sont faites quant à l’étiologie ou au degré
d’atteinte ventriculaire. Par contre, la gravité de
la maladie, exprimée par la classe fonctionnelle
NYHA et par la fraction d’éjection, influe sur le
traitement (les indications de la spironolac-
tone par exemple).
Les MNP constituent une des pierres angu-
laires du traitement de l’IC; l’impact sur la
symptomatologie, la tolérance à l’exercice, la
qualité de vie et même sur l’efficacité de la
thérapie médicamenteuse est bien décrit1-3. Le
tableau III présente les principales MNP.
Diurétiques
Les diurétiques permettent de soulager rapi-
dement les symptômes d’IC dus à la surcharge
hydrosodée (dyspnée, œdème, orthopnée,
dyspnée paroxystique nocturne [DPN]) en
rétablissant et en maintenant un état euvolé-
mique3. Ils représentent la classe pharmacolo-
gique la plus utilisée en IC, tout en étant la
moins étudiée8. Une récente méta-analyse a
confirmé leur action bénéfique sur la capacité
à l’effort, les hospitalisations pour IC et même
sur la mortalité, bien que le nombre de patients
étudiés soit très limité9. En raison de leur
puissance, les diurétiques de l’anse, tels que le
furosémide, sont généralement préférés aux
thiazides et épargnants potassiques2. Il est
fréquemment nécessaire de majorer la dose
initiale, sur une période de quelques jours à
quelques semaines, afin de rétablir un volume
circulant adéquat; la dose de maintien est
donc déterminée selon la réponse du patient.
Une dose adéquate de diurétique est la dose
minimale pour maintenir un patient euvolé-
mique1-3,10. Pour certains patients sélectionnés,
des doses prn peuvent être offertes pour
corriger une augmentation ponctuelle du
poids. Certains patients avec des signes ou
symptômes persistants de surcharge malgré
l’emploi optimal d’un diurétique de l’anse
peuvent nécessiter l’ajout d’un thiazide (hydro-
chlorothiazide ou métolazone à faible dose)
ou de spironolactone afin de potentialiser la
diurèse; les cas réfractaires peuvent recevoir
le furosémide intraveineux2,3.
Un suivi de la fonction rénale et des élec-
trolytes devrait être fait lors de l’introduc-
tion ou d’un changement significatif de la
dose d’un diurétique. La kaliémie devrait être
maintenue entre 4,0 et 5,02.
L’emploi régulier du métolazone est à éviter
en raison des possibles perturbations élec-
trolytiques et volémiques qu’il peut causer;
une prise une à trois fois par semaine est
généralement suffisante3.
Inhibiteurs de l’enzyme de conversion
de l’angiotensine (IECA) et
bêtabloqueurs
Les IECA et les bêtabloqueurs sont les agents
les plus étudiés dans le traitement de l’IC. Par
leur inhibition des systèmes RAA et adréner-
gique, respectivement, ils permettent une
amélioration de la qualité de vie et de la classe
NYHA, une réduction des hospitalisations et
une amélioration de la survie des patients
souffrant d’IC avec dysfonction systolique2,11. En
règle générale, un IECA et un bêtabloqueur
devraient être administrés à tout patient pré-
sentant une FE inférieure à 40 %, que cette
dysfonction soit symptomatique ou non1-3. Les
lignes directrices ne privilégient pas un IECA
aux dépens des autres, mais recommandent
plutôt l’emploi d’un agent ayant fait l’objet
d’études cliniques et suggèrent de viser les
doses cibles atteintes au cours de ces études2
(voir tableau IV pour une liste non exhaustive).
Quant aux bêtabloqueurs, trois ont été démon-
trés bénéfiques : carvédilol, métoprolol et
bisoprolol1,12,13. Ces agents sont sous-utilisés
en IC8; le pharmacien a donc avantage à
s’investir dans la thérapie de ses patients IC et
à s’assurer d’offrir un traitement optimal.
