Réanimation (2009) 18, 215—222
MISE AU POINT
Cardiopathies et grossesse
Cardiac diseases and pregnancy
J. Faivre, N. Verroust, S. Ghiglione, A. Mignon
Département d’anesthésie—réanimation, hôpital Cochin, AP—HP, université René-Descartes-Paris-5,
25—27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75014 Paris, France
Disponible sur Internet le 27 f´
evrier 2009
MOTS CLÉS
Cardiopathies ;
Grossesse ;
Cardiopathie
congénitale ;
Cardiopathies
ischémiques ;
Cardiomyopathie ;
Complication de la
grossesse ;
Épidémiologie ;
Diagnostic ;
Traitements
Résumé L’incidence des cardiopathies au cours de la grossesse est stable. La morbimortalité
semble en diminution tout en restant préoccupante, ainsi que l’indique les deux derniers rap-
ports triennaux anglais sur la mortalité maternelle. La prise en charge des cardiopathies au
cours de la grossesse pose deux problèmes différents : l’évaluation et le suivi de cardiopathies
préexistantes à la grossesse qui peuvent être décompensées par les modifications physiologiques
induites par cette dernière et le péripartum ; le diagnostic et le traitement de cardiopathies
apparues de novo, avec en première ligne les cardiopathies ischémiques, les dissections aor-
tiques, la cardiomyopathie du péripartum (CMPP) et la dysfonction cardiaque de l’embolie
amniotique. La principale étiologie de défaillance cardiaque aiguë au cours de la grossesse
reste la décompensation d’une cardiopathie chronique. Ce sont les cardiopathies congénitales
qui en constituent les premières étiologies avec la quasi-disparition (sauf chez les migrants)
des cardiopathies rhumatismales. La grossesse de ces patientes doit idéalement être planifiée
afin d’optimiser le statut fonctionnel avant la conception. La prise en charge des décompen-
sations cardiaques aiguës doit être multidisciplinaire pour permettre le meilleur compromis
entre l’état maternel et le pronostic fœtal. Elle peut mettre en jeu, dans les formes les plus
graves, les techniques interventionnelles (valvuloplasties), d’assistance circulatoire, voire de
transplantation.
© 2009 Société de réanimation de langue franc¸aise. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits
réservés.
KEYWORDS
Heart disease;
Pregnancy;
Diagnosis;
Outcome;
Pregnancy
complications;
Pregnancy therapy
Summary Despite improvement, pregnancy in women with heart disease is still associated
with significant maternal and foetal morbidity and mortality. The last two confidential enqui-
ries into maternal death in the UK indicate that heart disease is the joint most common
cause of maternal death in this country. Management of heart disease during pregnancy raises
two different problems: full cardiac assessment and follow-up by experienced teams of car-
diac disease, nowadays mostly congenital, diagnosed before pregnancy, which may deteriorate
with pregnancy and labour-induced physiological changes; diagnosis and treatment of de novo
cardiac disease occurring during pregnancy and puerperium, among which ischemic disease,
aortic dissection, peripartum cardiomyopathy (PPCM) and amniotic fluid embolism-induced
ventricular dysfunction incidences appear to increase. We discuss in this review pregnancy and
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (A. Mignon).
1624-0693/$ – see front matter © 2009 Société de réanimation de langue franc¸aise. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.reaurg.2009.02.002
216 J. Faivre et al.
labour-induced hemodynamic changes, diagnosis and assessment of cardiac condition and
management of acute cardiovascular disease in pregnant woman, which is necessarily mul-
tidisciplinary and integrates both maternal and foetal conditions.
© 2009 Société de réanimation de langue franc¸aise. Published by Elsevier Masson SAS. All rights
reserved.
Introduction
L’incidence des cardiopathies aiguës au cours de la grossesse
est stable entre 1 et 2 % depuis les années 1930, avec des
estimations plus récentes entre 0,1 et 1,4 % [1]. La morbi-
dité maternelle associant insuffisance cardiaque congestive,
arythmie et accidents vasculaires est estimée entre 8 et
30 % [2]. Elle varie selon le stade d’évolution et la car-
diopathie en cause, avec une morbidité inférieure pour les
patientes peu symptomatiques (NYHA I). Une classification
du risque selon la cardiopathie initiale proposée par Siu
et al. est reproduite dans le Tableau 1 [3]. La morbidité
fœtale avec augmentation de la prématurité et du retard
de croissance intra-utérin est évaluée à 20 % des grossesses
[2].
