décret`d`application`de`l`article`481vi`

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DÉCRET'D’APPLICATION'DE ' L’ARTICLE'481VI''
DE'LA'LOI'POUR'LA'TRANSITION'ENERGETIQUE'''
ENJEUX'ET'PREMIÈRES'RECOMMANDATIONS''
Emissions'de'GES'
associées'aux'acAfs'
financiers'
ContribuAon'
à'la'transiAon'
Risque'
financier''
VOUS'
ETES'ICI'
Juillet'2015'
Note'réalisée'dans'le'cadre'des'acGons'financées'par':'
EUROPEAN'UNION'
H2020'-''Grant'
agreement'No'649982'
En deux mots
Les obligations d’information pour les investisseurs contenues dans l’article 48 de la loi de transition
énergétique sont formulées de telle façon qu’elles laissent une marge d’interprétation importante, dans un
contexte où les méthodes de calcul évoluent rapidement, et les enjeux commerciaux sont importants pour
les fournisseurs de données et les gérants de portefeuilles. La rédaction du décret d’application sera donc
déterminante.
L’introduction de cet article est une occasion unique de soutenir l’innovation et le développement d’une
offre de données cohérentes avec les objectifs de politique publique, ainsi que l’émergence d’un standard
international, dans le contexte de la présidence française de la COP21.
Au-delà du décret d’application lui-même, la contribution de l’obligation d’information à la réalisation des
objectifs de politiques publiques sous-jacentes (transition énergétique et écologique, objectifs climatiques,
stabilité financière, allocation optimale des capitaux) dépendra des mesures d’accompagnement mises en
œuvre : sensibilisation, outils d’information, cohérence des incitations fiscales, etc.
Cette notre présente 20 pages d’analyse de ces enjeux et quatre recommandations :
Articuler le décret avec des lignes directrices techniques évolutives
Créer une structure pérenne de suivi de la mise en oeuvre
Prévoir des mesures d’accompagnement et d’incitation
Assurer la promotion internationale du cadre introduit en France
Elle sera suivie de notes techniques développant ces quatre points.
Sommaire
1. Contenu de l’article (au 7 juillet 2015) ......................................................................................................... 2
2. Enjeux liés à l’interprétation de plusieurs éléments clé du texte ................................................................. 3
3. Enjeux techniques liés à la mise en œuvre des obligations ........................................................................ 4
3.1. Aperçu général ..................................................................................................................................... 4
3.2. Politique d’investissement .................................................................................................................... 5
3.3. Emissions de GES associées aux actifs .............................................................................................. 6
3.4. Contribution aux objectifs TE ............................................................................................................... 8
3.5. Exposition à un risque financier ......................................................................................................... 14
4. Enjeux liés au coût de mise en œuvre et distorsions de concurrence ...................................................... 16
4.1. La loi va créer la demande ................................................................................................................. 16
4.2. Problème de business model ............................................................................................................. 16
4.3. Risque élevé de distorsions de concurrence ..................................................................................... 17
4.4. Enjeux liés à la standardisation et au coût de mise en oeuvre .......................................................... 18
5. Enjeux liés à l’efficacité dans la mise en œuvre des objectifs de politique publique ................................ 19
6. Recommandations générales .................................................................................................................... 20
Cette note représente le seul point de vue des auteurs (équipe de recherche de 2°ii) et n’engage
pas les membres de l’association, ses administrateurs, ou ses financeurs.
Contact : Hugues Chenet ([email protected])
1
15 Juillet 2015
1. Contenu de l’article (au 26 mai 2015)
III. – A. – Le sixième alinéa de l’article L. 225-37 du code de commerce est complété par une phrase ainsi
rédigée :
« Il rend compte également des risques financiers liés aux effets du changement climatique et des
mesures que prend l’entreprise pour les réduire en mettant en œuvre une stratégie bas-carbone dans
toutes les composantes de son activité. »
B (nouveau). – Le A du présent III est applicable dès l’exercice clos au 31 décembre 2016.
IV(nouveau).–A.–À la première phrase du cinquième alinéa de l’article L. 225-102-1 du code de commerce,
après le mot : « activité », sont insérés les mots : « , incluant les conséquences sur le changement
climatique de son activité et de l’usage des biens et services qu’elle produit, ».
B (nouveau). – Le A du présent IV est applicable dès l’exercice clos au 31 décembre 2016.
V (nouveau). – A. – Après le mot : « liquidité », la fin du deuxième alinéa de l’article L. 511-41-1 B du code
monétaire et financier est ainsi rédigée: «,le risque de levier excessif ainsi que les risques mis en évidence
dans le cadre de tests de résistance régulièrement mis en œuvre. »
B (nouveau). – Le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la mise en œuvre d’un scénario de
tests de résistance réguliers représentatifs des risques associés au changement climatique
mentionnés à l’article L. 51141-1 B du code monétaire et financier, avant le 31 décembre 2016.
VI (nouveau). – A. – L’article L. 533-22-1 du code monétaire et financier est complété par deux alinéas
ainsi rédigés
« Les entreprises d’assurance et de réassurance régies par le code des assurances, les mutuelles ou
unions régies par le code de la mutualité, les institutions de prévoyance et leurs unions régies par le code
de la sécurité sociale, les sociétés d’investissement à capital variable, la Caisse des dépôts et
consignations, les institutions de retraite complémentaire régies par le code de la sécurité sociale,
l’institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques,
l’établissement public gérant le régime public de retraite additionnel obligatoire et la Caisse nationale de
retraites des agents des collectivités locales mentionnent dans leur rapport annuel et mettent à la
disposition de leurs souscripteurs une information sur les modalités de prise en compte dans leur
politique d’investissement des critères relatifs au respect d’objectifs sociaux, environnementaux et de
qualité de gouvernance et sur les [1] moyens mis en œuvre pour contribuer à la transition énergétique
et écologique. Ils précisent la nature de ces critères et la façon dont ils les appliquent, selon une
présentation type fixée par décret. Ils indiquent comment ils exercent les droits de vote attachés aux
instruments financiers résultant de ces choix.
« Le décret prévu au troisième alinéa précise les informations à fournir pour chacun des objectifs selon que
les entités mentionnées au même alinéa excèdent ou non des seuils définis par ce même décret. [4] La
prise en compte de l’exposition aux risques climatiques, notamment la [2] mesure des émissions de
gaz à effet de serre associée aux actifs détenus, ainsi que la [3] contribution au respect de l’objectif
international de limitation du réchauffement climatique et à l’atteinte des objectifs de la transition
énergétique et écologique, figurent parmi les informations relevant de la prise en compte d’objectifs
environnementaux. Cette contribution est notamment appréciée au regard de cibles indicatives définies,
en fonction de la nature de leurs activités et du type de leurs investissements, en cohérence avec la
stratégie nationale bas-carbone mentionnée à l’article L.221-1 B du code de l’environnement. Le cas
échéant, les entités mentionnées au troisième alinéa du présent article expliquent les raisons pour
lesquelles leur contribution est en deçà de ces cibles indicatives pour le dernier exercice clos. »
B (nouveau). – Le A du présent VI est applicable dès l’exercice clos au 31 décembre 2016.
La présente note ne porte que sur la mise en œuvre de l’alinéa VI instaurant des obligations d’information
renforcées pour les investisseurs institutionnels.
2
15 Juillet 2015
2. Enjeux liés à l’interprétation de plusieurs éléments clé du texte
Le texte de loi (dans sa version du 26 mai 2015) est formulé de telle façon qu’il permet d’appliquer les
meilleures pratiques d’évaluation actuellement utilisées tout en invitant à innover méthodologiquement pour
arriver à un cadre plus directement liés aux objectifs de politique publique sous-jacents : le soutien de la
transition énergétique et écologique d’une part, et l’anticipation des risques financiers liés au changement
climatique d’autre part. Ce niveau d’ambition dans un domaine complexe et en évolution s’accompagne
toutefois d’une complexité d’interprétation. L’article nécessite une bonne compréhension des enjeux
“techniques“ sous-jacents pour pouvoir être interprété de façon cohérente avec l’intention - présumée - du
législateur. Le tableau ci-dessous présente plusieurs phrases issues du texte de loi (colonne 1)
susceptibles de donner lieu à une interprétation biaisée (colonne 2), et les éléments importants à avoir en
tête lors de la rédaction du décret pour conserver l’esprit de la loi souhaité par le législateur (colonne 3).
Texte
Mauvaise
interprétation
Eléments explicatifs importants pour guider
l’interprétation
(…) l’exposition aux
risques climatiques,
notamment la mesure
des émissions de gaz à
effet de serre associée
aux actifs détenus.
