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La fin des colonies européennes – Texte intégral
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Date de dernière mise à jour: 01/08/2016
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La fin des colonies européennes – Texte intégral
Table des matières
Introduction
I. La décolonisation en Asie
A. La décolonisation pacifique: Le cas de l’Inde britannique
B. L’indépendance des Indes néerlandaises
C. La décolonisation armée: Le cas de l’Indochine française
II. L’émergence du Tiers Monde
A. La conférence de Bandoeng
B. La crise de Suez
III. La décolonisation en Afrique
A. L’indépendance du Maroc et de la Tunisie
B. La poudrière algérienne
C. L’émancipation de l’Afrique noire
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Introduction
La Seconde Guerre mondiale a sérieusement ébranlé le système colonial. En effet, les puissances
coloniales ont perdu leur prestige d'antan, elles ont soit été vaincues et occupées, comme les PaysBas, la Belgique et la France, soit elles sont sorties très épuisées du conflit, comme ce fut le cas
pour le Royaume-Uni. Les peuples colonisés, souvent employés pour renflouer les rangs des
armées alliées en guerre, éprouvent alors le désir de se défaire des liens qui les unissent encore à
une Europe ruinée et exsangue.
De plus, l’émergence de deux grandes superpuissances anticolonialistes, les États-Unis et l’Union
soviétique, et le nouveau contexte international après 1945 favorisent la lutte des colonies pour
l’indépendance. Ainsi, la charte des Nations unies réaffirme le «respect du principe de l'égalité de
droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes». Ce principe avait déjà été évoqué par
le président américain Roosevelt et le Premier ministre britannique Churchill dans la charte de
l’Atlantique signée le 14 août 1941 sur le croiseur américain Augusta au large de la Terre-Neuve.
Au point 3 de cette déclaration solennelle, les deux chefs d’État énoncent le principe suivant
lequel «ils respectent le droit de chaque peuple à choisir la forme de son gouvernement et espèrent
que les droits souverains et l'autonomie de gouverner seront restitués à ceux qui en ont été privés
par la force».
Les peuples colonisés, conscients du nouveau contexte international favorable qui s’offre à eux, se
lancent dans la lutte pour leur indépendance. Cette émancipation des colonies se fera pour les uns
par la négociation, pour les autres par la force.
La décolonisation se fait en deux phases. La première s’étend de 1945 à 1955 et touche surtout les
pays du Proche et Moyen-Orient, ainsi que l’Asie du Sud-Est. La seconde phase commence en
1955 et concerne essentiellement l’Afrique du Nord et l’Afrique noire. En 1955, la conférence de
Bandoeng, qui réunit pour la première fois vingt-neuf délégués africains et asiatiques, marque la
fin de la décolonisation de l’Asie et annonce la décolonisation en Afrique. Bandoeng marque
également l’entrée sur la scène internationale des pays du Tiers Monde.
I. La décolonisation en Asie
Les peuples colonisés d'Asie du Sud-Est sont les premiers à réclamer le départ des Européens et à
revendiquer leur indépendance. En quelques années, toutes les colonies, à l’exception des
possessions portugaises de Goa et de Timor, deviennent indépendantes.
En février 1947, les Britanniques décident d’évacuer l’Inde qui, quelques mois plus tard, acquiert
son indépendance, mais non sans que le pays subisse une partition et voit la naissance d’un nouvel
État, le Pakistan. En 1948, le Royaume-Uni accorde l’indépendance à la Birmanie, à l'île de
Ceylan et, en 1957, à la Malaisie.
De son côté, l’Indonésie subit quatre années de confrontation militaire et diplomatique avec les
Pays-Bas, avant que ces derniers ne reconnaissent l’indépendance des Indes néerlandaises en
décembre 1949.
La France doit aussi faire face aux désirs d’émancipation de ses colonies. Dès 1946, elle s’engage
militairement en Indochine. Huit ans plus tard, la guerre coloniale se conclut par la victoire du
Viêt Minh sur les forces françaises, contraintes de quitter le pays. Le Laos et le Cambodge
accèdent également à l’indépendance.
