des Pays-Bas (1672), Temple retrouva son poste à La Haye après
la signature de la paix de Westminster (1674) entre l’Angleterre et la Hollande.
10
AGS, Estado 2126, 13-VI-1674, Prise de Dole, 49. Pour une bonne analyse de ce moment
important des guerres de Louis XIV, voir Gresset et Debard, 1978 et, plus récemment, Dee, 2009,
chap. i passim.
11
Storrs, 2006.
12
Stradling, 1972. Il s’agissait, à Londres, de contrer les effets du rapprochement angloportugais provoqué par le mariage de Charles II d’Angleterre avec Catherine de Bragance en 1662.
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L’un des aspects les plus remarquables de cette coalition anti-française était
le « rapprochement » entre l’Espagne et les Provinces-Unies, deux puissances
dont la longue lutte n’avait cessé que vingt-cinq ans plus tôt avec la signature de la paix de Münster (1648). C’est une alliance qui, d’un point de vue
confessionnel, n’avait rien d’évident mais qui, depuis la guerre de Dévolution
(1667-1668), se justifiait par « l’extrême nécessité dans laquelle se trouvaient
les Pays-Bas espagnols ». Entre deux maux, avait observé le père Nithard dans
une consulte du Conseil d’État en 1667, il valait mieux choisir le moindre13. Le
rapprochement hispano-néerlandais pouvait néanmoins être hypothéqué par
des problèmes pratiques comme les « actions » des « armateurs d’Ostende »
contre les navires britanniques et néerlandais, dont le Grand Pensionnaire
Fagel se plaignit à Monterrey en août 1674 : des actions de piraterie, à n’en
pas douter, qui entravaient le commerce de l’Angleterre et de la Hollande14.
De son côté, l’Angleterre balançait entre plusieurs positions : d’une part
celle du roi Charles II et du « parti de la Cour », favorable à une poursuite de
l’amitié avec la France et, de l’autre, celle du Parlement et du « parti du Pays »,
favorable au contraire à un rapprochement avec Guillaume d’Orange. Bon
connaisseur de l’Angleterre, l’ambassadeur espagnol le marquis de Fresno
observait que seule la pression du Parlement et la crainte d’un « soulèvement
populaire » pouvaient détacher Charles II de Louis XIV. C’est effectivement ce
qui obligea le roi d’Angleterre à se désengager de l’alliance française contractée en 1670 et à signer la paix de Westminster en 167415.
C’est donc une puissante coalition qui s’était formée contre Louis XIV. En
envahissant la Franche-Comté au cours d’une campagne victorieuse de six
semaines, le roi de France se recentrait sur l’essentiel : les possessions territoriales de l’Espagne ennemie. Sur le front mouvant des Pays-Bas espagnols,
ses ennemis ne lui laissaient aucun répit. Les Hollandais attaquèrent Grave
et Maastricht tandis que les Espagnols portèrent les armes vers Charleroi. En
août 1674 eut lieu la bataille de Seneffe : bataille sanglante, à moins de cinquante kilomètres de Bruxelles, dont l’issue indécise laissa le loisir à chaque
camp de s’arroger la victoire. Ambassadeur d’Espagne à La Haye, Manuel
de Lira ne ménagea ni compliments ni flatteries pour féliciter Guillaume
d’Orange, tout en attirant l’attention du stathouder sur les lourdes menaces
que des débordements populaires faisaient peser sur la résidence de l’ambassade d’Espagne16. Guillaume III dut écrire une lettre circonstanciée pour
s’excuser17. Derrière le rapprochement de 1673 persistaient des fissures qui
renvoyaient à la mémoire longue de la révolte contre l’Espagne.
13
AHN, Estado 1730, Holanda, Consulte du Conseil d’État, 21-XII-1667, s.f.
AGR, T 100/299, Fagel à Monterrey, 10-VIII-1674, s.f.
15
AGS, Estado 2123, Fresno à Monterrey, 21-VII-1673, 162, s.f. Même constat chez le publiciste
franc-comtois François-Paul de Lisola : AGR, T 100/582, Lisola à Monterrey, s.d., mais 1674, s.f.
16
AGS, Estado 8625/2, Ambassade d’Espagne à La Haye, Lira à Guillaume III, 19-VIII-1674, s.f.
17
Ibid., Guillaume III à Lira, s.d., s.f.
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charles-édouard levillain une guerre souterraine contre louis xiv
Le sens des projets de révolte de 1674 : aperçu d’ensemble
Parallèlement aux opérations qui se déroulaient sur le terrain des Flandres
se tramait une série de complots à l’intérieur du royaume de France, une sorte
de guerre souterraine contre Louis XIV. Dans cette guerre secrète, l’attelage
Espagne-Hollande joua un rôle décisif. Il s’agissait en réalité de deux projets
de complots : l’un en Normandie et l’autre dans les provinces méridionales de
la France. La méthode était la même que celle que Louis XIV appliquait aux
puissances qu’il combattait : mêler pression intérieure et extérieure ; miner
l’unité d’une nation tout en menaçant ses frontières. Rien n’interdisait au
prince d’Orange et à la régence espagnole de vouloir reprendre à leur compte
les recettes stratégiques d’un roi contre lequel ils étaient en guerre.
Dans le cas espagnol, on poussait même le raisonnement jusqu’au mimétisme. L’un des documents les plus remarquables au sujet des révoltes de 1674
est une consulte du Conseil d’État en date du 16 mars 1674. Le raisonnement des conseillers de la reine régente Marianne d’Autriche peut se résumer
ainsi : le malheur qui est arrivé à l’Espagne peut arriver à la France. Le malheur arrivé à l’Espagne, ce sont ces « maux internes » qui avaient entraîné le
« délitement » et la « ruine » de la monarchie, ruine sur laquelle le Roi Très
Chrétien avait construit son « élévation ». Il restait donc à instiller le même
poison dans le royaume de France ; réduites à une « situation misérable », ses
provinces auraient grand-peine à se relever18. D’une telle situation, l’Espagne
serait la première bénéficiaire. L’espoir nourri par les conseillers de la reine
régente n’était autre que de « changer fondamentalement le théâtre qui tant
de fois a servi à représenter les triomphes de la France19 ».
Changer le théâtre des triomphes de la France : certains y pensaient depuis
longtemps ; longtemps, en tout cas, avant les projets de révolte de 1674 ; longtemps
avant que le Prince d’Orange ne devînt stathouder (1672). D’après un mémoire
remis à Bernardo Salinas par le syndic des confédérés du Languedoc, le projet
prit sa source dans la rupture de 1667, au début de la guerre de Dévolution20.
L’invasion française des Pays-Bas espagnols bouleversa la situation géopolitique
de l’Europe. Les conspirateurs avouèrent à Bernardo Salinas avoir tenté d’œuvrer
seuls21 : mission évidemment impossible qui les obligea, à partir des années 16721673, à rechercher une assistance extérieure. D’après ce mémoire, la jonction
entre la Hollande et l’Espagne se fit par l’intermédiaire de Coenraad Van Beuningen, qui prit contact avec le marquis de Fresno, alors ambassadeur d’Espagne à
Londres, ainsi qu’avec son secrétaire Manuel de Fonseca22.
18
AGS, Estado 2127, 2, Consulte du Conseil d’État, 16-V-1674, f° 32.
Ibid., f° 37.
20
Ibid., Breve memoria que el sindico de la confederación de la provincia de Languedoc y disputado
de le generalidad presenta en manos del Señor Bernardo Salinas, s.d., 14, f° 143.
21
Ibid., f° 144.
22
Ibid., f° 147. Diplomate de carrière et membre du puissant Conseil municipal d’Amsterdam,
Coenraad Van Beuningen avait servi comme ambassadeur à Paris au début des années 1660.
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Il est peu probable, en revanche, que la cour d’Angleterre ou même les
membres du « parti du Pays » aient été sollicités, tant la situation politique
était incertaine. Un historien aixois du xixe siècle raconte même dans son
Histoire des Provinces-Unies — hélas, sans citer ses sources — que Charles II
d’Angleterre, mis au courant du projet de révolte de Normandie, vendit la
mèche à Louis XIV, dont il continuait à vouloir cultiver la faveur23. Aucune
source anglaise ne permet à notre connaissance de confirmer cette hypothèse,
mais il se peut qu’une telle rumeur ait circulé en dehors d’Angleterre.
