Cardiopathies et grossesse 219
percutanée trouve toute sa place en cas de décompensation
en cours de grossesse et échec du traitement médical dans
des centres experts. Elle s’accompagne néanmoins d’un
risque, faible, de tamponnade et d’accidents emboliques
systémiques [21].
Rétrécissement aortique
La première cause chez la femme jeune est la bicuspi-
die aortique. Les autres causes d’obstruction à l’éjection
du ventricule gauche telle que la cardiopathie hypertro-
phique asymétrique ont le même pronostic au cours de la
grossesse. La difficulté repose sur l’absence de possibilité
d’augmentation du débit cardiaque à l’effort, notamment
au cours du travail, et l’augmentation de la consomma-
tion d’oxygène du myocarde hypertrophié. La présence
d’un gradient intraventriculaire moyen inférieur à 50 mmHg
expose peu au risque de complication mais une obstruction
sévère expose au risque de décompensation cardiaque et
d’ischémie myocardique dans 10 à 70 % des cas [4].
Insuffisance mitrale et aortique
Elles sont généralement bien tolérées du fait des modifica-
tions physiologiques de la grossesse avec augmentation de
la précharge et diminution de la postcharg, et n’ont pas de
morbimortalité associée.
Cardiopathies ischémiques
Il s’agit de cardiopathies dont l’incidence augmente avec
l’accroissement de l’âge maternel, l’intoxication tabagique,
l’HTA et les grossesses multiples. L’augmentation du travail
myocardique, la diminution du contenu artériel en oxygène
secondaire à l’hémodilution et l’état d’hypercoagulabilité
de la fin de grossesse augmentent le risque ischémique
d’un facteur 6 par rapport à des femmes de même âge
non enceintes [22]. Les modifications physiologiques de
l’électrocardiogramme au cours de la grossesse, princi-
palement en rapport avec la tachycardie sinusale mais
également avec des modifications de l’axe, majoritairement
à gauche, et des troubles de la repolarisation des ondes T
et du segment ST dans les dérivations précordiales peuvent
rendre difficile le diagnostic.
L’incidence de l’infarctus du myocarde a été évaluée à
un cas pour 35 700 naissances, avec une mortalité de 7 %
pendant la grossesse et jusqu’à 50 % en cas d’accouchement
dans les 15 jours suivant l’épisode ischémique [23].La
morbimortalité fœtale est également augmentée avec une
incidence accrue de mort fœtale et prématurité. En plus
des facteurs de risque cardiovasculaires classiques, l’âge
maternel élevé, la multiparité et la prééclampsie sont
des facteurs de risque indépendants d’ischémie aiguë au
cours de la grossesse. La coronarographie met en évi-
dence une maladie athéromateuse dans seulement 43 %
des cas, alors qu’elle montre un réseau coronaire sain,
avec ou sans thrombus dans 50 % des cas [24]. Un spasme
coronaire en rapport avec l’utilisation de prostaglandines
pour le déclenchement du travail ou la rétraction utérine
pourrait être à l’origine de ces épisodes ischémiques à coro-
naires saines. Ainsi, les hémorragies graves du postpartum
(HPP) sont fréquemment responsables d’ischémie myocar-
dique. En effet, dans une série reprenant une cinquantaine
d’hémorragies graves transférées pour embolisation, des
auteurs ont rapporté des élévations de troponine IC, par-
fois marquées, chez 50 % des patientes, dont 30 % seulement
avec des signes électriques [25]. De manière intéres-
sante, les facteurs de risque de présenter ces stigmates
de souffrance myocardique étaient, en analyse multiva-
riée, la tachycardie, l’hypotension artérielle et l’anémie
sévère. En revanche, l’utilisation du Nalador®(sulpros-
tone, prostaglandine recommandée en France) n’était pas
impliquée dans cet événement de manière statistiquement
significatif.
Le pronostic fœtal étant étroitement lié au pronostic
maternel, aucune thérapeutique n’est contre-indiquée et la
prise en charge de l’ischémie myocardique ne présente pas
de spécificité au cours de la grossesse. La thrombolyse a été
utilisée avec succès malgré la description de décollements
placentaires et d’hémorragies intraventriculaire fœtales. Le
risque d’irradiation n’est pas suffisamment significatif pour
récuser une coronarographie si elle est jugée nécessaire,
en plac¸ant l’utérus sous une protection plombée tout au
long de l’examen. Dans le cas d’un infarctus du myocarde
péripartum, l’angioplastie percutanée est donc la méthode
thérapeutique de choix.
Cardiopathies rythmiques
La présence d’épisodes arythmiques au cours de la grossesse
est fréquente, sans lien avec une pathologie cardiaque sous
jacente. L’électrocardiogramme au cours du travail met en
évidence des anomalies dans la quasi-totalité des cas, asso-
ciant extrasystoles auriculaires ou ventriculaires isolées,
pauses ou tachycardie sinusale et épisodes de tachycardie
ventriculaire paroxystique. Dans la grande majorité des cas,
ces anomalies sont asymptomatiques et ne font pas l’objet
d’une prise en charge particulière. L’apparition de signes de
mauvaise tolérance peut conduire à l’introduction d’un trai-
tement médicamenteux par bêtabloqueurs ou anticalciques,
après avoir éliminé les facteurs favorisants tels que caféine
ou intoxication alcoolique et tabagique [26]. L’apparition de
troubles du rythme plus sévères type fibrillation ou flutter
auriculaire, troubles de conduction, tachycardie ventricu-
laire soutenue ou fibrillation ventriculaire est généralement
associée à une pathologie cardiaque prééxistante. La prise
en charge dépend essentiellement de la tolérance cli-
nique maternelle et fœtale. Les données concernant les
anti-arythmiques au cours de la grossesse sont limitées
mais l’utilisation des bêtabloqueurs, des anticalciques, des
digitaliques, de la quinidine ou de la xylocaïne est pos-
sible [27]. La surveillance néonatale d’éventuels épisodes
d’hypoglycémie ou de bradycardie est nécessaire avec les
bêtabloquants. Le choc électrique, externe ou l’adénosine,
n’est pas contre-indiqué mais doit être administré sous sur-
veillance du rythme cardiaque fœtal devant la possibilité
de mauvaise tolérance avec indication à une extraction en
urgence. L’amiodarone est contre-indiquée car associée à la
survenue de dysthyroïdies fœtales, de retards de croissance
intra-utérin ou d’anomalies neurologiques [28]. Plusieurs cas
cliniques ont néanmoins rapporté son utilisation sans mor-
bidité fœtale grave dans le cadre de troubles du rythme
réfractaire mal tolérés.