
Thème du mois
17 La Vie économique Revue de politique économique 5-2014
ainsi les intérêts des usagers. Les réseaux
sociaux comme Facebook jouent égale-
ment un rôle important de stockage des
données concernant les diverses activi-
tés de leurs usagers. À première vue, le
recours aux services de ces réseaux est
gratuit. Les usagers doivent cependant être
conscients qu’ils les paient avec leurs don-
nées, lesquelles sont relevées et dépouillées
par les réseaux.
Les réseaux sociaux font
connaître les opinions personnelles
Il existe d’autres possibilités de recueil-
lir des données sur le comportement de
la clientèle en dépouillant les données
publiques disponibles sur Internet. L’utili-
sation intensive de la Toile a, en effet, créé
une sorte de forum virtuel. Les réseaux
sociaux incitent en particulier beaucoup de
gens à livrer des renseignements sur eux-
mêmes ainsi qu’à publier leurs opinions et
positions sur une foule de questions. Cela
s’effectue par les blogs, les contributions
aux communautés virtuelles, les commen-
taires ajoutés sur diverses pages Internet
ou les interventions sur les plateformes des
médias et des réseaux sociaux. Les entre-
prises s’intéressent avant tout aux avis qui
les concernent directement, elles et leurs
produits.
Dans le marketing classique, il est
reconnu que la transmission personnelle à
l’entourage joue un rôle important (bouche
à oreille) pour la notoriété des produits,
car les gens attribuent en général une cré-
dibilité particulière à leurs connaissances.
Toutefois, comme l’expression de c es avis
est par essence privée et personnelle, cette
forme de communication échappe à l’in-
fluence directe du marketing. Dans les cas
concrets, on ne peut qu’émettre des sup-
positions quant au genre et à l’ampleur du
bouche-à-oreille.
Sur les réseaux sociaux, le bouche-à-
oreille se transforme en clics numériques
de souris («word of mouse»): la transmis-
sion d’avis personnels à des gens plus ou
moins connus ne s’effectue plus sur une
base privée, mais sur des plateformes tech-
niques et à l’aide d’outils de rédaction sym-
bolisés par la souris d’ordinateur. Du même
coup, les informations autrefois privées
deviennent publiques, ce qui a de multiples
conséquences. Sur Internet, l’expression
d’opinions exerce un levier potentiellement
beaucoup plus fort que ne le ferait une
transmission de personne à personne.
Dans certaines circonstances, les informa-
tions se répandent comme une traînée de
poudre et atteignent ainsi rapidement un
vaste public. Le revers de la médaille est
que les avis exprimés sur Internet peuvent
être enregistrés et dépouillés beaucoup
plus facilement.
Pour autant qu’elles aient un rapport
avec l’entreprise, ses affaires et ses pro-
duits, observer et dépouiller systémati-
quement toutes les informations publiées
sur Internet constitue un nouveau champ
d’action pour la gestion des informations.
Les données doivent être dépouillées, puis
se traduire éventuellement par des mesures
concrètes de communication ou de marke-
ting. Comme difficultés particulières, on
signalera le grand nombre de publications
potentiellement pertinentes, la forte diver-
sité et hétérogénéité des sources, enfin la
variété des langues utilisées.
Un terrain miné: le marketing «viral»
Il est naturellement dans l’intérêt d’une
entreprise de susciter des déclarations
positives et d’en favoriser la diffusion. Une
mesure simple consiste à permettre aux
clients de livrer leurs commentaires sur le
site Internet de la société. Un système plus
coûteux est d’établir une communauté
dédiée en ligne, dans laquelle les intéressés
peuvent discuter de l’entreprise et de ses
produits. Le marketing «viral» recourt à la
propagation d’opinions par Internet. Les
accroches consistent surtout en mesures
publicitaires originales, qui attirent une
large attention grâce aux indications et
aux recommandations émises sur Inter-
net, et qui rehaussent la pertinence d’une
telle action en créant des liens retours, par
exemple sur les moteurs de recherche.
Pour les entreprises, la propagation des
opinions des usagers n’a cependant pas que
des effets positifs. Les avis négatifs se
répandent en effet à la même vitesse, mais
peuvent connaître une diffusion infiniment
plus vaste. Les mauvaises expériences per-
sonnelles se propagent relativement vite
auprès du grand public et sont amplifiées
par les différents médias, ce qui peut débou-
cher sur des campagnes violentes et large-
ment soutenues contre une entreprise. De
tels «déferlements de chienlit» («shitstorms»)
se sont déjà produits à maintes reprises et
ont entraîné des dégâts d’image sérieux
pour les entreprises concernées. Ces der-
nières doivent s’armer contre de tels événe-
ments et concevoir à cet effet des stratégies
de communication appropriées.
■
1 À ce propos, on dit souvent des entreprises
actuelles qu’elles sont riches en données, mais
pauvres en informations («data rich but information
poor»).
Encadré 2
Le réseau de compétence
Information numérique
À l’université de Berne, le réseau
interdisciplinaire de compétence Infor-
mation numérique étudie les problèmes
qui résultent de la généralisation de la
numérisation dans la société. Ce fai-
sant, il examine entre autres comment
maîtriser intelligemment la masse
actuelle des données. Dans la pers-
pective de la future société du savoir,
il convient d’extraire des données
massives les informations qui aideront
les individus et la société à élargir
leurs connaissances. Nous invitons les
personnes travaillant dans l’économie,
l’administration et la recherche, et qui
s’intéressent au sujet, à se mettre en
rapport avec le professeur Edy Port-
mann (edy.portmann@iwi.unibe.ch).