La resténose pourrait également être favorisée par l’activation des
systèmes de coagulation par les membranes d’hémodialyse (12).
De nombreuses études expérimentales et cliniques ont démontré
la responsabilité de l’hypercoagulabilité dans la resténose après
angioplastie coronaire (19). L’hyperagrégabilité plaquettaire stimule
l’hyperplasie intimale au site dilaté par le biais de la libération de
facteurs de croissance. Montalescot et coll. ont rapporté une rela-
tion indépendante entre l’élévation du fibrinogène et le risque de
resténose après angioplastie coronaire chez l’homme (20).
L’angioplastie au ballon était donc considérée par la plupart des
auteurs comme inefficace chez l’hémodialysé (6, 15, 16). Toutes
ces études avaient cependant été réalisées avant l’ère du stent.
Actuellement, l’angioplastie au ballon est complétée par la
mise en place d’un stent dans plus de 60 % des procédures.
Le bénéfice du stent est parfaitement démontré chez les patients
non hémodialysés, permettant d’optimiser le résultat initial, évi-
tant le pontage en urgence en cas de dissection occlusive et dimi-
nuant de moitié le risque de resténose (21, 22). Le bénéfice du
stent n’a été que très peu étudié chez l’hémodialysé. Dans notre
expérience, la possibilité d’optimiser le résultat initial par un stent
permet d’obtenir un taux de succès primaire comparable chez les
patients hémodialysés et non hémodialysés (23, 24). La dialyse
n’augmente pas le taux de nouvelles revascularisations pour resté-
nose intrastent ou pour resténose après résultat stent-like au bal-
lon (25, 26, 27). Le risque de décès cardiaque deux ans après
angioplastie reste cependant plus élevé chez les hémodialysés
(15 % vs 5 % chez les non-hémodialysés) (28, 29). Cette sur-
mortalité cardiaque est à mettre sur le compte de l’atteinte myo-
cardique, très fréquente dans l’insuffisance rénale chronique. La
fibrose myocardique, l’hypertrophie ventriculaire gauche, la
baisse de la réserve coronaire peuvent se compliquer de troubles
du rythme ventriculaire et de mort subite en l’absence de sténose
coronaire et d’infarctus. Nos résultats après stent sont cependant
encourageants en comparaison des taux de complications rap-
portés après angioplastie au ballon seul. Un rapport récent de
l’USRDS suggère également le bénéfice du stent après angio-
plastie chez l’hémodialysé (30). Dans ce rapport, la mortalité
après revascularisation a diminué depuis août 1995, date des pre-
mières implantations de stent chez l’hémodialysé aux États-Unis.
Le taux de mortalité à un an est moins élevé dans le groupe des
hémodialysés stentés (tableau IV).
PONTAGE CORONAIRE CHEZ L’HÉMODIALYSÉ
Les résultats immédiats et à moyen terme du pontage coronaire
sont décevants chez l’hémodialysé (11, 14, 16, 31, 32). La mor-
talité opératoire est de l’ordre de 14 % (tableau V), avec un risque
infectieux et hémorragique plus important et une hospitalisation
plus longue que chez les patients non hémodialysés. La chirur-
gie améliore les symptômes mais n’a pas d’effet prouvé sur la
survie. Dans le registre de l’USRDS portant sur 6 798 patients
hémodialysés et pontés, Herzog et coll. rapportent à 2 ans 53,5 %
de décès, le plus souvent d’origine cardiaque, 12 % d’infarctus
et 70 % d’événements cardiovasculaires (tableau II, p. 23) (11).
Dans ce registre, la mortalité à 2 ans était identique chez les
patients pontés et dilatés, mais les événements cardiovasculaires
étaient encore plus fréquents chez les patients revascularisés par
angioplastie au ballon (83,7 % vs 70 %, p < 0,0001) (11). Ces
taux de mortalité sont très supérieurs à ceux rapportés après angio-
plastie avec stent [15 % à 2 ans dans notre expérience, 20 % à un
an dans le registre USRDS (tableau IV)](30). Il nous semble
donc préférable de limiter les indications de revascularisation chi-
rurgicale aux patients avec angor instable ou réfractaire au trai-
tement médical, lésions coronaires diffuses et inaccessibles à l’im-
plantation d’un stent, athérome tritronculaire avec occlusion
coronaire chronique sur un tronc principal avec viabilité myo-
cardique en aval, rétrécissement aortique calcifié serré associé,
et risque chirurgical acceptable.
CONCLUSION
L’espérance de vie est très diminuée chez l’hémodialysé, en rai-
son de la fréquence des accidents cardiovasculaires. Le pontage
coronaire améliore les symptômes au prix d’une mortalité opé-
ratoire importante. Avant l’ère du stent, l’angioplastie au ballon
était considérée comme inefficace, tant sur les symptômes que
sur la survie. Cette inefficacité était en partie liée à un taux très
élevé de resténose. Ce risque de resténose a diminué de moitié
avec le stent. Dans les séries les plus récentes, le risque de décès
est plus faible après stenting qu’après pontage coronaire. L’an-
gioplastie est donc la méthode de choix lorsque les lésions sont
accessibles à un stent. Le pontage coronaire sera réservé aux
hémodialysés avec angor sévère, lésions coronaires non stentables
La Lettre du Cardiologue - n° 330 - mai 2000
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DOSSIER
Tableau IV. Résultats après pontage, angioplastie au ballon seul et
angioplastie avec stent chez l’hémodialysé (étude multicentrique,
USRDS 1994-1996).
Technique Période n Décès Décès
6 mois 1 an
Ballon 1/94-7/95 2 568 20 % 32 %
Ballon 8/95-12/96 1 948 20 % 28 %
Stent 8/95-12/96 828 13 % 20 %
Pontage 1/94-7/95 2 408 22 % 30 %
Pontage 8/95-12/96 2 677 20 % 25 %
Âge 65/74 ans : RR 1,6 ; diabète : RR 1,2 ; stent : RR 0,7.
Tableau V. Résultats après pontage coronaire chez l’hémodialysé
(études monocentriques).
Auteurs n Décès Durée Décès Infarctus
hosp. suivi suivi suivi
Batiuk (1991) 25 20 % 2 ans 30 % –
De Meyer (1991) 16 11 % 2 ans 37 % –
Owen (1994) 21 9 % 2 ans 55 % 14 %
Rinehart (1995) 60 – 2 ans 34 % 11 %
Koyanagi (1996) 23 – 5 ans 18 % 11 %
Chang (1997) 84 14,7 % 2 ans 49 % –
Opsahl (1998) 39 – 2 ans 9 % –
Total 253 14 % 2 ans 38 % 12 %
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