Une fois la jonction faite entre Van Beuningen et les représentants de la
couronne espagnole à Londres, deux personnages essentiels servirent de
relais : d’une part le comte de Monterrey, gouverneur des Pays-Bas espagnols
et, de l’autre, le prince d’Orange, stathouder des Provinces-Unies depuis
1672. Ils étaient appuyés par Bernardo Salinas, un diplomate qui, après avoir
représenté la couronne d’Espagne au congrès avorté de Cologne (1673), avait
pris ses quartiers à La Haye. La mission de Salinas alla jusqu’à accompagner
l’amiral de Ruyter sur la flotte dépêchée vers la France et à servir ainsi d’agent
de liaison permanent entre l’Espagne et la Hollande.
Pour Guillaume III, le contexte était celui-ci : officiellement, il ne désirait
autre chose que la paix. « Je crois, affirma-t-il en février 1674, que vous êtes
assez persuadé combien j’ai toujours souhaité la paix avec l’Angleterre, qui
était si nécessaire à la cause commune qu’il ne sera pas nécessaire de chercher
beaucoup d’expressions pour vous en témoigner ma parfaite joie24 ». En pratique, le prince d’Orange continuait à renforcer son autorité à l’intérieur en
même temps qu’il poursuivait sa lutte contre la France à l’extérieur : lutte aux
côtés des Impériaux sur le front des Flandres ; lutte souterraine par l’appui
apporté aux conspirateurs de 1674 ; lutte, également, pour la conquête d’un
statut princier qui fût à la hauteur de la mission qui lui était impartie. Le titre
« prince d’Orange » ne lui suffisait pas dans sa correspondance avec la couronne d’Espagne. Guillaume III considérait que le Roi Très Catholique ne lui
devait pas moins que la qualité d’« Altesse25 ».
Du point de vue de la séquence chronologique, la révolte de Normandie reste largement entremêlée au « grand dessein » qui devait conduire au
Nommé ambassadeur des États-Généraux à Londres par Guillaume III au début des années 1670,
Van Beuningen noua de nombreux contacts avec les parlementaires opposés à la politique étrangère
de Charles II d’Angleterre. La biographie de référence de Van Beuningen est celle de Franken, 1966.
23
Aix-en-Provence, Bibliothèque Méjanes, MS 1050 (363), Joseph-Amédée Boisson de la Salle,
Histoire des Provinces-Unies, t. III, f° 192.
24
AGS, Estado 2125, Guillaume III à anon., 28-II-1674, 243, s.f.
25
AGS, Estado 2125, Adriaen Paets à Diego de la Torre, 3-I-1674, 196, s.f. Ce fut Louis XIII qui, le
premier, en 1637, avait employé le titre d’Altesse pour s’adresser à Frédéric-Henri, prince d’Orange
et grand-père de Guillaume III. Cette appellation constitua une victoire importante pour un prince
qui ne détenait aucun titre de souveraineté en République, restant, du point de vue constitutionnel,
le « serviteur » (dienaar) des États-Généraux. La légende veut que Frédéric-Henri ait affirmé rester
« le serviteur des États-Généraux » sur son lit de mort en 1647. Pour plus de détails sur ce sujet, voir
Heringa, 1961 et, plus généralement Bély, 1999.
Mélanges de la Casa de Velázquez. Nouvelle série, 42 (2), 2012, pp. 201-223. ISSN : 0076-230X. © Casa de Velázquez.
charles-édouard levillain une guerre souterraine contre louis xiv
soulèvement des provinces méridionales de la France. Du point de vue de
la géographie des révoltes, en revanche, il importe d’établir une différence
entre ce qui était prévu, d’un côté, pour la Normandie et, de l’autre, pour les
provinces de Guyenne, Languedoc, Roussillon et Provence. Quant à la révolte
de Bretagne, qui devait intervenir un an plus tard, en 1675, les sources espagnoles sont pratiquement muettes. Autant l’implication de la Hollande est
plus que probable, autant celle de l’Espagne reste difficile à établir.
La révolte avortée de Normandie (1674)
Commençons donc par la révolte de Normandie. Les faits essentiels sont
connus et ne demandent ici qu’à être rappelés brièvement. Le principal
objectif des paragraphes qui suivent est de mettre l’accent sur la contribution espagnole aux révoltés. Sur le terrain, la révolte avortée de Normandie
fut coordonnée par le chevalier de Lautréamont, le chevalier de Rohan et
le polémiste néerlandais Franciscus Van den Enden, professeur de Spinoza
et figure-clé d’une radicalité annonciatrice des Lumières26. Van den Enden
fut à l’origine d’un projet de constitution inspirée de ses Institutions politiques libres (Vrije Politieke Stellingen27) et destinée à la « république libre » qui
devait être mise en place à Quillebœuf. Dans son Journal manuscrit, le dissident
religieux anglais Silas Taylor parle même d’un projet qui aurait consisté à
« enlever le roi et le Dauphin » pour les emmener de force en Hollande, mais
il est probable que ce n’ait été qu’une rumeur28.
Le complot fut découvert, les conspirateurs exécutés. Les papiers de Van
den Enden furent brûlés après sa décapitation à la Bastille en novembre 1674.
Il ne reste donc hélas aucune trace de son projet de constitution. La présence
de « lettres de changes venues de Hollande dans les cassettes » du chevalier
de Rohan laissa penser que les « Hollandais » étaient partie prenante au complot29. « Les Hollandais » : le terme était assez vague pour englober Van den
Enden au même titre que le prince d’Orange, même s’il n’existait et n’existe
encore aujourd’hui aucune preuve de l’implication directe de ce dernier. Ne
l’oublions pas : en termes d’idées et de réseaux politiques, Van den Enden se
situait exactement à l’opposé des cercles orangistes qui gravitaient autour de
Guillaume III. D’autre part, les représentants des conspirateurs normands
avaient exprimé le vœu explicite que le prince d’Orange ne fût pas associé
à leur projet en raison du « manque de confiance » qu’il leur inspirait30. En
France, Guillaume III restait un personnage honni.
26
Israel, 2001.
Pour une édition des Institutions politiques libres, voir W. Klever (éd.), Vrije Politijke Stellingen,
Amsterdam, 1992.
28
TBL, OSB-B-161, Timothy Taylor Diary, 4-XI-1674, f° 177.
29
NA, 3.01.18, Archives Fagel, inv. nº 417, anon. à Fagel, 8-XI-1674, s.f.
30
AGS, Estado 2126, Monterrey à la reine régente, 135, 5-IX-1674, s.f.
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C’est le comte de Monterrey, gouverneur des Pays-Bas espagnols, qui servit
d’agent de liaison entre les insurgés de Normandie et la régence espagnole.
Ses premières lettres datent du printemps 1674. Il avoue en particulier à la
reine régente que la communication avec le représentant des conspirateurs
— un personnage dont le nom n’est jamais cité — suit un « chemin extraordinaire31 ». Dans sa correspondance avec le Premier Président du Parlement
de Normandie, Claude Pellot, Colbert ne manifestait qu’une inquiétude toute
relative quant à la sécurité de la province, à un moment où la flotte de l’amiral De Ruyter se trouvait à hauteur de Caux. Les bruits qui couraient sur une
possible descente des Hollandais ne lui inspiraient guère de crainte :
Je vous dirai seulement qu’il est difficile que, dans une aussi grande province que la Normandie, il n’y ait quelques fous ; mais, par la connaissance
que je puis avoir de tout ce qui se passe dans cette province, je ne vois
aucune disposition à mauvaise volonté de la part des peuples32.