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A. La décolonisation pacifique: Le cas de l’Inde britannique
Les campagnes de désobéissance civile, que Gandhi a menées en Inde pendant l'entre-deuxguerres, ont exaspéré la Grande-Bretagne. Pays pauvre mais très peuplé, l'Inde entend en effet
jouer un rôle mondial en se faisant le chantre de l'anticolonialisme neutraliste. Mais au sortir de la
Seconde Guerre mondiale, le gouvernement britannique n'a plus les moyens d'affronter une
nouvelle guerre coloniale. Il finit donc par concéder l'indépendance au sous-continent indien en
août 1947, mais non sans devoir faire face à des heurts violents entre la communauté hindoue et
musulmane.
Tandis que Gandhi et Nehru, les principaux dirigeants du parti du Congrès, tiennent à l’unité
indienne, la ligue musulmane, dirigée par Ali Jinnah, réclame la création d’un État musulman
indépendant. Les incidents deviennent de plus en plus violents et dégénèrent dans une guerre
civile. En février 1947, les Anglais décident d'évacuer le pays et le 15 août 1947, cette situation
aboutit à la partition du pays en deux États indépendants: L’Inde, à majorité hindou et le Pakistan,
à majorité musulmane. La République de l’Inde est proclamée en janvier 1950, une fois la
constitution élaborée, mais elle demeure membre du Commonwealth britannique.
En 1948, deux autres possessions britanniques, la Birmanie et l’île de Ceylan accèdent à
l’indépendance. Seule la Malaisie doit attendre 1957 pour devenir indépendante.
B. L’indépendance des Indes néerlandaises
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les Pays-Bas tentent de reconquérir leur ancienne
colonie, qu’ils ont dû abandonner en 1942 aux Japonais. Mais les nationalistes indonésiens
revendiquent l’indépendance de l’archipel. Alors que le Japon capitule le 17 août 1945, le leader
indonésien, Soekarno, proclame l’indépendance de l’Insulinde néerlandaise. Entre 1947 et 1948,
les Pays-Bas lancent deux grandes interventions militaires. Mais les nationalistes tiennent bon et
les Néerlandais, sous la pression des Nations unies et des États-Unis, doivent céder. En décembre
1949, après quatre années de confrontation militaire et diplomatique avec les Pays-Bas, ces
derniers reconnaissent enfin l’indépendance des Indes néerlandaises transformée en République
des États-Unis d’Indonésie.
C. La décolonisation armée: Le cas de l’Indochine française
La France doit aussi faire face aux désirs d’émancipation de ses colonies. Au lendemain de la
Seconde Guerre mondiale, le 2 septembre 1945 à Hanoi, Hô Chi Minh, chef du mouvement
nationaliste d’obédience communiste, le Viêt Minh, s’empare du pouvoir et décrète au nom du
gouvernement provisoire l'indépendance du pays et proclame officiellement la naissance de la
République démocratique du Viêt Nam (RDV). L’empereur Bao Dai doit abdiquer.
D’octobre 1945 à janvier 1946, les troupes françaises réoccupent militairement la Cochinchine. Le
6 mars 1946, le Français Jean Sainteny, commissaire de la République, et Hô Chi Minh signent un
accord qui prévoit la reconnaissance du Viêt Nam comme État libre, intégré au sein de la
Fédération indochinoise et faisant partie de l’Union française.
Mais ces accords ne durent pas. Le 1er juin 1946, le Haut Commissaire Georges Thierry
d'Argenlieu proclame la République de Cochinchine. Le 23 novembre 1946, face à
l’accroissement des troubles et en vue de rétablir l’autorité française dans la zone nord de
l’Indochine, la marine française bombarde le port de Haiphong, faisant près de 6 000 victimes. Le
19 décembre, en représailles, des éléments du Viêt Minh s’attaquent aux quartiers européens de
Hanoi et massacrent des dizaines de personnes. Hô Chi Minh se réfugie dans la clandestinité pour
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combattre les Français. C'est le début d'une guerre qui va durer huit ans. Les troupes françaises se
lancent dans une difficile reconquête des zones tenues par le Viêt Minh et s’engagent
progressivement dans une guerre coloniale lointaine et coûteuse en vies humaines.
