DOSSIER
La Lettre du Cardiologue - n° 330 - mai 2000
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es complications cardiovasculaires représentent la prin-
cipale cause de mortalité chez l’hémodialysé. L’athé-
rosclérose est responsable de la moitié des décès (1), et
50 % des décès cardiaques sont liés à une cardiopathie isché-
mique (2). Nous aborderons dans cet article les caractéristiques
de la maladie coronaire chez l’hémodialysé, son diagnostic, en
particulier avant transplantation rénale, et son traitement.
CARACTÉRISTIQUES DE LATHÉROSCLÉROSE CHEZ L’HÉMO-
DIALY
Épidémiologie
L’espérance de vie est très diminuée chez les patients en dialyse
pour insuffisance rénale chronique. Le taux de mortalité globale
à 5 ans est de 73 % dans le registre United States Renal Data Sys-
tem (USRDS) portant sur 627 983 patients dialysés aux États-
Unis (1). La mortalité à 5 ans augmente avec l’âge. Elle passe de
35 % avant 20 ans à 90 % après 75 ans (figure 1).
Le diabète est également un facteur pronostique majeur : la mor-
talité annuelle passe de 10 % chez un patient non diabétique de
moins de 44 ans à 40 % chez un patient diabétique de plus de
65 ans. La moitié des décès chez l’hémodialysé sont d’origine
cardiovasculaire, par mort subite ou insuffisance cardiaque
(30 %), infarctus (15 %) ou accident vasculaire cérébral (5 %).
Le risque de décès cardiaque est vingt fois plus élevé chez un
hémodialysé que chez un patient non dialysé du même âge.
L’infarctus du myocarde est particulièrement dramatique chez
l’hémodialysé. Un infarctus est survenu chez 34 189 patients
parmi les 627 983 patients dialysés aux États-Unis entre 1977 et
1995 (3). Les taux de survie à 1, 5 et 10 ans n’étaient que de 41 %,
10 % et 3 % (figure 2).
Maladie coronaire chez l’hémodialysé
C. Le Feuvre*
*Clinique cardiologique, hôpital Necker, Paris.
L
L’athérosclérose est responsable de la moitié des décès
chez l’hémodialysé. La survie 5 ans après infarctus n’est
que de 10 %.
L’ischémie myocardique est constatée en l’absence de
sténose coronaire chez 30 % des hémodialysés, et peut
se compliquer de fibrillation ventriculaire.
Une atteinte myocardique est très fréquente et d’origine
multifactorielle (ischémie, HVG, fibrose).
La recherche d’une ischémie myocardique doit être sys-
tématique avant transplantation rénale chez les patients
à risque intermédiaire ou élevé d’athérosclérose.
Les résultats obtenus après angioplastie coronaire sont
encourageants lorsque les lésions sont accessibles au
stent.
Le pontage coronaire améliore les symptômes au prix
d’une mortalité opératoire et à 2 ans de respectivement
14 % et 50 %.
Mots-clés :Hémodialyse - Angioplastie - Pontage coronaire.
Points forts
% survie
100
75
50
25
0123
45 ans
< 20 ans
20-44 ans
45-64 ans
65-74 ans
> 75 ans
Figure 1. Pronostic des patients hémodialysés (registre multicentrique de
l’USRDS, 1994 Annual Report).
Mécanisme
Cette surmortalité cardiaque chez l’hémodialysé a fait proposer
en 1974 par Lindner la théorie de l’athéromatose accélérée (4).
Dans cette série portant sur 41 patients dialysés, la survie à 6,5 ans
n’était que de 44 %, l’athérosclérose étant responsable de 61 %
des décès (4). La forte prévalence de l’athérosclérose coronaire
chez l’hémodialysé a également été confirmée par plusieurs
études autopsiques et angiographiques, atteignant 86 %, dont
60 % de sténose significative dans la série d’Ansari (5). Le rôle
délétère des membranes de dialyse n’a cependant pas été
confirmé : l’incidence des événements cardiovasculaires n’est pas
corrélée de manière indépendante à la durée de dialyse (6), et la
moitié des patients présentent une maladie coronaire avant le
début de la dialyse (7).
La forte prévalence de la maladie coronaire chez l’hémodialysé
semble secondaire à la présence plus fréquente de facteurs de
risque d’athérosclérose. C’est le cas de l’hypertension artérielle
et du diabète, facteurs de risque communs à l’insuffisance rénale
chronique et à l’athérosclérose.