La mesure des gaz à
effet de serre (GES)
associés aux actifs
permet de mesurer
directement l’exposition
aux risques climatiques
pour l’investisseur.
(…) la contribution au
respect de l’objectif
international de limitation
du réchauffement
climatique et à l’atteinte
des objectifs de la
transition énergétique et
écologique
Un changement dans
l’allocation d’actifs d’un
portefeuille apporte une
contribution directe et
mesurable aux objectifs
climatiques et
écologiques.
Il est possible d’établir
un lien entre la mesure
des GES associés aux
actifs et les objectifs
climatiques.
La stratégie nationale
bas-carbone doit fournir
des cibles directement
applicables à l’échelle
d’un portefeuille
d’actifs.
1. Pour une entreprises, le risque lié aux conséquences
physiques des variations climatiques n’est pas fonction
de ses émissions de GES.
2. En ce qui concerne le risque lié à la réglementation,
l’intensité carbone des actifs n’est a priori pas un
indicateur permettant d’évaluer directement et seul le
risque financier pour l’investisseur1. L’utilisation des
émissions de GES comme indicateur ne doit avoir lieu
que dans les cas pertinents, et être associé à d’autres
indicateurs le cas échéant.
L’effet de l’allocation d’actifs (marchés secondaires en
général) sur l’investissement et la production
(indicateurs les plus faciles à rapprocher faisant l’objet
d’objectifs climatiques) est très indirect et ne fait pas
l’objet de méthode stabilisée2.
Cette contribution
est notamment appréciée
au regard de cibles
indicatives définies, en
fonction de la nature de
leurs activités et du type
de leurs investissements,
en cohérence avec la
stratégie nationale bascarbone.
Il n’existe pas actuellement de méthode permettant de
‘traduire’ un objectif national ou international en niveau
d’intensité carbone à l’échelle d’un actif financier3.
La version actuelle de la stratégie nationale bascarbone ne prévoit pas de fixer de telles cibles4. Les
cibles peuvent être comprises comme directement
applicable (ex. allocation en % par classe d’actif) ou
permettant une traduction (ex. chiffrage des besoins de
financement par domaine). Il s’agirait alors de
rapprocher ces niveaux de financement avec les cibles
de la SNBC, sur des “poches“ comparables (ex. % de
nouvelles installations de production d’électricité
reposant sur tel type de technologie).
Il ressort de notre interprétation du texte que le décret devrait demander aux investisseurs quatre types
d’informations, qui ne se recoupent pas nécessairement :
1. Politiques d’investissement. Une description qualitative de la prise en compte des enjeux
climatiques dans la politique d’investissement (quel critères ? appliqués à quels actifs ?).
2. Emissions de GES associées. Une mesure des émissions de GES associées aux actifs.
1 Voir Climate strategies and metrics (UNEP-FI/GHG Protocol/2°ii, 2015), papier spécifique à paraitre (2°ii/ août. 2015). Si le « risque
carbone » tel qu’on le définit est bel et bien lié aux émissions de GES, il est pour autant impossible d’évaluer l’un directement par la
mesure de l’autre. Un peu de la même manière que le risque de crédit lié au niveau de la dette, mais la mesure du niveau de dette ne
définit pas le risque de crédit (la capacité à rembourser).
2 Voir Fiscalité de l’épargne financière et orientation des investissements — Comment favoriser le financement du long terme et de la
transition énergétique ? (2°ii / France Stratégie, à paraître 2015)
3 Voir Developping 2° compatible investment criteria (NewClimate/GermanWatch/2°ii for June 2015 G7 summit) et le projet Sectoral
Decarbonization Approach (CDP/WRI/WWF)
4 Source : Document provisoire de la Stratégie Nationale Bas Carbone au 7 juin 2015
3
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3. Contribution à la Transition Energétique (TE). Des éléments d’information quantitative (de
nature à déterminer) permettant d’apprécier la contribution des portefeuilles aux objectifs nationaux
et internationaux.
4. Risque financier. Une information sur l’exposition de l’investisseur à un risque financier lié au
« changement climatique ».
Par ailleurs, la Stratégie Nationale Bas Carbone devrait fournir des objectifs quantitatifs pouvant être
rapprochés des indicateurs de contribution à la TE.
Conclusions :
Le texte de loi présente plusieurs ambiguïtés et nécessite des précisions afin d’être correctement
interprété.
Les informations demandées correspondre à différents objectifs de politiques publiques et à une
« mécanique » de mobilisation des investisseurs qui ne sont pas totalement explicités dans la loi.
3. Enjeux techniques liés à la mise en œuvre des obligations
3.1. Aperçu général
Les éléments demandés supposent la mise en œuvre de méthodes, qui à ce jour ne sont pas
standardisées, certaines étant en cours de développement (notamment sur les points 2, 3 et 4). Cette
situation représente un enjeu particulier pour la rédaction d’un décret d’application, qui semble
correspondre la volonté de leadership du législateur, dans le contexte politique de la COP21.
Elle représente toutefois des enjeux très nouveaux dans le cadre de la rédaction d’un décret : le premier
impact potentiel de la mise en œuvre de la loi étant de doper l’innovation plutôt que de généraliser des
pratiques existantes. Cette conclusion peut cependant être sujette à débat concernant les émissions de
GES pour lesquelles il se dessine un socle minimum de pratiques communes (cf. paragraphe dédié cidessous).
Elément
demandé
Pratique
courante ?
Méthode disponible ?
Données disponibles ?
1. Politiques
d’investissement
2. Emissions de
GES associées
Oui, déjà appliquée
aux enjeux ESG
La pratique se
développe sur les
portefeuilles actions
et les portefeuilles
d’infrastructures
Pas nécessaire
3. Contribution à la
transition
énergétique
Au stade de la
recherche
4. Risque financier
Au stade de la
recherche
Pas de standard mais les
pratiques sont convergentes
Différentes méthodes, chacune
présentant des faiblesses
limitant leur utilisation à la
sensibilisation interne et externe
(vs. outil de pilotage
investissement). Standard prévu
pour 20165.
Existence de briques
méthodologiques6. Première(s)
méthode(s) prévues pour oct.
20157.
Existence de briques
méthodologiques à l’échelle de
l’actif8. Méthode Mercer à
l’échelle de l’allocation
stratégique9.
Principalement sur les
actions et les obligations
corporate Couverture limitée
pour les infrastructures et
private equity.
Uniquement sur les actions
et les obligations corporate
À une maille fine, des
données existent pour le
secteur énergétique (ex. les
projets d’extraction à haut
coût10). Méthode Mercer
reposant sur des hypothèses
par type d’actif/secteur.
5 Voir le projet Portfolio Carbon Initiative (GHG Protocol, UNEP-FI, 2°Investing Initiative).
6 Voir Climate strategies and metrics (UNEP-FI/GHG Protocol/2°ii, 2015).
7 Dans le cadre du consortium européen SEI Metrics d’une part, et du développement de l’indice Euronext Low Carbon d’autre part.
8 Voir Financial risk and the transition to a low-carbon economy : towards a stress-testing framework (2°ii/UNEP Inquiry/CDC Climat
Recherche, à paraître Juillet 2015 – Draft disponible pour commentaires).
9 Investing in a time of climate change (Mercer 2015).
10 Cf. Carbon Tracker Initiative : Company/projects analysis et Carbon cost curves (rapport parus pour le pétrole, le charbon et le
gaz)
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15 Juillet 2015
3.2. Politique d’investissement
La description de la prise en compte d’enjeux ESG dans les politiques d’investissement est déjà pratiquée
par les investisseurs. Elle fait aussi l’objet d’une méthode d’évaluation externe (labélisation Novethic) qui
peut être en partie transposée. Elle pourrait aussi s’appuyer sur les critères du futur label « Transition
Energétique et Ecologique »11. Le retour d’expérience sur ces pratiques permet de faire ressortir quatre
enjeux techniques importants :
1. Périmètre. Les pratiques actuelles portent principalement sur la sélection des titres (stock-picking)
dans les portefeuilles actions (et dans une moindre mesure obligataires). Elles portent peu sur
l’allocation sectorielle et stratégique d’une part, et — en dehors des acteurs spécialisés — la gestion
des actifs illiquides d’autre part (infrastructures, private equity, immobilier) pourtant hautement
stratégiques sur l’enjeu climat.
2. Qualifications abusives. La prise en compte sur le plan formel (processus d’évaluation des titres et
prise en compte dans la sélection) de critères n’implique pas que le processus ait une influence
significative sur la composition du portefeuille ou les décisions des entreprises. La question de la
transparence sur ce point est un sujet de débat récurrent dans le cadre de la labélisation ISR.
3. Impact sur l’économie réelle. Les pratiques actuelles et la façon de les évaluer s’avèrent relativement
déconnectées de la notion « d’impact » sur l’économie réelle (effet sur les émissions de GES,
contribution à la TE) : le lien fait l’objet de peu de recherches malgré sa complexité 12, et une étude
approfondie des techniques généralement mises en œuvre ne fait pas ressortir l’optimisation de cet
impact en tant qu’objectif central de la gestion même dans les domaines où on pourrait s’attendre à de
tels objectifs13. S’il n’est pas évident d’évaluer l’impact d’une politique qui ne cherche pas explicitement
à en avoir, on peut noter en revanche le développement de politiques d’investissements cherchant
directement l’impact (revendiquées parfois impact investing), y compris dans le domaine de la
transition énergétique (fonds d’infrastructures, private equity, etc.).
4. Lien avec le risque financier. La même conclusion s’applique au lien avec la gestion du risque
financier14. Dans la plupart des cas, les critères climat/ESG sont pris en compte sous forme de « filtre »
sélectionnant ou surpondérant les entreprises les mieux notées, sans modification des indicateurs de
risque fondamentaux ni des pratiques de gestion du risque (DCF à l’échelle d’une entreprise, notation
de crédit, allocation sectorielle et stratégique). La notation extra-financière elle-même n’est dans la
plupart des cas pas réalisée dans une optique de gestion de risque financier au sens traditionnel du
terme (i.e. un enjeu qui n’est pas susceptible d’avoir un impact financier matériel sur l’horizon
d’investissement est quand même évalué).
Conclusions sur les politiques d’investissement :
Cette dimension est relativement simple à transcrire en décret sur la base des pratiques actuelles. Elle
pourra notamment s’appuyer sur les critères relatifs au processus d’investissement du label TE.
Une obligation d’information cohérente devrait demander d’expliciter la façon dont l’intégration des
critères ESG modifie concrètement la composition du portefeuille. Une attention devra être portée à la
description de l’intégration des critères dans l’allocation stratégique et sectorielle, ainsi que pour les
actifs alternatifs/illiquides.
Dans une logique de recherche d’impact, il serait cohérent de demander aux investisseurs comment ils
maximisent la part de leur portefeuille alloués à des actifs dont l’impact sur le financement de
l’économie est le plus direct et « pilotable » (private equity, infrastructure, etc.).
Ce point devrait être traité en lien avec la question de l’application de la Loi n° 2012-1559 du 31
décembre 2012 relative à la création de la Banque Publique d’Investissement (BPI France), qui prévoit
explicitement la présentation annuelle d’un rapport au Parlement détaillant la contribution des
entreprises qu’elle accompagne à la transition écologique et énergétique (Article 5).
11 Les critères portent sur la prise en compte formelle de critères environnementaux (définis de façon large), l’influence effective sur
la politique d’investissement, et l’exposition des titres contenus dans le portefeuille à une liste d’activités liés à l’environnement (ecoactivités définies par Eurostat). A noter que le label distingue les fonds cotés des fonds non cotés, susceptibles d’avoir un impact plus
direct sur le financement de la transition énergétique.
12 Fiscalité de l’épargne et orientation des investissements (France Stratégie/2°ii, à paraitre 2015)
13 Label ISR et financement de la transition énergétique: analyse et recommandations (2°ii, 2014)
14 Voir Financial risk and the transition to a low-carbon economy : towards a stress-testing framework (UNEP/2°ii/CDC Climat
recherche, à paraître Juillet 2015 – Draft disponible pour commentaires).
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3.3. Emissions de GES associées aux actifs
La pratique de calcul des émissions de GES associée à des actifs détenus par les investisseurs a été
introduite il y a une dizaine d’années et a connu un développement rapide depuis 201415. Elle a notamment
été promue (tant par les gérants que par la société civile) comme une réponse au problèmes de mis-seling
grâce à la quantification d’un indicateur « objectif » et « quantitatif ». Elle fait toutefois face à de nombreux
obstacles techniques, qui recoupent en partie ceux constatés pour les politiques d’investissement.
1. Flou sur l’objectif poursuivi. La recherche d’une contribution à la TE et la gestion du risque financier
lié à cette TE sont deux objectifs distincts qui appellent à des indicateurs différents 16 . L’intensité
carbone est aujourd’hui utilisée par la plupart des gérants comme un ‘proxy’ pour évaluer la
performance au regard de ces deux objectifs (qui sont souvent assimilés dans le discours commercial),
même si la recherche montre que les indicateurs actuels ne sont pas les plus adéquats pour mesurer
chacune de ces dimensions.
2. Pertinence des indicateurs utilisés.
Quel que soit l’enjeu considéré (risque financier ou contribution à la TE), les émissions pertinentes
pour l’analyse peuvent être directes (émissions d’une usine) ou induites (émissions liées à
l’utilisation des voitures vendues par un constructeur). Or pour faire face à l’absence de reporting
des entreprises et limiter le coût d’analyse, la plupart des gérants n’utilisent que les émissions
directes, donnant lieu à des résultats qui peuvent être trompeurs pour l’un des objectifs comme
pour l’autre. Cette situation, limitée à certains secteurs, est toutefois en train d’évoluer, certains
gérants testant des approches plus évoluées17. Par ailleurs, la disposition de l’alinéa IV-a du même
Article 48, relatif aux informations sur l’usage des biens et services produits par l’entreprise, i.e. du
scope 3, permettra de progressivement résorber ces lacunes en matière de données pour les
groupes français (partie limitée de l’univers d’investissement).
Un autre problème concerne la dimension temporelle : le système actuel de reporting des
entreprises (et donc de suivi par les gérants) repose sur les émissions annuelles passées (N-1)
des entreprises, là où l’indicateur le plus pertinent serait dans de nombreux secteurs les émissions
« futures » associés aux actifs à longue durée de vie (e.g. centrale électrique, cimenterie, flotte
d’avions). La prise en compte de cette dimension prospective (techniquement réalisable) demande
toutefois des évolutions dans le reporting des entreprises ou une analyse approfondie (évolutions
qui devraient naturellement être traitées de manière complémentaire du fait de la mise en œuvre
de l’alinéa III-a. du même Article, dans la mesure où le décret d’application mentionnera bien un
horizon temporel cohérent avec la durée de vie des installations/matériels).
3. Impact sur l’économie réelle. Les émissions de GES associées aux actifs ne correspondent pas
directement à la notion de « contribution » (positive ou négative) des investisseurs détenant ces actifs.
L’achat ou la vente d’un actif sur le second marché (action, obligation) ne constitue pas un
apport direct de financement à l’économie réelle, et l’influence que cela peut avoir sur l’effet de
financement (modification du coût du capital, émissions d’actions) est complexe à calculer18.
L’effet de financement est plus direct pour les actifs non liquides (private equity, financement
de projets, obligations d’entreprises affectées (e.g. green bonds).
L’apport (ou le non-apport) d’un financement externe à une entreprise n’est qu’un des facteurs
influençant les décisions d’investissement et la gestion opérationnelle (qui ont une
conséquence sur les émissions de GES).
Il n’existe pas à l’heure actuelle de méthode permettant de modéliser l’impact de changement
dans l’allocation d’actifs (à l’échelle collective ou individuelle) sur les décisions
d’investissement dans l’économie réelle.
En conséquence, les émissions de GES associées à un actif sont le fruit d’une convention comptable,
non une mesure d’impact. A l’heure actuelle la seule approche permettant d’établir un lien entre l’action
d’un investisseur (actions ou obligations) et une décision d’investissement passe par le suivi de
l’engagement actionnarial sur ce sujet.
15 From Financed Emissions to Long Term Investing Metrics (2°ii, 2013), Guide sectoriel ADEME/ORSE/ABC pour le secteur
financier (2014)
16 Climate strategies and metrics (UNEP-FI/GHG Protocol/2°ii, 2015)
17 Cf. Méthode Env’Impact testée par Pictet/Inrate, et la méthode CIA développée par Carbone 4 / Mirova (à paraître, 2015)
18 Fiscalité de l’épargne et orientation des investissements (France Stratégie/2°ii, à paraitre 2015).
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4. Lien avec le risque financier. Cela peut sembler contre-intuitif, mais la corrélation entre l’intensité
carbone d’une entreprise, d’un secteur ou d’un portefeuille et son exposition à un risque financier lié au
carbone (politiques énergie-climat, changements technologiques, etc.) n’est pas établi 19. En effet de
nombreux autres paramètres entrent en compte tels que la capacité d’adaptation (changement de
technologie, répercussions du surcoût au clients) à l’échelle de l’entreprise, et l’horizon temporel
(maturité des crédits, rotation des portefeuilles) au niveau des gérants. Des éléments suggèrent ainsi
que la corrélation est faible voire inexistante dans de nombreux secteurs (sur la base des indicateurs
actuellement utilisés)20. La généralisation de l’utilisation du scope 3 (émissions liées aux produits et
fournisseurs) améliorera la situation, mais n’en fera pas un indicateur unique et « miracle » (cf. le cas
de l’automobile21).
