Cecil Medicine Cancérologie
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Chapitre 23
Cancer du sein et maladies
mammaires bénignes
Le cancer du sein invasif, le cancer non cutané le plus fré-
quent chez la femme aux États-Unis, a été diagnostiqué
chez environ 180 000 femmes en 2010 et a entraîné environ
40 000 décès. L'incidence et la mortalité par cancer du sein
semblent baisser aux États-Unis et dans certaines parties
de l'Europe occidentale. Cela pourrait être lié à la détection
précoce permise par la mammographie de dépistage, à la
généralisation de la thérapie adjuvante systémique ainsi qu'à
une diminution de l'hormonothérapie substitutive.
Cancer du sein
Épidémiologie et physiopathologie
De multiples facteurs de risque ont été identifiés
( tableau23-1 ). Le principal est le sexe. Le cancer du sein
touche essentiellement les femmes ; chez les hommes, l'inci-
dence est d'environ 1 % de celle enregistrée chez les femmes.
Un deuxième facteur de risque essentiel est l'âge. Environ
75 % des cas de cancer du sein aux États-Unis sont diagnos-
tiqués chez des femmes de plus de 50 ans.
Des antécédents familiaux de cancer du sein, qui consti-
tuent un troisième facteur de risque important, se retrouvent
chez environ 20 % des patientes touchées ; le risque est par-
ticulièrement grand lorsque le cancer est survenu chez un
parent au premier degré de moins de 50 ans. On estime à
5 à 8 % les cas de cancer du sein qui se développent dans
des familles à haut risque. Plusieurs syndromes familiaux de
cancer du sein associés à des anomalies moléculaires ont été
identifiés. Le principal d'entre eux est le syndrome du can-
cer du sein et de l'ovaire, qui est lié à des mutations germi-
nales des gènes de susceptibilité au cancer du sein, les gènes
BRCA1 et BRCA2 . Ces mutations sont héritées sur un mode
autosomique dominant et peuvent donc être transmises par
la lignée maternelle ou paternelle. Des études approfondies
suggèrent qu'une mutation germinale de l'un de ces gènes
fait courir un risque à vie de 50 à 85 %. Actuellement, la
recherche de mutations dans BRCA1 et BRCA2 est considérée
comme une option normale pour les femmes chez qui l'on
suspecte une prédisposition héréditaire au cancer du sein, sur
la base notamment d'une descendance juive ashkénaze ou de
l'appartenance à une famille dont plusieurs membres ont eu
un cancer du sein bilatéral ou un cancer précoce du sein ou
de l'ovaire. Avant de tels tests génétiques, il importe d'expli-
quer la portée exacte de leurs résultats, en particulier de leurs
limites, qu'ils soient positifs ou négatifs.
D'autres syndromes héréditaires de cancer ( chapitre 3 )
comprennent le syndrome de Li-Fraumeni, qui est lié à des
mutations germinales dans le gène suppresseur de tumeur
p53 , et le syndrome de Cowden, qui est associé à des muta-
tions dans le gène PTEN . Enfin, en plus de ces syndromes de
susceptibilité génétique à haute pénétrance, des études d'as-
sociations pangénomiques ont identifié un certain nombre
de liaisons génétiques de faible pénétrance, notamment les
polymorphismes de nucléotides individuels dans divers
gènes. Il reste à établir s'il faut intégrer ces traits de faible
pénétrance dans la pratique clinique et comment le faire.
Les facteurs de risque liés à la reproduction incluent la
précocité des premières règles, une ménopause tardive,
la nulliparité et une première grossesse tardive. Dans l'en-
semble, ces facteurs se caractérisent par une exposition pro-
longée des seins aux estrogènes. L'association de plus en plus
évidente entre obésité postménopausique et cancer du sein
reflète probablement aussi l'effet des estrogènes. Certaines
pathologies mammaires, comme l'hyperplasie atypique et
le carcinome lobulaire in situ, augmentent les risques. Il se
pourrait également que l'augmentation de la densité mam-
maire détectée par la mammographie soit un facteur de
risque. Enfin, des facteurs environnementaux potentiels ont
suscité beaucoup d'intérêt, notamment les rayonnements
ionisants au cours de l'adolescence, l'hormonothérapie subs-
titutive prolongée, l'utilisation continue de contraceptifs
oraux et la consommation d'alcool. De vastes études n'ont
pas démontré de manière convaincante une association à
l'exposition aux pesticides estrogéniques ou à un régime ali-
mentaire riche en matières grasses.
Nancy Davidson
(Chapitre 204, extrait de l'ouvrage Goldman's Cecil Medicine, 24
th edition)
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260 Cecil Medicine Cancérologie
Manifestations cliniques
Le cancer du sein se manifeste souvent comme une anoma-
lie mammographique, mais aussi comme une masse ou un
épaississement asymétrique, un écoulement du mamelon
ou des altérations de la peau ou du mamelon. Deux présen-
tations cliniques inhabituelles sont la maladie de Paget du
mamelon et le cancer mammaire inflammatoire. La maladie
de Paget est une forme d'adénocarcinome touchant la peau
et les conduits lactifères ; elle se manifeste par une excoria-
tion du mamelon. Le cancer inflammatoire se reconnaît à
la rougeur, la chaleur et l'œdème, qui reflètent souvent une
infiltration cellulaire tumorale des vaisseaux lymphatiques
dermiques du sein ; il ne doit pas être confondu avec une
simple mastite.