Le traitement est généralement débuté à
faible dose pour diminuer le risque d’hypo-
tension et augmenter la tolérabilité. La dose
est ensuite majorée à des intervalles de
deux-quatre semaines pour atteindre la
dose cible ou, sinon, la dose maximale
tolérée1-3. Les patients IC sont souvent hypo-
tendus, il est donc difficile d’atteindre les
doses cibles des études. Il est préférable de
privilégier une dose plus faible de deux
agents (BB et IECA) plutôt que la pleine
dose d’un seul agent.
Les IECA peuvent causer une élévation de
la créatinine et de la kaliémie. Il est suggéré
de mesurer la fonction rénale et les élec-
trolytes environ deux semaines après
l’introduction ou une augmentation de la
dose d’un IECA2. Une élévation de la créa-
tinine pouvant aller jusqu’à 30 % devrait
être tolérée et ne devrait pas mener à la
cessation de l’IECA2.
Une amélioration de la classe fonction-
nelle avec un traitement optimal à base
d’IECA et de bêtabloqueur peut prendre
des semaines, voire des mois, avant
d’être manifeste. Une détérioration en
début de traitement par un bêtabloqueur
peut également se produire. Les patients
doivent donc être conscients de ces
limites et avoir des attentes réalistes face
à leur traitement.
Dans certaines situations, il sera possible
de débuter un bêtabloqueur avant un IECA,
ou encore de majorer sa dose avant celle
de l’IECA2. Historiquement, comme les
études cliniques ont d’abord été effectuées
avec les IECA puis avec les bêtabloqueurs,
les lignes directrices préconisaient l’emploi
préférentiel de l’IECA. Par contre, des
données récentes ont montré que l’ini-
tiation d’un bêtabloqueur avant un IECA
entraînait des résultats cliniques simi-
laires. Certains patients avec fibrillation
auriculaire ou tachycardes bénéficient
d’une utilisation du bêtabloqueur initiale-
ment plus énergique que l’IECA2.
Antagonistes des récepteurs de
l’angiotensine II
Lors d’un traitement chronique par un IECA,
des voies accessoires de production d’angio-
tensine sont sollicitées et permettent une quasi-
normalisation des taux d’angiotensine. Trois
ARA ont donc été étudiés suivant l’hypothèse
qu’un blocage du site de liaison de l’angio-
tensine permettrait des bénéfices cliniques
supérieurs : le losartan, le valsartan et le
candésartan. Actuellement, les données laissent
croire qu’ils sont aussi efficaces que les IECA,
mais non supérieurs1,3. Puisque les IECA béné-
ficient de la documentation médicale à l’appui
et d’expérience clinique accumulée, ils sont
habituellement préférés aux ARA2,3. Néanmoins,
ceux-ci ont été démontrés efficaces en rem-
placement d’un IECA lorsque ce dernier est
contre-indiqué ou non toléré1-3. Ils peuvent
également être employés en association avec
un IECA lorsqu’un bêtabloqueur est contre-
indiqué ou non toléré1-3,8. Chez un patient qui
demeure symptomatique malgré un traitement
par un IECA et un bêtabloqueur, un ARA (le
candésartan est indiqué au Canada pour cette
utilisation) peut être ajouté1-3; par contre, la
spironolactone a également démontré des
bénéfices dans cette situation et est également
indiquée (voir plus loin). On peut alors choisir
entre l’ARA et la spironolactone dans ce cas
2cahier de FC de l’actualité pharmaceutique |novembre 2006 |www.monportailpharmacie.ca
Líactivation neurohormonale
contribue à l’évolution de l’ICC
Packer M. Prog Cardiovasc Dis 1998;41(Suppl 1):39-52.
