Comment bien suivre un chien atteint d’endocardiose mitrale ?
Virginia Luis Fuentes
La maladie valvulaire dégénérative ou MVD (en anglais: mitral valve disease (MVD))est la
maladie cardiaque la plus fréquente chez le chien. 1,2Il s’agit d’une maladie dégénérative
progressive qui aboutit à des changements myxoïdes des feuillets de la valve mitrale (et
souvent de la valave tricuspide). 3Il en résulte un épaississement et une déformation des
feuillets de la valve mitrale qui conduisent à une régurgitation mitrale et entraînent
secondairement une dilatation des chambres cardiaques. Les chiens âgés de petite race sont
le plus souvent atteints, avec une prévalence particulièrement élevée (et parfois une
atteinte précoce) chez le Cavalier King Charles, le teckel et les races miniatures, mais de plus
grandes races telles que le Berger Allemand peuvent aussi être atteintes. 2,4 Les
conséquences de la MVD sont variables: les chiens atteints peuvent développer une
insuffisance cardiaque congestive (ICC ; en anglais Congestive Heart Failure (CHF)) et
mourrir prématurément, ou au contraire peuvent vivre avec leur maladie jusqu’à un âge
avancé. Chez les chiens présentant une maladie débutante il n’est pas toujours facile de
prédire quels chiens subiront une progression plus rapide de la maladie, cependant il existe
certains moyens d’identifier les chiens asymptomatiques qui sont à risque plus élevé de
développer une insuffisance cardiaque congestive (ICC). Ceci est important non seulement
au regard du pronostic mais aussi parce-que la prise en charge de la MVD varie selon les
stades de la maladie.
Les stades de la MVD
Le diagnostic est assez facile chez la plupart des chiens âgés de petite race : dans une large
mesure, le diagnostic utilise les informations apportées par l’examen clinique. Les examens
complémentaires pour confirmer le diagnostic (ex. par échocardiographie) ne sont pas
toujours justifiés à moins que le signalement de l’animal ou le souffle cardiaque ne soient
atypiques. Néanmoins : il EST important de définir le stade de la maladie car le traitement
est différent aux différents stades de la maladie. Le système de staging défini par l’ACVIM
adapté du système défini par l’American Heart Association pour l’homme est généralement
validé et le plus utilisé. 5 Le stade A est défini comme un chien normal présentant un risque
de développer une MVD. Le stade B est défini comme un chien présentant une MVD mais
n’ayant pas encore développé de signe clinique. Le stade C inclue les chiens présentant une
MVD avec des signes d’ICC et les chiens ayant présenté des signes d’insuffisance cardiaque
congestive par le passé. Le stade D est défini comme les chiens présentant une MVD avec
insuffisance cardiaque congestive (ICC) et réfractaires au traitement.
Stade B1 & B2: MVD préclinique
Le stade B est divisé en deux groupes: les chiens présentant une maladie asymptomatique
avec des chambres cardiaques de dimensions normales (Stade B1) et les chiens
asymptomatiques présentant une dilatation de l’atrium gauche ou du ventricule gauche
(Stade B2). Il existe des preuves solides que la dilatation de l’atrium gauche (Left Atrium
(LA)) ou du ventricule gauche (Left Ventricule (LV)) chez les chiens asymptomatiques est
associé à des signes plus précoces dICC et d’arrêt cardiaque. 6-10 Une augmentation rapide
du diamètre télédiastolique du ventricule gauche semble avoir une valeur pronostique
importante. 11,12
Examens complémentaires- Stage B
L’intensité du souffle cardiaque peut donner certaines indications sur le stade de la maladie
cardiaque lors de MVD- un souffle d’intensité supérieure indique habituellement une
maladie plus avancée. 13,14 L’imagerie est requise pour détecter une cardiomégalie et
différencier les stades B1 et B2 chez le chien. La cardiomégalie peut être identifiée par
radiographie ou par échographie. L’échelle vertébrale (encore appelé indice de Buchanan)
est un moyen utile d’identifier une cardiomégalie, bien qu’il existe des variations selon les
races. La longueur du cœur de la base à l’apex et la largeur du cœur, mésurée
perpendiculairement à la première, sont additionnées et transposées en nombre de
vertèbres en partant du bord cranial de T4. La somme des deux mesures doit représenter
moins de 10.5 corps vertèbraux chez la plupart des chiens.15 Il est souvent possible de
détecter une dilatation de l’atrium gauche sur des radiographies chez le chien
(contrairement au chat).16 L’échocardiographie fournit des mesures plus précises du coeur
gauche mais requiert une expérience non négligeable pour être capable de réaliser des
mesures fiables. Les mesures du ventricule gauche doivent être ajustées selon la taille de
l’animal et une échelle allométrique17 ou le ratio diamètre ventriculaire/aorte7 ont été
utilisés pour définir les stades de maladie mitrale ou pour déduire des facteurs
pronostiques.12 Alternativement, les dimensions de l’atrium gauche peuvent être comparées
au diamètre de l’aorte pour être ajustées. 18 Les biomarqueurs peuvent aussi avoir une
valeur pronostique car les chiens qui ont des valeurs de NT-proBNP supérieures sont à
risque plus élevé de développer précocement une ICC. 6,7
Prise en charge- Stade B1
De nombreux chiens présentant une maladie mitrale chronique resteront à ce stade jusqu’à
leur mort et il existe un large consensus pour dire que les chiens présentant une maladie
valvulaire mitrale dégénérative associée à un cœur de taille normale ne nécessitent aucun
traitement.5 Les chiens au stades B1 devraient être suivis par une radiographie ou une
échographie annuelle.