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En dehors de la surveillance administrative efficace opérée par la Couronne, il aurait fallu surmonter de nombreux obstacles pour établir une ligne
de communication fiable entre Rouen et Bruxelles. Traduit en espagnol, le
manifeste de la province de Normandie parle de la révolte prévue comme
« l’un des desseins les plus importants qui se soient produits en Europe
depuis des siècles33 ». Pareille emphase ne doit pas étonner : il ne s’agissait pas
moins que de convaincre l’Espagne, lointaine et affaiblie, d’apporter une aide
significative aux insurgés.
Que demandaient-ils ? Essentiellement une aide militaire et financière.
Dans leur manifeste, les conspirateurs affirment disposer de relais puissants
au sein de la noblesse qui leur permettent, d’une part, de réunir de l’argent et,
de l’autre, de préparer un débarquement espagnol. Selon eux, 4 000 à 6 000
hommes étaient nécessaires à ce débarquement, ainsi que 2 millions de livres
tournois. Il est aussi question d’une pension de 50 000 livres annuelle destinée à des « personnes de qualité »34. Dans une consulte du Conseil d’État
en date du 16 mai 1674, ce montant fut relevé à 150 000 livres35. Comme
souvent, un premier devis restait un premier devis. Au sein du Conseil d’État,
le mode opératoire de l’intervention espagnole n’était pas sans susciter de
désaccords. Le plus enthousiaste, sans doute, était le duc d’Alburquerque, qui
disait vouloir appliquer « toute l’énergie et les moyens possibles au soulèvement des provinces en France36 ».
31
AGS, Estado 2127, Monterrey à la reine régente, 18-IV-1674, 6, f° 55.
BN, Mélanges Colbert, vol. CLVIII, Colbert à Pellot, 25-IV-1674, f° 271. Phrase citée dans
O’Reilly (éd.), 1882, t. II, p. 309.
33
Ibid., 6-IV-1674, 6, f° 60.
34
Ibid., ff. 59-60. C’est la mise en place forcée du « Tiers et danger » à partir de 1669 qui entraîna
de fortes résistances au sein de la noblesse de Normandie.
35
AGS, Estado, 2127, Consulte du Conseil d’État, 16-V-1674, 2, f° 26.
36
AGS, Estado, 2126, Consulte du Conseil d’État, 30-IX-1674, 134, s.f.
32
Mélanges de la Casa de Velázquez. Nouvelle série, 42 (2), 2012, pp. 201-223. ISSN : 0076-230X. © Casa de Velázquez.
charles-édouard levillain une guerre souterraine contre louis xiv
Les courriers en provenance de Bruxelles et le lobbying mené par Monterrey faisaient de la Normandie une province de choix. Le duc d’Alburquerque
reconnaissait néanmoins que la Normandie était difficile à pénétrer par
voie terrestre. La voie maritime paraissait plus logique, mais à condition de
pouvoir compter sur l’assistance de la Hollande. Avec un brin d’optimisme,
le duc estimait que 500 à 600 soldats espagnols, soit près de dix fois moins
que le contingent demandé, suffiraient à sécuriser Quillebœuf et à « semer
la confusion en France ». Le connétable de Castille se voulait plus prudent,
observant que le soulèvement tant attendu des provinces françaises se faisait
attendre. Il reconnaissait néanmoins que l’entreprise méritait considération
et qu’il y avait beaucoup à espérer d’une « révolution intérieure » en France.
L’amiral de Castille, quant à lui, tenait une position médiane, partagé entre
scepticisme et espoir. D’un côté, il avouait une certaine difficulté à tenir un
« avis ferme » sur « pareille affaire », tant la part d’imprévu y était grande ;
d’un autre, il rejoignait la position du duc d’Alburquerque sur la nécessité
d’une assistance maritime néerlandaise.
À une nuance près, cependant : dans l’hypothèse d’une issue heureuse, il
serait bon de rapatrier une partie de la flotte de Méditerranée, où se trouvait
concentrée l’essentiel de la flotte depuis l’éclatement de la révolte de Messine
en 1672. Ainsi l’Espagne éviterait-elle une trop grande dépendance à l’égard des
Néerlandais. Le rapprochement amorcé en 1673 touchait là ses limites. Depuis
la fin des années 1640, la sécurisation de la Sicile et de la Sardaigne absorbait
une partie considérable de l’énergie et des ressources disponibles de la couronne d’Espagne37, rendant difficile toute opération d’envergure en Europe du
Nord, tant sur mer que sur terre ; tout au plus une mission ponctuelle d’appui
militaire ou de médiation diplomatique, comme au cours des négociations
du traité de Nimègue (1675-1679). Comme le reconnaissait Villagarcía en
octobre 1674, les « affaires de Messine » absorbaient l’intégralité des « forces
maritimes et terrestres » dont disposait la couronne d’Espagne en Italie38. Le
contenu des échanges au sein du Conseil d’État témoignait donc de la difficulté
de la couronne d’Espagne à mobiliser des moyens substantiels en faveur d’un
projet de révolte dont elle approuvait pleinement le principe. Il était impossible
à l’Espagne de tenir Messine, Naples et Palerme en même temps que Quillebœuf. Logiquement, les possessions italiennes restaient prioritaires.
De la révolte avortée de Normandie au « grand dessein » de 1674
La contribution possible de l’Espagne à une éventuelle révolte de Normandie
ne saurait être détachée de son implication plus profonde et en un sens plus
logique dans le projet de révolte des provinces méridionales de la France. L’échec
37
Anatra, 1992.
AGR, T 100/2556/5, Villagarcía à Fuenmayor, 28-X-1674, s.f.
38
Mélanges de la Casa de Velázquez. Nouvelle série, 42 (2), 2012, pp. 201-223. ISSN : 0076-230X. © Casa de Velázquez.
209
miscellanées
des révoltes de 1674 ne doit pas occulter l’existence d’un projet global, bien que
désordonné et inchoatif, auquel l’Espagne et la Hollande accordèrent initialement de bonnes chances de succès. L’attention des historiens a été attirée, depuis
la fin du xixe siècle39, par un traité signé en avril 1674 entre Guillaume III et
Jean-François de Paule, Seigneur de Sardan40. Il en existe non seulement une
traduction espagnole41, mais aussi une version légèrement différente datée
de juillet 1674 et adaptée à la situation propre de l’Espagne42. Inscrit dans un
contexte hispano-néerlandais, le traité d’avril 1674 appelle un éclairage nouveau.
Les traités d’avril et juillet 1674
210
Commençons par le traité mère du 21 avril 1674. Le texte s’ouvre sur un
long exposé des motifs avant d’en venir, point par point, à la logistique de
l’opération. Le traité fut sans doute rédigé à l’instigation de Sardan. Mais
que sait-on sur lui ? Pendant longtemps, une version de son existence a été
fondée sur une lettre du maréchal d’Albret à Louvois. Klaus Malettke en a
remis en cause la véracité par une reconstitution minutieuse de la chronologie. Il semble aujourd’hui plausible de considérer que Sardan venait d’une
famille huguenote de Nîmes et qu’il était le fils d’un membre du Parlement
de Toulouse. Il semble qu’il ait quitté Paris pour Londres en 1673, où il rencontra l’ambassadeur Van Beuningen et, sans aucun doute, l’ambassadeur
d’Espagne (le marquis de Fresno) et son secrétaire (Manuel de Fonseca). Il
n’existe presque aucune lettre émanant de Sardan ou adressée à lui dans les
archives néerlandaises. Son nom disparaît de la correspondance Fagel après
1674 avant de resurgir en 1681.
En exil dans les Provinces-Unies depuis le milieu des années 1670, Sardan
en appela à la protection du Grand Pensionnaire, se plaignant des « perpétuels pièges que Monsieur d’Avaux me fait continuellement tendre » et de « la
diabolique entreprise que l’on a brassée contre moi43 ». Considéré comme un
conspirateur et un traître, traqué par les espions de la couronne de France,
39
Krämer, 1892.
Malettke, 1976, p. 223.
41
Ibid., pp. 353-359.
42
AGS, Estado K 1664, Francia 1667-1675, D. 23, version espagnole du traité de La Haye entre
Sardan et le prince d’Orange, 23-VII-1674, 92.