À partir de 1949, le Tonkin, l'Annam et la Cochinchine sont regroupés au sein du nouvel État du
Viêt Nam, associé à la France dans le cadre de l’Union française et dirigé depuis la ville de Saigon
par l’empereur Bao Daï, rentré au Viêt Nam en avril 1949.
Pour justifier cette guerre coloniale devant l'opinion publique mondiale en général et du
gouvernement américain en particulier, les autorités françaises la définissent davantage comme
une lutte anticommuniste que comme une guerre coloniale. En effet, dès la fin de l’année 1949,
des troupes chinoises s’installent le long de la frontière du Viêt Nam. L’Union soviétique et la
Chine communiste de Mao Tsé-Toung accentuent leur soutien (livraison d’armes et de matériel,
envoi d’instructeurs…) aux troupes du Viêt Minh. Ainsi, face à cette menace et avec le début de la
guerre de Corée en juin 1950, les États-Unis se déclarent prêts à aider matériellement l'effort de
guerre français par la fourniture d'armements. La guerre d’Indochine s’inscrit dans la politique de
containment américaine et devient l’un des fronts de la lutte contre l’expansion communiste.
Mais la position française en Indochine ne fait que s'effriter. Les défaites sur le terrain se
multiplient et les pertes militaires françaises ne cessent de s’alourdir. Après la reddition
catastrophique du 7 mai 1954 de sa forteresse de Diên Biên Phu, la France réalise qu'elle ne peut
plus poursuivre cette guerre lointaine et onéreuse au seul nom de la lutte anticommuniste.
Les accords de Genève du 21 juillet 1954 mettent fin au conflit et la France est contrainte à quitter
le pays. Le Viêt Nam est divisé en deux parties: tandis que le nord du Viêt Nam passe sous le
contrôle communiste du leader Hô Chi Minh, une dictature nationaliste s'installe au sud du 17e
parallèle. L'indépendance du Laos et du Cambodge, proclamée en 1953, est définitivement
reconnue. Mais contrairement à la France, les Américains n’acceptent pas les résultats de la
conférence de Genève et restent partisans de l'indépendance du Viêt Nam du Sud.
Aussitôt délestée de la poudrière indochinoise, la France perd une partie importante de son
prestige colonial, ce qui ne fait que renforcer davantage les mouvements indépendantistes qui
agitent déjà ses possessions d'Afrique du Nord.
II. L’émergence du Tiers Monde
Suite au mouvement d’indépendance naît un ensemble de pays n’appartenant ni au bloc
occidental, ni au bloc soviétique et partageant certaines caractéristiques, dont le sousdéveloppement et une croissance démographique importante: c’est le «Tiers Monde» (expression
forgée par l'économiste et le démographe français Alfred Sauvy en 1952).
Dans les années 1950, cinq pays asiatiques nouvellement indépendants (l’Inde, le Pakistan,
Ceylan, la Birmanie et l’Indonésie) prennent l’initiative d’unir les pays du Tiers Monde pour faire
front commun face à la colonisation. Le 17 avril 1955 s’ouvre à Bandoeng en Indonésie une
conférence afro-asiatique qui, pour la première fois, permet aux pays du Tiers Monde de
s’affirmer sur la scène internationale.
En 1956, la crise de Suez illustre ces nouveaux rapports de force internationaux. En Égypte, le 26
juillet 1956, le président Gamal Abdel Nasser, chantre du panarabisme, proclame la
nationalisation de la compagnie du canal de Suez. Se heurtant ainsi de front aux intérêts de la
France, du Royaume-Uni et d’Israël, la crise de Suez provoque une épreuve de force débouchant
sur une opération militaire conjointe des trois pays contre l’ancien protectorat britannique en
octobre 1956. Or, la volonté de la France et du Royaume-Uni de sauvegarder leurs intérêts
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économiques et financiers au détriment d’un pays en développement va provoquer l’ingérence de
la communauté internationale.
