L’après Kyoto
Etat des lieux de l’application du Protocole de Kyoto
et enjeux post-2012
Morgan Mozas
Chef de Projet Développement Durable
(décembre 2009)
2
Sommaire
Introduction
I- Historique
1- La Naissance du GIEC
2- La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques
3- Le Protocole de Kyoto
a- trois mécanismes pour réduire les émissions de GES
b- L’ébauche de l’après-Kyoto
4- Kyoto : Un bilan mitigé
II Post-Kyoto : Ambitions et limites des engagements des pays industrialisés
1- Volonté et objectifs formulés par les pays industrialisés
a- L’Europe en pointe
b- L’ouverture timide des Etats-Unis
c- Le Japon à l’étiage
d- Les réticences canadiennes
e- L’Australie : une bataille de politique intérieure
f- Le cas particulier de la Russie
g- L’exemplarité : un atout pour l’Europe
2- Avenir des marchés du carbone
a- Mécanismes du marché carbone
b- Marché primaire et marché secondaire
c- Le marché européen du carbone
d- Un premier bilan discutable
e- De nouvelles ambitions européennes
3- Taxe carbone nationale, aux frontières ou universelle
a- Les limites du marché carbone
b- L’émergence du concept de taxe carbone
c- La piste d’une taxe universelle sur le carbone
d- Une solution controversée : la taxe carbone aux frontières
4- Quels engagements pour une économie décarbonée ?
a- Une palette d’instruments incitatifs pour décarboner l’économie
III - Post-Kyoto : Les exigences formulées par les pays en développement et les pays émergents ou en transition
économique
1- La position des pays en développement : refus quasi général d’objectif de réduction d’émissions
de GES assorti d’une demande d’aide financière
a- Un refus unanime…
b- … à moins d’une aide financière à long terme
c- Le développement comme priorité
d- Quelle stratégie d’adaptation pour les pays pauvres ?
e- Le coût de l’adaptation au changement climatique
f- Vers un durcissement de la position des pays du Sud ?
2- Les différentes positions adoptées par les pays en transition économique ou émergents
a- La Chine : vers une adoption à long terme d’objectifs chiffrés
b- L’Inde, une position plus intransigeante
c- Le Brésil : une approche plus conciliante
d- La « vigilance » des pays de l’OPEP
IV- Les réponses des pays industrialisés et les institutions internationales face aux requêtes des pays en
développement
1- La volonté apparente des pays industrialisés de limiter leur soutien aux pays en développement
a- Vers une remise en cause de la classification relative à l’Annexe I ?
2- L’accompagnement nécessaire des pays en développement dans l’effort global d’atténuation
a- Les insuffisances des mécanismes MDP
b- Les avantages des approches sectorielles
c- La problématique liée à la déforestation
d- De l’importance de nouveaux outils incitatifs
3- La question cruciale du financement de l’adaptation
a- L’évaluation des coûts d’adaptation
b- Une diversité de fonds de financement
Conclusion
3
Introduction
La présente Note a pour objectif de résumer les enjeux liés aux négociations actuelles à propos du
changement climatique et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) qu’il impose.
Dans un premier temps, le document résume les différentes étapes qui ont conduit à l’adoption et à la
mise en œuvre du Protocole de Kyoto. Le dispositif établi par le protocole couvre la période 2008-
2012 et doit être remplacé par un nouvel accord international qui définira le nouveau cadre mondial de
réductions des émissions de GES. Ce nouveau traité est appelé à être approuvé lors du Sommet de
Copenhague qui est organisé du 7 au 18 décembre 2009 au Danemark.
La position des différents pays industrialisés (dont la liste est définie dans l’Annexe I de la
Convention-cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique) concernant leur engagement
national de réductions de rejets carbonés est ensuite présentée. Les ambitions et les implications
différentes de ce groupe de pays dans le processus de lutte contre le changement climatique ne
permettent pas de présenter une position unie des pays riches pour l’adoption dun nouveau régime
post-Kyoto assorti d’objectifs plus contraignants.
Le document expose dans un troisième temps le discours quasi unanime de l’ensemble des pays en
développement eu égard à leur refus de se soumettre à des objectifs de réduction d’émissions chiffrés.