43
NA, 3.01.18, Archives Gaspar Fagel, inv. nº 59, Sardan à Fagel, 1681, s.f. L’histoire de la traque de Sardan
dans les Provinces-Unies est racontée par Gisselquist, 1968, pp. 202-205. En 1678, Sardan s’attribua la
paternité d’un pamphlet dirigé contre Charles II et Louis XIV qui, après avoir été publié une première fois
à Cologne en 1677, connut un grand succès marqué par plusieurs rééditions successives (1678, 1680, 1681,
1682, 1689). Reprenant à son compte le thème traditionnel de la monarchie universelle, L’Europe esclave si
l’Angleterre ne rompt pas avec ses fers accusait en particulier Charles II d’agir « comme un vrai partisan de la
France » et de faire courir un danger à toute l’Europe en se laissant guider sa conduite par Louis XIV (voir
KB, Knuttel, 11503 A, L’Europe esclave si l’Angleterre ne rompt pas avec ses fers [1677], p. 46). La couronne
de France, par l’entremise de Denis Godefroy, rédigea une réponse où il était notamment rappelé à
l’Angleterre que la puissance impériale dont elle avait eu le plus à craindre par le passé était l’Espagne, à
laquelle elle prétendait maintenant s’allier (voir Lille, Archives départementales du Nord, Fonds Godefroy,
19551, Lettre apologétique et historique d’un flamand sujet du roi, envoyé à un ami à Paris, 1678, s.f.).
40
Mélanges de la Casa de Velázquez. Nouvelle série, 42 (2), 2012, pp. 201-223. ISSN : 0076-230X. © Casa de Velázquez.
charles-édouard levillain une guerre souterraine contre louis xiv
Sardan avait toutes les raisons de craindre pour sa vie. Il parvint néanmoins
à échapper aux agents de Louvois et le nom de Sardan réapparaît dans la
correspondance administrative française relative à la révolte des Camisards
(1702-1704), preuve qu’il n’avait pas encore été éliminé44.
Ce n’est pas dans les archives néerlandaises mais dans la série Flandres des
Archives nationales espagnoles que se trouve l’essentiel de la correspondance Sardan pour les années 1674-1675. Également connu sous le nom de marquis de
Fonzenada — ou Foncenade —, Sardan n’écrivait qu’en français. Il existe donc
une traduction espagnole de chacune de ses lettres. Son principal relais auprès des
autorités espagnoles était le marquis de Castel Rodrigo, gouverneur des Pays-Bas
espagnols entre 1664 et 1668 et président du Conseil des Flandres depuis 1670.
Le traité que Sardan signa avec Guillaume III en avril 1674 peut se lire comme un
programme politique. Il demande à être lu en regard avec sa version espagnole de
juillet 1674, ainsi qu’avec un long mémoire adressé par Sardan à la reine régente45.
Le mot « traité », en réalité, n’avait rien d’une vaine parole. Il s’agissait pour
les conspirateurs de créer des obligations réciproques entre puissances contractantes et de donner une valeur juridique à ce que Sardan appelait « la connexité
des intérêts de la dite confédération avec ceux de sa royale monarchie46 ». La formule renvoyait à une exigence qui fut relayée avec force auprès du Conseil d’État
en mai 1674, à savoir que les puissances contractantes (Hollande-Espagne) ne
puissent signer une paix séparée avec la France. C’est là un point particulièrement original de la négociation : la confédération de provinces (potentiellement)
rebelles dirigée par Sardan revendiquait implicitement un titre de souveraineté
équivalent à celui d’un État cocontractant. Il n’est pas exclu de penser que les
Provinces-Unies aient servi ici de précédent : provinces rebelles qui, de facto,
revendiquaient le titre d’État souverain en matière internationale mais qui, de
jure, ne se virent reconnaître comme tel qu’à partir du traité de Münster (1648)47.
Il n’échappera pas à un lecteur attentif que le roi de France n’est jamais
nommément critiqué dans les traités d’avril et de juillet 1674, ou même dans
le mémoire remis par Sardan à la reine régente. En référence à la charge fiscale
croissante subie par les sujets du royaume, le préambule du traité fait bien la
distinction entre le roi et ses ministres :
Ces pauvres peuples ont la douleur de voir qu’il a semblé que les
ministres d’État de France n’avaient jamais consenti à faire la paix en
dehors que pour avoir lieu de faire avec plus de facilité une guerre cruelle
aux plus fidèles sujets de Sa Majesté Très Chrétienne au-dedans48.
44
Malettke, 1976, p. 230.
AGS, Estado 2127, Mémoire de Sardan à la reine régente, s.d., mais probablement avril 1674, 23.
46
Ibid., f° 198.
47
Pour des éclaircissements sur ce problème, voir notamment Bruin, 1979.
48
KHA, 21-IV-1674, Archives Guillaume III, s.f. Version imprimée dans Malettke, 1976,
pp. 343-353. Même chose dans le mémoire déjà cité de Sardan. AGS, Estado 2127, 23, f° 194.
45
Mélanges de la Casa de Velázquez. Nouvelle série, 42 (2), 2012, pp. 201-223. ISSN : 0076-230X. © Casa de Velázquez.
211
miscellanées
212
Les sujets concernés étaient ceux des provinces de Guyenne, Languedoc,
Dauphiné et Provence, réduits à une « mendicité forcée » pour acquitter les
impôts réclamés par les ministres du roi. Le texte ne manque pas de rappeler que ces quatre provinces formaient des pays d’État doués de privilèges
fiscaux — à l’image du royaume d’Aragon, selon Sardan49 — qui avaient été
remis en cause par « l’impitoyable conduite des dits ministres ». De même
était-il rappelé que les États généraux de France n’avaient pas été convoqués
depuis 1614 et que, en vertu de l’ordonnance de 1673, l’exercice du droit
de remontrance des cours souveraines avait été plus strictement réglementé.
Cette dernière mesure constituait « l’unique moyen pour établir l’autorité
des ministres et ôter pour jamais à tous ces peuples malheureux l’espérance
même de leur soulagement ». Dit autrement : la représentation cessa d’exister,
ouvrant la voie au triomphe d’un absolutisme centralisateur. C’est en ce sens
que Sardan demandait la convocation des États-Généraux dans « une ville
libre suivant et conformément aux anciennes constitutions de l’État50 ».
Face à la tyrannie des ministres du roi de France, le traité proposait la mise
en place d’une confédération de provinces réunissant Guyenne, Languedoc,
Provence et Dauphiné. Autant la possibilité pour des provinces rebelles de
négocier au même titre qu’un État souverain se rapproche du modèle néerlandais des années 1580-1640, autant il serait hâtif d’en conclure que l’Union
d’Utrecht (1579) ait servi d’étalon à la constitution interne de la confédération
prévue par les traités d’avril et de juillet 1674. La reconquête de privilèges perdus ne stipulait pas de volonté sécessionniste, pas plus, au demeurant, que les
révoltés des Pays-Bas ne cherchaient initialement à se détacher de l’Espagne51.
En réalité, ce sont les articles 5 et 8 du traité d’avril 1674 qui se rapprochaient le plus de la pratique des institutions néerlandaises. L’article 5
prévoyait la possibilité pour les confédérés « de trafiquer et naviguer librement avec leurs navires et autres vaisseaux sans être traités hostilement ».
« Autres vaisseaux » : la formule faisait clairement référence aux vaisseaux de
commerce néerlandais, principales cibles des mesures protectionnistes mises
en place par Colbert depuis le milieu des années 166052. Dans son article 12,
le traité de juillet 1674 prévoyait, sur le même modèle, un régime de libre
commerce entre les confédérés et l’Espagne, à l’abri, en d’autres termes, des
entraves que pouvait poser la France53. Un rapport remis aux États-Généraux
49
AGS, Estado 2127, Satisfacción a cinco puntos que S.A. se ha servido mandar proponer al conde
de Foncenade, s.d., 138, f° 899.
50
AGS, Estado 2127, Mémoire de Sardan à la reine régente, 23, f° 196.