Les dyslipidémies sont également très fréquentes en cas d’insuf-
fisance rénale chronique terminale, favorisées par un syndrome
néphrotique, ou chez le patient transplanté rénal par une cortico-
thérapie ou un traitement immunosuppresseur. Les anomalies lipi-
diques les plus fréquemment rencontrées sont : la diminution du
HDL et de l’apo A1 et l’augmentation des triglycérides, de
l’apo B et de l’Ip (a). L’hyperhomocystéinémie est un facteur de
risque indépendant d’athérosclérose, proportionnel au degré de
l’insuffisance rénale, et peu diminuée par la dialyse (8).
L’insuffisance rénale se complique également d’hyperparathy-
roïdie secondaire avec hypercalcémie, responsable de calcifica-
tions artérielles et valvulaires. La médiacalcose artérielle concerne
les coronaires chez un tiers des patients dialysés ; elle est sou-
vent sténosante et responsable d’ischémie myocardique. L’in-
suffisance rénale chronique terminale est souvent associée à un
état d’hypercoagulabilité, avec élévation du fibrinogène, dimi-
nution du système fibrinolytique, hyperagrégabilité plaquettaire
et activation des systèmes de la coagulation par les membranes
d’hémodialyse. Cette hypercoagulabilité augmente le risque d’in-
farctus du myocarde.
Ischémie myocardique fonctionnelle
L’ischémie myocardique, avec ou sans angor, survient en l’ab-
sence de sténose coronaire chez 30 % des hémodialysés. L’isché-
mie myocardique chez l’hémodialysé peut être liée à un déséqui-
libre entre besoins et apports myocardiques en oxygène.
L’augmentation des besoins myocardiques en oxygène peut être
secondaire à l’hypertrophie ventriculaire gauche, l’hypertension
artérielle, la tachycardie, la fistule artério-veineuse ou l’hypervo-
lémie. La diminution des apports myocardiques en oxygène chez
l’hémodialysé est favorisée par l’anémie, l’élévation de la pres-
sion télédiastolique ventriculaire gauche, la diminution du temps
diastolique, l’hypotension artérielle pendant les dialyses.
De nombreuses études expérimentales chez l’animal ont démon-
tré que l’insuffisance rénale chronique s’accompagne d’anoma-
lies de la microcirculation coronaire, responsables d’ischémie
myocardique par le biais d’altérations fonctionnelles (anomalies
de production d’endothéline et de NO) et d’altérations organiques
(diminution de la densité capillaire, épaississement des parois des
artérioles intramyocardiques) (9). L’ischémie myocardique fonc-
tionnelle chez l’hémodialysé peut enfin être liée à des anomalies
du métabolisme myocardique, associant une altération de la voie
de la glycolyse et de l’oxydation mitochondriale et une diminu-
tion de la captation sarcoplasmique de calcium, à l’origine d’une
dysfonction diastolique (9). Chez l’hémodialysé, ces anomalies
de la microcirculation et du métabolisme myocardique diminuent
la tolérance à l’ischémie et augmentent le risque de mort subite
par troubles du rythme ventriculaire, même en l’absence de sté-
nose ou de thrombose coronaire.
Atteinte myocardique
La dysfonction ventriculaire gauche, très fréquente chez l’hé-
modialysé, est d’étiologie multifactorielle.
L’ischémie myocardique est responsable d’anomalies diasto-
liques puis systoliques ventriculaires gauches. Des épisodes répé-
tés de sidération myocardique peuvent aboutir à une hibernation
myocardique, avec dysfonction ventriculaire gauche réversible
après traitement de l’ischémie, puis à la nécrose des myocytes
avec dysfonction ventriculaire gauche définitive. L’asynergie ven-
triculaire gauche segmentaire est cependant le plus souvent liée
à un infarctus du myocarde par thrombose coronaire sur rupture
de plaque athéroscléreuse.
L’hypertrophie ventriculaire gauche est très souvent présente
après plusieurs années de dialyse. Elle peut être secondaire à l’hy-
pertension artérielle, l’hypervolémie, l’hypertonie sympathique,
l’anémie, l’angiotensine II. Cette hypertrophie ventriculaire
gauche peut être réversible sous inhibiteurs de l’enzyme de
conversion et EPO. Elle diminue la compliance ventriculaire
gauche et la réserve coronaire, et augmente le risque de mort
subite par troubles du rythme ventriculaire. Cette hypertrophie
peut être associée à une dilatation ventriculaire gauche, secon-
daire à la surcharge hydrosodée et à la fistule artério-veineuse.
