Le défi du fondamentalisme
au coeur des trois religions abrahamiques
P
ROF
C
LAUDIO
M
ONGE
Université de Fribourg
Faculté de Théologie
SP. - AA. 2011-2012
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Du principe du Tawhid qui est à la base de la doctrine islamique, Mawdudi tire sa conception
d’une « théo-démocratie » dans laquelle la souveraineté n’appartenant qu’à Dieu, les gouvernants
et gouvernés doivent être égaux dans ce sens qu’ils ont l’égal devoir d’agir conformément aux
principes divins qui prêchent le bien et condamnent le mal : « L’Islam désire par-dessus tout que
les gens s’en remettent entièrement à la Vérité de Dieu, qu’ils le servent et l’honorent.
De même, il souhaite que la loi de Dieu devienne pour chacun la loi selon laquelle il ordonne sa
vie. Il exige aussi que l’injustice soit combattue, que les maux soient éliminés, car ils provoquent la
colère de Dieu, et que les vertus et valeurs de société soient valorisées, car elles rencontrent la
faveur divine »
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Comme chez la plupart des penseurs réformistes musulmans, la « décadence » est assimilée par
Mawdudi à une sorte de rechute dans la « Jahilia », c’est-à-dire l’état antérieur à la révélation
divine. Cette « Jahilia » est plus un état d’esprit qu’une structure sociale proprement dite. Elle peut
se retrouver à toutes les époques et sous divers masques y compris celui d’un islam formel et
apparent. Le principal élément constitutif de cette « Jahilia » en contradiction flagrante avec le
principe du Tawhid est l’adoration de la matière.
La fréquentation des ordres soufis durant sa jeunesse a sans doute facilité chez Mawdudi la prise
de conscience du rapport existant entre matière et décadence humaine mais elle ne le conduit
nullement à idéaliser un quelconque renoncement au monde à la manière bouddhiste. L’exigence
morale reste ancrée dans ce monde comme le stipule la tradition islamique. C’est la raison pour
laquelle la rencontre de cette exigence n’est pas une chose aisée et demande un « Jihad » (effort et
abnégation) sur soi-même.
Le « Jihad » est souvent traduit par l’expression impropre de « guerre sainte ». En effet, la tradition
islamique distingue le grand « Jihad » qui est l’effort sur soi-même pour atteindre la morale
islamique et le petit « Jihad » qui est la guerre pour la défense et le triomphe de l’islam. C’est donc
en conformité avec la tradition islamique que Mawdudi conçoit le « Jihad » comme lutte
permanente contre l’intrusion de l’esprit de la « Jahilia » : « Le Jihad n’est qu’un autre nom pour la
volonté de faire régner l’ordre de Dieu ; c’est pourquoi le Coran y voit la pierre de touche de la foi. En
d’autres termes, les personnes qui ont la foi rivée au cœur ne cèderont jamais à la domination d’un système
mauvais ; ils n’hésiteront pas à faire le sacrifice de leur vie, dans la lutte pour établir l’islam. »
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Mais là où Mawdudi entend le plus que le « Jihad » est avant tout un effort sur soi c’est lorsque,
sur la base d’un bilan des révolutions modernes et contemporaines (française, russe, turque), il
conclut que le changement au niveau des structures politiques, économiques et sociales n’a pas
débarrassé ces sociétés des maux sociaux. Pour Mawdudi, l’échec de ces révolutions renvoie à la
négligence du facteur éducatif, qui seul peut transformer les mentalités et les conduites sociales.
Cette relecture de la notion capitale de « Jihad » rehausse la position de Mawdudi dans le
mouvement contemporain de renaissance islamique.
1
Abu Ala Mawdudi, The Islamic Movement, Leicester, Islamic Foundation, 1984, p.79
2
Op.cit, p.79