51
Pour plus de détails sur le glissement de la défense des privilèges à la défense des libertés
bataves, voir l’étude importante de Secrétan, 1990. Entre les débuts de la révolte en 1572 et l’Acte
de Renoncement (Plakkaat van Verlatinghe) de 1581, par lequel les Provinces-Unies renoncèrent
officiellement à la souveraineté de Philippe II, se déroula presque une décennie.
52
Pour des éclaircissements sur l’incidence des tarifs Colbert sur le commerce néerlandais, voir
en particulier Elzinga, 1929.
53
AGS, Estado K 1664, Francia 1667-1675, D.23, 92, s.f.
Mélanges de la Casa de Velázquez. Nouvelle série, 42 (2), 2012, pp. 201-223. ISSN : 0076-230X. © Casa de Velázquez.
charles-édouard levillain une guerre souterraine contre louis xiv
en octobre 1674 allait plus loin, prônant la mise en place d’un protectionnisme hispano-néerlandais contre les produits français, une sorte de guerre
commerciale menée conjointement contre Louis XIV. L’Espagne avait déjà
interdit le vin et l’eau-de-vie venus de France. Consciente de la prégnance de
la culture libre-échangiste chez les régents de Hollande, l’Espagne invitait les
États-Généraux à se rallier à sa position54.
Mais revenons au traité. À un projet de libéralisation des échanges interne à
ce consortium hispano-néerlandais s’ajoutait, dans l’article 8 du traité d’avril
1674, la mise en place d’un « règlement et accord » visant à « éviter et prévenir les désordres qui pourraient naître de la diversité des deux religions que
professent les habitants des dites provinces ». À l’encontre des restrictions
apportées à l’application de l’Édit de Nantes depuis les années 1660, le traité
prévoyait donc un régime de pluriconfessionnalité qui fût garanti par le prince
d’Orange lui-même. Le traité de juillet 1674 avec l’Espagne, en revanche, ne
prévoyait aucune disposition qui touchât à la liberté de conscience religieuse.
La question restait en suspens. Seules étaient envisagées les modalités pratiques d’une intervention espagnole : le choix de Gênes pour placer l’argent
nécessaire à l’opération (art. 3), le versement de 100 000 livres tournois par an
au « dictateur » de la confédération, autrement dit à Sardan (art. 5) ; une assistance militaire sous forme de « troupes bien réglées et disciplinées » (art. 6) ou
encore une assistance maritime par la Méditerranée (art. 7)55.
Telle était donc la philosophie générale des traités d’avril et juillet 1674. Permettre aux provinces confédérées de recouvrer leurs libertés et leurs privilèges
supposait évidemment d’organiser un combat. Fidèles à la logique des alliances
anti-françaises de 1673, les traités de 1674 associaient la Hollande, l’Espagne
mais aussi l’Autriche, dont la puissance réunie devait permettre de « soutenir » et de « protéger la liberté des dites provinces56 ». Mais c’est bien le prince
d’Orange qui jouait un rôle de cheville ouvrière, ne serait-ce qu’en raison des
motifs de grief personnel qu’il nourrissait contre la couronne de France. L’une
des principales raisons, d’après Monterrey, pour lesquelles Guillaume III avait
embrassé le projet était qu’il y voyait « le seul moyen d’abaisser l’orgueil de la
France et de récupérer ce qui a été perdu dans ses États57 ».
Par « États », il fallait principalement entendre la principauté d’Orange.
Ce territoire enclavé en Provence avait été restitué au prince d’Orange en
1665 après quatre années de sinueuses négociations menées par Constantijn
Huygens. La principauté avait été envahie par les troupes de Louis XIV en 1673,
54
AGR, T 100/299, Rapport aux États-Généraux, 6-X-1674, s.f.
AGS, Estado K 1664, Francia 1667-1675, D.23, 92, s.f.
56
Ibid.
57
AGS, Estado 2127, Consulte du Conseil d’État, 16-V-1674, f° 22. L’expression « abaisser l’orgueil
de la France » constituait un décalque du langage employé par la propagande française à l’encontre
des Provinces-Unies. Pour des exemples de textes publiés à l’aube de la guerre de Hollande, voir
Ferrier-Caverivière, 1981, pp. 73-137. Pour une étude de cas portant sur une médaille antifrançaise gravée en Hollande en 1669, voir Levillain, 2010 b.
55
Mélanges de la Casa de Velázquez. Nouvelle série, 42 (2), 2012, pp. 201-223. ISSN : 0076-230X. © Casa de Velázquez.
213
miscellanées
214
portant atteinte, selon les termes du traité d’avril 1674, à la « souveraineté patrimoniale » de Guillaume III58. Personne ne pouvait ignorer que l’exercice par le
prince d’Orange de son pouvoir souverain sur la principauté restait un sujet
de contentieux avec la couronne de France. De son titre de prince d’Orange,
Guillaume III tirait donc une sorte de légitimité à intervenir dans les affaires
intérieures du royaume de France. Mais comment et avec quels moyens ?
Les traités d’avril et de juillet 1674 prévoyaient un certain nombre de dispositions pratiques qu’il importe de soumettre à l’épreuve des faits. Il était
prévu que les États-Généraux, poussés par Guillaume III, porteraient secours
aux provinces confédérées au moyen d’une flotte de soixante navires de guerre
sur lesquels seraient embarqués pas moins de 10 000 hommes (art. 1). De leur
côté, les provinces confédérées veilleraient à armer 12 000 à 15 000 hommes
en vue d’une opération prévue pour le mois de juillet (art. 2). L’entretien de
ces troupes serait assuré par un fonds de 300 000 livres tournois déposé par
Guillaume III à Avignon (art. 3). Ainsi s’explique l’importance de la principauté d’Orange, qui devait servir de base arrière à l’opération.
Dans le traité signé avec l’Espagne en juillet 1674, c’est Gênes, et non Avignon, qui est choisie comme ville dépôt pour les fonds qu’il était prévu de
mettre à la disposition des confédérés. Le Conseil d’État s’en était expliqué
dans un avis du 20 juillet 1674 : Avignon n’était pas un lieu sûr en raison de « la
grande autorité » dont y jouissait le roi de France59. Il fallait préférer Gênes ou
Venise60. Une autre Cité-relais, parmi les possessions italiennes de l’Espagne,
était Milan où, d’après la correspondance du marquis de Villagarcía, Sardan
pouvait s’appuyer sur les représentants de deux des plus anciennes familles
patriciennes du duché : les Visconti et les Casati61. Bien plus, l’avancement
de « la cause commune », selon la formulation du traité, ne pouvait se faire
sans la participation de l’empereur Léopold Ier, dont on attendait à la fois une
adhésion au projet et une contribution militaire sous forme d’un corps de
cavalerie que l’on ferait « entrer en France par la Franche-Comté » (art. 14).
La ville de Besançon tomba aux mains des troupes royales en mai 1674, rendant évidemment impraticable cette possibilité.
En revanche, on pouvait encore espérer une assistance navale de l’Espagne62. En mars 1674, la Reine régente invita ses ministres à « maintenir
les Provinces-Unies dans l’alliance espagnole et [à] attaquer la France le
plus vigoureusement possible », notamment par une jonction entre les
deux flottes en Méditerranée63. Ambassadeur des États-Généraux à Madrid,
58
Officiellement, l’occupation de la principauté constituait une mesure de rétorsion contre la
saisie du marquisat de Bergen-op-Zoom du comte d’Auvergne.
59
AGS, Estado 2127, Consulte du Conseil d’État, 20-VII-1674, 32, f° 287.
60
Ibid., f° 288. La famille de Sardan venait à l’origine de Gênes.
61
AGS, Estado K 1664, Francia 1667-1675, Villagarcía à Sardan, s.d., 103.
62
NA, 1.10.29, Archives Famille Fagel, inv. nº 447, 5, Instructions pour François Riomal, s.f.
63
Reine régente à Monterrey, 27-III-1674, dans Cuvelier et Lefèvre (éd.), 1935, p. 196.
Mélanges de la Casa de Velázquez. Nouvelle série, 42 (2), 2012, pp. 201-223. ISSN : 0076-230X. © Casa de Velázquez.
charles-édouard levillain une guerre souterraine contre louis xiv
Adriaen Paets confirma au Grand Pensionnaire, en mai 1674, l’accord
autour de l’envoi de navires espagnols vers la Biscaye, en liaison avec les
mouvements de la flotte hollandaise64.
