Pr´epa agreg 2005–2006, P7
Espaces de Hilbert et dualit´e
1. Dual d’un espace de Hilbert
Il est tr`es facile de d´eduire du th´eor`eme de projection l’identification du dual d’un espace
de Hilbert, mais on va plutˆot ici repartir de z´ero et suivre un chemin parall`ele `alapreuve
du th´eor`eme de projection, qui permettra de trouver aussi le dual des espaces Lqpour
2q<+.D´esignons par H un espace de Hilbert, r´eel ou complexe. Si x, y sont deux
vecteurs de l’espace H, leur produit scalaire sera not´ex, y; ce produit scalaire sera
suppos´e lin´eaire en xet antilin´eaire en y. On a alors
x+y2=x2+2Rex, y+y2,xy2=x22Rex, y+y2
ce qui donne, en additionnant, la relation du parall´elogramme
x+y2+xy2=2x2+2y2.
Si on pose u=x+yet v=xy, la relation prend la forme (a)
u2+v2
2=
u+v
2
2+
uv
2
2.
`
A chaque vecteur yH on peut associer une forme lin´eaire yefinie sur H par
xH,
y(x)=x, y;
cette forme lin´eaire est continue d’apr`es Cauchy-Schwarz : on a |y(x)|≤xy,cequi
montre que y≤y;enfaitonvoitquey=yen appliquant yau vecteur y
lui-mˆeme.
Th´eor`eme. Pour toute forme lin´eaire continue sur Hil existe un vecteur yH(unique)
tel que =y,
xH,(x)=x, y.
On fera d’abord la preuve dans le cas eel.Leprincipedelad´emonstration est tr`es
simple. On consid`ere la fonction ϕefinie sur H par
xH(x)= 1
2x2(x).
Cette fonction est diff´erentiable en tout point : sa di´erentielle au point hHestla
forme lin´eaire dhϕ=h. De plus, cette fonction r´eelle ϕatteint son minimum sur H
en un point y,doncsadi´erentielle dyϕest nulle en ce point y,cest-`a-dire que
=y,
ce qu’il fallait d´emontrer.
1
Passons aux d´etails de la preuve. La fonction norme x→x´etant continue, il est
clair que ϕest continue sur H. On remarque ensuite que ϕest minor´ee ; en effet, on a
|(x)|≤x,donc
ϕ(x)=1
2x2(x)1
2x2−x≥1
22.
Posons m=infϕ(H) ; on peut trouver une suite (xn)H telle que ϕ(xn) tende vers
men d´ecroissant. On va montrer que la suite (xn) est de Cauchy ; il en r´esultera qu’elle
converge dans H, qui est complet. Si yesigne la limite de la suite, on obtient par la
continuit´edeϕ
ϕ(y) = lim
nϕ(xn)=m
ce qui prouve que ϕatteint son minimum au point y. Montrons donc le caract`ere de
Cauchy : si j, k n, on aura en utilisant la d´ecroissancede(ϕ(xi)) et la relation du
parall´elogramme
ϕ(xn)1
2ϕ(xj)+ϕ(xk)=1
4xj2+xk2xj+xk
2
=1
2
xjxk
2
2+1
2
xj+xk
2
2xj+xk
2
=1
2
xjxk
2
2+ϕxj+xk
21
2
xjxk
2
2+m
ce qui prouve que xjxk28ϕ(xn)m,quantit´e qui tend vers 0 quand ntend
vers l’infini, montrant que la suite (xn) est de Cauchy dans H. D´esignons par yla limite
de la suite (xn):onad´ej`aditqueϕatteint son minimum sur H au point y.
Donnons maintenant l’argument de nullit´edeladi´erentielle : consid´erons un vecteur
hH quelconque et la fonction fhefinie sur Rpar
tR,f
h(t)=ϕ(y+th)ϕ(y)=th, y+t2
2h2t(h);
cette fonction fhest d´erivable,
f
h(t)=h, y+th2(h)
et puisque ϕatteint son minimum sur H au point y,lafonctionfhatteint son minimum
sur Rpour t=0,donc0=f
h(0) = h, y−(h) ; finalement
hH,(h)=h, y,
ce qui termine la preuve dans le cas eel.