A. La conférence de Bandoeng
À la conférence de Bandoeng, du 17 au 24 avril 1955, se réunissent des pays d’Asie et d’Afrique,
nouvellement indépendants, pour affirmer leur volonté d'indépendance et leur non-alignement sur
les puissances mondiales. Sous la présidence du leader indonésien Soukarno, elle réunit 29 pays:
23 d’Asie et 6 d’Afrique. Parmi ses invités, on peut citer Gamal Abdel Nasser pour l’Égypte, le
Premier ministre indien Nehru et Zhou Enlai, Premier ministre de la Chine populaire.
S'opposant au colonialisme, ils incitent les peuples encore colonisés à lutter pour leur
indépendance et revendiquent:
- La décolonisation et l'émancipation des peuples d'Afrique et d'Asie;
- La coexistence pacifique et le développement économique;
- La non-ingérence dans les affaires intérieures.
La conférence a une incidence psychologique très importante. Elle exalte en effet les droits
fondamentaux des peuples colonisés et témoigne de leur force de résistance contre la domination
européenne. Sentant leurs positions toujours plus menacées dans leurs territoires d'outre-mer, les
métropoles européennes n'ont bientôt plus guère d'autre choix que de s'orienter toujours plus vers
l'unité et de s'interroger sur les moyens de conserver des liens privilégiés avec leurs colonies.
Ainsi, la conférence de Bandoeng marque l’entrée sur la scène internationale des pays du Tiers
Monde.
B. La crise de Suez
À Suez, le Tiers Monde remporte une victoire diplomatique importante.
En effet, le colonel Gamal Abdel Nasser, invité à la conférence des pays afro-asiatiques nonalignés de Bandoeng de 1955, cherche à faire l'unité du monde arabe autour de l'Égypte qu'il dirige
depuis juin 1956. Il projette la construction d'un grand barrage à Assouan pour stimuler la
transformation économique et agricole du pays, mais les États-Unis, qui voient pourtant Nasser
comme une alternative au communisme, refusent de participer au financement massif du chantier.
Aussitôt, le 26 juillet 1956, Nasser annonce son intention de nationaliser la compagnie du canal de
Suez, voie d'eau d'une grande importance internationale dont les actionnaires sont en majorité
français et britanniques mais dont la concession ne doit expirer qu'en 1968. Pour Nasser, les
revenus d'exploitation du canal doivent tout simplement permettre à l'Égypte de financer les
travaux d'Assouan.
Les Français, fâchés par l'aide apportée par l'Égypte aux insurgés algériens, et les Britanniques,
qui veulent préserver leur contrôle sur la voie stratégique de Suez, décident de mener une action
militaire concertée en vue de récupérer la mainmise sur l'administration du canal. Ils disposent
pour ce faire du soutien militaire de l'État d'Israël qui, depuis sa création en 1948, se sent
directement menacé par toute velléité d'expansionnisme ou de renforcement arabe. Nasser ne cesse
d'ailleurs de proclamer sa volonté de détruire Israël. Le 29 octobre 1956, les armées israéliennes
conquièrent le Sinaï si précieux pour la protection de l'État juif. Une semaine plus tard, les troupes
franco-anglaises débarquent à Port-Saïd. Le succès de l'opération est total: l'armée égyptienne est
défaite en quelques jours, bien que Nasser ait ordonné de couler une quarantaine de navires afin de
bloquer définitivement le canal de Suez.
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Mais les grandes puissances mondiales n'apprécient pas du tout l'action de la France et de la
Grande-Bretagne. L'URSS, qui est en train de liquider l'insurrection hongroise par la force,
menace Paris et Londres de représailles nucléaires. En ce qui les concerne, les États-Unis, pourtant
alliés traditionnels des puissances européennes, se plaignent de n'avoir pas été consultés au
préalable. Ils n'apprécient absolument pas cette politique de la canonnière de type néocolonial et, à
travers les Nations unies, exercent une immense pression financière sur le Royaume-Uni, de sorte
que le corps expéditionnaire franco-anglais doit se retirer malgré la victoire militaire. Israël évacue
aussi le Sinaï. C'est l’Organisation des Nations unies qui prend en charge la remise en état du
canal qui est rouvert à la navigation en avril 1957. Entre-temps, alors que Nasser a ordonné la
destruction de nombreux oléoducs, les pays d'Europe occidentale sont confrontés aux premières
restrictions dans l'approvisionnement d'essence et de carburants.