Sur le terrain, Sardan devait agir de concert avec François Riomal, un officier venu de la principauté d’Orange et stationné à Gênes pour les besoins de
l’opération. Le choix de Gênes, sans nul doute, était une idée espagnole. Les
instructions adressées à Riomal par le Grand Pensionnaire Fagel font apparaître un net décalage entre l’extraordinaire ambition du traité d’avril 1674
et la conscience des difficultés de sa mise en œuvre. Là où le traité évoquait
la possibilité de lever une armée de 12 000 à 15 000 hommes, les instructions
se font plus prudentes : « Mais comme dans l’état où sont les choses ce doit
proprement être un coup de main et qu’il faut commencer par se saisir de
quelque poste commode et avantageux avant qu’on puisse avoir une armée
en corps et toute formée, la dépense n’en peut qu’être considérable65 ».
On voit bien la difficulté : un traité signé avec le prince d’Orange avait
sans doute de l’attrait mais, financièrement, il n’engageait nullement les
États-Généraux, qui restaient souverains en matière de politique étrangère
et dont certains députés cherchaient par tous les moyens à freiner le bellicisme de Guillaume III. Préfigurant une stratégie qui devait resservir lors
de la guerre de la Ligue d’Augsbourg (1689-1697), les instructions envoyées
par le Grand Pensionnaire encourageaient François Riomal à former dans
les provinces confédérées des « chefs de parti » capables de lever une armée
et assez honnêtes pour ne pas être tentés de détourner l’argent qui leur
serait versé. Parmi les noms cités dans la correspondance espagnole de
Sardan figurent l’évêque de Tarbes, Marc Mallier66, et un certain duc de
Saint-Germain67. Le seul autre nom qui apparaît est celui d’un « Sieur Dandigeaux » (pour Bernard d’Audijos), que Sardan avoue couvrir de cadeaux
dans l’espoir que ce premier facilite « une entrée dans le cœur du pays68 ».
Audijos s’était déjà signalé en 1664 par sa contribution à un début de révolte
populaire contre la gabelle dans le Sud-Ouest de la France qui, selon les
chiffres avancés par Leon Bernard, avait réuni pas moins de 6 000 hommes,
soit à peu près cinq fois plus que le total des conspirateurs de 167469. La
révolte avait été étouffée dans l’œuf grâce à l’efficacité de l’Intendant Pellot,
permettant néanmoins à Audijos d’ajouter à sa naissance le charisme que
donne parfois la lutte contre l’impossible.
64
NA, 3.01.18, Archives Gaspar Fagel, inv. nº 385, Paets à Fagel, 23-V-1674, s.f.
NA, 1.10.29, Archives Famille Fagel, inv. nº 447, 5, Instructions pour François Riomal, s.f.
66
AGS, Estado K 1664, Francia 1667-1675, résumé de la négociation du comte de Fonzenada,
mars 1675, 107.
67
Ibid., Pedro Colona au marquis de Villagarcía, 17-X-1674, 97.
68
AGS, Estado 2127, Fonzenada (Sardan) à Castel Rodrigo, 9-IX-1674, 75, ff. 545-546. Pour le rôle
joué par Audijos, voir Malettke, 1976, p. 267.
69
Bernard, 1964, p. 460.
65
Mélanges de la Casa de Velázquez. Nouvelle série, 42 (2), 2012, pp. 201-223. ISSN : 0076-230X. © Casa de Velázquez.
215
miscellanées
La crainte d’une descente hollandaise sur les côtes françaises
216
Dix ans après les révoltes avortées du Sud-Ouest de la France, il s’agissait
donc d’amorcer une conspiration pour lui apporter ensuite un appui militaire. Proche conseiller du Grand Pensionnaire Fagel, Pierre du Moulin le
sentait bien : la rapidité d’exécution du « grand dessein » constituait un facteur-clé de sa réussite. Plus on attendait, plus « les belles espérances qu’on avait
de ce côté-là s’évanouiront dans un moment70 ». Tout devait donc être prêt
avant la mi-juillet. François Riomal partageait le même avis : « Si on attend
trop, les troupes viendront en quartier et alors rien ne se pourra exécuter71 ».
À en croire les sources existantes, il semble que le succès du « grand dessein »
ait largement reposé sur la possibilité d’une entreprise navale, d’autant plus
que la prise de la Franche-Comté coupait la route à une assistance militaire
venue de l’Empire. L’amiral De Ruyter nourrissait depuis février 1674 un
projet d’attaque contre la Martinique72. Son départ fut retardé jusque début
juin. Une fois au large de Torbay, la flotte hollandaise se sépara alors en deux :
De Ruyter prit la direction des Indes occidentales, où son attaque contre la
Martinique fut finalement repoussée73. Cornelis Tromp, quant à lui, prit la
direction des côtes françaises. De Tromp, les Espagnols attendaient en réalité
qu’il occupât des « postes fixes » sur les côtes françaises, s’y maintenant aussi
longtemps que possible pour faire diversion74.
Mais avant de pouvoir enfin prendre le départ, De Ruyter envoya son fils
Engel avec quelques navires vers les côtes françaises afin de préparer leurs
hommes à la mission qui les attendait en Martinique. Le récit de cette expédition préparatoire vers la France laisse apparaître un projet d’attaque qui
rappelle étrangement l’entreprise de Chatham (1667), comme si De Ruyter
avait voulu reprendre à son compte la stratégie des frères De Witt en l’appliquant cette fois à la France. Une attaque était d’abord prévue contre le port
de Brest, avec l’intention d’incendier des navires de guerre, des brûlots et des
arsenaux. Il était aussi prévu de faire débarquer 2 000 hommes pour incendier des arsenaux à la hauteur de Courvaux75. Un autre plan d’attaque visait
à remonter la Charente jusqu’à Rochefort au moyen de bateaux légers et d’y
détruire navires et arsenaux. À cela s’ajouterait une offensive contre les îles
de Ré et d’Oléron qui, d’après les prévisions des Hollandais, « placerait le roi
dans une situation très difficile », l’obligeant à envoyer un nombre important
70
NA, 1.10.29, Archives Famille Fagel, inv. nº 447, 13, Pierre du Moulin à Gaspar Fagel, 14-VI1674, s.f.
71
Ibid., 20, Riomal à Gaspar Fagel, s.d., s.f.
72
De Jonge, 1844-1848, t. II, chap. lxi passim.
73
ANOM, Fonds ministériels, F/3/26, 21-VIII-1674, f° 107. AGS, Estado 2127, Memoria que
presenta Don Bernardo Salinas tocante los negocios de Flandes, 27-VI-1674, 13, f° 137.
74
AGS, Estado 2127, Consulte du Conseil d’État, 3-VII-1674, 8, f° 68.
75
NA, 3.01.18, Archives Gaspar Fagel, inv. nº 140, De Ruyter tocht naar Frankrijk (1674), s.f.
Mélanges de la Casa de Velázquez. Nouvelle série, 42 (2), 2012, pp. 201-223. ISSN : 0076-230X. © Casa de Velázquez.
charles-édouard levillain une guerre souterraine contre louis xiv
de troupes pour défendre les côtes du royaume76. Le mur d’enceinte pourtant
épais du château de Noirmoutier fut gravement endommagé par des boulets
de canon tirés depuis la flotte néerlandaise.
Dès le début mai, la France fut gagnée par la crainte d’une descente de
la flotte hollandaise contre ses côtes. Un correspondant du Grand Pensionnaire Fagel qui tenait un récit minutieux des événements laisse entrevoir une
atmosphère de panique qui contraste avec le discours triomphaliste inspiré
par la conquête de la Franche-Comté. « Il est incroyable combien on parle
ici de cette descente et combien tous les habitants des côtes de toutes les provinces en sont alarmés », observa-t-il77. Gouverneur de Bretagne, le duc de
Chaulnes « a fait monter à cheval tout ce qu’il y a de noblesse » et, à Brest, les
habitants sont tous « en alarme et en garde partout, nuit et jour78 ». Plus au
sud, le danger semblait se faire encore plus pressant. Bayonne craignait pour
sa sécurité en raison de l’absence de garnison et une « lettre consternante de
Bordeaux » déplora « qu’il n’y ait point de milice dans nos quartiers79 ». Si
grande devenait la peur que s’installait un désir de paix : « Il semble que le
peuple veut la paix avec la Hollande à toute force. On s’imagine que la flotte
ne fera aucune descente et cela par un accord mutuel et tacite80 ».
