1.2. Le tourisme en Méditerranée
1.2.1. 2000 ans d’histoire, moins d’un siècle de tourisme estival et balnéaire
L’histoire du tourisme méditerranéen remonte à l’Antiquité et a traversé les siècles comme un
phénomène longtemps extrêmement élitiste. Il y a 2 000 ans, seuls les pauvres restaient à Rome
en été, les plus riches se dirigeant, en touristes, vers des zones moins chaudes. Au 18ème siècle,
l’aristocratie et la grande bourgeoisie européennes prenaient leurs quartiers d’hiver sur la côte
méditerranéenne, au climat jugé idéal. Le tourisme s’est donc exclusivement développé sur
certains rivages bénéficiant d’hivers peu marqués, comme la Côte d’Azur et la Grèce péninsulaire
(Lozato-Giotart, 1989). Ce n’est qu’au cours du 20ème siècle que les perceptions, les normes
sociales et l’organisation du travail ont permis une démocratisation progressive (et loin d’être
achevée) de l’activité touristique, dans un contexte où bronzage et chaleur, après avoir été fuis
pendant deux millénaires, devenaient des éléments incontournables de vacances réussies. Ce que
les touristes considèrent comme un climat idyllique est passé de l’hiver à l’été, nonobstant les
vagues de chaleur, inondations brutales, vents forts, etc., qui caractérisent aussi le climat
méditerranéen estival (Perry, 2000).
Aujourd’hui, l’offre touristique en Méditerranée est incontestablement variée et originale, la région
étant réputée non seulement pour son climat mais aussi pour ses traditions culinaires, sa culture
riche et ancienne, ses paysages, sa mer, ses montagnes, ses déserts, ses villes, ses campagnes,
ses villages, entre modernité et tradition. Pourtant, le segment dominant demeure plus que jamais
le tourisme balnéaire « classique » associant les « trois S » : sea, sun, sand. Ainsi, « la mer et le
climat sont des éléments essentiels du tourisme en Méditerranée (…). Aujourd’hui encore, des
dizaines de millions de touristes, non plus l’hiver mais l’été, s’installent sur la bande côtière (…).
L’indice spatial de fréquentation touristique décline très rapidement dès qu’on s’écarte des côtes
vers l’intérieur (…). Presque partout, les régions intérieures semblent des déserts touristiques
comparées aux régions côtières » (Lozato-Giotart, 1989). Ce constat dressé il y a presque vingt
ans reste plus que jamais d’actualité puisque les flux touristiques de Méditerranée se concentrent
encore aujourd’hui pour les trois quarts sur les côtes, cette proportion restant constante dans les
projections établies par le Plan Bleu à l’horizon 2025 (Lanquar, 1995 ; PNUE-PAM-Plan Bleu,
2005). Pour cette raison et parce que le ski, par exemple, ne concerne qu’une minorité de régions
méditerranéennes, le présent document sur les relations entre tourisme et changement climatique
en Méditerranée tendra à concentrer son attention sur le développement littoral de cette activité.
1.2.2. Le tourisme méditerranéen aujourd’hui : éléments de conjoncture
Le tourisme, domestique ou international, est une activité majeure pour beaucoup des 22 pays ou
territoires du pourtour méditerranéen. Ils accueillent plus de 30% du tourisme international, qui
constitue leur première source de devises. Première région touristique mondiale, la Méditerranée
doit beaucoup non seulement à son attractivité, mais aussi à sa proximité avec l’Europe qui
demeure une des zones les plus riches de la planète et fournit aujourd’hui près de 90 % de ses
visiteurs au bassin méditerranéen.
Secteur toujours prometteur, la croissance annuelle du tourisme oscille depuis le début de cette
décennie entre 3 et 4%. On est passé d’un peu moins de 60 millions de visiteurs internationaux en
1970 à près de 150 millions en 1990 et autour de 250 millions en 2005. On s’attend à ce que les
arrivées internationales avoisinent les 300 millions en 2008 (pour un chiffre d’affaire de 250
milliards d’Euros) et les 400 millions en 20253. A ces chiffres concernant le tourisme international,
il conviendrait d’ajouter le poids grandissant d’un tourisme domestique en plein essor.
Globalement, la formule balnéaire joue un rôle capital dans quasiment tous les pays : selon le Plan
Bleu (Benoît et Comeau, 2005), elle caractérisait 80 % de la fréquentation touristique
méditerranéenne en 2000, chiffre qui devrait rester stable à l’horizon 2025. En Tunisie par
exemple, plus de 95 % des capacités d’hébergement se trouvent dans une région littorale.
3 Voir les travaux du Plan Bleu (http://www.planbleu.org/themes/tourisme.html).