En fin de compte, Nasser, fort de sa victoire politique et diplomatique, jouit d'un immense prestige
dans le monde arabe. Il exploite à fond son image de martyre d'un complot impérialiste. Les
puissances européennes doivent définitivement se rendre compte qu'elles ne sont plus des
puissances mondiales et que leur rôle sur l'échiquier international ne peut plus être que
complémentaire à celui des États-Unis. Il leur devient en effet très difficile de mener une politique
mondiale indépendante et leur influence dans la région du Moyen-Orient devient quasiment nulle.
L’affaire de Suez se conclut donc par une défaite morale et par un fiasco diplomatique pour les
anciennes puissances coloniales, tandis que le colonel Nasser s’érige dès à présent en défenseur de
la cause arabe et en champion de la décolonisation.
III. La décolonisation en Afrique
C’est à partir de la conférence de Bandoeng et de la crise de Suez que se développe la deuxième
phase de la décolonisation qui se situe principalement en Afrique.
En Afrique du Nord, la France doit affronter une grave crise qui débute en Algérie avec le
soulèvement du Front de libération nationale en 1954. La guerre se répercute ensuite au Maroc et
en Tunisie et finit par menacer le régime républicain en France même. Les protectorats du Maroc
et de Tunisie se voient accorder leur indépendance sans combat en mars 1956. L’Algérie,
considérée comme une partie intégrante de la France, constitue quant à elle un cas à part. Ce n'est
qu'à la fin d'une douloureuse guerre de huit ans – qui va de l'insurrection de 1954 aux accords
d'Évian de mars 1962 – que l'Algérie devient un État indépendant.
À partir de 1957, c’est au tour des anciennes possessions britanniques, françaises, belges et
portugaises de l’Afrique noire de s’émanciper progressivement.
A. L’indépendance du Maroc et de la Tunisie
Le Maroc
Depuis la signature du traité de Fès en 1912, le Maroc était un protectorat français. Or, depuis la
fin de la Deuxième Guerre mondiale, les revendications indépendantistes s’intensifient. Déjà en
1943, le président américain Franklin Roosevelt avait encouragé le sultan marocain Mohammed
Ben Youssef dans sa volonté d’indépendance. Puis, à partir de 1947, ce dernier prend ses distances
à l’égard du protectorat, fait l’éloge de la ligue arabe et soutient l’Istiqlal, parti de l’indépendance.
Cependant, la nomination du général Juin, chef d´État major général de la défense nationale
(1947), puis du général Guillaume (1951) comme représentants officiels du gouvernement français
à Rabat, montre que la France n’est pas prête à abandonner le Maroc. Dès 1951, le général Juin,
soutenu par les colons conservateurs français, menace de destitution Mohammed Ben Youssef s'il
ne désavoue pas l’Istiqlal. Sous la contrainte, le sultan cède et déclare se distancer des
nationalistes.
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Toutefois, les indépendantistes continuent leur lutte et créent le Front national marocain. Dans les
mois suivants, les tensions ne cessent de monter. Entre 1952 et 1953, plusieurs manifestations
anti-françaises sont réprimées dans le sang. En décembre 1952, les États arabes réussissent à faire
inscrire la question marocaine à l’ordre du jour de l’ONU. Néanmoins, en 1953, à la suite d’une
intrigue du pacha de Marrakech, le Glaoui, fidèle ami de la France, Mohammed Ben Youssef est
enlevé du palais et exilé à Madagascar. Le lendemain, il est remplacé par Ben Arafa, candidat du
Glaoui. À partir de ce moment, les nationalistes intensifient leur action et les attentats se
multiplient.
Devant la détérioration accélérée de la situation, le gouvernement français est de plus en plus mal
à l’aise face à la pression internationale et décide de faire revenir le sultan. Dès lors, les choses
vont se précipiter. Le 6 novembre 1955, le président français, Antoine Pinay, et Mohammed Ben
Youssef signent les accords de La Celle-Saint-Cloud, prévoyant le retour sur le trône du sultan,
sous le nom de Mohammed V, et l’indépendance du Maroc. Dix jours plus tard, Mohammed V
rentre triomphalement à Rabat. Ensuite, le 2 mars 1956, après la signature, à Paris, de la
déclaration commune annulant le traité de protectorat de 1912, le Maroc accède à l’indépendance.
