188 COMPTES RENDUS
gi naire social contem po rain, notam ment saisi par l’ana lyse des témoi gnages de quelques
« jeunes » des ban lieues ; deux derniers cha pitres nous rame nant, quant à eux, au XVIIIe,
mais cette fois pour la sai sie d’indices, surtout dans les sources judi ciaires, pour tenter
d’appré hen der comment le peuple réagit aux assi gna tions identitaires qu’on lui affecte.
Il n’est pas ques tion dans ce compte rendu de pro po ser une res ti tution détaillée de
toute cette pro gres sion, du foi son ne ment d’argu ments, de rai son ne ments et de réfé rences.
Je sou li gne rai juste d’une part cer taines dif fi cultés sou le vées par l’ouvrage, d’autre part
quelques ori gi na li tés et apports de ce livre impor tant.
Parmi les pre mières, on regret tera qu’il faille sou vent lire et relire certains pas -
sages pour fran chir l’obs tacle d’une langue qui use abon dam ment des néo lo gismes et des
termes abs trus, emprunte des che mi ne ments par fois inuti le ment longs et contour nés pour
en arriver aux démons tra tions par ailleurs éclai rantes. En outre, si la démarche est le plus
sou vent argumentée et appuyée sur un solide agen ce ment d’exemples, de textes, d’inter-
pré ta tions et de réfé rences, on peut être réservé, tout en reconnais sant l’inté rêt d’une his -
toire cri tique du dis cours, sur deux partis pris qui ont à voir avec l’ins crip tion
métho do lo gique et historiographique de la ré inter pré ta tion. Le pre mier concerne l’exploi-
ta tion même des dis cours : en his to riens, on aime rait davan tage de pré sen ta tion cri tique à
la fois de la posi tion d’où parlent les diffé rents auteurs et de la place des œuvres uti li sées
dans les corpus concernés (importance des textes du même genre, diffu sion, etc.) ; autant
d’élé ments de nature à modi fier la portée des dis cours tenus. D’ailleurs, même les témoi-
gnages mobi li sés dans la par tie contem po raine ne sont pas pré ci sé ment contextualisés.
Plus large ment, pour être sti mu lante, la pro jec tion vers le présent n’en est pas moins pas -
sa ble ment inté grée et, somme toute, pas si éloi gnée de la nou velle natu ra li sa tion que
l’auteur pré tend démon ter, dans la mesure où l’ana lyse repose sur l’équa tion impli cite
entre peuple et ban lieue. Le deuxième éton ne ment sus cité par l’ouvrage – et une fai blesse
à nos yeux – tient au parti qui semble pris de très peu faire réfé rence aux nom breux et dif-
fé rents tra vaux d’his to riens des compor te ments col lec tifs, des mou ve ments popu laires, de
la « culture poli tique popu laire ». On peut comprendre le souci d’échap per à des caté go -
ries pré éta blies et à des méthodes jugées trop « glo ba li santes », pour tant, des réfé rences
plus pré cises aux enquêtes de Jean Nicolas ou Walter Markov sur les rébel lions, aux
recherches sur dif fé rents groupes sociaux ou orga ni sa tions des métiers, voire sur le
« peuple des cam pagnes » à peine envi sagé, aux réflexions sur l’indi vi dua li sa tion des
compor te ments, la consom ma tion ou encore l’émer gence des doléances en 1789, auraient
pu uti le ment conso li der les remarques.
Il n’empêche qu’on trou vera dans l’ouvrage de très utiles inci ta tions à la réfl exion
dans les dif fé rents champs des repré sen ta tions sociales. Les traits mar quants des visions
du peuple dans les dis cours des élites (aca dé miques, mémo ria listes, etc.), reprises par
Déborah Cohen sont connus : ani ma lité, comporte ments relevant du corps et non de
l’esprit, vio lence, contremodèles de l’ordre sou hai table, etc. Néan moins les textes cités en
appui sont inté res sants ; sur tout la démarche débouche sur l’ana lyse enri chis sante de la
manière dont ces dis cours, ini tia le ment ancrés dans le para digme de l’immua bi lité du
monde, des posi tions sociales, de la vision du peuple comme masse où l’individu n’existe
pas, sont mis en cause et se trans forment. Le démon tage repose sur la mise en rela tion
réus sie des diffé rents registres de la pen sée du social au XVIIIe, en par ti cu lier l’influ ence
déci sive du sen sua lisme dans l’émer gence d’un nou veau modèle de compré hen sion du
monde, puis les inter ac tions et les contra dic tions avec la phy sio cra tie, le rôle des récits de
voyage, le goût des récits d’anec dotes, etc. Ainsi s’imposent, au fil du siècle, à la fois
l’idée que la nature et les caté go ries sociales ne sont pas for cé ment liées et la convic tion
que les gens du peuple sont capables d’avoir des vues sin gu lières sur le monde et d’agir, y