5. Périmètre. En raison de la disponibilité des données les pratiques actuelles portent principalement sur
les actions cotées « large cap » des zones Europe et USA. Or au regard des enjeux évoqués cidessus, il ne s’agit pas nécessaire des actifs prioritaires 22. La couverture de l’ensemble des actifs (a
priori requise par la loi et déjà expérimentée à grande échelle en France 23) nécessiterait l’utilisation de
moyennes sectorielles ou une évolution rapide de la couverture offerte par les fournisseurs de données
carbone.
6. Qualifications abusives. Du fait des limites évoquées ci-dessus, le calcul des émissions GES
associées à un portefeuille offre la possibilité aux gérants d’exagérer les bénéfices (environnementaux
ou en termes de gestion des risques) associée à leurs produits. Des dérives sont actuellement
observées : la communication actuelle est souvent centrée sur l’affichage de « réductions
d’émissions » au niveau du portefeuille — par rapport à un indice de référence — qui n’ont pas
d’existence dans l’économie réelle. En l’absence d’autre facteurs d’incitation que la communication (cf.
4.4), il semble probable que si un indicateur, quoiqu’inadapté, est privilégié pour l’obligation
d’information, celui-ci soit malgré tout répercuté comme indicateur de gestion dans les mandats. La
mise en œuvre de la loi peut contribuer à amplifier ou au contraire à contrôler ce phénomène. C’est
semble-t-il la raison pour laquelle la loi comporte justement des éléments complémentaires à la seule
notion d’empreinte carbone, qui reste de loin la plus intuitive et répandue.
Conclusions sur les émissions de GES :
La transposition du concept d’ « empreinte carbone » du domaine industriel (à l’échelle d’une
installation) au domaine financier (à l’échelle d’un portefeuille ou d’une institution financière) n’est que
très récente et pose beaucoup de questions méthodologiques encore ouvertes.
Jusqu’ici, l’évaluation des émissions de GES « financées » a été motivée principalement par une
logique de pédagogie et de communication (informer sur un ordre de grandeur, souligner les secteurs
les plus concernés, signaler l’intérêt pour la question, etc.). Elle ne répond pas à un objectif de gestion
précis et est rarement utilisée comme outil de pilotage / décision d’investissement.
Les indicateurs « simples » (scope 1 et 2) les plus utilisés sont pertinents pour différents secteurs (ex.
production d’électricité, transport aérien, matériaux de construction) et intéressants à l’échelle d’un
portefeuille tant qu’ils sont appliqués de manière appropriée, conjointement avec d’autres indicateurs
(ex. pour informer l’exposition au risque : la capacité de transfert de coût). Cependant, ils transmettent
un message parfois trompeur sur l’impact des activités, notamment en l’absence de données sur le
scope 3. Des approches plus cohérentes sont toutefois expérimentées à l’heure actuelle.
La généralisation du calcul des GES à l’échelle d’un portefeuille nécessitera une extension de l’univers
actuellement couvert par les fournisseurs de données, notamment pour couvrir les obligations.
19 Carbon Asset Risk : a discussion framework (WRI/UNEP-FI 2015).
20 Ibid, et note à paraître (2°ii 2015)
21 Dans le secteur automobile européen, les constructeurs dont les véhicules sont les plus intensifs en carbone sont ceux positionnés
dans le haut de gamme (sport, grosses berlines). Leur capacité à répercuter des éventuelles taxes et pénalités sur le prix de vente
leur confère donc une résilience à un risque carbone supérieure aux constructeurs de petites voitures, économes en carbone.
22 Carbon Asset Risk : a discussion framework (WRI/UNEP-FI 2015), Investing in a time of climate change (Mercer 2015).
23 Expérience menée par le groupe Caisse d’Epargne, de 2007 à 2009 sur l’ensemble des produits d’épargne distribués, et
campagne de sensibilisation développée en 2010 par les Amis de la Terre et Utopies.
7
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3.4. Contribution aux objectifs de la TE
La notion de contribution d’un portefeuille d’actifs financiers à la TE est un concept récent, uniquement
décrit dans des études24 et testé de façon partielle à l’échelle de portefeuilles. En l’état des réflexions, les
approches envisagées sont les suivantes :
Impact sur l’économie réelle. L’approche la plus satisfaisante consisterait à modéliser l’impact des
stratégies de gestion d’actifs (allocation des portefeuilles, engagement actionnarial) sur le
comportement des acteurs dans l’économie réelle (choix opérationnels et décisions d’investissement),
et de comparer cet impact aux éléments ressortant des scénarios 2°C (répartition des investissements,
mix énergétique, intensité carbone d’un processus de production, niveau de déploiement d’une
technologie, etc.). Cependant l’avancement des techniques de modélisation de l’impact du secteur
financier sur l’économie réelle25 ne permet pas d’envisager la mise en œuvre d’une telle approche dès
2016.
Alignement de l’exposition. Une version « dégradée » consiste à évaluer la cohérence de
l’exposition d’un portefeuille (par technologie énergétique, type de production, niveau d’émission par
secteur) avec les équilibres ressortant des scénarios climatiques 26. En d’autres termes, l’approche ne
préjuge pas d’un quelconque impact mais cherche uniquement à déterminer quel portefeuille moyen
devrait avoir un investisseur dans un mode aligné avec l’objectif 2°C, sur la base d’un ou plusieurs
scénarios technologiques de référence (ex. Agence Internationale de l’Energie, scénarios nationaux,
etc.). Cette approche a été testée sur des portefeuilles actions en 2014 27 et fera l’objet du
développement de cadre(s) méthodologique(s) libre(s) de droits pour septembre 201528. A ce stade,
les limites suivantes se dégagent :
o
Focalisation sur certaines technologies. Les scénarios climatiques (ex. IEA ETP) fixent des
« objectifs » (ex. production, investissements, intensité carbone) pour une dizaine de
technologies/segments d’activité seulement (ex. investissements en exploration pétrolière,
production d’électricité à partir de charbon, de renouvelables, etc.). Ces indicateurs concernent
des segments d’activité et non des secteurs au sens des classifications utilisées par les
investisseurs (GICS, ICB, etc.). L’analyse nécessite donc une analyse de l’exposition par
technologie/activité de chaque entreprise, et ne couvre qu’environ 1/3 des actifs contenus dans
un portefeuille actions (mais probablement 70-80% des émissions de GES).
o
Difficulté à isoler la contribution spécifique d’une classe d’actifs. Les scénarios
climatiques portent sur une répartition des technologies/activités à l’échelle mondiale ou
régionale. Pour traduire cette répartition à l’échelle d’une classe d’actifs, il est nécessaire de
déterminer quel doit être le rôle relatif des types d’entreprises (cotées, publiques, privées noncotées) et de financement (action, obligation, crédit bancaire, autofinancement). En effet, si
l’ensemble des actifs financiers est censé plus ou moins reproduire la diversification de
l’économie mondiale, il n’en va pas de même à l’échelle de chaque classe d’actif.
o
Dimension planificatrice. Par définition, un scénario climatique représente une vision du
future, qui ne fait pas nécessairement consensus. L’utiliser comme benchmark revient donc à
faire un choix qui revêt une dimension planificatrice. Deux options sont actuellement
envisagées pour surmonter cet obstacle : utiliser plusieurs scénarios (laissant le choix aux
investisseurs) ou créer un système d’équivalence (une réduction d’émission via la technologie
A ou B étant jugée équivalente).
24 Connecting the dots between climate goals, portfolio allocation and financial regulation (2°ii, 2012), From Financed Emissions to
Long Term Investing Metrics (2°ii, 2013), The clean Trillion (Fulton/CERES 2013), Climate strategies and metrics (UNEP-FI/GHG
Protocol/2°ii, 2014), Developping 2° compatible investment criteria (NewClimate/GermanWatch/2°ii for June 2015 G7 summit).
