Mathématiques
taire, alors on définit un état
Ðv
sur
B
(
H
) en posant
Ðv
(
T
) =
hTv,vi
. Un état
ï
sur
A
est dit
pur
si c’est
un point extrémal de l’ensemble de tous les états
sur
A
(lequel est visiblement convexe) ; autrement
dit, si on ne peut pas écrire
ï
comme combinaison
convexe d’états différents de
ï
. Par exemple, on
peut montrer que tout « état vectoriel »
Ðv
sur
B
(
H
)
est pur.
Soient
A ⊆ B ⊆ B
(
H
) des
C∗
-algèbres. D’après
la version « espaces vectoriels ordonnés » du Théo-
rème de Hahn-Banach, tout état
ï
sur
A
peut se
prolonger en un état
Ð
sur
B
. On dit que la paire
(
A,B
) possède la
propriété d’extension unique
si
tout état pur sur
A
se prolonge de manière unique
en un état sur
B
. (Le prolongement est alors néces-
sairement un état pur ; on le voit à l’aide du Théo-
rème de Krein-Milman.)
Un cas particulier important est celui de la paire
(
L∞,B
(
L2
)), où
L2
=
L2
(
Ò,T,Þ
) pour un certain es-
pace mesuré (
Ò,T,Þ
), et
L∞
=
L∞
(
Ò,T,Þ
) est consi-
déré(e) comme une sous-algèbre de
B
(
L2
) en iden-
tifiant une « fonction »
Ú∈L∞
avec l’opérateur de
multiplication
MÚ
agissant sur
L2
qui lui est naturel-
lement associé (MÚf=Úfpour toute f∈L2).
Dans le cas où l’espace mesuré sous-jacent est
Ò
=
avec la mesure de comptage, l’espace
L2
est simplement
2
=
2
(
) (l’espace de toutes les
suites complexes de carré sommable), et l’espace
L∞
est
∞
=
∞
(
) (l’espace de toutes les suites
complexes bornées). La sous-algèbre de
B
(
2
) cor-
respondant à
∞
ne sera pas notée
∞
mais
D
(
2
).
C’est l’algèbre de tous les opérateurs D∈ B(2) qui
sont diagonaux sur la « base canonique » (en)n∈:
Den=Únen,n∈.
À ce stade, une précision s’impose : contraire-
ment à l’usage francophone, l’ensemble des entiers
naturels commencera à 1,
i.e.
=
{
1
,
2
,
3
,...}
. Une
raison est que la base canonique... de
d
ne se note
pas (e0,...,ed−1), mais bien (e1,...,ed).
Dans [12], Kadison et Singer montrent que la
paire
L∞,B
(
L2
)
ne possède pas la propriété d’ex-
tension unique lorsque l’espace mesuré est l’inter-
valle [0
,
1] muni de la mesure de Lebesgue. Très
naturellement, ils posent la question de savoir ce
qu’il en est dans le « cas discret »,
i.e.
pour la paire
D
(
2
)
,B
(
2
)
: c’est précisément le Problème de
Kadison-Singer tel qu’il a été énoncé dans l’intro-
duction.
Remarque.
Kadison et Singer pensaient que la ré-
ponse à leur problème était en fait négative (mais
contrairement à d’autres par la suite, ils sont restés
fort prudents dans leur pronostic, écrivant simple-
ment : we incline to the view that such extension is
not unique). Pour autant, dans toute la suite on dé-
signera par
(KS)
l’énoncé « la réponse au Problème
de Kadison-Singer est positive ». La mèche est donc
vendue !
2.2 – Pourquoi ?
Dans [9], on explique que le Problème de
Kadison-Singer aurait été initialement motivé par
un passage « problématique » du livre classique de
Paul Dirac [10] sur les fondements de la mécanique
quantique. Essayons d’en dire un peu plus. « Comme
chacun sait », dans le formalisme de la mécanique
quantique, l’espace des configurations possibles
d’un système quantique est modélisé par un certain
espace de Hilbert H. Le comportement du système
est analysé à partir de la mesure de certaines quan-
tités observables, et dans le formalisme adopté, une
quantité observable est modélisée par un opérateur
auto-adjoint
T∈ B
(
H
). Un état
Ð
sur
B
(
H
) s’inter-
prète alors comme une « distribution de probabilité
sur l’espace des quantités observables » : si un opé-
rateur
T
représente une certaine quantité obser-
vable, alors la probabilité « sous l’état
Ð
» que (le
résultat de la mesure de) la quantité représentée
par
T
appartienne à un certain intervalle
I⊆
est
égale à
ÞÐ
(
T,I
) :=
Ð
(
1I
(
T
)), où l’opérateur
1I
(
T
) est
défini par « calcul fonctionnel ».
Si maintenant on fixe une base orthonormée
(
en
)
n∈
de l’espace de Hilbert
H
, alors certaines
quantités observables deviennent plus observables
que les autres : ce sont celles qui correspondent
à des opérateurs
D
diagonaux sur la base (
en
). Di-
rac semble dire que si, sous un certain état
Ð
, on
sait déterminer la distribution de probabilité des
observables diagonaux
D
, alors on sait aussi dé-
terminer la distribution de probabilité de tous les
observables
T
. On voit donc apparaître « naturelle-
ment » quelque chose qui ressemble au Problème
de Kadison-Singer.
En réalité, dans [10] les choses ne sont pas très
claires ; mais il semble tout de même que les seuls
« états » considérés par Dirac soient les états vecto-
riels de la forme
Ð
(
T
) =
hTen,eni
. Donc la question
soulevée par le passage incriminé du livre de Di-
rac semble être un cas très particulier du Problème
de Kadison-Singer ; lequel est expédié dès les pre-
mières pages de [12].
28 SMF – GAZETTE – JUILLET 2015 – No145