Leurs réclamations se concentrent sur l’augmentation de transferts de fonds et de technologies à leur
égard. Les particularités et les positions de certains pays émergents sont en outre présentées de
manière plus approfondie.
Pour finir, une analyse est portée sur la position et les moyens d’action des pays de l’Annexe I et des
institutions inter-gouvernementales pour répondre aux requêtes des pays en développement, et mettre
en place une nouvelle architecture sensée pouvoir accompagner les pays vulnérables dans la lutte
globale contre le réchauffement climatique et financer leur adaptation à ces nouvelles contraintes
environnementales.
Il convient enfin de noter que ce travail n’est qu’une première étape dans une réflexion de fond qui va
porter sur les politiques des pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée en matière d’adaptation au
changement climatique. Avant d’entamer ce travail, il nous a semblé en effet nécessaire de débuter par
une approche plus générale concernant les négociations internationales pour trouver un prolongement
à l’actuel Protocole de Kyoto dont l’application est elle-même problématique au sein des nations
industrialisées.
4
I- Historique
1- La naissance du GIEC
La prise de conscience de la communauté internationale sur les conséquences que pourrait engendrer
le changement climatique sur la planète s’est manifestée il y a près de 30 ans. En 1979, lors de la
première conférence mondiale organisée sur le climat, les pays participants ont confié à l’Organisation
météorologique mondiale (OMM), au Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et
au Conseil international des unions scientifiques (CIUS) la conduite d’un programme de recherche
climatologique mondial. En 1988, l’OMM et le PNUE ont créé le Groupe d’experts
intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), institutionnalisant le processus de discussion
intergouvernementale sur les changements climatiques initié quelques années plus tôt.
Cet organe supranational constitue depuis un espace d’échanges scientifiques à qui l’on a confié la
mission d’évaluer de manière objective et impartiale la littérature scientifique mondiale publiée sur le
thème du réchauffement climatique, afin de fournir aux décideurs politiques une synthèse des
connaissances disponibles sur le sujet. Composé de 2 500 experts issus de 130 pays, le GIEC publie
tous les cinq ans un rapport qui dresse un état des lieux des connaissances en la matière.
2- La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques
En 1990, dans son premier rapport, le GIEC dresse le bilan des connaissances scientifiques sur les
changements climatiques et leurs possibles répercussions sur l’environnement, l’économie, la société
et reconnaît une évolution non naturelle du climat. Les conclusions de ce rapport vont jouer un rôle
décisif pour l’adoption de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques
(CCNUCC) lors du Sommet de la Terre à Rio en 1992. Cette convention constitue le premier traité
international reconnaissant le danger que peut exercer, directement ou indirectement, l’activité
humaine sur le climat. L’objectif de stabiliser la concentration de gaz à effet de serre (GES) dans
l’atmosphère à un niveau qui prévient toute perturbation anthropique (c'est-à-dire d’origine humaine)
dangereuse du climat est clairement énoncé1.
Parmi les principes posés par cette convention, on retient :
- le principe de responsabilités communes mais différenciées : chaque pays signataire reconnaît
l’impact de ses propres émissions de gaz à effet de serre sur le réchauffement climatique mais l’on
considère que les pays les plus industrialisés doivent être à l’avant-garde de la lutte contre les
changements climatiques
- le principe de précaution (afin de prévoir, prévenir ou atténuer les causes des changements
climatiques et en limiter les effets néfastes),
- le principe du droit au développement durable : les actions se prennent dans le respect du
développement économique de chaque pays
En outre, cette convention présente la particularité de classer les états en deux groupes : d’un côté, les
pays de l’annexe I (pays considérés comme développés en 1990 et pays en transition, vers l’économie
de marché), de l’autre, les pays hors annexe I (pays considérés en développement, en 1990). Les
premiers portent une responsabilité historique dans le changement climatique en raison de leur
développement précoce très émetteur en gaz à effet de serre. Les pays du second groupe ne peuvent
être considérés comme ayant joué un rôle dans le réchauffement du climat et sont donc exonérés
d’engagement dans la convention-cadre. Enfin, en créant une structure de gouvernance internationale
1 Il convient de préciser que si le terme « carbone » est généralement utilisé, cela se justifie par le fait que le
dioxyde de carbone (CO2) demeure le principal gaz à effet de serre
5
s’intéressant aux aléas climatiques, la Conférence des Parties (COP), un processus continu des
négociations internationales est mis en place. La Convention-cadre entre en vigueur en 1994.
