Rétrospective des mesures prophylactiques prises contre la

Bull.
Off. int.
Epiz., 1981,
93
(3-4), 417-465.
Rétrospective
des mesures prophylactiques
prises contre
la
rage
dans
les
Amériques
de 1970 à 1980.
Situation générale
de la
rage(*)
par
Pedro
N.
ACHA(**)
INTRODUCTION
La rage pose
des
problèmes sanitaires spécifiques dans chaque
partie
du
monde.
Dans
les
pays
les
plus riches,
par
exemple,
les
risques
de
contami-
nation humaine sont réduits
au
minimum
par des
mesures coûteuses.
Ce rapport présente
une vue
d'ensemble
de
l'évolution
et de la
situation
de la
rage
sur le
continent américain
au
cours
des
onze
années
de 1970 à 1980.
(*) Traduction
de
l'article original intitulé
: « A
review
of
Rabies prevention
and
control
in the
Americas 1970-1980. Overall status
of
Rabies
»,
publié
in
Bull.
Off.
int. Epiz., 1981,
93
(1-2),
9-52.
Rapport préparé pour être présenté,
au nom de
l'Office International
des
Épizoo-
ties,
à la
réunion scientifique conjointe
C.N.E.R.-O.M.S.
sur la
rage animale, Nancy
et Malzéville, France,
3-5
juin
1981.
(**) Institut Interaméricain
de
Coopération pour l'Agriculture (I.I.C.A.), Wash-
ington,
D.C.
Remerciements : Pour
la
préparation
de ce
rapport,
le
Dr. Arthur
M. GREENHALL
a
été
consulté pour
les
passages concernant
la
rage selvatique
et le
Dr. Luis
SZYFRES
pour ceux
en
relation avec
la
prophylaxie
et
l'éradication.
418
Les informations proviennent de sources diverses et résument les
données reçues au Centre Panaméricain des Zoonoses, à Ramos
Mejia en Argentine (56, 59, 61).
Malgré les efforts accomplis pendant la dernière décennie, la rage
continue d'être un problème majeur sur le continent américain. Cer-
tains progrès ont été réalisés dans un petit nombre de pays, mais la
majorité des autres est très loin d'avoir atteint l'objectif fixé au
début de la décennie : « Maîtrise et finalement élimination de la rage
canine dans les principales villes d'Amérique Latine, en vue de l'éra-
dication de la rage humaine dans ces régions » (60).
Or, l'incidence de la rage canine au cours des dernières années
pour lesquelles on dispose de statistiques, entre 1977 et 1980,
s'éta-
blit entre 0 et 793 cas pour chaque population de 100.000 chiens,
dans les principales villes. Les moyennes annuelles pour la dernière
décennie en Amérique Latine et dans les Caraïbes ont dépassé le
nombre de 18.000 chiens enragés, avec plus de 300.000 personnes
traitées et vaccinées à la suite de contamination.
Le nombre annuel moyen de cas humains recensés dans cette
Région a été de 280.
Pour l'ensemble du continent américain, le nombre total des cas
de rage n'a pas diminué au cours de la période de 11 ans envisagée
dans ce rapport (Fig. 7). Ces cas de rage ont été regroupés dans les
deux grandes régions américaines présentant, chacune, des caracté-
ristiques très différentes.
La première région comprend le Canada et les États-Unis. Dans
ces pays, la rage canine a été presque totalement éliminée, ce qui
implique un nombre infime de cas humains. Par contre, ces deux
pays se trouvent confrontés à un problème difficile : la présence de
la rage chez les animaux sauvages (rage selvatique).
Aux États-Unis et dans leurs territoires, on a signalé un nombre
total de 5.150 cas de rage confirmés au laboratoire, durant l'année
1979.
Ce nombre dépassait de 67% le total annuel moyen des cinq
années précédentes et était supérieur de 1.852 cas au nombre total
signalé en 1978.
Quarante-huit États ainsi que Porto-Rico ont signalé des animaux
infectés en 1979 ; par contre, seuls le District de Columbia, l'État
d'Idaho, les îles de Guam, Hawai et les Iles Vierges n'ont signalé
aucun cas.
419
Sept espèces animales ont totalisé 98% des cas signalés : les
mouf-
fettes (59%), les chauves-souris (15%), les ratons laveurs (10%), les
bovins (4%), les chiens (4%), les chats (3%) et les renards (3%). La
faune sauvage a représenté 87,6% du nombre total des cas signalés,
les animaux domestiques en représentant 12,3% et les humains 0,1%
(53).
La tendance générale était à l'accroissement des chiffres enregis-
trés en 1978. Par exemple, on a signalé cinq cas humains (contre
quatre en 1978), 636 cas chez les animaux domestiques (contre 469
en 1978) et 4.509 cas chez les animaux sauvages (contre 2.285 en
1978).
C'est toutefois chez les mouffettes que le nombre de cas connut
l'augmentation la plus forte, passant de 1.657 cas à
3.031,
soit 67%
de plus qu'en 1978 (53).
Le Centre de lutte contre les Maladies du Service de la Santé
Publique des États-Unis n'a signalé aucun cas de rage humaine aux
États-Unis en 1980 (55).
Au Canada, on n'a pas signalé de cas humains depuis 1971, mais
les cas chez les animaux sauvages représentent encore 76% du total
des cas signalés. Cependant, les informations concernant 1980 mon-
trent une réduction de presque 50% des cas chez les animaux sauva-
ges (698 cas) par rapport à 1979 (1.229 cas).
La seconde région comprend tous les autres pays du continent
américain.
En Amérique Latine et dans certaines parties des Indes occidenta-
les,
la situation est l'inverse de celle décrite ci-dessus : le nombre de
cas de rage humaine et canine est très élevé, mais celui concernant
les animaux sauvages est considérablement plus faible (Tableaux I,
III et VII).
Dans cette région, les principaux vecteurs de la rage dans la faune
sauvage sont les mangoustes importées et certaines espèces de
chauves-souris, notamment les « vampires » hématophages qui
transmettent aux bovins la rage paralytique.
Dans les pays en voie de développement, la rage ne constitue pas
seulement une menace pour la vie humaine, mais aussi elle est la
cause de pertes considérables pour l'élevage. En effet, par crainte de
l'infection rabique, un nombre élevé de mammifères ont été abattus
inutilement. Il faut noter que ces campagnes de destruction massive
420
de populations animales, visant à 1'éradication de la rage selvatique,
sont complètement inefficaces dans certaines circonstances. Malgré
ces campagnes de destruction, en effet, et malgré la vaccination, la
rage a continué à se propager dans la faune sauvage
(MCDONALD,
1980) (37).
Cette répartition inégale de la rage selvatique entre l'Amérique du
Nord et celle du Sud ne doit pas laisser croire que la rage est un pro-
blème de peu d'importance pour l'Amérique Latine. En effet, il est
probable que les différences entre les deux Régions proviennent du
fait qu'en Amérique Latine la rage selvatique n'a pas encore été
suf-
fisamment étudiée, que le contrôle sanitaire n'est pas à la hauteur de
la tâche et qu'enfin, les déclarations des foyers sont incomplètes.
Dans les pays où la rage des rues a été éradiquée, la rage selvatique
demeure une menace pour l'homme et les animaux domestiques car
elle pourrait être réintroduite par les animaux sauvages si la surveil-
lance constante et les mesures de protection n'étaient pas maintenues.
Les recherches intensives sur la rage au cours des années 1970 ont
abouti à de nombreux progrès mais aussi à se poser un bon nombre
de nouvelles questions ! Par exemple, lorsque la rage des rues sem-
ble avoir été éradiquée dans un certain nombre de pays, la rage sel-
vatique a augmenté. Comment agir sur la faune sauvage afin d'éra-
diquer la rage, constitue un des problèmes majeurs auquel se trou-
vent confrontés les écologistes. L'objet de ce rapport est de stimuler
l'intérêt pour des recherches plus intensives concernant la rage selva-
tique.
SITUATION GÉNÉRALE
DE LA RAGE DANS LES AMÉRIQUES
La rage existe sur le continent américain sous deux formes épidé-
miologiques :
a) la rage des rues propagée essentiellement par les chiens ;
b) la rage selvatique transmise par divers mammifères, principale-
ment par les carnivores et les chauves-souris.
La rage des rues.
La rage humaine et canine constitue un problème essentiellement
urbain par nature, problème devenant plus critique dans les zones
périphériques des grandes et moyennes villes.
421
Les morsures de chiens sont la cause de la majorité des cas
humains de rage dans les Amériques. Elles occasionnent également
un nombre élevé de blessures nécessitant le traitement antirabique
préventif ainsi que des soins médicaux et (ou) chirurgicaux.
En Amérique du Nord, les mesures de prophylaxie concernant
l'espèce canine ont toujours constitué une arme très efficace dans la
lutte contre la rage et continuent à jouer leur rôle même si les ani-
maux sauvages constituent de nouveaux foyers d'infection.
L'efficacité du Programme canadien de prophylaxie de la rage
peut se juger par le fait qu'aucune personne n'est morte de rage, au
cours des dix dernières années, à la suite de contact avec un animal
enragé.
L'explosion démographique en Amérique Latine et dans les
Caraïbes a entraîné dans les villes une augmentation considérable du
nombre d'habitants ainsi que de celui des animaux, notamment des
chiens, des chats et des rats. Au cours de la prochaine décennie,
80%
de la population de plusieurs pays d'Amérique Latine seront
concentrés dans les zones urbaines(*).
La rage des rues, qui constitue un problème dans la plupart des
villes d'Amérique Latine et des Caraïbes, présente des caractéristi-
ques sociales, épidémiologiques et économiques complètement diffé-
rentes de celles de la rage selvatique. Les chiens et les chats sont à
l'origine de 96% des cas de rage animale et sont les vecteurs de pres-
que tous les cas humains. Les seuls pays indemnes de rage sont la
Guyane, la Jamaïque et l'Uruguay. Le Chili dispose d'un excellent
programme de lutte antirabique et garde un taux d'infection très fai-
ble.
La ville de Panama, qui a appliqué avec succès un programme
de prophylaxie depuis 1957, est restée pratiquement indemne de rage
des rues. Des programmes efficaces ont été appliqués contre la rage
des rues dans certaines grandes villes comme Bogota et Cali, en
Colombie, en 1976-1977 ; à Lima, au Pérou, en 1973-1974 et à Bue-
nos Aires, en Argentine, en 1972 et 1979 (5).
Le risque de rage et les taux d'infection varient d'un pays à l'autre
et à l'intérieur de chaque pays. Pour de nombreuses raisons, les
informations dont on dispose ne peuvent pas s'appliquer à tous les
pays.
Des enquêtes épidémiologiques réalisées dans certaines villes
d'Amérique Latine ont permis de quantifier le problème.
(*) L'Organisation des États Américains appelle « zone urbaine », en Amérique,
toute ville de plus de 20.000 habitants.
1 / 48 100%

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