La fibrose myocardique complique souvent l’hémodialyse.
Cette fibrose serait liée à une activation des cellules interstitielles
par les produits avancés de la glycation, avec augmentation de
l’expression des PDGF-AB. La responsabilité de la PTH et des
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% décès
100 %
75 %
50 %
25 %
0246 8 10 ans
mortalité globale
mortalité cardiaque
Figure 2. Mortalité post-infarctus chez l’hémodialysé (registre multicen-
trique USRDS, 34 189 patients).
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membranes d’hémodialyse a également été évoquée. Cette fibrose
myocardique peut être responsable de troubles du rythme ven-
triculaire et de mort subite.
Les toxines urémiques, dont les taux sont élevés dans l’insuffi-
sance rénale chronique, ont un rôle cardiotoxique. C’est le cas
des surcharges en mercure, cobalt, phosphore, fer, plomb et
lithium.
D’autres pathologies associées contribuent également à la car-
diomyopathie chez l’hémodialysé. C’est le cas de l’hyperpara-
thyroïdie, responsable de calcifications myocardiques secondaires
à l’hypercalcémie, des valvulopathies favorisées également par
l’hyperparathyroïdie comme les calcifications de l’anneau mitral
et le rétrécissement aortique calcifié, des endocardites, fréquentes
chez l’hémodialysé, de l’épanchement péricardique, présent à
l’échographie chez plus de la moitié des patients, du diabète et
de l’amylose, causes communes d’insuffisance rénale et de car-
diomyopathie.
Bilan avant transplantation rénale
La présence d’une maladie coronaire conditionne le pronostic des
patients hémodialysés et doit donc être systématiquement recher-
chée avant transplantation rénale. La démarche diagnostique est
fonction du risque cardiovasculaire (figure 3).
1. Il n’y a pas de contre-indication cardiovasculaire à une
transplantation rénale chez les hommes de moins de 40 ans et les
femmes de moins de 50 ans, sans facteur de risque d’athérosclé-
rose, sans angor et avec ECG normal (patients à faible risque).
2. À l’inverse, les patients avec angor, antécédent d’infarctus,
d’insuffisance cardiaque ou de coronaropathie connue constituent
un groupe à risque élevé d’événements cardiovasculaires.
Chez ces patients à risque élevé, nous pratiquons systématique-
ment une coronarographie, et si nécessaire une revascularisation.
L’indication de la revascularisation repose sur la documentation
de l’ischémie aux explorations isotopiques ou échocardiogra-
phiques de stress. Lorsque les sténoses coronaires menacent un
territoire myocardique important, la mise en liste pour trans-
plantation rénale n’est possible qu’après revascularisation par
pontage ou angioplastie coronaire. Le choix du mode de revas-
cularisation est fonction de l’anatomie coronaire et du risque chi-
rurgical. Lorsque la revascularisation se fait par angioplastie, nous
attendons six mois afin d’éliminer une resténose fonctionnelle
sur le site dilaté avant de lever la contre-indication cardiovascu-
laire à la transplantation rénale. En cas de resténose supérieure à
50 % en diamètre responsable d’une ischémie documentée aux
explorations non invasives, notre attitude habituelle est de refaire
l’angioplastie coronaire et de programmer un nouveau contrôle
six mois plus tard.
Les patients à risque intermédiaire correspondent, par élimi-
nation, aux patients n’appartenant pas aux deux autres groupes.
Il s’agit d’hommes de plus de 40 ans ou de femmes de plus de
50 ans, asymptomatiques, avec ECG normal, sans antécédent
coronarien connu, avec un ou plusieurs facteurs de risque d’athé-
rosclérose. Ce groupe représente la majorité des patients en attente
de transplantation rénale. La recherche d’une ischémie myocar-
dique silencieuse doit être systématique. Elle est particulièrement
fréquente chez les diabétiques. L’épreuve d’effort est peu sen-
sible, car le plus souvent sous-maximale chez ces patients pré-
sentant fréquemment un déconditionnement physique. L’ECG
holter est également très peu sensible dans ce contexte. La
recherche d’une ischémie doit faire appel aux explorations iso-
topiques ou échocardiographiques de stress. Les méthodes les
plus utilisées sont la tomoscintigraphie myocardique au thal-
lium 201 après effort ou persantine et l’échocardiographie sous
dobutamine. L’absence d’ischémie documentée permet d’inscrire
le patient sur une liste de transplantation rénale. Nous réalisons
systématiquement une coronarographie en cas d’ischémie signi-
Risque faible
Risque intermédiaire
Coronarographie
Risque élevé
Transplantation
rénale
Revascularisation
myocardique
Sténoses non
fonctionnelles
Sténoses
fonctionnelles
Recherche d'ischémie
par scintigraphie ou
échographie de stress
+
-
Figure 3. Bilan cardiaque avant transplantation rénale : démarche diagnostique adaptée au risque d’athérosclérose.