La mortalité au cours des grossesses à risque est en
diminution, estimée actuellement entre 0,5 et 2,7 % contre
6 % en 1930 [2,4]. Les causes cardiovasculaires représentent
néanmoins la première cause non obstétricale (indirecte) de
mortalité maternelle en France (15 % des décès). Les deux
derniers rapports triennaux anglais sur la mortalité mater-
nelle indiquent que les maladies cardiovasculaires consti-
tuent, avec le suicide, la première cause de mort maternelle
(Fig. 1), avec une incidence accrue de cardiopathies isché-
miques, de dissection aortique, de cardiomyopathies
Tableau 1 Évaluation du risque de décompensation car-
diaque selon la cardiopathie initiale d’après Siu et al. [43].
Risque faible Shunts gauche/droit à faible débit
Antécédents de chirurgie sans
dysfonction cardiaque séquellaire
Prolapsus mitral sans insuffisance
significative
Bicuspidie aortique sans sténose
Régurgitation valvulaire avec fonction
ventriculaire normale
Risque moyen Shunts gauche/droit à large débit
Cardiopathie cyanogène avec
persistance de la cyanose
Coarctation de l’aorte
Sténose mitrale ou aortique
Dysfonction ventriculaire gauche
modérée
Antécédent de CMPP avec
récupération complète de la fonction
ventriculaire
Risque élevé Dyspnée NYHA classe III et IV
Hypertension artérielle pulmonaire
Maladie de Marfan avec dilatation de
l’anneau aortique
Antécédent de CMPP avec persistance
d’une dysfonction ventriculaire
ou myocardites et d’hypertension artérielle pulmonaire
[5].
Les principales situations observées sont la décom-
pensation d’une cardiopathie préexistante, principalement
congénitale dans les pays développés du fait d’une meilleure
prise en charge cardiologique médicale et chirurgicale
autorisant les femmes à procréer mais aussi valvulaire,
ischémique ou rythmique et enfin des pathologies plus spéci-
fiques, telles que la cardiomyopathie du péripartum (CMPP)
ou l’embolie amniotique.
La prise en charge de ces patientes repose sur
une bonne connaissance des modifications physiolo-
giques induites par la grossesse, ainsi que sur une
approche multidisciplinaire la plus précoce possible asso-
ciant le cardiologue, l’anesthésiste, le réanimateur et le
gynécologue—obstétricien. Bien que les situations les plus
complexes ne soient documentées que par des cas ou des
séries analysées de fac¸on rétrospective ou observationnelle,
la Société Européenne de cardiologie a récemment émis des
recommandations afin de guider leur prise en charge [6].
Nous insisterons dans cette mise au point sur :
les cardiopathies ischémiques ;
les dissections aortiques ;
la CMPP ;
les manifestations cardiaques de l’embolie amniotique ;
la réanimation de l’arrêt cardiaque chez la femme
enceinte.
Modifications physiologiques induites par la
grossesse
La demande métabolique placentaire et fœtale entraîne une
augmentation du débit cardiaque maternel comprise entre
30 et 50 % [7]. Cette adaptation débute dès la cinquième
semaine d’aménorrhée (SA) et résulte d’une augmenta-
tion du volume d’éjection systolique et d’une tachycardie.
L’augmentation du volume d’éjection est secondaire à
l’augmentation du volume plasmatique jusqu’à 45 % et du
nombre de globules rouges de 20 à 30 %, maximale dès
la 32eSA. L’hémodilution qui en résulte est à l’origine de
l’anémie physiologique de la grossesse. La fréquence car-
diaque augmente progressivement pour devenir maximale
dès la 32eSA également, autour de 15 à 20 b/min supé-
rieure à la fréquence basale, puis reste stable jusqu’à
l’accouchement. L’augmentation du travail myocardique est
compensée par une diminution des résistances vasculaires
systémiques de l’ordre de 20 %, maximale entre 18 et 26 SA,
secondaire à la production de médiateurs (progestérone,
prostaglandines, NO) et au développement d’une circulation
placentaire à bas niveau de résistance.