Prise en charge- Stade B2
Le traitement des chiens en stade B2 de MVD a toujours été soumis à controverse, mais une
nouvelle étude suggère qu’un traitement précoce avec le pimobendane pourrait retarder la
décompensation en ICC (données non publiées). Il n’existe pas de preuve convaincante que
les IECA apportent un bénéfice à ce stade. 5,19-21 Il convient d’expliquer aux propriétaires de
chiens en stade B2 comment surveiller la fréquence respiratoire pour les aider à détecter les
premiers signes d’ICC.
Stade C: insuffisance cardiaque congestive passée ou présente
Une fois que les signes d’ICC se sont installés, les chiens à MVD sont classés en stade C,
même si les signes cliniques disparaissent sous traitement. Les traitements vont varier selon
que les signes sont aigus, mettent en jeu la vie de l’animal et requièrent une hospitalisation
ou que les signes sont discrets à modérés et que le traitement initié à la clinique peut être
poursuivi à la maison (traitement en ambulatoire).
Examens complémentaires- Stade C
La confirmation de la MVD à ce stade se fait de la même manière que pour la MVD
asymptomatique et l’échocardiographie est la méthode de choix, mais un souffle cardiaque
caractéristique accompagné d’un signalement typique conduit à une forte suspicion. Il peut
être plus difficile d’établir si oui ou non l’ICC est présente, mais cela peut être confirmé en
combinant l’anamnèse, l’examen clinique et des radiographies thoraciques. Les signes
cliniques de l’insuffisance cardiaque gauche comprennent : une augmentation de la
fréquence respiratoire (avec des crépitements inspiratoire si l’atteinte est sévère) et une
tachycardie relative avec perte de l’arythmie sinusale respiratoire. Les radiographies
thoraciques révèlent une densité interstitielle péri-hilaire avec une dilatation des veines
pulmonaires et une dilatation de l’atrium gauche. Les chiens en insuffisance cardiaque
congestive doivent présenter une dilation nette de l’atrium gauche et du ventricule gauche
à l’échocardiographie. Les concentrations plasmatiques en NT-proBNP tendent à être plus
élevées que chez les chiens normaux. La fréquence respiratoire au repos ou pendant le
sommeil, observée par les propriétaires est un moyen très efficace d’identifier un œdème
pulmonaire chez les chiens chez qui une MVD a été confirmée et qui ont des précédents
d’épisodes d’ICC. 22
Traitement- Stade C (Défaillance cardiaque aigue, pronostic vital engagé)
Il n’existe pas d’étude comparant différentes prises en charge des chiens en défaillance
cardiaque aigue. Les chiens présentés avec une tachypnée sévère et des crépitements
pulmonaires à l’auscultation doivent recevoir un traitement d’urgence pour corriger les
perturbations hémodynamiques en minimisant le stress. Une cage à oxygène est le meilleur
moyen de procurer un environnement enrichi en oxygène sans aggraver le stress de
l’animal. En l’absence de cage à oxygène disponible, l’animal doit pouvoir être au repos dans
une cage ou maintenu à minima près d’un tube délivrant de l’oxygène. Une tranquillisation
utilisant le butorphanol peut s’avérer utile. Le furosémide doit être administré par voie
intraveineuse dès qu’un abord veineux est possible, sinon il pourra être injecté par voie
sous-cutanée ou intramusculaire. La dose initiale est souvent de 2-4 mg/kg et peut être
répétée toutes les 30-60 minutes jusqu’à effet (c’est –à-dire jusqu’à ce que la fréquence
respiratoire commence à diminuer). 5 Alternativement le bolus initial de furosémide peut-
être suivi d’une perfusion continue de 0.5mg/kg/h. Les chiens qui restent en détresse
respiratoire malgré une diurèse intense pourraient nécessiter une perfusion continue de
nitroprussiate de sodium. Le pimobendane est utilisé le plus souvent dès que des
médicaments peuvent être administrés oralement en toute sécurité, sinon la formule
injectable peut être employée.
