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Hémodynamie et insuffisance cardiaque—
Cas clinique d’insuffisance cardiaque —
Un patient attrapé juste à temps.
Monsieur JR est un homme de 72 ans qui s’est
présenté à notre hôpital le jour de Noël 2011 pour un
tableau de dyspnée évoluant sur 3 semaines avec dyspnée
de repos dans les dernières 24 heures. Le patient est
habituellement en bonne condition physique et s’entraî-
nait en salle 5 fois par semaine avec jogging et vélo, mais il
avait dû récemment abandonner toutes activités physiques
en raison de la dyspnée. Il est connu hypertendu de longue
date et dyslipidémique. Sa médication à l’arrivée était :
trandolapril 2mg et atorvastatin 20 mg. Le patient avait
également pris plus de 10 kg dans le dernier mois,
ressentait un inconfort abdominal et ses jambes étaient
très œdématiées. Il n’avait jamais eu de douleur
thoracique ni épisode de syncope.
L’examen physique nous montrait une TA 106/78 mm
Hg, une FC régulière à 72 BPM et une saturation à l’air
libre à 92%. On notait une distension importante des
veines jugulaires, un souffle éjectionnel peu
impressionnant de II/VI au foyer aortique avec un pic en
mid-systole mais avec tout de même une absence de B2A.
Le patient avait aussi des râles crépitants diffus aux 2 pla-
ges pulmonaires et un œdème à godet majeur jusqu’aux
deux genoux.
Des diurétiques IV ont été débutés avec une
amélioration clinique rapide dans les jours qui ont suivi.
Une échocardiographie faite le lendemain de l’admission
montrait un VG légèrement dilaté à 58 mm, une FeVG à
27% par Simpson, une dilatation et une dysfonction VD
modérées et une sténose aortique sévère avec une surface
valvulaire aortique calculée à 0,5 cm2 pour des gradients
transaortiques très élevés à 91 (max) et 58(moyen) mm
Hg. Il n’y avait pas d’insuffisance mitrale significative ni
hypertension pulmonaire. Le patient a d’abord été
stabilisé au niveau médical avec traitement de la surchar-
ge. La coronarographie n’a pas montré de lésion
coronarienne significative et le patient a pu subir 12 jours
plus tard un remplacement valvulaire aortique avec bio
prothèse Magna no 23 sans complication majeure outre
de la fibrillation auriculaire postopératoire.
L’échocardiographie faite 4 jours postopératoire a
montré une diminution de la taille du VG à 52 mm avec
une FeVG à 43% et une bonne fonction de la prothèse
aortique (AVA 1,4 cm2 et gradients 30/18 mm Hg). Il y a
eu ensuite majoration du trandolapril et ajout de bêtablo-
queur. Un an plus tard, le patient a repris l’entraînement
comme avant, il est asymptomatique sur le plan cardiaque
et sa FeVG en date du 21 février 2013 s’est normalisée à
57% avec un bon fonctionnement de la prothèse.
Les patients avec sténose aortique sévère vont
maintenir une fonction ventriculaire gauche normale
jusqu’à un stade avancé de la maladie. La particularité de
ce cas clinique réside dans le fait d’avoir un patient avec
une sténose aortique sévère et une dysfonction ventri-
culaire gauche secondaire mais avec des gradients trans-
aortiques encore très élevés. Ces gradients élevés malgré
un tableau de bas débit étaient le témoin probable de la
viabilité myocardique. La courte évolution des symptômes
et l’amélioration spectaculaire de la fonction ventriculaire
en post-opératoire nous font penser que la baisse de la
fonction systolique était assez récente. À plus ou moins
long terme, le patient aurait probablement développé une
sténose aortique sévère à bas débit et bas gradients avec le
risque de développer de la fibrose myocardique et une
irréversibilité des dommages ventriculaires.
La sténose aortique à bas débit et bas gradients
représente environ 10% des patients avec sténose aortique
sévère. Seulement 3% des patients avec sténose aortique
sévère et FeVG < 30% vont subir une chirurgie cardiaque.
C’est une entité peu fréquente mais avec haut taux de
complication et de mortalité si non traitée. En présence de
viabilité myocardique (souvent démontrée à l’échographie
à la dobutamine) et avec un risque opératoire acceptable,
les patients avec sténose aortique à bas débit et bas
gradients peuvent espérer une nette amélioration de leurs
symptômes et un meilleur pronostic. Il est opportun de
reconnaître cette entité car comme dans le cas présent, on
peut parfois espérer le retour à une fonction systolique
normale et un patient qui demeure en classe fonctionnelle
NYHA I/IV.
Kim O’Connor, MD, FRCPC
Cardiologue de l’IUCPQ
secteur échocardiographie—insuffisance cardiaque