25 Fiscalité de l’épargne et orientation des investissements (France Stratégie/2°ii, à paraitre 2015)
26 2°C Investing, a conceptual framework (2°ii, 2015)
27 Optimal diversification and the energy transition (2°ii en partenariat avec Allianz/HSBC/MorningStar 2014)
28 Dans le cadre du projet européen Sustainable Energy Investment Metrics, un consortium (Cired, CDP, WWF, Climate Bonds
Initiative, Kepler, Frankfurt School of finance, Université de Zurich et d’Oxford) piloté par 2°ii publiera un cadre méthodologique en
septembre 2015 qui sera testé et amélioré jusqu’en 2018. Dans le cadre du développement de l’indice Low Carbon d’Euronext, un
groupe de travail piloté par Mirova et BNPP AM va proposer méthode permettant de déterminer la répartition entre « part verte » et
«part grise » à l’échelle d’un indice actions Europe. Les deux projets sont coordonnés.
8
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Convergence des trajectoires d’émissions. Une variante de l’approche d’alignement basée sur
différents critères contenus dans les scénarios (décrite ci-dessus) consiste à se focaliser sur un unique
critère : l’intensité GES de l’entreprise. Cette approche aurait le mérite d’établir un lien avec le reporting
des émissions de GES (3.2). La « Sector Decarbonization Approach » développée par CDP, WRI et
WWF qui vise à fixer des objectifs de réduction de GES à l’échelle d’une entreprise en ligne avec
l’objectif de 2°C29, en est un exemple. La transcription de cette approche en un critère de gestion de
portefeuille n’a pas été élaborée à ce stade30 et présente des obstacles techniques, liés :
o aux limites des indicateurs carbone (cf. 3.2),
o à l’absence de reporting « pro-format » des émissions des GES (rendant l’interprétation des
évolutions délicate),
o à l’absence d’objectifs pour la plupart des entreprises,
o et à la diversité des entreprises d’un même secteur en termes d’activités et de répartition
géographique.
Détermination des cibles indicatives. L’article 48 prévoit que le gouvernement établisse des « cibles
indicatives définies, en fonction de la nature de leurs activités et du type de leurs investissements, en
cohérence avec la stratégie nationale bas-carbone [SNBC] ».
Comme l’illustre le schéma ci-dessus la traduction « scientifique » d’objectifs nationaux ou internationaux
en cibles d’allocation de portefeuille est un exercice complexe, pour lequel un cadre méthodologique est
seulement en cours d’élaboration31.
Il existe cependant les premiers « piliers» sur lesquels s’appuyer (cf. graphes ci-après):
1. Une mise en transparence de l’épargne à l’échelle nationale (2°ii/France Stratégie 2015) 33 ;
2. Un chiffrage des besoins et financements à l’échelle nationale (CDC Climat Recherche/CPI
2014)34 ;
3. Un traduction des besoins d’investissement en flux de financement au niveau européen
(Accenture/Barclays 2010)35.
29 Sectoral Decarbonization Approach: A method for setting corporate emission reduction targets in line with climate science
30 L’approche a uniquement été discutée dans le cadre de l’élaboration de l’indice Euronext et n’a pas été retenue à ce stade. Les
limites intrinsèques à une telle approche seront discutée dans la version finale de l’étude Climate strategies and metrics (UNEPFI/GHG Protocol/2°ii, sept. 2014).
31 Le project européen Sustainable Energy Investment Metrics décrit en note 27 vise à lever les obstacles méthodologiques et liés à
la disponibilité des données en 2016.
33 Fiscalité de l’épargne et orientation des investissements (France Stratégie/2°ii, à paraitre 2015)
34 Panorama des financements climatiques en France, CDC Climat/CPI (2014)
35 Carbon Capital, financing the low carbon economy (Accenture/Barclays 2010)
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En l’état, ladite SNBC contient des objectifs opérationnels (réduction d’émission, déploiement
technologique, maîtrise de la demande) dans les filières clés (transport routier & carburants, bâtiment,
agriculture & alimentation, forêt & bois, industrie lourde, production électrique, etc.) au niveau national. Un
travail important serait donc nécessaire pour associer ces objectifs à des besoins d’investissement, de
financement, et enfin en cible d’allocation pour les investisseurs institutionnels français. Il faudrait ensuite
compléter cette analyse avec des cibles d’allocation pour les actifs internationaux.
Ce travail de traduction « top-down » est tout à fait réalisable, mais il nécessitera au moins six mois de
travail (rendant la publication difficile avant novembre 2015) pour « combler le fossé », et probablement la
création d’une mission permanente dédiée (cf. 5), chargée de mettre à jour annuellement les cibles
d’allocation, de les affiner avec l’évolution des statistiques, et de suivre leur niveau d’atteinte par le secteur
financier.
Pour l’exercice 2016, les cibles indicatives devraient donc être établies de façon beaucoup plus
« approximative ». Une option pour cela consiste à fixer arbitrairement un objectif d’exposition à une liste
d’actifs considérés comme favorables au financement de la TE (« verts »), et un seuil maximum d’activités
considérées comme défavorables (« gris »). C’est l’approche retenue par exemple dans la première
version du label TEE, et dans un rapport de la Commission Européenne (2015) illustré par les graphes cidessous36.
36 Shifting private capital towards climate-friendly investments (2°ii/CBI/CDC climat/Frankfurt School/Triple E – 2015)
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Cette option « bottom-up » présente toutefois un certains nombre de difficultés de mise en œuvre qu’il
faudra garder à l’esprit au moment de la rédaction du décret :
1. L’approche consiste à lier les actifs financiers à des acteurs économiques (émetteurs), et à analyser
l’exposition de ces acteurs aux activités vertes et grises, en fonction d’indicateurs comme leurs ventes,
leur production, etc. Pour la plupart des entreprises concernées ces segments ne représentent qu’une
part de l’activité. Cette approche repose donc sur une analyse détaillée, qui devra être menée sur
l’ensemble de l’univers investi.
2. Les catégories d’activités à privilégier (« vertes ») et à éviter en termes d’exposition pour favoriser le
financement de la TE (TE telle qu’elle est définie en France, ou ailleurs, et pas juste un vague avenir
« plus vert » ou « moins gris ») ne sont pas définies aujourd’hui. Des classifications ont été récement
développées par les fournisseurs de données (cf. tableau ci-dessous). Le lien avec les objectifs de
financement de la transition énergétique reste toutefois basé sur une analyse qualitative ou n’est pas
central à la classification. (cf. graphe ci-dessus).
3. L’agrégation de différentes activités en une unique « part verte » globale est à manier avec précautions,
dans la mesure où des activités jugées « vertes » peuvent avoir une contribution climatique majeure ou
extrêmement limitée — ce point est à analyser au vu du caractère non uniquement “climat“ mais plus
largement “TE“ et même “TEE“ de la Loi, alors que l’Art.48 est très orienté “TE“. Certaines peuvent être
très repandues (transport ferroviaire) dans l’univers "investissable", d’autre très difficiles à investir
(technologies de séquestration du carbone). Enfin la mobilisation des investisseurs dans le cadre de la
transition nécessite le financement d’un bouquet de technologies, pas la création d’une bulle sur la
technologie la plus facilement « investissable ».
4. Enfin, l’effort nécessaire pour l’investisseur et l’impact climatique lié à une augmentation de la part
verte varie considérablement d’une classe d’actif à l’autre : à l’échelle d’un portefeuille d’institutionnel,
gagner 0.5% via l’exposition liée aux obligations sera quasi indolore en termes de rendrement et
risques, et sans impact climatique direct, alors que le même 0.5% via l’investissement en private equity
pourra avoir des conséquences importantes dans les deux domaines.
5. Enfin, il reste la question du choix de l’ambition. Dans le cas où l’on renonce à faire le lien scientifique
avec un objectif climatique explicite, il serait logique de fixer la cible par rapport à l’existant 37. Or cela
nécessiterait de choisir une nomenclature et de l’appliquer à des portefeuilles types préalablement à la
rédaction du décret/SNBC.
Classification
CBI
MSCI
FTSE
Eurostat39
SIC / ISIC
NAIC
ICB, GICS,
TRBC,
Bloomberg
Principales caractéristiques
Commentaire technique
Nomenclature développée pour les green bonds
Classification « verte » applicable aux
obligations corp., gouv. et aux actions cotées
Exposition des entreprises cotées à 60
segments d’activités favorables à la TE38
Liste des activités liées à la protection de
l’environnement et la gestion des ressources
naturelles. Pas d’objectif climatique explicite, ce
qui a des conséquences sur la pertinence.
Equivalent international du système Eurostat,
faisant ressortir certains secteurs liés à
l’environnement.
Utilisée pour suivre le marché obligataire
8,000 actions et l’ensemble de l’univers
obligataire couverts chaque année
9,200 titres analysés chaque année
Equivalent international du système Eurostat,
faisant ressortir certains secteurs liés à
l’environnement.
Classifications comprenant certains secteurs
verts (producteurs de biofuels, d’équipement
ENR) et gris (pétrole, charbon, etc.)