L’augmentation de volume de l’utérus gravide induit
une compression de la veine cave inférieure et de l’aorte
Cardiopathies et grossesse 217
Figure 1 Mortalité maternelle d’origine cardiovasculaire dans l’enquête triennale 1997—1999 conduite au Royaume-Uni (409 décès
maternels, dont 41 de cause cardiaque).
abdominale maximale en décubitus dorsal, qui peut entraî-
ner une diminution importante du débit cardiaque de 25 à
30 % par le biais d’une diminution de la précharge, qui doit
être prise en compte en cas de décompensation aiguë [8].
Ce syndrome de compression cave est symptomatique chez
environ 10 % des patientes à terme mais peut avoir une
traduction hémodynamique infraclinique dès le début du
deuxième trimestre. Il peut être prévenu par le positionne-
ment en décubitus latéral gauche modéré ou droit complet
ou par le déplacement manuel de l’utérus, par exemple
au cours de la réanimation d’un arrêt cardiaque chez une
femme enceinte, on y reviendra.
Ces modifications physiologiques lentes au cours de la
grossesse permettent une adaptation cardiaque progres-
sive mais accentuées de manière aiguë par l’épreuve du
travail. En effet, la stimulation sympathique brutale secon-
daire aux contractions utérines douloureuses induit une
tachycardie qui majore encore le débit cardiaque de 12 à
50 % et la consommation myocardique en oxygène. De
plus, les modifications de précharge et de postcharge sont
importantes au cours des efforts de poussées avec des varia-
tions importantes des pressions intrathoraciques similaires
à une manœuvre de Valsalva et la remise en circulation à
chaque contraction utérine puis lors de la rétraction uté-
rine après l’accouchement de 300 à 500 mL de sang contenu
dans l’utérus. L’ensemble des modifications physiologiques
décrites ci-dessus régresse dans les 6 à 12 semaines sui-
vant l’accouchement. L’augmentation de la consommation
myocardique en oxygène et les modifications rapides des
conditions de charge sont en faveur d’une limitation des
efforts expulsifs et de la durée de la seconde phase du tra-
vail pour les patientes aux capacités cardiaques limitées. Il
est aussi important de noter que les modifications décrites
ci-dessus sont majorées par la grossesse multiple.
Une grossesse normale peut être associée à des modi-
fications des examens cliniques et paracliniques. Ainsi, un
souffle systolique éjectionnel est d’une grande banalité, à
la différence d’un souffle ou d’un roulement diastolique qui
doit être exploré. L’électrocardiogramme peut également
être modifié : changements d’axe du QRS, onde Q en DIII,
élévation de l’onde R en V1V2, fréquence accrue des extra-
systoles auriculaires et ventriculaires. Des sous-décalages
du segment ST, mimant une ischémie sous-endocardique
sans trouble de cinétique en échographie, ont été rap-
portés au cours de césarienne. La radiographie de thorax
retrouve une cardiomégalie et un applatissement des cou-
poles diaphragmatiques. En échocardiographie, on observe
un élargissement physiologique de l’ordre de 20 % pour
les cavités droites et6à12gauche, persistant par-
fois plusieurs mois après l’accouchement. La dilatation des
anneaux mitraux, tricuspides et pulmonaires est responsable
de fuites valvulaires modérées. Un épanchement péricar-
dique de faible abondance est courant en fin de grossesse.
Étiologies et grands principes de prise en
charge
L’amélioration de la prise en charge des cardiopathies
congénitales a permis à un plus grand nombre de femmes
de parvenir à la procréation, au point que ces cardiopathies
sont désormais les plus fréquentes (50 à 80 %) auxquelles
soient confrontées les équipes obstétricales [9]. Si elle reste
prédominante dans de nombreux pays en voie de dévelop-
pement, la part des pathologies rhumatismales a beaucoup
diminué dans les pays développés, sauf pour les migrants.
Cardiopathies congénitales
La mortalité secondaire à ces cardiopathies est rare,
à l’exception des patientes présentant un syndrome
d’Eisenmenger ou une hypertension artérielle pulmonaire.