Quelques semaines plus tard, ce sera le tour de la Tunisie.
La Tunisie
Durant la Seconde Guerre mondiale, la Tunisie devient un terrain d’affrontement entre les Alliés
et les puissances de l’Axe. Après plusieurs mois de combats, les forces alliées parviennent à
repousser les troupes ennemies et la capitulation allemande du 12 mai 1943 entérine le retrait des
puissances de l’axe de l’Afrique du Nord. Le 15 mai, l’autorité en Tunisie est transférée à la
France libre. Aussitôt, Moncef Bey est révoqué pour avoir collaboré avec les Allemands et est
remplacé par Lamine Bey.
Profitant du mécontentement d’après-guerre et stimulé par l’indépendance de la Libye voisine
(octobre 1951), le parti occidentalisé, le Néo-Destour réclame des réformes. Son leader Habib
Bourguiba, appuyé par la ligue arabe, et le Bey lui-même réclament la constitution d’un
gouvernement responsable.
Tandis que Paris préconise un système de co-souveraineté au sein de l’Union française, Bourguiba
intensifie sa campagne pour l’indépendance de la Tunisie, en s’appuyant notamment sur l’Union
générale des travailleurs tunisiens (UGTT). À partir de 1952, la répression s’abat sur les
responsables politiques et Bourguiba est arrêté. Or, le recours au terrorisme amène la France à
réagir. Le 31 juillet 1954, Pierre Mendès France accorde l’autonomie interne à la Tunisie.
C’est finalement le 17 septembre 1955 qu’est installé à Tunis un gouvernement composé
exclusivement de Tunisiens.
Le 20 mars 1956, les négociations franco-tunisiennes aboutissent à l’indépendance totale de la
Tunisie. Ces premières élections législatives de l’histoire tunisienne donnent une large victoire au
Néo-Destour et à Habib Bourguiba qui devient président de la République tunisienne. Le 12
novembre 1956, la Tunisie est admise aux Nations unies.
B. La poudrière algérienne
L’Algérie, annexée à la France depuis 1834 et constituée en départements français, est considérée
comme une partie inaliénable du territoire national. Or, depuis la fin de la Seconde Guerre
mondiale, l’Algérie connaît de nombreuses manifestations nationalistes et indépendantistes. En
effet, l’existence d'une forte minorité de colons européens (1 million sur 9 millions d’habitants en
1954) farouchement opposés à la création d'une république algérienne musulmane empêche
l'émergence de toute solution à l'amiable.
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À la Toussaint 1954, une trentaine d’attentats éclatent sur le territoire algérien. Il s’agit de la
première action du Front de libération nationale (FLN). Peu à peu, le FLN et sa branche armée,
l’Armée de libération nationale (ALN), se radicalisent et utilisent la guérilla et le terrorisme.
À partir de 1956, le gouvernement Guy Mollet, d’abord partisan d’une politique de négociation,
finit par renforcer son action militaire en Algérie: il y envoie un contingent de plus de 400 000
soldats. Militairement, la France l'emporte, mais elle ne réussit pas pour autant à rétablir l’ordre.
Au contraire, le soutien de la population algérienne au FLN se renforce.
Malgré les tentatives de la France de présenter la question algérienne comme un problème de
police intérieure, l’internationalisation du conflit ne cesse de croître. Les relations avec les États
arabes deviennent de plus en plus tendues et les offensives diplomatiques des pays afro-asiatiques
obligent le gouvernement français à justifier sa politique algérienne devant l’assemblée générale
des Nations unies.
En France, le gouvernement est paralysé. Les dépenses militaires creusent le déficit budgétaire et
les difficultés financières s’aggravent. Finalement, l’impuissance de la IVe République à rétablir
l’ordre en Algérie aboutit à l’effondrement du régime. Les émeutes du 13 mai 1958 à Alger des
partisans de l’Algérie française aboutissent au retour au pouvoir du général de Gaulle. Il est
considéré comme le seul homme susceptible d’éviter la guerre civile et de restaurer l’unité
nationale.