La surveillance du patient en épisode aigu d’ICC comprend la mesure de la fréquence
respiratoire, des efforts respiratoires, de la pression artérielle, de la fonction rénale et des
électrolytes. La dose de furosémide doit être ajustée en fonction de la fréquence
respiratoire de sorte que la dose et/ou la fréquence est diminuée lorsque la fréquence
respiratoire commence à diminuer. Une hypotension indique des changements
hémodynamiques sévères mais ne doit pas changer la dose de furosémide utilisée. Les IECA
ne sont pas utilisés lorsque le patient est présenté en épisode aigu et en hypotention car les
chiens en hypotension sont à risque de développer une insuffisance rénale pré-rénale.
Traitement- Stade C (insuffisance cardiaque discrète à modérée)
Le traitement à la maison de l’insuffisance cardiaque est adapté pour les chiens qui
présentent des signes moins sévères et pour les chiens qui ont répondu à un traitement
intense initié en hospitalisation. Le furosémide peut être administré oralement : 2 mg/kg
deux fois par jour est la dose initiale habituellement utilisée. Le pimobendane est un
traitement standard (0.2 mg/kg deux fois par jour, voie orale) et les IECA sont aussi prescrits
en routine.23-25 Certains cliniciens commencent la spironolactone dès ce stade.26
La surveillance du patient en ICC chronique comprend le relevé par le propriétaire à la
maison de la fréquence respiratoire et des visites de contrôle pour surveiller la fonction
rénale et les électrolytes. La dose de furosémide doit être augmentée si la fréquence
respiratoire à la maison est augmentée (>40 par min.) ou la dose peut être diminuée si la
fréquence respiratoire est normale et stable.27 Des radiographies peuvent être réitérées si
un doute persiste sur l’attribution des signes cliniques à l’ICC ou à une atteinte pulmonaire
concomitente.
Le chien à MVD qui tousse
Les chiens ayant une MVD peuvent tousser avec ou sans ICC. Les chiens de petite races sont
prédisposés à la trachéobronchomalacie qui est associée à assouplissement du cartilage des
voies respiratoires et aboutit à un collapsus dynamique des voies riennes. Un collapsus
des bronches souches est commun chez les petites races présentant une MVD associée à
une toux, particulièrement lorsqu’une dilatation de l’atrium gauche est présente. En
revanche, la présence d’une ICC n’augmente pas nécessairement la probabilité de
tousser.28,29
Les chiens atteints de MVD qui présentent une toux mais associée à une fréquence
respiratoire normale ont donc plus de chance d’avoir un collapsus des voies respiratoires dû
à une trachéobronchomolacie, qui peut être secondairement exacerbée par une dilatation
de l’atrium gauche. Des antitussifs sont traditionnellement prescrits dans ces situations,
pourtant ils sont contre-indiqués en cas d’inflammation des voies respiratoires.
Stade D: Insuffisance cardiaque chronique et réfractaire
Les chiens qui continuent à présenter des signes d’insuffisance cardiaque malgré un
traitement approprié sont considérés comme réfractaires. Les complications qui
surviennent au stade D incluent : une diminution de la compliance des propriétaires car le
nombre de médicaments augmente ; une cachexie cardiaque et une baisse d’appétit30 ; une
insuffisance rénale pré-rénale à mesure que les doses de diurétiques augmentent ; des
modifications électrolytiques du fait des hautes doses de diurétiques et des activations
neuro-hormonales; des arythmies telles que la fibrillation atriale ; une tolérance au
furosémide; une hypertension pulmonaire : qui peut être associée à une augmentation de
pression dans l’atrium gauche mais peut aussi être due à une vasoconstriction artérielle
pulmonaire et un remodelage. 31
En première intention, il convient d’augmenter le furosémide. Celui-ci peut être administré
à dose supérieure soit par voie intraveineuse en cas de récidive de la détresse respiratoire
soit par voie orale lorsque des ascites se développent. Une tolérance au furosémide se
développe lorsqu’il est administré à long terme, ce qui se traduit par une absence de PUPD,
d’urémie ou d’hypochorémie chez les chiens recevant de très hautes doses de furosémide.
De possibles approches des insuffisances cardiaques réfractaires comprennent :
l’administration parentérale de furosémide plutôt qu’oralement, l’ajout de spironolactone,
l’ajout de thiazide ou le remplacement du furosémide par le torasemide à 1/10ème de la
dose de furosémide. 32 L’hypertension pulmonaire peut répondre au pimobendane33 mais le
sildenafil est aussi parfois utilisé.
La surveillance du patient réfractaire est essentielle pour éviter les effets secondaires
indésirables. Une insuffisance rénale pré-rénale sévère est difficile à éviter et les
modifications électrolytiques sont fréquentes. La fibrillation atriale nécessitera un
traitement pour ralentir la ponse ventriculaire. L’ascite peut être surveillée par la mesure
de la circonférence abdominale.
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