Guillaume III d’Orange : un « Moïse libérateur » ?
Si l’on en croit cette observation, Louis XIV et Guillaume III partageaient en
tout cas une chose en commun : leur désir de poursuivre la guerre l’emportait
sur toute aspiration collective à la paix. Chez le roi de France, il s’agissait de
gloire et de cohérence stratégique par rapport à un héritage espagnol qui continuait en partie à lui échapper ; chez le stathouder, d’un refus obstiné de baisser
les armes et, au-delà, d’un rapport singulier à l’autorité : « Il y en a aussi, observait un correspondant de Condé, qui sont d’avis que ce ne serait pas l’intérêt de
Son Altesse de mettre sitôt les armes bas, pouvant mieux établir son autorité et
ses affaires pendant la guerre que la paix81 ». Aux yeux de Bernardo Salinas, la
question faisait peu de doute : en voulant « poursuivre » la guerre contre l’avis
des États-Généraux, le prince d’Orange agissait au nom de son « honneur » et
de son « sang », autrement dit de sa double filiation Orange-Stuart82.
De fait, le stathoudérat de la province de Hollande avait été déclaré héréditaire et perpétuel en janvier 1674, malgré une division très forte au sein
76
Ibid., s.f. De même dans AGS, Estado 2127, Bernardo Salinas à Monterrey, 17-VI-1674, 20, f° 180.
NA, 3.01.18, Archives Gaspar Fagel, inv. nº 417, anon. à Gaspar Fagel, 4-V-1674, s.f.
78
Ibid., s.f.
79
Ibid., s.f. Pour Bayonne, les Espagnols étaient plus réservés sur le possible succès d’une entreprise
néerlandaise. AGS, Estado 2127, Consulte du Conseil d’État, 3-VII-1674, 8, f° 68.
80
Ibid., 13-V-1674, s.f.
81
Château de Chantilly, Papiers Condé, Série P, t. LVII, anon. à Condé, 6-V-1674, f° 23.
82
AGS, Estado 2127, Memoria que presenta Don Bernardo Salinas tocante los negocios de Flandes,
27-VI-1674, 13, f° 138.
77
Mélanges de la Casa de Velázquez. Nouvelle série, 42 (2), 2012, pp. 201-223. ISSN : 0076-230X. © Casa de Velázquez.
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des États de Hollande83. Sir Gabriel Sylvius n’hésitait pas à dire du Prince
d’Orange, dont il était un confident, que « son crédit et son autorité est (sic)
si bien établie qu’il est aussi absolu comme s’il était souverain84 ». De l’avis
du publiciste franc-comtois François-Paul de Lisola, architecte infatigable du
rapprochement entre les deux branches des Habsbourgs depuis les années
1667-1668, Guillaume III donnait parfois l’impression « d’œuvrer dans son
seul intérêt », sans se soucier véritablement de « la cause commune » qu’il
était censé incarner85.
En ce sens, la principauté d’Orange était à Guillaume III ce que les
Pays-Bas espagnols étaient à Louis XIV : un héritage contesté qui justifiait presque à lui seul le primat de la guerre sur la paix et qui expliquait
le besoin d’asseoir son autorité à l’intérieur des Provinces-Unies. Il n’est
donc pas étonnant que la Provence, dans laquelle la principauté d’Orange
était enclavée, jouât un rôle si important dans la confédération de provinces prévue par le traité d’avril 1674. D’après un mémoire conservé
dans les archives de Pierre du Moulin, « les Provençaux opprimés n’attendaient que le tocsin d’une des villes du Languedoc pour lever le masque
et établir une révolte générale ». En s’appuyant sur les relais du chevalier
d’Harcourt, le prince d’Orange « serait reçu comme un ange tutélaire de
la province et en moins de quinze jours il pourrait avec facilité se rendre
maître de cette agréable province86 ». Opération pour le moins ambitieuse
qui aurait permis à Guillaume III de recouvrer ses droits sur la principauté d’Orange : « terre souveraine », avait répété Constantijn Huygens,
laquelle, « quoiqu’enclavée n’est jamais sujette à qui que ce soit qu’à Votre
Altesse87 ». Pour avoir négocié la restitution de la principauté à Guillaume
III en 1665 et avoir été célébré comme « un Moïse libérateur » par les habitants d’Orange à cette occasion, Huygens savait de quoi il parlait88.
Dans son article 8, nous l’avons suggéré, le traité d’avril 1674 prévoyait
un retour à l’esprit de l’Édit de Nantes dans les provinces confédérées.
Protégés par le prince d’Orange, catholiques et protestants vivraient alors
en bonne intelligence, de même que, dans la principauté d’Orange, « tout
y est mi-parti de religion », selon une formule de Huygens89. La bonne
application du traité reposait sur la fiabilité des relais locaux, une bonne
coordination entre les différents intervenants et une capacité à intervenir
au moment opportun. Le traité en dit peu sur l’identité des candidats
83
AAECP, Hollande, 92, Bernatz à Pomponne, 1-II-1674, f° 271.
TNA, SP 84/196, Sir Gabriel Sylvius à Sir Joseph Williamson, 23-III-1674, f° 35.
85
AGR, T 100/582, Lisola à Monterrey, s.d., mais probablement 1674, s.f.
86
NA, 1.10.29, Archives Famille Fagel, inv. nº 447, 52, Mémoire sur la pensée qu’on a eue pour la
province de Provence, s.d., s.f. Version imprimée dans Malettke, 1976, pp. 366-368.
87
Huygens à Guillaume III, 8-II-1673, De Briefwisseling van Constantijn Huygens (1608-1687),
t. VI : 1663-1687, éd. J.A. Worp, La Haye, 1917, p. 320.
88
Huygens à Holles, 6-V-1665, ibid., p. 144.
89
Huygens à Amélie de Solms, 7-XI-1664, ibid., p.100.
84
Mélanges de la Casa de Velázquez. Nouvelle série, 42 (2), 2012, pp. 201-223. ISSN : 0076-230X. © Casa de Velázquez.
charles-édouard levillain une guerre souterraine contre louis xiv
supposés à la révolte, mais on sait par ailleurs que Sardan s’était mis en
contact avec l’ambassadeur Van Beuningen dans le but de recréer en
France un « parti protestant90 ».
La réunion en confédération des provinces révoltées allait donc de pair
avec « la réunion d’un corps protestant » : corps annihilé depuis la reddition
de La Rochelle (1627), auquel il s’agissait maintenant de rendre vie. Des protestants de France, on attendait qu’ils se soulèvent pour obliger les ministres
de Louis XIV à convoquer des États Généraux. Il y aurait là, d’après les prévisions les plus optimistes, un tournant dans l’histoire de l’Europe : « Cette
formidable puissance qui a semblé menacer depuis quelques années la liberté
de toute l’Europe ne sera de longtemps en état d’accabler ces peuples d’impositions intolérables, ni d’aller troubler le calme et le repos des peuples et
des puissances voisines ». Les libertés protestantes ne formaient qu’un aspect
d’un projet plus large de défense des libertés européennes face à la tyrannie
française, ne serait-ce que parce que l’Espagne et l’Autriche y étaient étroitement associées. C’est ce projet que prétendait incarner le prince d’Orange
depuis le début de son stathoudérat.
L’échec des révoltes de 1674 : quelle conclusion ?