3- Le Protocole de Kyoto
Toutefois, avec la CCNUCC, les États s’engagent à stabiliser leurs émissions de gaz à effet de serre,
sans que cet « engagement » soit quantifié. Le protocole de Kyoto, adopté en 1997, vient remédier à
cette carence en posant des règles qui contraignent les pays industrialisés, parties au protocole, à
s’engager à réduire en des termes chiffrés leurs émissions de gaz à effet de serre. Ouvert à ratification
en mars 1998, le protocole de Kyoto est entré en vigueur en février 2005, trois mois après sa
ratification par la Russie.
Ce traité international, tout comme la Convention-cadre à laquelle il est rattaché, retient le système
binaire du principe de responsabilités partagées mais différenciées. Les pays développés et en
transition, pays dits de l’Annexe B du Protocole (il s’agit des pays listés à l’Annexe I de la
convention climat, exceptés la Biélorussie, la Croatie et la Turquie) qui ratifient ce traité
s’engagent à réduire leurs émissions de 6 gaz à effet de serre (CO2, CH4, N2O, HFC, PFC, SF6)
en moyenne de 5,2% sur la période 2008-2012 par rapport à leur niveau de 1990.
Les pays hors annexe B (pays en développement) n’ont pas d’engagements quantifiés de réduction
mais s’engagent néanmoins à remettre au secrétariat de la Convention Climat un inventaire mesurant
leurs émissions et à communiquer sur leurs contributions dans l’action collective contre le
réchauffement climatique. Les objectifs définis par chacun des pays de l’Annexe B varient néanmoins
selon les projections de croissance de leurs émissions, leur capacité de financement et leur volonté
politique de lutter contre le changement climatique. Si certains états comme le Japon ont prévu une
baisse de leurs émissions de 6%, d’autres comme la Russie et l’Ukraine ont profité de la chute de leurs
émissions entre 1990 et 1997 pour avoir le droit d’émettre annuellement autant de gaz à effet de serre
sur la période 2008-2012 qu’en 1990.
En outre, les Etats-Unis, plus gros émetteur en 1990, ont signé le protocole mais ne l’ont pas ratifié, et
n’ont donc pas d’engagements chiffrés de limitation de leurs émissions pour la période 2008-2012.
L’Union Européenne à 15, très impliquée dans le processus de lutte contre le risque climatique, s’est
fixée l’objectif collectif de réduction de 8% avec la mise en place d’objectifs différents en interne pour
chaque état membre (Allemagne : -21%, Italie : -6,5%, France : 0%, Espagne : +15%).
a- Trois mécanismes pour réduire les émissions de GES
Trois mécanismes fondamentaux sont prévus dans le protocole de Kyoto pour atteindre les objectifs de
réduction fixés :
- un système international d’échanges de permis d’émissions entre les parties visées à l’Annexe B
pour qu’elles remplissent leurs engagements. Chaque pays de l’Annexe B reçoit un nombre d’Unités
de Quantité Attribuée (UQA/ 1 UQA = 1 tonne de CO2) correspondant à son quota d’émissions de gaz
à effet de serre fixé par le Protocole. Dès lors, si l’état émet plus que prévu, il peut acheter des UQA
supplémentaires sur le marché international, et inversement, s’il émet moins, il peut vendre des UQA.
Le Protocole retient le système « cap and trade » (plafonnement d’émissions et échange de permis
d’émissions).
La comptabilité de l’ensemble du système est assurée par le secrétariat de la CCNUCC qui a mis en
place pour cela un registre international des transactions, baptisé ITL (International Transaction Log).
Les réductions doivent être effectuées sur la période 2008-2012. Plusieurs marchés de permis
d'émission ont été mis en place à l'échelle d'entreprises, de groupes d'entreprises, ou d'Etats. Le
système européen d’échange de quotas qui a été lancé le 1er janvier 2005 constitue le premier et le plus
grand système d'échange de quotas d'émission de gaz carbonique du monde. Il couvre plus de 12.000
installations européennes responsables à elles seules de plus de 40% des émissions de gaz à effet de
serre de l'UE.
1 / 29 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !