Mise au point
Complications hépatiques des allogreffes
de cellules souches hématopoïétiques
Liver injury following allogeneic hematopoietic stem cell transplantation
R. Guièze, J.P. Jouet, I.Yakoub-Agha *
Service des maladies du sang, UAM d’allogreffes de cellules souches hématopoïétiques, hôpital Huriez, CHRU, 59037 Lille, France
Reçu et accepté le 26 juin 2004
Résumé
Les complications hépatiques constituent une part importante de la morbidité et de la mortalité de la greffe allogénique de cellules souches
hématopoïétiques. La prise en charge de ces complications est souvent difficile en raison du manque de spécificité des symptômes. Les
étiologies principales sont de nature iatrogène, infectieuse ou immunologique. L’hyperbilirubinémie constitue le principal symptôme,
difficilement interprétable lorsqu’elle est isolée. Les complications hépatiques faisant suite à l’autogreffe de cellules souches hématopoïéti-
ques étant celles observées après un traitement intensif de façon générale, ne sont pas abordées dans cet article.
© 2004 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Abstract
Liver dysfunction is one of the major complications following allogeneic stem cell transplantation and results in high morbidity and
mortality. Management of patients with hepatic complications is problematic due to lack of specific symptoms and confounding variables
occurring in allogeneic stem cell patients. The differential diagnosis for presenting symptoms includes toxicity secondary to conditioning
regimens, medication-related symptoms, graft-versus-host disease, sinusoidal obstruction syndrome, and hepatic infections such as cytome-
galovirus infection. Hyperbilirubinemia is the most common, but non-specific, presenting symptom, the diagnosis being especially difficult to
make when there is no other organ involvement. This review is centered on the major clinical presentations and reasons for referral of hepatic
abnormalities during hematopoietic stem cell transplantation: (i) positive hepatic viral markers, (ii) abnormal liver function tests, and (iii)
hepatomegaly and liver failure with its complications.
© 2004 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Allogreffe de cellules souches hématopoïétiques ; Complications hépatiques
Keywords: Allogeneic stem cell transplantation; Liver injury
1. Introduction
La greffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH) a
permis d’importants progrès dans le traitement des hémopa-
thies principalement malignes et apparaît souvent indispen-
sable pour envisager une véritable guérison. Ses indications
se sont étendues à la plupart des pathologies hématologiques
ainsi qu’à certaines tumeurs solides.
Malgré l’extension des indications notamment aux sujets
plus âgés avec l’allogreffe à conditionnement atténué (non
myéloablatif), l’importante morbidité et mortalité relatives à
la greffe demeurent un facteur limitant.
On distingue deux grands types de greffe de CSH qui
diffèrent par leur principe et par la nature de leurs complica-
tions :
l’autogreffe consiste en une intensification thérapeutique
suivi d’un support de CSH autologues issues de la moelle
osseuse ou du sang périphérique. L’apport du greffon,
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (I. Yakoub-Agha).
Réanimation 13 (2004) 399–406
www.elsevier.com/locate/reaurg
1624-0693/$ - see front matter © 2004 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.reaurg.2004.06.005
prélevé le plus souvent en situation de maladie résiduelle
faible, permet de réduire la période d’aplasie. Cette greffe
est dépourvue d’effet thérapeutique immunologique. Par
conséquent, les complications de l’autogreffe sont celles
de la chimiothérapie intensive et/ou de l’irradiation corpo-
relle totale (ICT) ;
l’allogreffe consiste en un conditionnement suivi de la
réinjection de CSH médullaires ou périphériques issues
d’un donneur le plus souvent familial (fratrie) ou d’un
donneur volontaire non apparenté. Le principe de traite-
ment antitumoral associe l’intensification thérapeutique
liée au conditionnement à une immunothérapie adoptive
souvent appelée effet allogénique (GVL ou graft-vs-
leukemia des anglo-saxons). L’allogreffe à conditionne-
ment atténué permet d’éviter une partie des complications
aiguës toxiques. L’effet allogénique est préservé et assure
à lui seul l’efficacité antitumorale.
Les complications post-allogreffes de CSH sont fréquen-
tes. Elles peuvent survenir dés le début du conditionnement
et sont d’étiologies très diverses : toxiques, immunologiques
ou infectieuses. Des complications à plus long terme sont
également observées. La prise en charge en unité de réanima-
tion de ces malades s’avère parfois indispensable.
Les complications hépatiques rencontrées à la suite d’une
allogreffe de CSH gardent une place particulière en raison de
la pauvreté des symptômes cliniques et de la quasi-
impossibilité de confirmer un diagnostic sans le recours à la
biopsie hépatique chez un malade fragilisé présentant le plus
souvent des troubles majeurs d’hémostase. De plus la grande
diversité étiologique induit des orientations thérapeutiques
parfois opposées. Enfin, il n’est pas rare de voir deux ou
plusieurs pathologies se manifester simultanément, infection
virale et maladie du greffon contre l’hôte par exemple (Ta-
bleau 1).
2. Réalisation pratique d’une allogreffe de SCH
Le conditionnement standard ou myéloablatif a été conçu
à l’origine pour assurer une « vacuité » médullaire, un effet
immunosuppresseur antirejet, et le cas échéant une réduction
tumorale. Il consiste généralement en l’association d’une ou
plusieurs drogues cytotoxiques avec ou sans ICT. Les cyto-
toxiques les plus souvent utilisés sont le cyclophosphamide
(Endoxan
®
) à la dose de 120–200 mg/kg sur deux à quatre
jours et le busulfan (Myleran
®
) à la dose de 12–16 mg/kg sur
quatre jours. L’ICT est délivrée à la dose de 10–12 grays. Le
conditionnement atténué ou non myéloabaltif a pour but
d’assurer uniquement un effet immunosuppresseur antirejet
entraînant, de ce fait, très peu de complications directes liées
à la chimiothérapie. Les protocoles souvent utilisés font
appel à la fludarabine (Fludara
®
) à la dose de 25–30 mg/m
2
par jour pendant trois à cinq jours associée soit au busulfan à
la dose de 4–8 mg/kg en deux à quatre jours soit à l’ICT
délivrée à la dose de1à2grays. Dans les deux types de
conditionnement le sérum antilymphocytaire peut être admi-
nistré en même temps, notamment en cas d’incompatibilité
HLA (mismatch) entre donneur et receveur.
La greffe proprement dite se fait, à j0, par perfusion
intraveineuse lente des CSH allogéniques prélevées le jour
même chez le donneur soit par ponctions de l’os iliaque soit
par cytaphérèse après mobilisation à l’aide de facteurs de
Tableau 1
Chronologie des complications hépatiques survenant au cours des allogreffes de cellules souches hématopoïétiques
400 R. Guièze et al. / Réanimation 13 (2004) 399–406
croissance hématopoïétiques (G-CSF). Dans quelques cas le
sang placentaire cryoconservé peut constituer la source de
CSH.
Une prévention de la maladie du greffon contre l’hôte
(graft-vs-host disease, GVHD) est assurée par la
ciclosporine-A à la dose de 2–5 mg/kg par jour à partir de j1
associée au méthotrexate à la dose de 10–15 mg/m
2
aux jours
+1, +3, +6 et rarement +11. Ce dernier traitement peut être
remplacé par le mycophénolate mofetil (Cellcept
®
)oula
corticothérapie.
La politique de prévention anti-infectieuse varie d’un cen-
tre à l’autre mais comprend généralement une décontamina-
tion intestinale, une prévention antifongique et une préven-
tion antivirale. La prévention contre le Pneumocystis carinii
et la toxoplasmose est faite après la sortie d’aplasie.
3. La maladie veino-occlusive du foie
ou syndrome d’obstruction sinusoïdale
3.1. Les mécanismes de constitution
Le terme classique de maladie veino-occlusive (MVO) a
été initialement utilisé pour désigner un syndrome hépatique
correspondant à un aspect histologique de fibrose obturante,
par un mécanisme non thrombotique des veinules hépatiques
après ingestion de certains toxiques [1]. Il a par la suite été
relié à un syndrome clinique associant hépatomégalie dou-
loureuse, ictère et prise de poids survenant après un traite-
ment myéloablatif. Il est désormais remplacé par le terme de
syndrome d’obstruction sinusoïdale (SOS). En effet, l’at-
teinte initiale siège au niveau des sinusoïdes du foie plutôt
qu’au niveau des veinules hépatiques.
Les cellules endothéliales des sinusoïdes, plus sensibles à
la toxicité des conditionnements que les hépatocytes, s’altè-
rent avec une perte de leur fenêtrage. Des ouvertures appa-
raissent au sein de l’endothélium, entraînant une extravasa-
tion des hématies vers l’espace de Disse. Les débris
cellulaires sont responsables de l’obstruction de la lumière
des sinusoïdes [2]. Des mécanismes biochimiques de déplé-
tion en glutathion au niveau des cellules endothéliales des
sinusoïdes semblent également impliqués [3]. Le mécanisme
thrombotique jadis évoqué ne serait alors qu’un épiphéno-
mène et l’atteinte parenchymateuse serait probablement liée
à l’hypertension portale elle-même secondaire à l’obstruc-
tion des espaces sinusoïdes.
3.2. L’incidence
L’incidence du SOS, de l’ordre de 15 % au cours des
allogreffes à conditionnement standard, varie toutefois de 0 à
50 % selon les séries [4–8]. Cette variation s’explique par la
difficulté diagnostique induite par la non-spécificité des
symptômes cliniques et par l’hétérogénéité des moyens dia-
gnostiques utilisés dans chaque étude. La fréquence du SOS
serait actuellement en nette diminution en partie expliquée
par la meilleure connaissance des facteurs prédisposant (trai-
tements antérieurs, maladies sous-jacentes telle que les leu-
cémies aiguës myéloïdes, hépatite C...) et la suppression de
certains médicaments potentiellement toxiques de l’arsenal
thérapeutique. Il est à noter que le SOS est rare après allo-
greffes à conditionnement atténué [9].
3.3. Les médicaments impliqués
Le médicament le plus impliqué est le cyclophosphamide
[5]. Son métabolisme est très variable selon les patients. Une
production en excès de métabolites toxiques (notamment
l’acroléine) favoriserait le développement de SOS [10–13].
Certains auteurs incriminent également le busulfan qui pour-
rait être impliqué en agissant sur le métabolisme du cyclo-
phosphamide [14] auquel il est parfois associé. L’ICT est
toxique en agissant en synergie avec le cyclophosphamide
[15].
3.4. Les symptômes
Les symptômes débutent classiquement dans les deux
premières semaines après la réinjection mais peuvent être
plus tardifs notamment en cas d’utilisation du busulfan [16].
La triade clinique associe une hyperbilirubinémie, une réten-
tion hydrosodée responsable d’une prise de poids rapide
(supérieureà5%)etunehépatomégalie douloureuse.
D’autres symptômes peuvent être observés tels que l’ascite,
l’inefficacité transfusionnelle des plaquettes et à un stade
plus avancé une encéphalopathie [17]. Une élévation des
transaminases est habituelle mais un taux très élevé serait de
mauvais pronostic.
3.5. Les données radiologiques
Bien que les modifications morphologiques retrouvées
par l’imagerie soient tardives et non spécifiques, l’échogra-
phie, le scanner et l’imagerie par résonance magnétique
permettent d’éliminer certains diagnostics différentiels et
confirment l’hépatomégalie, l’ascite, voire une splénoméga-
lie, signes indirects du SOS.
L’échographie couplée au doppler des vaisseaux hépati-
ques peut en outre retrouver certains arguments en faveur
d’un SOS : épaississement de la paroi de la vésicule biliaire,
visualisation de la veine paraombilicale, augmentation du
diamètre de la veine porte, thrombose porte, ralentissement
ou inversion du flux portal, indice de congestion augmenté et
augmentation de l’indice de résistance au flux artériel hépa-
tique [18–20].
3.6. La biopsie hépatique
La biopsie hépatique, seul outil diagnostique de certitude,
peut être réalisée par voie transcutanée ou laparoscopique.
En cas de troubles de l’hémostase la voie transjugulaire doit
être préférée. Outre l’obtention d’une biopsie avec un moin-
401R. Guièze et al. / Réanimation 13 (2004) 399–406
dre risque hémorragique, cette dernière technique permet en
effet une mesure de la pression veineuse des veines sus-
hépatiques (fortement spécifique d’un SOS si elle est supé-
rieure à 10 mmHg) [21,22]. Les premières modifications
histologiques surviennent six à huit jours après le début du
conditionnement. L’importance des lésions des cellules sinu-
soïdales et des hépatocytes périveinulaires est un facteur
pronostique. L’obstruction capillaire et l’élévation de la pres-
sion sinusoïdale, l’ischémie et la fragmentation des cordons
d’hépatocytes sont à l’origine d’un détachement de blocs
d’hépatocytes qui peuvent soit refluer dans le système porte
soit emboliser des veines centrales. Deux semaines après le
début des symptômes, des dépôts de matrice extracellulaire
s’observent dans les sinusoïdes et les espaces sous-
endothéliaux. Dans les stades plus tardifs au-delà de 50 jours,
une collagénisation extensive des sinusoïdes et des veinules
apparaît.
3.7. L’évolution
Dans la majorité des cas les symptômes régressent en
deux à trois semaines sous traitement symptomatique.
Ailleurs, l’évolution peut se faire vers une défaillance multi-
viscérale. Les atteintes les plus fréquentes sont rénale (syn-
drome hépatorénal) et pulmonaire (maladie veino-oclusive
pulmonaire, pneumopathie interstitielle et hémorragie). Il
peut également survenir des hémorragies digestives et une
insuffisance cardiaque. Il n’existe pas de classification pro-
nostique réellement utile en pratique. Il est très difficile a
priori de prévoir l’évolution de la maladie. Toutefois, le taux
de bilirubine, l’importance de la prise de poids et le degré
d’inefficacité transfusionnelle en plaquettes semblent être les
principaux facteurs pronostiques. La mortalité globale varie
entre 20 et 50 % selon les séries et selon la gravité de la
maladie [5].
3.8. Le traitement prophylactique
Il n’y a pas d’attitude consensuelle concernant un traite-
ment prophylactique. La prévention du SOS passe par une
meilleure sélection des patients à risque et par l’évitement
des drogues réputées toxiques. L’héparine à dose isocoagu-
lante en IV continue permettrait de réduire l’incidence des
SOS non sévères. D’autres médicaments auraient un intérêt
potentiel tels que l’acide ursodésoxycholique per os et la
prostaglandine E1 en IV continue dont la toxicité (éruption
cutanée, douleur des extrémités, rétention hydrosodée et hy-
potension) est suffisamment importante pour ne pas être
recommandée de façon systématique.
3.9. Le traitement symptomatique
La prise en charge des symptômes de rétention hydroso-
dée et de l’ascite s’effectue par les diurétiques et le régime
désodé strict. Les ponctions d’ascite peuvent soulager le
patient notamment sur le plan ventilatoire souvent précaire.
Les défaillances viscérales associées peuvent nécessiter l’hé-
modialyse et la ventilation assistée [5].