218 J. Faivre et al.
Un travail multicentrique canadien a analysé de fac¸on
prospective près de 600 grossesses chez 562 patientes por-
teuses de cardiopathies congénitales (74 %), acquises (22 %)
ou arythmiques (4 %). Dans cette série, la classe fonction-
nelle NYHA, l’existence d’une cyanose, d’une pathologie
obstructive cardiaque gauche, d’une défaillance de la
fonction systolique du ventricule gauche ou un antécédent
d’événement cardiovasculaire, notamment d’arythmie,
étaient prédictifs de complication cardiovasculaire
maternelle, survenant dans 13 % des cas [2].
Shunts gauche/droit
Ils sont généralement bien tolérés pendant la grossesse
et le travail du fait de la diminution physiologique de la
postcharge, qu’ils soient en rapport avec une atteinte du
septum auriculaire, ventriculaire ou la persistance du canal
artériel. La morbidité maternelle associe arythmie, hyper-
tension artérielle pulmonaire et dysfonction ventriculaire
droite, notamment dans le cas de shunts larges ou associés
à une hypertension artérielle pulmonaire préexistante. Le
risque d’accident embolique paradoxal reste possible avec
la diminution des résistances vasculaires systémiques et
la progression de l’hypertension artérielle pulmonaire qui
peut conduire à l’inversion du shunt.
Cardiopathies cyanogènes
Elles comportent principalement la tétralogie de Fallot, la
transposition des gros vaisseaux, l’atrésie tricuspide et le
ventricule unique. La majorité de ces pathologies nécessi-
tant une réparation chirurgicale dans l’enfance, la mortalité
n’est pas augmentée en cas de fonction ventriculaire nor-
male et d’absence de cyanose après correction. En cas de
persistance de la cyanose, la morbidité maternofœtale est
importante avec une morbidité maternelle de 30 % associant
décompensation cardiaque, accident vasculaire cérébral,
embolie pulmonaire et troubles du rythme et seulement 43 %
de naissances vivantes [10].
Coarctation de l’aorte
Elle est associée à une faible mortalité mais à une augmen-
tation de l’hypertension artérielle au cours de la grossesse
chez les patientes présentant un gradient supérieur à
20 mmHg, augmentant le risque de survenue d’une dis-
section aortique [11]. Le contrôle de cette hypertension
artérielle est donc primordial mais difficile du fait de la
nécessité de maintenir une pression de perfusion au-delà de
la coarctation, notamment au niveau des artères utérines
pour permettre le développement fœtal.
Maladie de Marfan, syndrome d’Ehlers-Danlos, syndrome
de Turner
La principale complication de la maladie de Marfan et des
syndromes d’Ehlers-Danlos est la dissection de l’aorte et
l’insuffisance aortique aiguë. La mortalité maternelle est
dans les dernières séries estimée à 1 %, avec une mortalité
fœtale de 22 % [12]. Les facteurs de risque de dissec-
tion sont la présence d’une valve aortique bicuspide et un
diamètre aortique supérieur à 4,5 cm [13]. Elle est à rapro-
cher des complications observées au cours des grossesses
obtenues après don d’ovocyte pour cause de stérilité chez
les patientes souffrant d’un syndrome de Turner [14,15].
Par ailleurs, l’augmentation du débit cardiaque et la fra-
gilisation du tissu vasculaire induit par la progestérone
augmentent le risque de dissection au cours de la grossesse.
Ces patientes doivent donc bénéficier d’une surveillance
mensuelle échographique à la recherche d’une dilatation
de l’anneau aortique, ainsi que d’un traitement antihyper-
tenseur par bêtabloquants. En cas de dilatation rapide de
l’aorte initiale, une césarienne doit alors être pratiquée sans
tarder.
Hypertension artérielle pulmonaire
Associée à une malformation cardiaque dans le cadre du
syndrome d’Eisenmenger ou isolée, l’hypertension artérielle
pulmonaire a un très mauvais pronostic au cours de la gros-
sesse, les modifications physiologiques conduisant à une
augmentation importante du travail d’un ventricule droit
hypertrophié sur une postcharge augmentée. Les différentes
séries retrouvent une mortalité maternelle entre 30 et 40 %
et une mortalité néonatale entre 10 et 15 %. La prise en
charge consiste en l’administration d’une oxygénothérapie,
de vasodilatateurs pulmonaires type NO [16] et d’inotropes
et d’un accouchement dans un environnement et avec des
équipes habituées à ce type de pathologie [16,17].
