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LaguerreFranco‐prussiennede1870
commecatalyseurdel’unification
politiqueallemande
L’Allemagne, telle que nous la connaissons aujourd’hui, est une jeune construction ayant connu
diverses transformations, et ce, dans un cours laps de temps. En effet, comparativement aux États
européens bien établis depuis l’époque moderne comme la France, la Grande-Bretagne ou bien
l’Espagne, l’Allemagne fait figure de poupe si l’on considère que les nombreuses principautés
dites germaniques n’ont fait symbiose que vers la fin du XIXe siècle. Cette unification donna
naissance à un empire moderne et compétitif, mais surtout ambitieux.
Cette nouvelle entrée d’un joueur puissant sur la scène européenne a depuis inspiré les chercheurs
de tous les domaines. Les amateurs d’histoire contemporaine sont particulièrement servis
puisque cette unification coïncide avec l’avènement du concept de nationalisme, concept phare
pour les acteurs politiques de l’époque. Cette unification fut marquée par une courte guerre,
quoique décisive, la guerre franco-prussienne s’échelonnant de juillet 1870 à janvier 1871. La
question des nationalismes a fait couler beaucoup d’encre et depuis environ une dizaine d’années,
l’historiographie politique a évolué en prenant en considération les problématiques culturelles ce
qui permet d’éclairer la question des nationalismes. Il est donc tout à fait pertinent de s’intéresser
à la guerre de 1870 dans cette optique. Le but de ce travail est de faire ressortir le caractère
crucial de ce conflit en tant que catalyseur de l’unification politique de l’empire allemand.
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Afin de simplifier la tâche, nous nous proposons de s’intéresser tout spécialement au royaume de
Prusse et de se donner comme point de départ le Congrès de Vienne de 1815. Ainsi, l’étude du
sentiment d’appartenance allemand sera géographiquement et temporellement mieux délimitée,
donc plus facile à cerner. Nous débuterons par une exploration du concept de nationalisme qui,
appliqué au cas allemand, unifie politiquement des principautés déjà unifiées culturellement.
Puis, nous nous attarderons plus spécifiquement sur le conflit franco-prussien en analysant son
déroulement et en auscultant son caractère nationaliste.
L’ÉCHEC NATIONAL AU LENDEMAIN DE LA RESTAURATION
À la suite des guerres napoléoniennes, les principaux États responsables de la défaite de
Napoléon se réunirent afin de décider de la nouvelle organisation de l’Europe, chamboulée par
l’empereur français. La ville de Vienne s’imposa comme lieu de réunion de par sa situation
géographique et du rôle de l’Autriche dans le conflit. C’est ainsi qu’en 1815, le Congrès de
Vienne fut mandaté afin de mettre de l’ordre en Europe dans le but que des agissements
semblables à ceux de Napoléon ne puissent avoir lieu de nouveau. En France, on remit sur le
trône la dynastie des Bourbon et on entoura le territoire de petits États tampons sous tutelle de
grands royaumes. On unit de nouveau les Pays-Bas et la Belgique qu’on fit parrainer par la
Grande-Bretagne, on reconstitua le royaume de Piémont-Sardaigne sous tutelle autrichienne et on
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déclara neutre la Confédération helvétique1. La Prusse acquit également des territoires le long de
la Lorraine en Westphalie, à Cologne et à Trêves2.
Les patriotes allemands convoitant l’unification eurent beaucoup d’attentes face à ce Congrès,
mais leurs revendications ne trouvèrent pas écho. On créa la Confédération germanique,
Deutsher Bund, qui comportait les mêmes limites géographiques que l’ancien Saint-Empire et où
se réunissaient 39 royaumes, principautés et villes libres. Ceci était loin de rassembler les 350
états distincts que comportait le défunt Saint-Empire3. Le but de cette Confédération était le
«maintien de la sécurité extérieure et intérieure de l’Allemagne, de l’indépendance et de
l’inviolabilité d’États confédérés»4. Chaque État membre envoyait un représentant siéger à la
diète fédérale, Bundestag, situé à Francfort et sous la présidence du représentant autrichien. Il est
à noter que les membres conservaient leur pleine souveraineté avec la seule restriction de ne
pouvoir prendre des décisions pouvant compromettre la souveraineté des autres membres. La
Diète fédérale n’avait en réalité pas de réel pouvoir politique. L’unité allemande complète ne put
se concrétiser à cause de l’absence d’appui de la part des autres puissances. Metternich (1773-
1859), le chancelier autrichien, ne pouvait se résoudre à répondre aux projets nationaux et
préférait remettre en place l’ordre ancien et les autres dirigeants partageaient son avis.
Ni l’habile Talleyrand, qui sut user des rancœurs des autres puissances pour se faire reconnaître parmi les cinq
grands, et qui soutint le principe de la légitimité dynastique pour mieux « qualifier » le retour des Bourbon sur
le trône français, ni le tsar Alexandre 1er qui encourageait sa légende de souverain ouvert au libéralisme et au
progrès par ses déclarations et par une certaine gesticulation, ni Castlereagh qui pensait en priorité aux
« droits maritimes » du Royaume-Uni, n’étaient partisans de répondre aux souhaits des « patriotes