Si l’espace H est complexe, on peut le consid´erer comme un espace de Hilbert r´eel
en oubliant les scalaires complexes, et en d´efinissant un produit scalaire eel par
x, y H,x·y=Rex, y.
On a encore x2=x·x. Introduisons aussi la forme R-lin´eaire continue xRe (x).
D’apr`es la premi`ere partie, il existe un vecteur yHtelque
xH,Re (x)=x·y=Rex, y.
Revenons maintenant aux scalaires complexes. Comme ´etait C-lin´eaire, on sait que
(ix)=i(x) et on obtient en appliquant au vecteur ixce qui pr´ec`ede
Imx, y=Reix, y=Reix, y=(ix)·y=Re(ix)=Rei(x)=Im (x).
Finalement, on a bien
xH,(x)=x, y.
2
Remarque. ecodons dans le cas de L2
C,A) (l’espace des fonctions mesurables de
carr´eint´egrable de Ω dans C) l’histoire d’oubli des complexes. ´
Ecrivons deux fonctions
complexes f, g sous la forme f=f1+if2,g=g1+ig2,avecfj,g
jeelles ; alors
f,g=Ω
f g =Ωf1g1+f2g2+iΩf2g1f1g2
de sorte que le produit scalaire eel efini ci-dessus vaut ici
f·g=Ref, g=Ωf1g1+f2g2,
ce qui est bien naturel si on pense aux couples (f1,f
2)et(g1,g
2) comme `a deux fonctions
vectorielles F,G`a valeurs dans l’espace R2,dedimensionr´eelle 2 ; on peut ´ecrire
f·g=ΩF(ω)·G(ω)(ω)
o`u on a aussi utilis´e un point pour la notation du produit scalaire usuel de R2.Enr´esum´e:
si on oublie les complexes, l’espace L2
C,A) s’identifie naturellement `a l’espace r´eel
des fonctions vectorielles L2,A,R2)`a valeurs dans R2.
2. Le dual de Lq,2q<+
Avant de sp´ecialiser au cas 2 q<+, on va commencer par des consid´erations
en´erales qui s’appliquent quand 1 q+. Les fonctions seront `a valeurs dans
K=Rou C.D´esignons par pl’exposant conjugu´edeq,quiestd´efini par l´egalit´e
1/p +1/q =1. `
AchaquefonctiongLpon peut associer une forme lin´eaire gefinie
sur Lqpar
xLq,
g(x)=xg =Ω
x(ω)g(ω)(ω);
cette forme lin´eaire gest continue d’apr`es H¨older,
|g(x)|≤xqgp.
La  eciproque de l’in´egalit´edeH¨older indique ceci : si 1 <q+,oubiensiq=1
et si la mesure est σ-finie, la norme de la forme lin´eaire gdans le dual (topologique)
(Lq)=L(Lq,K)esegale `a la norme de gdans Lp,
g(Lq)=gLp.
Ainsi, l’application ggest une application lin´eaire isom´etrique de Lpdans le dual
topologique de Lq.
`
A partir de maintenant on va s’int´eresser au cas 2 q<+. On commence par un
lemme qui est plus facile `ad´ecrire pour une fonction abstraite Φ, et qui sera appliqu´e
quand Φ(t)=|t|q.
3
Lemme. Si Φest une fonction paire sur R, de classe C2telle que Φ(0) = 0 et telle que
Φ soit croissante sur [0,+),ona
s, t R,Φ(s+t)+Φ(st)(s)+2Φ(t).
emonstration. `
Acausedessym´etries il suffit de traiter le cas s, t 0. ´
Etudions
sΦ(s+t)+Φ(st)(s)(t);
cette fonction est nulle pour s= 0, il nous suffit de montrer que sa d´eriv´ee
sΦ(s+t)+Φ
(st)
(s)
reste 0pours0. L’expression de la d´eriv´ee est nulle pour t=0,etlad´eriv´ee en t
de cette expression vaut
Φ(s+t)Φ(st)0
pour s, t 0.