Or, face au gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), créé par le FLN le 19
septembre 1958, le général de Gaulle se rend peu à peu compte que rien n’est possible sans
négociations avec le FLN. Le 16 septembre 1959, il amorce un premier pas décisif en se
prononçant pour les droits des Algériens à l’autodétermination. Dans un discours décisif, de
Gaulle propose trois voies entre lesquelles les Algériens devront choisir: sécession, francisation ou
association. Le général espère sans doute que les Algériens choisiront non la solution de
l’indépendance, mais celle d’une Algérie associée à la France qui garderait ses prérogatives sur
l’économie, l’enseignement, la défense et les affaires étrangères.
Le 8 janvier 1961, 75 % de l’électorat français approuvent par référendum l'autodétermination des
Algériens. L'opinion publique, initialement favorable à la guerre, opte désormais pour la paix.
Deux mois plus tard, le gouvernement annonce l’ouverture des pourparlers avec le GPRA. Le 11
avril 1961, le général de Gaulle justifie, lors d’une conférence de presse, le désengagement de la
France en Algérie pour des raisons économiques.
Or, les militants de l’Algérie française, qui ont porté de Gaulle au pouvoir, se sentent trahis. La
colère se traduit par des crises politiques, des insurrections et des coups de force. Déjà en janvier
1960, des militants déclenchent une semaine d’émeutes, la «semaine des barricades». Puis, en
avril 1961, quatre généraux (Challe, Salan, Zeller et Jouhaud) veulent réitérer le coup du 13 mai
1958, mais cette fois contre de Gaulle. Le putsch militaire d’Alger échoue devant le refus du
contingent et de l’opinion publique de se rallier aux généraux.
Les militants de l’Algérie française créent alors l’Organisation armée secrète (OAS), un
mouvement terroriste civilo-militaire, s’appuyant notamment sur une partie de la population
européenne d’Algérie et une partie de l’armée pour lutter contre l’indépendance de l’Algérie.
Entre 1961 et 1963, l’OAS organise une série d’attentats en France et en Algérie.
Mais ces actions n’empêchent pas la signature, le 18 mars 1962, des accords d’Évian entre le
gouvernement français et des représentants du FNL. Ces accords donnent la souveraineté à
l’Algérie, Sahara compris. La France obtient le maintien de ses troupes pendant trois ans ainsi
qu’une coopération franco-algérienne, protégeant les intérêts économiques de la France,
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notamment dans le domaine du pétrole.
Un double référendum conforte ces décisions. Le 8 avril 1962, les électeurs français approuvent à
plus de 90 % les accords d'Évian. Le 1er juillet 1962, 99,7 % des Algériens se prononcent en faveur
de l’indépendance de leur pays.
L'indépendance de l'Algérie est solennellement proclamée le 3 juillet 1962 et Ahmed Ben Bella est
désigné comme le premier président de la nouvelle république.
Pendant l’été 1962, des centaines de milliers de Français d’Algérie, les pieds-noirs, quittent
précipitamment l'Algérie et retournent en France.
C. L’émancipation de l’Afrique noire
La décolonisation de l’Afrique anglophone
L’émancipation de l’Afrique noire se fait progressivement. Les colonies britanniques sont les
premières à se libérer. Le 6 mars 1957, le leader Kwame Nkrumah obtient l’indépendance de la
Côte-de-l’Or sous le nom de Ghana.
Le Nigéria devient indépendant le 1er octobre 1960, la Sierra Leone le 27 avril 1961, le
Tanganyika le 28 décembre 1961 et l’Ouganda accède à l’indépendance le 9 décembre 1962. Le
29 septembre 1964, le Tanganyika et le Zanzibar fusionnent pour former la Tanzanie.
La décolonisation se fait plus difficilement au Kenya, où sévit, à partir 1952, la rébellion des MauMau, un mouvement militant qui combat la loi coloniale britannique. Le leader nationaliste Jomo
Kenyatta, accusé d’être un complice des Mau-Mau, est arrêté par les autorités britanniques.
Devenu un symbole de la volonté d'unité nationale, il est relâché en 1961. C’est seulement en
septembre 1963 que le Kenya accède à l’indépendance. Jomo Kenyatta devient le premier
président de la nouvelle république.