Liste conçu pour les statistiques nationales,
non la gestion d’actifs. Les émetteurs ne sont
pas aujourd’hui évalués avec cette
nomenclature. Uniquement utilisé en Europe.
Nomenclature internationale pour les
statistiques économiques. Utilisé par
Thompson Reuters pour étudier la
segmentation des activités des entreprises.
Nomenclature U.S. pour les statistiques
économiques. Utilisé par Inrate pour étudier
la segmentation des activités des entreprises.
Codes utilisés par les fournisseurs d’indices
boursiers pour classer les entreprises (une
seule catégorie par entreprise).
37 En appliquant une logique du type : si l’on doit doubler les investissements dans les ENR, on double la part actuelle d’obligations
associées à des ENR.
38 Voir une description de l’approche ici.
39 Voir le guide publié par le Ministère du DD. Système actuellement envisagé dans le cadre du Label TE.
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Conclusions sur la contribution à la transition énergétique :
La modélisation de l’impact d’une politique d’investissement sur l’économie réelle en général et la TE
en particulier n’est pas possible en l’état des méthodologies ;
Les méthodes disponibles fin 2015 permettront de vérifier la cohérence entre le « mix » de
technologies contenu dans un scénario 2°C (type AIE) et le « mix » d’un portefeuille. Cette approche
ne couvre par définition que les secteurs couverts par les scénarios existants.
La définition de cibles indicatives peut être approchée en partant des scénarios (top-down) ou de
l’existant (bottom-up) mais nécessitera dans tous les cas un travail de plusieurs mois pour être
pertinente et cohérente avec la loi.
3.5. Exposition à un risque financier
Typologie. La littérature académique et professionnelle permettant de définir les risques financiers liés aux
changement climatique remonte à une quinzaine d’année au niveau des entreprises, mais est beaucoup
plus récente à l’échelle des actifs financiers et des portefeuilles 40. Elle fait globalement ressortir trois types
de risques à l’échelle des entreprises 41 :
Réglementaire et technologique lié à la TE,
Impact des effets du changement climatique sur les actifs physiques,
Contentieux lié à la responsabilité dans le changement climatique.
Transmission limitée. Il est important de noter que ces risques touchant les entreprises ne sont
« transmis » aux investisseurs actuels que d’une façon extrêmement limitée du fait :
De la maturité des dettes n’exposant que très marginalement les investisseurs aux risques
susceptibles de se matérialiser au-delà de 5 à 7 ans (Cf. graphe 1).
De la rotation des portefeuilles (généralement 6 mois à 2 ans pour les investisseurs de long-terme) qui
limite la définition du risque financier à un horizon de 3-5 ans.
Du principe de diversification des portefeuille qui crée des mécanismes de compensation (cf. graphe 2).
Doutes sur la matérialité. La logique d’évaluation du risque financier lié au changement climatique par les
investisseurs repose donc de facto sur les hypothèses suivantes :
Ce risque est suffisamment matériel à l’échelle d’un portefeuille pour mériter d’être géré ;
L’analyse financière actuelle ne l’intègre pas correctement.
Il est important de noter que ces hypothèses (en particulier la première) ne sont pas validées par la
recherche à ce stade et que les publications actuelles tendraient plutôt à les invalider sur des horizons de
temps proches. Nulle doute en revanche qu’au fur et à mesure que le temps passe, les risques liés au
climat finiront par être matériels, et que les travaux prospectifs en cours
actuellement devront être la norme.
Impact of a 2°C policy scenario –
Median Annual return over 10 years
40 Voir notamment L’intégration du risque climatique dans l’analyse financière, (OTC Conseil/ADEME 2011)
41 Voir Landscaping carbon risk for financial intermediaries (2°ii, 2014) et Carbon Asset Risk : a discussion framework (WRI/UNEP-FI
2015).
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15 Juillet 2015
Les techniques d’intégration de ces risques dans l’analyse financière reposent aujourd’hui sur quatre
approches dont les caractéristiques clés et les limites sont exposées dans le tableau suivant :
Approche et exemples
Logique
1. Hypothèses
différenciées de rendement
par type d’actif via modèles
propriétaires ou à dire
d’expert (Mercer, OTC
Conseil/ADEME)
2. Discounted Cash Flows
alternatif (HSBC,
McKinsey, Moody’s, S&P)
Estimation de l’impact de différents
scénarios (2°C, 3°C, 4°C) sur les
rendements historiques observés par
secteur (actions), pays (souverain)
ou classe d’actifs, à partir d’une
analyse qualitative ou quantitative
Introduction de scénario de rupture
(réglementaire, concurrence) dans le
calcul des marges des entreprises
3. Analyse du biais de
diversification (2°ii)
Repose sur le principe de
diversification dans une économie en
transition (cf. Contribution TE - 3.4)
4. Analyse d’impact entre
variables (cours du pétrole,
de électricité, prix du CO2,
etc.) et valorisation des
portefeuilles
Stress test « classique » basé sur
des scénarios de transitions
multiples, à décliner sur portefeuilles
et sensibilités actuels ou modélisés
Indicateur et champs
d’application
Sur ou sous-performance par
type d’actif exprimé en % par
rapport à « l’hypothèse
standard » appliquée pour
l’allocation stratégique.
Valorisation ou notation de
crédit « alternative » reposant
sur un scénario 2°C pour
chaque titre
Mesures des biais
technologiques par rapport à
un portefeuille de marché
(actions ou obligations)
Indicateurs de risque (pertes
maximales, fonds propres
réglementaires, etc.) en
fonction de différents
scénarios, en théorie
applicable à un portefeuille
actions / dette, et bilan
d’institution financière.42
Différentes approfondissements et approches complémentaires sont actuellement en cours d’élaboration.
Un état de l’art des methodes de stress-tests climat sera publié en juillet 201543. Concernant l’approche #2,
la création d’un cadre d’évaluation international libre de droits est prévue pour 201744.
Conclusion sur l’exposition aux risques financiers :
L’exposition au risque financier lié au changement climatique est avant tout fonction de l’horizon
temporel des actifs en question. La matérialité du risque carbone pourrait intervenir rapidement si des
politiques climatiques ambitieuses se mettaient en œuvre de manière crédible et abrupte (notamment
si la COP21 devait changer la donne).
L’analyse du niveau de cohérence d’un portefeuille avec les objectifs climatiques constitue une forme
d’analyse de risque (manque de diversification) mais ne débouche pas sur une quantification financière
(i.e. sous-performance, valeur à risque)
Le modèle développé par Mercer répond globalement à la loi et permet de réaliser l’analyse au niveau
de l’allocation stratégique, sur la base d’une analyse des risques de chaque type d’actifs45. Toutefois la
la méthode publiée ne permet pas de déterminer la profondeur de cette analyse qui semble
s’apparenter à du « dire d’expert + » .
Une évaluation plus fine est possible, elle repose toutefois sur des méthodes encore expérimentales,
et nécessite le développement d’une nouvelle offre de notation/données. À noter que les agences de
notation S&P et Moody’s travaillent désormais sérieusement sur la question.
42
Des tests « discrets » sont en ce moment réalisés par au moins une grande banque internationale
43 Financial risk and the transition to a low-carbon economy : towards a stress-testing framwork (UNEP/2°ii/CDC Climat recherche,
2015).
44 Project ET Risks and Opportunities, contortium formé par 2°ii, S&P Ratings, Kepler, Oxford, Carbon Tracker, CDC Climat
Recherche, et CO-Firm (financement en attente de confirmation, début en 2016).
45 La qualification « à dire d’experts » correspond à notre compréhension à date, mais n’est pas présentée en tant que tel par Mercer.
Le dire d’expert semble s’appuyer sur des éléments quantitatifs non explicités dans la méthode publiée (modèle propriétaire).
15
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4. Enjeux liés au coût de mise en œuvre et distorsions de concurrence
4.1. La loi va créer la demande
La mise en œuvre de la loi est susceptible d’augmenter très significativement la demande pour les
données « extra-financières » liées au climat. Or comme cela est exposé ci-dessus, l’offre actuelle ne
permet pas de répondre parfaitement aux objectifs de la loi (nature des données, couverture) et à la
hauteur de l’ambition du législateur, mais cette dernière a la capacité d’amorcer un véritable passage à la
vitesse supérieur, qui pourra s’effectuer graduellement en quelques années. Si l’ambition de la loi est
reflétée dans le décret et laisse la porte ouverte à des révisions régulières pour rester ambitieuse au fil du
temps, non seulement la France deviendra de loin le premier marché mondial pour ce type de données,
mais la loi contribuera de facto a créer l’offre de données au niveau mondial.