3.10. Le traitement spécifique
Les traitements spécifiques sont à ce jour incomplètement
satisfaisants et se classent en deux catégories :
le traitement thrombolytique : l’association d’héparine à
dose isocoagulante et d’activateur tissulaire du plasmino-
gène permet la réduction de moitié du taux de bilirubiné-
mie en dix jours dans 30 % des cas mais avec un risque
hémorragique non négligeable [23] ;
le défibrotide est un polydésoxyribonucléotide simple
brin avec des propriétés anti-ischémique, antithromboti-
que et thrombolytique. Une résolution complète des
symptômes a été observée dans 30–60 % des SOS modé-
rés ou sévères avec une toxicité jugée acceptable [24].
La prise en charge de SOS gravissimes varie selon les
auteurs entre des mesures purement palliatives jusqu’à la
greffe hépatique. Un shunt portosystémique transjugu-
laire intrahépatique a également été proposé dans des
rares cas.
4. Toxicité hépatique iatrogène
Une perturbation du bilan hépatique peut être due à une
hépatotoxicité directe de certains traitements utilisés dans le
contexte de la greffe de CSH. Les médicaments incriminés
sont principalement :
le méthotrexate qui peut être responsable d’un élévation
transitoire des transaminases ;
certains immunosuppresseurs en situation de surdosage
(tacrolimus, ciclosporine) qui peuvent entraîner des pa-
thologies biliaires et pancréatiques ;
les corticoïdes qui sont responsables de stéatose hépati-
que,
les sulfamides qui sont associés à des hépatites cholésta-
tiques ;
les traitements anti-infectieux ;
la nutrition parentérale ;
les facteurs de croissance.
Cependant ces toxicités restent rares et ne dispensent pas
de la recherche d’autres causes. L’alimentation parentérale
est classiquement impliquée dans une élévation modérée de
la bilirubine et des transaminases. Elle entraîne par ailleurs
des lésions de stéatose et de choléstase et peut être responsa-
ble d’un sludge ou de lithiase vésiculaire. L’arrêt de l’ali-
mentation, la diminution de l’apport lipidique ou le rempla-
cement par une alimentation entérale s’avèrent parfois
nécessaires.
5. Infections bactériennes
La choléstase liée à un sepsis n’est pas rare dans les
semaines suivant la greffe. Ce trouble correspond à la consé-
402 R. Guièze et al. / Réanimation 13 (2004) 399–406
quence hépatique, d’endotoxines bactériennes, directement
ou via des cytokines [25]. Le diagnostic doit être évoqué en
cas d’élévation modérée de la bilirubine chez un patient
fébrile. Les lésions histologiques sont habituellement mini-
mes mais dans les cas de sepsis prolongés on retrouve une
dilatation et une stase des canalicules biliaires. Cette entité
est souvent concomitante d’une maladie de greffon contre
l’hôte. Un traitement antibiotique adapté permet souvent
l’amélioration de la choléstase liée au sepsis.
6. Infections virales
6.1. Herpes simplex virus (HSV)
L’incidence des hépatites à HSV est faible en raison d’une
prophylaxie primaire par acyclovir chez les patients greffés;
cependant des cas d’hépatites fulminantes à HSV2 sont dé-
crits même sous prophylaxie [26]. L’hépatite à HSV se
manifeste par un syndrome fébrile et des douleurs abdomi-
nales associées à des lésions herpétiques cutanéomuqueuses
qui peuvent cependant manquer [27]. L’élévation rapide des
transaminases s’associe progressivement à un ictère et à des
troubles de la coagulation. L’imagerie hépatique montre des
abcès non spécifiques et la biopsie hépatique retrouve des
foyers de nécrose parenchymateuse entourés d’hépatocytes
contenant des inclusions nucléaires légèrement basophiles.
Le diagnostic de certitude fera appel à l’immunohistochimie
et l’étude par hybridation in situ (FISH) [28]. Un traitement
rapide par acyclovir à fortes doses doit être entrepris avant
d’avoir le résultat de la biopsie. En l’absence de traitement
l’évolution est fatale.