Cardiopathies valvulaires
Les cardiopathies valvulaires sont dans l’ensemble bien tolé-
rées, notamment pour les valvulopathies fuyantes, avec
une mortalité maternelle faible. Néanmoins, la morbi-
dité maternofœtale est importante avec progression d’une
classe NYHA chez 62 % des patientes, un épisode de
décompensation cardiaque chez 28 % des patientes et une
morbidité fœtale pour 23 % des grossesses, toutes valvulo-
pathies confondues [18]. Dans nos pays, les cardiopathies
valvulaires ne concernent pratiquement que des individus
migrants, ce qui peut constituer une source de difficultés
en raison notamment d’un suivi cardiologique insuffisant, du
caractère instable de l’atteinte cardiaque et d’une obser-
vance des traitements (particulièrement anticoagulants)
aléatoire.
Rétrécissement mitral
Le rétrécissement mitral est la plus fréquente des valvu-
lopathies. L’augmentation du volume plasmatique (parfois
aggravée par des apports liquidiens excessifs en péripar-
tum), la diminution de la pression oncotique plasmatique
et la tachycardie qui accompagnent la grossesse créent
des conditions favorables à la décompensation, aggravée
d’avantage par la perte de la systole auriculaire en cas de
passage en fibrillation auriculaire. Un RM serré (< 1,5 cm2)
est associé à une mortalité maternelle de 5 %, alors qu’elle
est inférieure à 1 % dans les formes peu symptomatiques.
Dans une étude incluant des patientes NYHA I et II avant
la grossesse, 35 % de complications maternelles associant
œdème aigu du poumon, arythmie complète par fibrilla-
tion auriculaire et syncope sont observées, avec néanmoins
une mortalité nulle. La morbidité fœtale était évaluée à
30 % [19]. Les patientes plus sévères classées stade III ou
IV de la NYHA ont en revanche une morbimortalité supé-
rieure, avec une mortalité maternelle entre 5 et 7 % et une
mortalité périnatale entre 12 et 31 % [20]. La valvuloplastie
Cardiopathies et grossesse 219
percutanée trouve toute sa place en cas de décompensation
en cours de grossesse et échec du traitement médical dans
des centres experts. Elle s’accompagne néanmoins d’un
risque, faible, de tamponnade et d’accidents emboliques
systémiques [21].
Rétrécissement aortique
La première cause chez la femme jeune est la bicuspi-
die aortique. Les autres causes d’obstruction à l’éjection
du ventricule gauche telle que la cardiopathie hypertro-
phique asymétrique ont le même pronostic au cours de la
grossesse. La difficulté repose sur l’absence de possibilité
d’augmentation du débit cardiaque à l’effort, notamment
au cours du travail, et l’augmentation de la consomma-
tion d’oxygène du myocarde hypertrophié. La présence
d’un gradient intraventriculaire moyen inférieur à 50 mmHg
expose peu au risque de complication mais une obstruction
sévère expose au risque de décompensation cardiaque et
d’ischémie myocardique dans 10 à 70 % des cas [4].
Insuffisance mitrale et aortique
Elles sont généralement bien tolérées du fait des modifica-
tions physiologiques de la grossesse avec augmentation de
la précharge et diminution de la postcharg, et n’ont pas de
morbimortalité associée.
Cardiopathies ischémiques
Il s’agit de cardiopathies dont l’incidence augmente avec
l’accroissement de l’âge maternel, l’intoxication tabagique,
l’HTA et les grossesses multiples. L’augmentation du travail
myocardique, la diminution du contenu artériel en oxygène
secondaire à l’hémodilution et l’état d’hypercoagulabilité
de la fin de grossesse augmentent le risque ischémique
d’un facteur 6 par rapport à des femmes de même âge
non enceintes [22]. Les modifications physiologiques de
l’électrocardiogramme au cours de la grossesse, princi-
palement en rapport avec la tachycardie sinusale mais
également avec des modifications de l’axe, majoritairement
à gauche, et des troubles de la repolarisation des ondes T
et du segment ST dans les dérivations précordiales peuvent
rendre difficile le diagnostic.