Conclusion :
• L’impact de la loi ira au-delà du cadre national et contribuera de facto a créer un standard au niveau de
l’offre.
• Dans ce contexte il est important de coordonner l’initiative française avec les initiatives de standardisation
(GHG Protocol, UNEP-FI) et pratiques internationales (fournisseurs de données).
4.2. Problème de business model
Fournisseurs de données. Les fournisseurs actuels de données climat/carbone sur les émetteurs
(actions, obligations) devront innover et adapter leur offre. Or il existe plusieurs obstacles à cela :
Les offres correspondant plus ou moins aux obligations réglementaires sont émergentes et
généralement développée par des « boutiques » ayant une couverture trop restreinte, notamment
de l’univers obligataire. Ces boutiques n’ont actuellement pas l’infrastructure (équipe, couverture
géographique, économies d’échelle, accès aux émetteurs) nécessaire à une montée en puissance
rapide ;
MSCI est le seul fournisseur de données carbone-climat à offrir une couverture correspondant à
l’univers d’un investisseur institutionnel, y compris les obligations d’entreprises non cotées.
Toutefois les données fournies sont trop peu sophistiquées par rapport aux obligations
réglementaires, et l’infrastructure (données collectées en quelques heures par du personnel
n’ayant pas de capacité d’analyse financière) ne permet pas une mise à niveau « simple».
Les agences de notation (S&P, Moody’s, Fitch) à ce jour les seules organisations disposant d’une
couverture de tout l’univers d’investissement par des analystes financiers ayant accès aux
émetteurs. Elles seraient en situation technique de déployer les méthodes liées aux obligations
réglementaires. Reste ouverte la question de leur volonté et du modèle commercial associé
(aujourd’hui elles vendent les notes aux émetteurs).
Autres options.
Une autre option est de s’appuyer directement sur le reporting des émetteurs, centralisé et
harmonisé par des plateformes comme le CDP ou Bloomberg. Le problème est ici de trois ordres :
o Temps nécessaire à la collecte de nouvelles informations (années) ;
o Absence de motivation des émetteurs (hors entreprises françaises soumises à obligation) ;
o Couverture limitée aux grandes entreprises cotées.
Enfin, il pourrait être envisagé que la recherche soit directement menée par les sociétés de gestion
(analystes buy-side). Mais dans ce cas les coûts de mise en œuvre seraient certainement
déraisonnables du fait de l’absence d’économie d’échelle.
Conclusion : L’offre de données devra se restructurer pour répondre à la demande nouvelle. La capacité
du secteur financier à répondre rapidement et à coût maîtrisé aux obligations dépendra de cette évolution.
16
15 Juillet 2015
4.3. Risque élevé de distorsions de concurrence
Compte tenu des enjeux évoqués ci-dessus, le décret d’application devra soit rester extrêmement vague
(ce qui ne va pas sans problème du fait des ambiguïtés décrites plus haut), soit exposer le législateur au
risque d’introduction de distorsions de concurrence entre fournisseurs de données.
Politiques d’investissement. Il n’y a pas de fournisseur de données concerné ici. Mais Novethic est en
situation de proposer un cadre d’analyse (sur la base des ses labels ISR et Vert). Novethic est un acteur
public, mais l’évaluation payante. Il serait possible de proposer un cadre d’analyse public et gratuit
cohérent avec les critères de labellisation Novethic. Le cadre peut aussi s’inspirer du référentiel utilisé pour
le label TEE.
Pour les émissions de GES et la contribution à la TE.
La situation est nettement plus complexe du fait des enjeux techniques (3.3) et de business model de
l’offre (4.2).
En outre, en l’absence de standard, chaque fournisseur de données s’appuie sur sa propre méthode. Pour
les émissions de GES scope 1 et 2 (directes et liées à l’électricité) les méthodes sont proches, mêmes si
les résultats peuvent parfois diverger. Pour tous les autres éléments, les méthodes sont très spécifiques au
fournisseur de données et souvent encore expérimentales. Les principes généraux des méthodes sont
généralement publics, mais pas les détails par secteur d’activité (facteurs d’émission, critères de
catégorisation, etc.).
Pour les émissions de GES et à la contribution à la TE, le GHG Protocol, l’UNEP Financial Initiative et 2°
Investing Initiative prévoient le développement d’un standard de comptabilisation et de reporting pour fin
2015 ou 201646. Le contenu s’appuiera sur l’état de l’art des méthodes existantes, une consultation des
investisseurs, et la recherche développée par le consortium européen SEI Metrics.
Pour le risque financier.
Une interprétation « légère » des obligations permettrait de réaliser l’analyse de risque uniquement au
niveau de l’allocation stratégique et sectorielle sur la base d’un modèle reposant principalement sur des
« dires d’experts plus ». Dans ce cas, la loi créera directement un débouché pour l’offre de Mercer.
Si la loi impose une évaluation plus fine, obligeant à une évaluation individuelle et fine des actifs les plus
exposés, les fournisseurs devront créer une offre. Trois options (non mutuellement exclusives) peuvent
être envisagées à ce stade :
1. Les agences de notation de crédit, qui disposent de l’infrastructure nécessaire, créent une offre
dédiée.
2. Les fournisseurs de données non-financières, notamment MSCI, étendent leur analyse à
l’évaluation de risque (en se dotant de compétences d’analyse financière).
3. De nouveaux acteurs émergent, probablement fruit d’alliances entre analystes financiers et
fournisseurs de données extra-financières.
Il est important de noter la possibilité d’économies d’échelle si la collecte de données GES, contribution TE
et l’analyse du risque est réalisée par les mêmes acteurs.
Conclusions :
Le gouvernement devra choisir entre quatre options :
1. Laisser toutes les options ouvertes à travers des obligations très vaguement définies ;
2. Niveler les obligations par le bas (pas de distorsion entre gros acteurs, mais innovation découragée) ;
3. Privilégier un ou des fournisseurs disposant de méthodologies innovantes ;
4. Proposer l’ébauche d’un standard (en s’articulant avec les organismes de standardisation).
46 Portfolio Carbon Initiative (GHG Protocol, UNEP-FI, 2°Investing Initiative).
17
15 Juillet 2015
4.4. Enjeux liés à la standardisation et au coût de mise en œuvre
La question de la standardisation se pose pour plusieurs raisons :
1. Permettre une comparaison entre investisseurs sur le fond (et non uniquement sur leur pratiques
de reporting) afin de faciliter le développement de classements, l’aide aux choix entre produits
financiers, l’introduction d’incitations, etc. (cf. tableau ci-dessous).
2. Réduire le coût de mise en œuvre. A l’heure actuelle, les pratiques en matière d’évaluation climat
des portefeuilles sont tirés par l’offre de données : les investisseurs ne disposent généralement pas de
capacité d’innovation et calent leur cahier des charges sur l’offre disponible. Du coté de l’offre la
capacité d’innovation se trouve principalement chez les fournisseurs de données. Les fonds et indices
sont généralement définis à partir des méthodes développées par les fournisseurs de données. Dans
l’hypothèse d’un décret « ouvert » laissant à chaque investisseur le choix d’une approche, et en
l’absence de standard, il est probable qu’il se développe autant d’approches que de fournisseurs de
données. Cela entrainera plusieurs conséquences :
Tout d’abord un coût de mise en œuvre beaucoup plus important pour les gérants. Ils devront
en effet évaluer leur fonds avec chacune des méthodes demandées par leurs clients, et
acheter les données correspondantes.
De façon symétrique, des investisseurs devront consolider les indicateurs de fonds (gestion
déléguée) utilisant des méthodes différentes. Ils devront donc payer une première fois pour
comprendre quelle approche utiliser, et une second fois pour demander à ses gérants de
s’aligner dessus.
Il semble donc hautement souhaitable que la mise en œuvre du décret s’accompagne d’une initiative de
standardisation. Pour les mêmes raisons, il serait aussi souhaitable que le standard français soit cohérent
avec les potentiels standards internationaux.
Initiatives de standardisation
Trois initiatives liées aux obligations réglementaires sont actuellement en cours ou en préparation :
La Portfolio Carbon Initiative (GHG Protocol, UNEP-FI, 2°ii) vise à créer un standard de
reporting pour les investisseurs concernant leurs émissions de GES et leur contribution à la TE.
Un premier document général sera publié en septembre 2015. Des lignes directrices
techniques sont envisagées fin 2015/2016. Un travail coordonné avec la rédaction du décret
peut être envisagée ;
La Climate Bond Initiative développe une classification des actifs verts47 et un programme de
certification.
Un consortium piloté par 2° Investing Initiative prévoit de développer un cadre public et libre de
droit en 2016-17 pour l’évaluation du risque carbone des actions et les obligations corporate48.