6.2. Virus du zona et de la varicelle (VZV)
Les infections à VZV sont fréquentes et peuvent survenir
dans les 18 mois suivant la greffe notamment en cas de
prolongation du traitement immunosuppresseur en raison
d’une maladie du greffon contre l’hôte chronique. L’atteinte
peut correspondre à une hépatite sévère isolée ou associée à
une extension polyviscérale [29,30]. La biopsie hépatique
révèle une nécrose hépatocellulaire avec des cellules géantes
multinucléées comportant des inclusions nucléaires ; l’im-
munohistochimie et le FISH confirment le diagnostic. La
recherche du génome viral par PCR (polymerase chain reac-
tion) sur sang ou sur biopsie hépatique permet un diagnostic
rapide. Le traitement par acyclovir à fortes doses jusqu’à
résolution clinique doit débuter rapidement avant même la
confirmation diagnostique.
6.3. Cytomégalovirus (CMV)
L’hépatite à CMV n’est pratiquement jamais isolée et
s’inscrit dans le contexte d’une infection disséminée. Le
tableau clinicobiologique est peu informatif. Par ailleurs, une
entérite à CMV peut se compliquer d’une obstruction biliaire
au niveau de l’ampoule de Vater. En général, l’antigénémie
CMV est positive. La PCR sur matériel biopsique est peu
contributive en raison de la dissémination de l’infection.
Seule la biopsie hépatique avec FISH peut confirmer le
diagnostic. La prise en charge thérapeutique étant celle de
l’infection disséminée, par gancyclovir. En cas de résistance,
le foscarnet est indiqué.
6.4. Human herpes virus HHV6 ou HHV8
La réactivation virale dans les six semaines après la greffe
entraîne un tableau associant fièvre, rash, hépatite voire
même encéphalite ou pneumopathie [31,32]. La prophylaxie
par acyclovir est inefficace. Le gancyclovir et le foscarnet ont
été utilisés avec succès dans quelques cas.
6.5. Adénovirus
Les infections à adénovirus sont particulièrement graves
et sont responsables de pneumopathie interstitielle, d’entéro-
colite hémorragique, de myocardite, de cystite hémorragi-
que, d’atteintes rénales, de méningoencéphalites et d’hépa-
tite fulminante. La nécrose hépatocellulaire entraîne une
augmentation rapide des transaminases suivie par des trou-
bles de la coagulation et une encéphalopathie. L’évolution
peut être rapidement fatale. La biopsie hépatique réalisée de
façon précoce et lue par un anatomopathologiste averti, de-
vrait permettre un diagnostic de certitude. L’immunohisto-
chimie et la culture virale sont essentielles pour l’identifica-
tion du virus. En l’absence de biopsie, la recherche du virus
doit être pratiquée sur plusieurs sites avant de confirmer le
diagnostic : PCR sur prélèvement de sang total, culture et
examen direct sur prélèvement de gorge, selles et urines. La
prise en charge thérapeutique nécessite le recours au cidofo-
vir, dont la toxicité rénale peut être réduite par le probénécid.
La ribavirine peut également être utilisée mais d’efficacité
moindre notamment en cas d’insuffisance hépatocellulaire.
6.6. Virus de l’hépatite B
L’hépatite B peut survenir soit par réactivation d’une
infection latente ou active avant greffe soit par infection de
novo acquise en postgreffe ou transmise par le donneur. La
pratique de sérologies systématiques avant la greffe chez le
donneur et chez le receveur, la surveillance étroite des sujets
à risque voire l’instauration d’un traitement prophylactique
par lamivudine [33], rendent exceptionnelle la survenue
d’une hépatite B non anticipée. En période postgreffe immé-
diate, chez les patients très immunodéprimés la réplication
virale peut être très importante sans cytolyse majeure réali-
sant un tableau de grande réplication virale intracellulaire
dite hépatite choléstatique fibrosante, responsable de graves
dysfonctions hépatiques. Une exacerbation de la cytolyse est
observée lors de la reconstitution immune et la diminution
des immunosuppresseurs. La réalisation d’une biopsie hépa-
tique est alors quasi-obligatoire.
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