Les intrigues de 1674 en direction de la France se heurtèrent aux réalités
d’un territoire dont les défenses restaient malgré tout solides. La brève occupation, fin juin 1674, de Belle-Île et de Noirmoutier par des marins de la
flotte de Tromp ne fit qu’entretenir la peur qui avait gagné les côtes depuis
le printemps. Menacée, la communauté marchande batave dut bénéficier de
mesures de protection contre les « insultes du peuple91 ». Mais d’un point de
vue néerlandais, l’entreprise prévue par le traité de 1674 semblait se heurter à
des obstacles insurmontables. Une partie importante de La Royale naviguait en
Méditerranée, rendant aléatoire un assaut sur les côtes provençales. Quant à la
façade atlantique, elle restait protégée par les « précautions de la France » et « la
difficulté d’accès des côtes92 ». La suractivité générée par la crainte de l’invasion
dans les villes côtières semblait donc avoir produit un effet dissuasif93.
À Gênes, où il attendait un signal de départ, François Riomal s’impatientait. Il vivait au gré des nouvelles de la campagne des Flandres, triste de voir
ses navires amarrés et ses marins désœuvrés. Le temps devenait long. « Si l’affaire est différée à une autre saison, il est bon de m’en donner l’avis », écrit-il
en constatant qu’il attendait depuis près de trois mois. Depuis la flotte néer90
NA, 1.10.29, Archives Gaspar Fagel, inv. nº 447, 55, Mémoire au sujet des propositions sur
lesquelles j’ai eu l’honneur de conférer avec Monsieur Van Beuningen, s.d., s.f. Version imprimée dans
Malettke, 1976, pp. 360-366.
91
NA, 3.01.18, Archives Gaspar Fagel, inv. nº 417, anon. à Gaspar Fagel, 9-VII-1674, s.f.
92
NA, 3.01.18, Archives Gaspar Fagel, inv. nº 140, Salinas à Tromp, 1-VIII-1674, s.f.
93
Ibid., Van Horn à Fagel, 5-IX-1674, s.f.
Mélanges de la Casa de Velázquez. Nouvelle série, 42 (2), 2012, pp. 201-223. ISSN : 0076-230X. © Casa de Velázquez.
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landaise transpirait une même inquiétude : aucune nouvelle des provinces
révoltées, alors que le délai était expiré. « Je suis persuadé, conclut Van Horn
qui accompagnait l’amiral Tromp, que l’exécution du dessein a été retardée
par la présence de la flotte ennemie en Méditerranée94 ». L’assistance maritime
promise par l’Espagne resta lettre morte. La découverte de la conspiration
ourdie par le chevalier de Rohan et sa sévère répression par l’État royal mit
un terme définitif au projet d’avril 1674. François Riomal ne put cacher son
désespoir : « Je ne sais plus quelle consolation leur donner », dit-il à propos de
ses hommes, à qui il demandait de se tenir prêts depuis des mois. Sa mission
prenait fin. « Si rien ne doit se faire, ajouta-t-il en cherchant à garder foi dans
la cause du prince d’Orange, en ce cas tirez-moi de l’Égypte95 ». Tel était le
destin des serviteurs des Oranges : suivre les traces des prophètes de l’Ancien
Testament, montrer le chemin à un peuple élu, sortir les autres — quand cela
se pouvait — de l’ornière de l’esclavage. La liberté était un don partagé.
À partir de l’automne 1674, les arrestations se multiplièrent dans le milieu
des conspirateurs. « On a fait tant de furieuses diligences pour m’arrêter »,
rapporta Sardan à l’intention de Castel Rodrigo96. Le scepticisme des conseillers de la reine régente allait grandissant. Le conseiller d’État Don Juan Haro
reprocha à Sardan un manque de « fermeté97 ». Sans le soutien de l’Espagne,
la mission de Sardan prenait effectivement fin. Sardan ne pouvait que se
plaindre de la disgrâce dont il estimait être victime98. C’est sans doute autour
de cette date qu’il prit la route de l’exil vers les Provinces-Unies.
Que faut-il retenir, en guise de conclusion, des révoltes de 1674 ? Ces
révoltes, jusqu’à présent, ont été envisagées dans une perspective essentiellement franco-française qu’il paraissait utile d’enrichir par une meilleure prise
en compte du contexte international. Les archives espagnoles apportent un
précieux complément aux archives néerlandaises, permettant d’appréhender
plus finement l’organisation d’une conspiration dont les ramifications étrangères allaient de La Haye à Madrid, en passant par Gênes et Milan. L’échec des
révoltes de 1674 ne doit pas occulter la haute ambition qui animait le prince
d’Orange et la régence espagnole.
Au printemps 1674, alors que la Franche-Comté devenait française, l’optimisme était malgré tout de rigueur dans le camp hispano-néerlandais. Les
scènes de panique provoquées, sur les côtes françaises, par la crainte d’une
descente néerlandaise laissèrent penser qu’une tentative de déstabilisation du
royaume de France relevait du possible. Du point de vue néerlandais, l’organisation des opérations donne un aperçu du degré de puissance atteint par le
prince d’Orange en matière internationale. Officiellement, Sardan avait fait
94
Ibid.
NA, 1.10.29, Archives Famille Fagel, inv. nº 447, 37, Riomal à Gaspar Fagel, 15-XII-1674, s.f.
96
AGS, Estado 2127, Fonzenada (Sardan) à Castel Rodrigo, 9-IX-1674, 75, f° 528.
97
Ibid., Consulte du Conseil d’État, 24-XI-1674, 95, f° 643.
98
Ibid., Fonzenada (Sardan) à Pedro Colona, 10-XI-1674, 100, f° 855.
95
Mélanges de la Casa de Velázquez. Nouvelle série, 42 (2), 2012, pp. 201-223. ISSN : 0076-230X. © Casa de Velázquez.
charles-édouard levillain une guerre souterraine contre louis xiv
appel à une double protection : celle du prince d’Orange et celle des ÉtatsGénéraux, dépositaires officiels de la souveraineté en matière internationale.
En pratique, néanmoins, c’est le prince d’Orange qui négociait directement
avec les confédérés et c’est lui, effectivement, qui signa le traité d’avril 1674. Il
y avait là une raison pratique simple : négocier un traité secret avec les ÉtatsGénéraux était quasiment impossible en raison d’un risque permanent de
fuite. Par nature, la collégialité faisait obstacle à la confidentialité99.
D’un point de vue espagnol, les archives de la série Flandres laissent entrevoir une véritable suractivité diplomatique qui contraste quelque peu avec la
faiblesse des moyens engagés, tant sur terre que sur mer. L’échec de la révolte des
provinces méridionales françaises (essentiellement la Provence et le Languedoc)
tient moins au faible appui apporté par l’Espagne qu’à une impossible jonction
avec les troupes de l’Empire. C’est la conquête de la Franche-Comté, au printemps 1674, qui paralysa l’action de l’Espagne en direction des confédérés. Ainsi
s’explique sans doute pourquoi l’Espagne ne s’impliqua guère dans la révolte de
Bretagne de 1675. Les événements de 1674 avaient probablement servi de leçon.
Abréviations
AAECP Archives des affaires étrangères (Paris), Correspondance politique.
AGR Archives générales du Royaume (Bruxelles).
AGS Archivo General de Simancas.
AHN Archivo Histórico Nacional (Madrid).
ANOM Archives nationales d’outre-mer (Aix-en-Provence).
BN Bibliothèque nationale (Paris).
KB Koninklijke Bibliotheek (La Haye).
KH Koninklijk Huis Archief (La Haye).
NA Nationaal Archief (La Haye).
TBL The Beinecke Library (New Haven, États-Unis).
TNA The National Archives (Kew, Richmond, Grande-Bretagne).
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Bérenger, Jean (1975), « La révolte des Bonnets rouges et l’opinion internationale », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 82 (4), pp. 443-458.
99
Pour plus de lumières sur cette difficulté dans la pratique des institutions néerlandaises, voir
Bruin, 1991 et, en français, Čihák, 1974, pp. 5-8.
Mélanges de la Casa de Velázquez. Nouvelle série, 42 (2), 2012, pp. 201-223. ISSN : 0076-230X. © Casa de Velázquez.
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Mots-clés
Espagne, Hollande, France, projets de révolte, 1674.
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