ficative aux explorations non invasives, avec si nécessaire une
revascularisation myocardique avant transplantation rénale. Dans
notre expérience, les explorations isotopiques sont plus sensibles
mais moins spécifiques que l’échographie sous dobutamine. Des
anomalies scintigraphiques sont observées en l’absence de sté-
nose coronaire significative chez 30 % des patients. Ces anoma-
lies peuvent être secondaires au déséquilibre entre besoins et
apports myocardiques en oxygène et à la baisse de la réserve coro-
naire par anomalies de la microcirculation et du métabolisme
myocardique, précédemment décrites.
TRAITEMENT MÉDICAL CHEZ LE CORONARIEN HÉMODIALY
La progression de l’athérome coronaire doit être évitée par un
traitement intensif des facteurs de risque. Le traitement de l’hy-
pertension artérielle repose préférentiellement sur les bêtablo-
quants ou les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, en adaptant
les doses à la fonction rénale. Une hypertriglycéridémie impor-
tante nécessite un régime, du gemfibrozil (Lipur®) et des huiles
de poisson (Maxepa®). La correction d’une hypercholestérolémie
fait appel au régime, à l’exercice physique modéré et aux statines,
sous surveillance biologique en raison de leur métabolisme hépa-
tique.
La prévention des calcifications coronaires repose sur le contrôle
de l’hyperparathyroïdie. Il est essentiel chez le coronarien hémo-
dialysé de prévenir l’hypotension artérielle pendant les dialyses,
de corriger l’anémie en maintenant si nécessaire par EPO une
hémoglobine supérieure à 10 g/100 ml, et de prescrire un anti-
agrégant plaquettaire.
L’utilisation des dérivés nitrés est souvent limitée par le risque
d’hypotension artérielle. Les autres anti-ischémiques sont habi-
tuellement prescrits dans les mêmes indications que chez les
patients non hémodialysés, en préférant les médicaments à méta-
bolisme hépatique (propranolol, métoprolol, diltiazem, vérapamil).
Une seule étude a comparé de manière prospective le traitement
médical et le pontage coronaire chez l’hémodialysé (10). Cette
étude a porté sur 26 patients asymptomatiques, diabétiques, dia-
lysés, avec lésions coronaires accessibles à un pontage. L’étude
a été prématurément interrompue à 8 mois en raison d’un excès
d’événements cardiovasculaires dans le groupe traité médicale-
ment, avec 10 événements dont 4 mortels vs 2 événements non
mortels chez les patients pontés (77 % vs 15 %).
ANGIOPLASTIE CORONAIRE CHEZ L’HÉMODIALY
Les résultats de l’angioplastie coronaire au ballon étaient très déce-
vants chez l’hémodialysé avant l’ère du stent (tableaux I et II).
Les taux de succès primaire étaient plus faibles que chez les non-
dialysés, avec un risque plus élevé d’infarctus post-procédure et
de complications au point de ponction, favorisées par l’hyper-
tension artérielle et les calcifications vasculaires. La mortalité
hospitalière était de 5-6 %. L’angioplastie au ballon était consi-
dérée comme inefficace, tant sur les symptômes que sur la sur-
vie. À 2 ans, un infarctus du myocarde survenait chez 23-28 %
des patients, une récidive d’angor chez 67 %, un décès chez
51-53 % (dont deux tiers d’origine cardiaque), et un événement
cardiovasculaire chez 75-83 % des patients (tableaux I et II).
L’échec de l’angioplastie au ballon s’expliquait en partie par le
taux très élevé de resténose, nécessitant une nouvelle revascula-
risation chez plus de la moitié des patients (tableau III). Plusieurs
facteurs augmentent le risque de resténose chez l’hémodialysé.
