Roche Biomarker Magazine 17
Recherche
Le Professeur Amant est l’un des
pères spirituels du Fonds voor
Innovatief Kankeronderzoek (fonds
pour la recherche innovante contre le
cancer), en abrégé, le FIKO. Le fonds
se concentre sur des thérapies neuves
contre le cancer, plus orientées vers
l’individu. “Avant, on appliquait la même
thérapie aux cancers d’un organe bien
défini, comme le cancer du sein ou
de l’intestin. Mais maintenant, nous
savons que les cancers d’un même type
peuvent fortement différer d’un point
de vue génétique. C’est pourquoi il est
capital de déterminer précisément les
caractéristiques spécifiques d’une cellule
cancéreuse. Il est vrai que certaines
caractéristiques peuvent permettre de
prévoir l’efficacité d’une certaine thérapie
de façon plus exacte.”
En investissant dans les bio-
marqueurs, nous pouvons sélection-
ner les patients qui pourraient tirer
profit d’une certaine thérapie.
Un des fers de lance de cette approche
novatrice est le projet Tumor Xenograft,
pour lequel l’on transplante à des
souris des tumeurs de patients atteints
du cancer. Les souris ont un système
immunitaire amoindri, ce qui laisse le
champ libre à la tumeur. Le Professeur
Amant admet qu’une tumeur humaine
dans une souris constitue un concept
particulier. “Mais cela nous permet de
vérifier certaines hypothèses. Si une
certaine thérapie agit ou non. En tous
les cas, notre modèle de souris est
plus proche de l’homme que la culture
traditionnelle des lignes cellulaires.
Les lignes cellulaires ne permettent
pas vraiment de faire des prévisions.
En outre, il y a une dimension éthique.
Suite à des lignes cellulaires imprécises,
des personnes subissent souvent des
thérapies inutiles qui, malgré tous les
efforts, n’agissent pas. Et puis, il y a la
question du coût. Il faudrait réserver les
thérapies coûteuses aux personnes dont
nous savons qu’elles réagiront bien. Notre
modèle de souris nous permet donc de
faire des économies. En investissant dans
les biomarqueurs, l’on peut sélectionner
les patients qui pourraient tirer profit
d’une certaine thérapie.”
Les premiers résultats du modèle de
souris sont encourageants. Le Professeur
Amant et son équipe constatent une
grande convergence entre la tumeur
humaine et la tumeur qui se développe
chez la souris. “Cette constatation
est importante, car la prévisibilité est
cruciale. Entre temps, dans notre projet
Tumor Xenograft, nous analysons neuf
différentes sortes de tumeurs. Dans
d'autres centres européens de pointe, on
se sert de la même technique, mais on se
focalise sur un seul type de cancer. Cette
large plateforme, ainsi que le lien intense
entre notre institut de recherche et notre
hôpital universitaire rend notre projet
unique en Europe.”
Avec le fonds, on part à la recherche
d’argent frais, car l’étude sur les souris
est très coûteuse. “Une souris coûte
entre 50 et 250 euros. De plus, les
expériences durent assez longtemps.
Parfois, on a besoin de 16 souris pour une
tumeur. Ajoutez les frais de personnel.
3,5 équivalents temps plein travaillent
dans notre service, parmi lesquels un
spécialiste des animaux, un scientifique
et deux laborantins. La récolte de fonds
n’est pas évidente. Parfois, des gens
renoncent car l’explication est assez
technique, parce que la recherche
fondamentale leur semble trop abstraite.
Pour investir dans des pistes de
recherche innovantes, il faut donc du
culot et de la confiance. Je considère
que le secteur pharmaceutique est un
partenaire potentiel important. Ils peuvent
tester leurs produits sur nos modèles.”
Implanter une tumeur humaine dans une souris pour
parvenir à prévoir l’efficacité d’une thérapie contre le cancer,
cela peut sembler bizarre, mais les premiers résultats du
projet Patient Derived Tumor Xenograft de la KU Leuven sont
très prometteurs. Le Professeur Docteur Frédéric Amant,
chef de la recherche, fait le point.
Notre modèle de souris se
rapproche plus de l’homme
que la culture des lignes cellulaires
Texte : Dirk Blijweert
Plus d’infos : www.fiko.be