
usines au Kazakhstan (qui ne fait pas partie du SCQE), afin de pouvoir vendre plus de quotas tchèques en
Europe de l’Ouest [15].
Comme le note l’étude réalisée pour le compte de la Confédération européenne des Syndicats (avec la
collaboration notamment du Wuppertal Institute), le SCEQE et, d’une manière générale, les mécanismes
de marché mis en place par Kyoto, ont notamment pour résultat que le CO2 n’est plus un déchet : c’est un
sous-produit dont les possibilités de valorisation co-déterminent la stratégie industrielle des groupes, à
l’échelle internationale [16]. Ce sous-produit, Arcelor Mittal en possède des stocks suffisants pour
rallumer le HF6. Le problème est que ces stocks ne sont pas à donner : ils sont à vendre. La logique
capitaliste est ici à la fois révoltante et imparable. Révoltante parce que les quotas ont été offerts
gracieusement aux entreprises. Imparable parce que ces quotas s’échangent aujourd’hui sur un marché et
que, sur ce marché, le nombre de quotas nécessaire à la relance du HF6 vaut la bagatelle de 260 millions
d’Euros, environ. Pour Mittal, donner les quotas au HF6 reviendrait à renoncer à ces 260 millions, donc à
renchérir l’acier liégeois de 50 Euros/tonne par rapport à la production d’autres sites [17]. L’éthique
commande de refuser ce raisonnement… mais cela implique de remettre en cause les lois du marché.
Du point de vue de la production de quotas comme activité nouvelle, les pays en développement, avec
leurs projets MDP, constituent pour les multinationales un marché en plein développement, à ne pas
manquer. Le Nord, pour le moment, ne peut recourir aux unités de réduction MOC-MDP que dans une
mesure relativement limitée [18]. Or, cela risque de changer : en effet, au plus les gouvernements se
résigneront à admettre que la protection du climat requiert des réductions d’émissions beaucoup plus
importantes que celles qui ont été décidées à Kyoto, au plus la pression capitaliste s’accroîtra pour
étendre le MDP, voire pour supprimer toute entrave à son utilisation. Cette tendance s’exprime très
clairement dans le rapport que Nicholas Stern a consacré à l’économie du changement climatique, dans
lequel il plaide pour multiplier par quarante le volume du marché MDP.
C’est dans ce genre de perspective à moyen terme que s’inscrit Arcelor Mittal. Son usine de Tubarao, au
Brésil, est la première entreprise sidérurgique du monde dont un projet de MDP ait été reconnu par
l’instance de gestion du système. Techniquement, le projet est banal : il s’agit simplement de récupérer
des gaz de hauts-fourneaux et de les brûler afin de produire de l’électricité. Mais l’impact sur les
émissions est non négligeable. En consacrant une somme modique à un investissement qui aurait sans
doute été fait de toute manière, parce qu’il réduit la facture énergétique, Arcelor Mittal générera en dix
ans 430.000 tonnes de crédit de carbone échangeables (fin 2006, il en avait déjà accumulé 210.000).
Tubarao est loin d’être un cas isolé. Dans une autre région du Brésil, le groupe espère acquérir 640.000
unités de réduction en substituant des barges géantes aux camions dans le transport de matières. Dans
une autre encore – c’est le pompon - l’usage du charbon de bois comme combustible, en remplacement du
coke, générerait 10 millions de tonnes de crédit carbone entre 2008 et 2015 [19]. D’autres projets sont en
route, en Afrique du Sud notamment.
Arcelor Mittal, producteur de droits de polluer
Mais la toute grosse affaire du MDP, c’est la Chine. Notamment pour les sidérurgistes. Car la Chine n’est
pas seulement le premier producteur mondial d’acier : c’est aussi le pays où le potentiel de réduction des
émissions sidérurgiques est le plus important. La production d’une tonne d’acier (filières fonte et
électrique confondues) y entraîne l’émission de 3,4t de CO2, contre 1,4t en moyenne dans l’UE (1,7t en
Amérique latine et 2t en moyenne mondiale). La comparaison des performances donne donc une idée très
approximative, mais néanmoins instructive, de la quantité maximum de crédits de carbone qui pourrait
être moissonnée par le MDP. En 2004, la Chine produisait 273 millions de tonnes d’acier. Si cette
production était réalisée en émettant 1,4tCO2/t, comme dans l’UE, les émissions chinoises passeraient de
928 à 382 millions de tonnes, soit une réduction de 546 Mt. Il faut évidemment tenir compte d’une foule
de facteurs qui jouent en sens divers (par exemple : les efforts chinois dans le domaine de l’efficience,
d’une part, l’augmentation de la production - 25%/an ces dernières années, d’autre part), mais on
comprend qu’il s’agit d’un très gros marché pour l’investissement technologique. Donc aussi,