La complexité des lésions coronaires et, en particulier, l’impor-
tance des calcifications augmentent le risque de dissection et d’hé-
matome pariétal coronaire avec sténose résiduelle plus impor-
tante. Certains auteurs ont rapporté un diamètre coronaire plus
petit chez l’hémodialysé, pouvant également faciliter la resténose
(12). Ce diamètre pourrait cependant être sous-estimé en raison
de la diffusion des lésions coronaires chez l’hémodialysé et de
l’absence d’un segment coronaire de référence correspondant au
diamètre réel de l’artère.
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DOSSIER
Tableau I. Résultats de l’angioplastie au ballon seul chez l’hémodialysé (études
monocentriques).
Auteurs n Décès Durée Décès Infarctus Événements
(hosp.)
(suivi)
(suivi)
et (suivi)
revascularisation
Kahn (1990) 17 18 % 6 mois 41 % 91 % _
De Meyer (1991)
11 0 % 2 ans 20 % 26 %
Reusser (1994) 13 0 % 7 mois 15 % 30 % 45 %
Rinehart (1995) 24 4 % 2 ans 49 % 60 % _
Koyanagi (1996) 20 0 % 5 ans 10 % 70 % 80 %
Chang (1997) 107 8,7 % 2 ans 53 % 38 % 83 %
Marso (1998) 23 4 % 3 ans 63 % 52 % _
Total 213 6 % 2 ans 45 % 49 % 75 %
Tableau II. Résultats après pontage ou angioplastie au ballon seul chez
l’hémodialysé (étude multicentrique, USRDS 1978-1994).
Angioplastie Pontage p
n5473 6 798
Décès initiaux 5,1 % 14,5 % 0,0001
Décès à 2 ans 52,8 % 53,5 % NS
décès cardiaque 37 % 38,6 % NS
infarctus 28 % 12 % 0,05
événements
cardiovasculaires 83,7 % 70 % 0,0001
Tableau III. Resténose après angioplastie au ballon seul chez l’hémo-
dialysé (études monocentriques).
Auteurs n Dialysés Témoins
Kahn (1990) 15 80 %
Ahmed (1994) 21 47 %
Tabone (1994) 25 44 % 29 %
Rinehart (1995) 24 69 %
Koyanagi (1996) 20 70 %
Gradaus (1997) 20 60 % 35 %
Marso (1998) 23 41 % 11 %
Total 148 57 % 25 %
La resténose pourrait également être favorisée par l’activation des
systèmes de coagulation par les membranes d’hémodialyse (12).
De nombreuses études expérimentales et cliniques ont démontré
la responsabilité de l’hypercoagulabilité dans la resténose après
angioplastie coronaire (19). L’hyperagrégabilité plaquettaire stimule
l’hyperplasie intimale au site dilaté par le biais de la libération de
facteurs de croissance. Montalescot et coll. ont rapporté une rela-
tion indépendante entre l’élévation du fibrinogène et le risque de
resténose après angioplastie coronaire chez l’homme (20).
L’angioplastie au ballon était donc considérée par la plupart des
auteurs comme inefficace chez l’hémodialysé (6, 15, 16). Toutes
ces études avaient cependant été réalisées avant l’ère du stent.
Actuellement, l’angioplastie au ballon est complétée par la
mise en place d’un stent dans plus de 60 % des procédures.
Le bénéfice du stent est parfaitement démontré chez les patients
non hémodialysés, permettant d’optimiser le résultat initial, évi-
tant le pontage en urgence en cas de dissection occlusive et dimi-
nuant de moitié le risque de resténose (21, 22). Le bénéfice du
stent n’a été que très peu étudié chez l’hémodialysé. Dans notre
expérience, la possibilité d’optimiser le résultat initial par un stent
permet d’obtenir un taux de succès primaire comparable chez les
patients hémodialysés et non hémodialysés (23, 24). La dialyse
n’augmente pas le taux de nouvelles revascularisations pour resté-
nose intrastent ou pour resténose après résultat stent-like au bal-
lon (25, 26, 27). Le risque de décès cardiaque deux ans après
angioplastie reste cependant plus élevé chez les hémodialysés
(15 % vs 5 % chez les non-hémodialysés) (28, 29). Cette sur-
mortalité cardiaque est à mettre sur le compte de l’atteinte myo-
cardique, très fréquente dans l’insuffisance rénale chronique. La
fibrose myocardique, l’hypertrophie ventriculaire gauche, la
baisse de la réserve coronaire peuvent se compliquer de troubles
du rythme ventriculaire et de mort subite en l’absence de sténose
coronaire et d’infarctus. Nos résultats après stent sont cependant
encourageants en comparaison des taux de complications rap-
portés après angioplastie au ballon seul. Un rapport récent de
l’USRDS suggère également le bénéfice du stent après angio-
plastie chez l’hémodialysé (30). Dans ce rapport, la mortalité
après revascularisation a diminué depuis août 1995, date des pre-
mières implantations de stent chez l’hémodialysé aux États-Unis.