En appliquant ce lemme `(t)=|t|q,enint´egrant en ωl’in´egalit´e obtenue pour s=x(ω)
et t=y(ω), on montre que si x, y sont deux vecteurs de Lq,ona
x+yq
q+xyq
q2xq
q+2yq
q.
Si on pose u=x+yet v=xy, la relation prend la forme
(1) uq
q+vq
q
2
u+v
2
q
q+
uv
2
q
q.
Th´eor`eme. Pour toute forme lin´eaire continue sur Lq(2q<+), il existe une
fonction gLp(unique) telle que =g.
On fait d’abord la preuve dans le cas r´eel. On consid`ere la fonction ϕefinie sur Lqpar
xLq(x)= 1
qxq
q(x)=1
qΩ|x(ω)|q(ω)(x).
La fonction norme x→xq´etant continue, il est clair que ϕest continue sur Lq.On
remarque ensuite que ϕest minor´ee ; en effet, on a |(x)|≤xq,donc
ϕ(x)= 1
qxq
q(x)1
qxq
q−xq≥−1
pp.
Posons m=infϕ(Lq) ; on peut trouver une suite (xn)Lqtelle que ϕ(xn) tende vers
men d´ecroissant. On va montrer que la suite (xn) est de Cauchy. Il en r´esultera qu’elle
converge dans Lq, qui est complet. Si yesigne la limite de la suite, on obtient par la
continuit´edeϕ
ϕ(y) = lim
nϕ(xn)=m
4
ce qui prouve que ϕatteint son minimum au point y. Montrons donc le caract`ere de
Cauchy : si j, k n, on aura en utilisant la d´ecroissance de (ϕ(xi)) et la relation (1)
ϕ(xn)1
2ϕ(xj)+ϕ(xk)=1
2qxjq
q+xkq
qxj+xk
2
1
q
xjxk
2
q
q+1
q
xj+xk
2
q
qxj+xk
2
=1
q
xjxk
2
q
q+ϕxj+xk
21
q
xjxk
2
q
q+m
ce qui prouve que xjxkq
qq2qϕ(xn)m,quantit´e qui tend vers 0 quand ntend
vers l’infini, montrant que la suite (xn) est de Cauchy dans Lq; elle converge vers un
point yLqo`uϕatteint son minimum. Consid´erons maintenant un vecteur hLq
quelconque et la fonction fhefinie sur Rpar
tR,f
h(t)=ϕ(y+th)=1
qΩ|y+th|q(y+th);
cette fonction fhest d´erivable (d´eriver(b) sous l’int´egrale),
f
h(t)=Ωy(ω)+th(ω)(q1)h(ω)(ω)(h)
o`uonanot´eu(α)=sign(u)|u|α,pourueel et α>0 : on voit que la fonction r´eelle
u→|u|qadmet pour d´eriv´ee la fonction uqu
(q1). Puisque ϕatteint son minimum
sur Lqau point y,lafonctionfhatteint son minimum sur Rpour t=0,donc
0=f
h(0) = Ω
y(ω)(q1)h(ω)(ω)(h);
finalement
hH,(h)=Ω
y(ω)(q1)h(ω)(ω)
ce qui termine la preuve dans le cas r´eel. En effet, la fonction gefinie par g=y(q1)
est dans Lp,carp(q1) = qp(1 1/q)=qet
Ω|g|p=Ωy(q1)
p=Ω|y|p(q1) =Ω|y|qdμ < +.
Si l’espace Lqest complexe, il contient comme sous-ensemble le R-espace vectoriel
X=L
q
Rform´edesfonctions`avaleursr´eelles ; les applications xXRe (x)et
xXIm (x)sontdesR-formes lin´eaires continues sur l’espace r´eel X, qui est un Lq
eel. D’apr`es la premi`ere partie, il existe deux fonctions eelles g1,g
2Lptelles que
xX,Re (x)=Ω
x(ω)g1(ω)(ω); Im (x)=Ω
x(ω)g2(ω)(ω).
En posant g=g1+ig2,
xX,(x)=Ω
x(ω)g(ω)(ω).
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