L’incidence de l’infarctus du myocarde a été évaluée à
un cas pour 35 700 naissances, avec une mortalité de 7 %
pendant la grossesse et jusqu’à 50 % en cas d’accouchement
dans les 15 jours suivant l’épisode ischémique [23].La
morbimortalité fœtale est également augmentée avec une
incidence accrue de mort fœtale et prématurité. En plus
des facteurs de risque cardiovasculaires classiques, l’âge
maternel élevé, la multiparité et la prééclampsie sont
des facteurs de risque indépendants d’ischémie aiguë au
cours de la grossesse. La coronarographie met en évi-
dence une maladie athéromateuse dans seulement 43 %
des cas, alors qu’elle montre un réseau coronaire sain,
avec ou sans thrombus dans 50 % des cas [24]. Un spasme
coronaire en rapport avec l’utilisation de prostaglandines
pour le déclenchement du travail ou la rétraction utérine
pourrait être à l’origine de ces épisodes ischémiques à coro-
naires saines. Ainsi, les hémorragies graves du postpartum
(HPP) sont fréquemment responsables d’ischémie myocar-
dique. En effet, dans une série reprenant une cinquantaine
d’hémorragies graves transférées pour embolisation, des
auteurs ont rapporté des élévations de troponine IC, par-
fois marquées, chez 50 % des patientes, dont 30 % seulement
avec des signes électriques [25]. De manière intéres-
sante, les facteurs de risque de présenter ces stigmates
de souffrance myocardique étaient, en analyse multiva-
riée, la tachycardie, l’hypotension artérielle et l’anémie
sévère. En revanche, l’utilisation du Nalador®(sulpros-
tone, prostaglandine recommandée en France) n’était pas
impliquée dans cet événement de manière statistiquement
significatif.
Le pronostic fœtal étant étroitement lié au pronostic
maternel, aucune thérapeutique n’est contre-indiquée et la
prise en charge de l’ischémie myocardique ne présente pas
de spécificité au cours de la grossesse. La thrombolyse a été
utilisée avec succès malgré la description de décollements
placentaires et d’hémorragies intraventriculaire fœtales. Le
risque d’irradiation n’est pas suffisamment significatif pour
récuser une coronarographie si elle est jugée nécessaire,
en plac¸ant l’utérus sous une protection plombée tout au
long de l’examen. Dans le cas d’un infarctus du myocarde
péripartum, l’angioplastie percutanée est donc la méthode
thérapeutique de choix.
Cardiopathies rythmiques
La présence d’épisodes arythmiques au cours de la grossesse
est fréquente, sans lien avec une pathologie cardiaque sous
jacente. L’électrocardiogramme au cours du travail met en
évidence des anomalies dans la quasi-totalité des cas, asso-
ciant extrasystoles auriculaires ou ventriculaires isolées,
pauses ou tachycardie sinusale et épisodes de tachycardie
ventriculaire paroxystique. Dans la grande majorité des cas,
ces anomalies sont asymptomatiques et ne font pas l’objet
d’une prise en charge particulière. L’apparition de signes de
mauvaise tolérance peut conduire à l’introduction d’un trai-
tement médicamenteux par bêtabloqueurs ou anticalciques,
après avoir éliminé les facteurs favorisants tels que caféine
ou intoxication alcoolique et tabagique [26]. L’apparition de
troubles du rythme plus sévères type fibrillation ou flutter
auriculaire, troubles de conduction, tachycardie ventricu-
laire soutenue ou fibrillation ventriculaire est généralement
associée à une pathologie cardiaque prééxistante. La prise
en charge dépend essentiellement de la tolérance cli-
nique maternelle et fœtale. Les données concernant les
anti-arythmiques au cours de la grossesse sont limitées
mais l’utilisation des bêtabloqueurs, des anticalciques, des
digitaliques, de la quinidine ou de la xylocaïne est pos-
sible [27]. La surveillance néonatale d’éventuels épisodes
d’hypoglycémie ou de bradycardie est nécessaire avec les
bêtabloquants. Le choc électrique, externe ou l’adénosine,
n’est pas contre-indiqué mais doit être administré sous sur-
veillance du rythme cardiaque fœtal devant la possibilité
de mauvaise tolérance avec indication à une extraction en
urgence. L’amiodarone est contre-indiquée car associée à la
survenue de dysthyroïdies fœtales, de retards de croissance
intra-utérin ou d’anomalies neurologiques [28]. Plusieurs cas
cliniques ont néanmoins rapporté son utilisation sans mor-
bidité fœtale grave dans le cadre de troubles du rythme
réfractaire mal tolérés.
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