Le taux de mortalité à un an est moins élevé dans le groupe des
hémodialysés stentés (tableau IV).
PONTAGE CORONAIRE CHEZ L’HÉMODIALY
Les résultats immédiats et à moyen terme du pontage coronaire
sont décevants chez l’hémodialysé (11, 14, 16, 31, 32). La mor-
talité opératoire est de l’ordre de 14 % (tableau V), avec un risque
infectieux et hémorragique plus important et une hospitalisation
plus longue que chez les patients non hémodialysés. La chirur-
gie améliore les symptômes mais n’a pas d’effet prouvé sur la
survie. Dans le registre de l’USRDS portant sur 6 798 patients
hémodialysés et pontés, Herzog et coll. rapportent à 2 ans 53,5 %
de décès, le plus souvent d’origine cardiaque, 12 % d’infarctus
et 70 % d’événements cardiovasculaires (tableau II, p. 23) (11).
Dans ce registre, la mortalité à 2 ans était identique chez les
patients pontés et dilatés, mais les événements cardiovasculaires
étaient encore plus fréquents chez les patients revascularisés par
angioplastie au ballon (83,7 % vs 70 %, p < 0,0001) (11). Ces
taux de mortalité sont très supérieurs à ceux rapportés après angio-
plastie avec stent [15 % à 2 ans dans notre expérience, 20 % à un
an dans le registre USRDS (tableau IV)](30). Il nous semble
donc préférable de limiter les indications de revascularisation chi-
rurgicale aux patients avec angor instable ou réfractaire au trai-
tement médical, lésions coronaires diffuses et inaccessibles à l’im-
plantation d’un stent, athérome tritronculaire avec occlusion
coronaire chronique sur un tronc principal avec viabilité myo-
cardique en aval, rétrécissement aortique calcifié serré associé,
et risque chirurgical acceptable.
CONCLUSION
L’espérance de vie est très diminuée chez l’hémodialysé, en rai-
son de la fréquence des accidents cardiovasculaires. Le pontage
coronaire améliore les symptômes au prix d’une mortalité opé-
ratoire importante. Avant l’ère du stent, l’angioplastie au ballon
était considérée comme inefficace, tant sur les symptômes que
sur la survie. Cette inefficacité était en partie liée à un taux très
élevé de resténose. Ce risque de resténose a diminué de moitié
avec le stent. Dans les séries les plus récentes, le risque de décès
est plus faible après stenting qu’après pontage coronaire. L’an-
gioplastie est donc la méthode de choix lorsque les lésions sont
accessibles à un stent. Le pontage coronaire sera réservé aux
hémodialysés avec angor sévère, lésions coronaires non stentables
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DOSSIER
Tableau IV. Résultats après pontage, angioplastie au ballon seul et
angioplastie avec stent chez l’hémodialysé (étude multicentrique,
USRDS 1994-1996).
Technique Période n Décès Décès
6 mois 1 an
Ballon 1/94-7/95 2 568 20 % 32 %
Ballon 8/95-12/96 1 948 20 % 28 %
Stent 8/95-12/96 828 13 % 20 %
Pontage 1/94-7/95 2 408 22 % 30 %
Pontage 8/95-12/96 2 677 20 % 25 %
Âge 65/74 ans : RR 1,6 ; diabète : RR 1,2 ; stent : RR 0,7.
Tableau V. Résultats après pontage coronaire chez l’hémodialysé
(études monocentriques).
Auteurs n Décès Durée Décès Infarctus
hosp. suivi suivi suivi
Batiuk (1991) 25 20 % 2 ans 30 %
De Meyer (1991) 16 11 % 2 ans 37 %
Owen (1994) 21 9 % 2 ans 55 % 14 %
Rinehart (1995) 60 2 ans 34 % 11 %
Koyanagi (1996) 23 5 ans 18 % 11 %
Chang (1997) 84 14,7 % 2 ans 49 %
Opsahl (1998) 39 2 ans 9 %
Total 253 14 % 2 ans 38 % 12 %
.../...
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