Diminution du
débit cardiaque
↑
activité cardiaque
sympathique
↑
activité rénale et
vasculaire sympathique
Vasoconstriction et
rétention sodique
↑ influx sympathique du
système nerveux central
Récepteurs ß1 Récepteurs ß2 Récepteurs
χ
1
Hypertrophie et mort des myocytes,
dilatation ventriculaire (remodelage),
ischémie et arythmie
Figure 1
Tableau II
Classification fonctionnelle selon la New York Heart Association
Classe NYHA Définition
IAucun symptôme
II Symptômes présents à l’effort modéré (activités régulières)
III Symptômes présents lors d’efforts légers
IV Symptômes présents au repos ou lors d’effort minime
Adapté de référence 2.
Madame P.R.
Lors de la première visite au programme
d’IC, P.R. rencontre une infirmière. Celle-ci lui
offre un enseignement sur sa maladie et sur les
mesures non pharmacologiques (MNP) à
prendre pour la maîtriser. Elle lui explique quels
symptômes devraient l’amener à consulter
son médecin ou à communiquer avec le
programme (gain de poids rapide, œdème
des membres inférieurs, aggravation de la
dyspnée, orthopnée, dyspnée paroxystique
nocturne, etc.). L’infirmière, constatant que
l’apport hydrosodée de P.R. est inadéquat, lui
demande de rencontrer la nutritionniste du
programme d’IC.
Tableau III
Mesures non pharmacologiques (MNP) en IC
MNP Commentaires
•Exercice physique •Pour tous les patients stables et euvolémiques,
afin d’éviter le déconditionnement musculaire et
d’améliorer la capacité physique globale
•Effets bénéfiques démontrés pour améliorer les
symptômes, la classe fonctionnelle NYHA et la qualité
de vie
•Intensité selon tolérance
•Restriction hydrosodée •Sel : habituellement 2-3 g / jour
individualisée •Liquide (sous toutes ses formes) : 1,5 à 2 L / jour,
moindre chez les patients avec état volémique
difficilement contrôlable
•Gestion du poids •Pesée quotidienne pour patients sous diurétiques
•Idéalement : pesée dès le lever, avant la toilette
et le déjeuner
•Arrêt du tabac / limiter •Arrêt complet de l’alcool si une cardiomyopathie
la consommation d’alcool
induite par l’alcool est suspectée
•Maîtrise de la •Primordial si dysfonction diastolique associée à une
tension artérielle hypertrophie ventriculaire gauche
Adapté de 1,2,3,7.
Madame P.R.
À sa première visite au programme d’IC, vous
révisez la médication prise par P.R. Vous dis-
cutez avec le cardiologue et convenez
d’introduire le plus rapidement possible un
bêtabloqueur, compte tenu des bénéfices
observés avec cette classe dans le traitement
de l’IC.
Madame P.R.
Le carvédilol est prescrit à raison de 3,125 mg
bid. Vous rencontrerez par la suite P.R. à des
intervalles de deux semaines pour tenter de
majorer les doses de carvédilol jusqu’à la dose
cible. Après quelques semaines, alors que le
carvédilol est à 12,5 mg bid, P.R. vous appelle,
inquiète. Elle mesure sa pression artérielle à
tous les jours et elle a remarqué que sa
fréquence cardiaque, qui se situait autour de
80 battements par minute, est maintenant en
moyenne à 60 par minute. Vous la rassurez en
lui disant que le carvédilol cause ce ralentis-
sement, qui est en soit souhaitable puisqu’il
permet une réduction de la charge de travail
cardiaque. Elle accepte d’augmenter le
carvédilol à 18,75 mg bid; quelques jours plus
tard, elle recommunique avec vous et vous
explique qu’elle se trouve plus ralentie et que
sa FC est aujourd’hui à 56 battements par
minute. D’un commun accord, vous décidez de
maintenir la dose de carvédilol à 18,75 mg bid
sans tenter d’augmenter davantage. Vous
laissez une note au dossier pour le cardio-
logue, l’avisant de cet état de P.R. et de la
fin du titrage du carvédilol; par le fait même,
une réévaluation de la digoxine pourrait
être effectuée compte tenu de cette brady-
cardie symptomatique.