1RenéGirault,Peuplesetnationsd’EuropeauXIXesiècle,Paris,HachetteSupérieur,Carréhistoire,1996,p.78.
2HenryBogdan,Histoiredel’Allemagne,delaGermanieànosjours,Paris,Perrin,Tempus,2003(1999),p.273.
3HenryBogdan,op.cit.,p.272.
4Ibid.,p.272.
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nationaux ». Seul le ministre prussien Stein manifestait un certain intérêt pour une future unité allemande;
mais il n’avait point les moyens d’une telle politique.5
En somme, les décisions prises au Congrès de Vienne en 1815 ne pouvaient satisfaire les désirs
nationaux. En ayant pris en considération les demandes archaïques des gouvernements au
détriment des revendications patriotiques des peuples européens, le Congrès de Vienne a installé
en Europe une période de bouillonnement social. Bien que cette époque de bouleversements ne
fût en apparence pas destinée à durer bien longtemps, l’ordre établi par le Congrès de Vienne se
prolongea sur près d’un demi-siècle, ce qui est long compte tenu du contexte tendu.
L’UNITÉ ÉCONOMIQUE ET MARCHE VERS LUNITÉ POLITIQUE
Suite aux remodelages géographiques, le territoire de la Prusse était scindé en deux. Afin
d’optimiser son économie, elle chercha un moyen d’éliminer les tarifs douaniers exigés par les
États séparant les parties est et ouest lors des convois de marchandises. En 1834, mais l’idée
datait de 1816, se forma le Zollverein, une union douanière unique pangermanique sur l’initiative
de la Prusse. Seule y était exclue l’Autriche qui au départ avait peur de ne pouvoir assurer la
vitalité économique de cette union et qui par après, souhaitant l’intégrer, s’était vu refuser l’accès
par la Prusse qui ne voulait voir adhérer à l’accord les parties non germaniques de l’empire
autrichien (Hongrie, Dalmatie et Pologne)6. Cette union douanière ultraprotectionniste permit
aux États allemands de rattraper leur retard sur la révolution industrielle. Les échanges plus
nombreux favorisèrent la construction d’un important réseau de chemins de fer. Entre 1840 et

5RenéGirault,op.cit.,p.80.
6JosephRovan,Histoiredel’Allemagne,desoriginesànosjours,Paris,ÉditionsduSeuil,PointsHistoire,1999
(1994),p.468.
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1850, le réseau ferroviaire passa de 500 à 6 000 km, dont plus de 4 000 km se trouvait en Prusse7.
Tout cela eu un impact significatif sur la démographie, sur l’industrie d’extraction et sur la
métallurgie.
Dans la frénésie du printemps des peuples de 1848, le Zollverein sut en partie tempérer les
soulèvements nationalistes.
Grâce au Zollverein, à la modernisation industrielle et commerciale et aux conquêtes sociales des périodes
antérieures, les États allemands avaient déjà franchi plusieurs étapes sur la voie de l’unité et de la
démocratisation. Les villes allemandes, les universités allemandes, outre leur rayonnement artistique, étaient
des lieux de fermentation culturelle avec une presse développée, lue par une bourgeoisie des affaires ou de
l’administration qui s’estimait prête à jouer un grand rôle politique à l’échelle nationale8.
Les revendications des foules amassées à Berlin étaient plutôt d’ordre social. Inspirées par Marx
et par Engels, on souhaitait l’adoption d’un suffrage universel, une souveraineté parlementaire et
d’une égalité de tous devant la loi, le tout sous forme de constitution à la britannique qui
assurerait des libertés fondamentales. Après quelques mois de combats sporadiques, le roi de
Prusse, Frédéric-Guillaume IV (1795-1861), annonça la mise en place de réformes qui assurait
l’autonomie du parlement, bien que le roi y gardait un droit de veto, et l’adoption d’une
constitution assurant des droits individuels, dont la liberté de culte. La brillante conclusion du
conflit par les autorités prussiennes marquait la réussite du libéralisme eu des échos ailleurs en
Allemagne et, à Francfort, on en vint à discuter d’une éventuelle unification.

7HenryBogdan,op.cit.,p.284.
8RenéGirault,op.cit.,p.126.
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