Conclusions :
• La coordination de la mise en œuvre du décret avec l’émergence d’un standard aura un impact
déterminant sur le coût de mise en œuvre et la portée internationale.
• Des initiatives de standardisation sont en cours sur les points clés.
47 https://www.climatebonds.net/standards/taxonomy2
48 Project ET Risks and Opportunities,
18
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5. Enjeux liés à l’efficacité dans la mise en œuvre des objectifs de politique publique
Aperçu général
Les obligations d’information ne sont qu’un moyen, et non une fin, dans la mise en œuvre des politiques
publiques. Le tableau ci-dessous présente les retombées positives que l’on peut en espérer, les moyens
de les maximiser et les facteurs de risques.
Objectifs
Sensibiliser les
investisseurs
Mesures de maximisation
Inciter à la réflexion interne, et
l’innovation sans chercher la
standardisation
Améliorer le
reporting des
émetteurs
S’assurer que les informations
demandées aux investisseurs seront
répercutées sur les demandes aux
émetteurs
Créer un effet
d’émulation entre
investisseurs
Favoriser la comparabilité des résultats
et l’émergence d’un « observatoire »
(e.g. étude comparative annuelle, etc.)
Permettre aux
souscripteurs
d’utiliser les
informations
comme critère de
choix
Favoriser la standardisation, la
labellisation, l’intégration dans les
prospectus, le développement de
comparateurs, les classements et
développer la sensibilisation des
souscripteurs
Disposer de
l’information
permettant d’inciter
les investisseurs
Mettre en cohérence les incitations
fiscales49 avec les critères promus afin
d’inciter les investisseurs à améliorer
leur performance. Eventuellement lié les
résultats des tests avec les évolutions
futures des cadres prudentiels 50.
Risques et limites
Il est possible que le risque financier lié
au climat ne soit pas suffisamment
matériel pour susciter un intérêt durable
des équipes actuelles de gestion.
Les données actuellement fournies par
les émetteurs sont relativement
déconnectées des objectifs de la loi, et
doivent faire l’attention des autres
alinéas de l’Art.48.
L’expérience sur le reporting RSE
montre qu’une dynamique fondée
exclusivement sur l’image corporate finit
par s’émousser.
Les challenges techniques et en matière
de standardisation devront être
rapidement surmontés. La complexité
nécessitera une formation des réseaux
commerciaux et des souscripteurs, dans
un environnement français où les
investisseurs individuels sont peu
enclins à “creuser“
Le type de mesure à mettre en œuvre
est loin de faire consensus. Les
détracteurs opposant l’inefficacité des
mesures fiscales d’une part, et l’absence
de matérialité du risque climatique de
l’autre.
Politiques d’investissement. Le reporting sur cette question (éventuellement combinés aux émissions de
GES et à la contribution à la TE) est susceptible de favoriser le développement d’un label tel que le projet
de label Transition Energétique et Ecologique porté par le MEDDE et la promotion par les pouvoirs publics
(e.g. ADEME) des produits associés.
Emissions de GES. Au stade actuel du développement des méthodes, le principal intérêt est de créer un
« débouché » pour le reporting GES des entreprises et d’ainsi favoriser son développement. A terme, la
comptabilisation des GES associés aux actifs pourrait (sous réserve d’évolutions) nourrir l’analyse de la
contribution à la TE et au risque climat.
Contribution à la TE. Ces indicateurs (éventuellement combinés avec d’autres) peuvent être utilisés pour
noter, classer et soutenir les produits les mieux disant. Un rapport France Stratégie/2°ii à paraître explore
les possibilités de mobiliser la fiscalité de l’épargne.
Risque financier. A la lumière du résultat des expérimentations, il semble peu probable que la matérialité
du risque climat selon la définition standard d’un risque financier (pour l’investisseur en lien avec la durée
de rotation de son portefeuille et la maturité de son titre) soit suffisante pour mobiliser les investisseurs
spontanément aujourd’hui ou justifier l’évolution du cadre prudentiel. En revanche, la mise en œuvre peut
générer des évolutions marginales sur certains secteurs (allongement de l’horizon d’analyse pour les
actions) et plus généralement soulever la question de l’absence d’évaluation des risques de long terme
49 Fiscalité de l’épargne et orientation des investissements (France Stratégie/2°ii, à paraitre 2015)
50 The coming financial climate (UNEP Inquiry 2015)
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15 Juillet 2015
pour l’entreprise. Le tout ayant un effet boomerang : remobiliser les politiques publiques pour apporter une
contrainte (un risque) aujourd’hui là où il n’est naturellement pas / peu matériel pour le secteur financier.
Conclusions :
Au-delà des objectifs techniques et concurrentiels liés à la rédaction du décret d’application, la
question des mesures de suivi constituera un facteur clé de succès de la loi ;
Ces mesures ne font à notre connaissance pas l’objet d’un plan d’action au niveau du gouvernement à
l’heure actuelle.
6. Recommandations générales
1. Articuler le décret avec des lignes directrices techniques
Les méthodes de calcul liées aux obligations d’information sont amenées à évoluer de façon importante
dans les années à venir. Le décret devra donc concilier la précision permettant une forme de
standardisation des calculs et l’ouverture permettant une évolution chaque année.
Nous recommandons donc d’articuler le décret avec des lignes directrices, document technique plus précis
et plus normatif, mis à jour annuellement sur la base des pratiques constatées et de l’évolution des
méthodes.
2. Créer une structure pérenne de suivi
La mise en œuvre du texte nécessite un suivi dans le temps, pour :
Mettre à jour les lignes directrices évoquées ci-dessus ;
Observer les pratiques et analyser les résultats annuellement ;
Mettre à jour les cibles indicatives en cohérence avec la SNBC ;
Consulter les acteurs (investisseurs, gérants, fournisseurs de données, etc.) ;
Suggérer des évolution du décret d’application ou des mesures d’accompagnement ;
Assurer la coordination et la cohérence avec les initiatives internationales.
Nous recommandons la création d’une mission composée de représentant des ministères concernés, de
l’ADEME et d’experts en mesure de réaliser ou/et coordonner les travaux concernés.
3. Prévoir des mesures d’accompagnement et d’incitation
L’expérience du reporting extra-financier obligatoire au niveau des entreprises fait ressortir la nécessité de
mesures d’accompagnement et d’incitation pour qu’une obligation d’information se transforme en incitation
à progresser.
Nous recommandons donc que ces mesures soit débattues, planifiées et budgétées dès 2015 afin que la
publication du décret soit associée à un signal cohérent sur l’ambition des pouvoirs publics.
4. Assurer la promotion internationale du cadre introduit en France
L’introduction de l’obligation d’information aura d’autant plus de portée si elle est suivie par d’autres pays,
soit sous la forme d’obligations réglementaire, soit sous la forme de programme volontaire soutenu par les
pouvoirs publics et le secteur privé.
Nous recommandons le développement d’une action de promotion de l’article 48 à l’étranger d’une part, et
une collaboration technique renforcée avec l’initiatives internationale de standardisation sur le sujet
(Portfolio Carbon Initiative).
Des recommandations détaillées seront publiées dans les mois à venir par 2° Investing Initiative
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15 Juillet 2015
L’iniAaAve'2°'InvesAng'[2°ii]'est'un'think-tank'rassemblant'insAtuAons'financières,'pouvoirs'publics,'
organismes'de'recherche,'experts'et'ONG.'AssociaAon'd’intérêt'général'dédiée'à'la'recherche'et'à'la'
sensibilisaAon,'2°ii'a'pour'objecAf'de'promouvoir'la'prise'en'compte'par'les'invesAsseurs,'et'le'cadre'
réglementaire'associé,'des'contraintes'climaAques'et'des'besoins'de'financement'à'long'terme.'Créée'
à'Paris'en'2012,'2°ii'compte'aujourd’hui'100'membres'dans'12'pays.''
'
Le'nom'de'l’iniAaAve'fait'référence'à'l’objecAf'de'transcrire'les'contraintes'de'limitaAon'du'
réchauffement'climaAque'à'+2°C'en'indicateurs'de'performance,'objecAfs'et'incitaAons'
réglementaires'pour'le'secteur'financier.'''
!
Les'travaux'de'l’associaAon'sont'financés'par'des'organisaAons'gouvernementales'(ONU,'CE,'France,'
Allemagne),'des'dons'de'fondaAons'et'des'contribuAons'd’insAtuAons'financières'(CDC,'AXA,'Allianz,'
AFD,'BEI,'HSBC,'Erafp,'etc.).'''
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2°'InvesAng'IniAaAve'©'Juillet'2015'
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