En Afrique australe, le Nyassaland proclame son indépendance et prend le nom de Malawi (6
juillet 1964) et la Rhodésie du Nord devient indépendante sous le nom de Zambie (24 octobre
1964). En 1965, la minorité blanche au pouvoir en Rhodésie du Sud proclame unilatéralement
l’indépendance et y établit un régime d’apartheid. Les colons blancs perdent le pouvoir seulement
en 1979, et en 1980, les Britanniques accordent l'indépendance à la Rhodésie du Sud sous le nom
de Zimbabwe. Robert Mugabe devient Premier ministre.
La décolonisation de l’Afrique noire française
Les événements vont également s’enchaîner dans les colonies françaises issues de l’Afrique noire.
En 1946, la constitution de la IVe République accorde à ces territoires un début d’autonomie et le
droit d’élire leurs représentants dans les assemblées françaises. L’Ivoirien Houphouët–Boigny et le
Sénégalais Léopold Sédar Senghor seront même ministres à Paris. La loi-cadre Defferre accorde
en 1956 une large autonomie interne aux territoires africains. En 1958, le général de Gaulle les
laisse choisir entre l’indépendance dans la sécession et l’appartenance à la Communauté française,
présidée par de Gaulle. À l’exception de la Guinée, toutes les colonies de l’Afrique noire française
optent pour la seconde solution. Elles jouissent désormais d’une large autonomie interne, seules la
défense nationale et la politique étrangère sont du ressort du gouvernement français. Peu à peu,
toutes ces colonies demandent à la France le transfert des compétences. Plusieurs nouveaux États
indépendants voient ainsi le jour en 1960: Cameroun, Congo-Brazzaville, Côte d’Ivoire,
Dahomey, Gabon, Haute-Volta, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, République centrafricaine,
Sénégal, Tchad et Togo.
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L’indépendance du Congo belge
Grâce aux ressources en or, en cuivre et en uranium, le Congo belge est la plus riche de toutes les
colonies européennes en Afrique noire, et ce vaste territoire suscite les convoitises des grandes
compagnies. Le gouvernement belge de son côté a longtemps pratiqué une politique paternaliste,
en refusant toute évolution. En 1960, des émeutes éclatent et la Belgique accorde brusquement
l’indépendance au Congo (30 juin 1960). Mais à peine indépendant, le Congo devient la proie de
massacres d’Européens et sombre dans une guerre civile. Progressiste et centralisateur, le Premier
ministre Patrice Lumumba s’oppose vite au fédéraliste Kasa-Vubu, désigné comme président de la
République. Et bientôt, la riche province du Katanga, dirigée par Moïse Tschombé, fait sécession
et proclame son indépendance. Ces divisions dégénèrent rapidement en luttes sanglantes et le
conflit congolais s’internationalise avec l’intervention des Casques bleus de l’ONU. En 1961, la
situation s’empire encore avec l’arrestation et l’assassinat de Patrice Lumumba. Les troubles
prennent seulement fin en 1965, avec le coup d’État du général Mobutu, chef de l’armée
congolaise.
Le 1er juillet 1962, deux autres territoires sous tutelle belge, le Rwanda et l’Urundi (qui devient le
Burundi) accèdent à la souveraineté.
L’indépendance des colonies portugaises
Le Portugal a été le premier colonisateur de l’Afrique, mais il est également le dernier à quitter le
continent. En 1961, des émeutes éclatent en Angola, au Mozambique et en Guinée-Bissau, mais le
Portugal refuse de céder et les réprime dans le sang. Peu à peu, les soulèvements se généralisent et
s’organisent autour de mouvements indépendantistes et nationalistes. Il faut attendre la «révolution
des œillets» et la chute de la dictature salazariste au Portugal en 1974-1975 pour que l’Angola, le
Mozambique, la Guinée-Bissau et le Cap-Vert obtiennent leur indépendance. L’abandon des
colonies africaines signifie pour le Portugal la fin de son empire colonial. Ne reste au Portugal que
le comptoir de Macao qui revient seulement en 1999 à la souveraineté chinoise.
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