Un écoulement du mamelon peut être dû à une tumeur
maligne du sein. S'il est d'aspect laiteux, il est rarement
associé à un diagnostic de malignité, mais s'il est clair ou
contient du sang, un examen des seins avec mammographie
s'impose, à laquelle il faudra souvent ajouter une biopsie-
exérèse de toute zone suspecte. Une ductographie, et parfois
une ductoscopie, peut être utilisée pour identifier la lésion
responsable. Un écoulement de sang est souvent causé par
un papillome intracanalaire.
Les douleurs mammaires sont fréquentes, surtout comme
symptôme prémenstruel avant la ménopause. Mais elles
peuvent également être provoquées par une tumeur maligne
sous-jacente. Les patientes souffrant de douleurs localisées non
cycliques devraient subir un examen des seins et une mam-
mographie bilatérale. Si les résultats sont normaux, une écho-
graphie ou une imagerie par résonance magnétique (IRM)
pourront exclure la faible probabilité de tumeur maligne.
Diagnostic
La démarche diagnostique est généralement déclenchée par
la mise en évidence d'une image suspecte à une mammo-
graphie de dépistage ou par la palpation d'une anomalie
dans le sein par la patiente elle-même ou un professionnel
de santé. Que les lésions soient cliniquement occultes ou
apparentes, l'histopathologie est obligatoire pour confirma-
tion du diagnostic. Aujourd'hui, la cytoponction (aspira-
tion à l'aiguille fine) et la biopsie au trocart ont remplacé
les prélèvements par incision ou excision comme mesures
diagnostiques habituelles. Lorsque les lésions suspectes sont
palpables, la cytoponction et la biopsie au trocart peuvent
être effectuées au cabinet médical, mais si la lésion est non
palpable, la biopsie doit être guidée par mammographie,
échographie ou IRM. Une revue systématique publiée
récemment a montré que les biopsies stéréotaxiques ou
échoguidées sont presque aussi précises que la biopsie à ciel
ouvert et, surtout, entraînent moins de complications. Ces
technologies permettent un diagnostic précis qui peut être
suivi d'un plan de traitement définitif. Il est évident, cepen-
dant, que l'évaluation doit être approfondie si les résultats de
la cytoponction ou de la biopsie sont douteux. Enfin, l'ima-
gerie de l'autre sein est toujours recommandée afin qu'une
lésion non suspectée puisse être détectée et analysée.
Tableau 23-1 Facteurs de risque de cancer du sein
Facteur de risque Risque relatif
Toute maladie bénigne du sein 1,5
Traitement hormonal substitutif après la ménopause (estrogène avec ou sans progestatif) 1,5
Premières règles à < 12 ans 1,1–1,9
Consommation modérée d'alcool (deux à trois verres/jour) 1,1–1,9
nopause à > 55 ans 1,1–1,9
Augmentation de la densité osseuse 1,1–1,9
dentarité et manque d'exercice 1,1–1,9
Maladie du sein proliférative sans atypie 2
Âge à la première naissance > 30 ans ou nullipare 2–4
Parente au premier degré atteinte de cancer du sein 2–4
Obésité postménopausique 2–4
Classe socioéconomique plus élevée 2–4
Antécédents personnels de cancer de l'endomètre ou de l'ovaire 2–4
Irradiation thoracique importante 2–4
Densité du sein augmentée à la mammographie 2–4
Âge avancé > 4
Antécédent personnel de cancer du sein (in situ ou invasif) > 4
Maladie du sein proliférative avec atypie > 4
Deux parentes au premier degré atteintes de cancer du sein 5
Hyperplasie atypique et parente au premier degré atteinte de cancer du sein 10
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Chapitre 23. Cancer du sein et maladies mammaires bénignes 261
Stadification et marqueurs prédictifs et pronostiques
À l'origine, la stadification était fondée sur l'évaluation cli-
nique de la taille de la tumeur, de la présence d'adénopathies
et des signes de maladie métastatique, mais c'est l'histopatho-
logie qui fournit les informations les plus précises sur la gra-
vité de la tumeur et le pronostic. Le système de stadification
du cancer du sein a été révisé en 2002 ( tableaux 23-2 et 23-3 ).
La plupart des patientes atteintes de cancer du sein se
présentent au stade I ou II de la maladie en l'absence de
symptômes. Chez elles, les analyses de laboratoire peuvent
être limitées à une numération globulaire, à la biochimie
habituelle, et l'on peut se limiter à une simple radiogra-
phie thoracique, sans évaluation radiologique plus pous-
sée. En revanche, les patientes avec des signes cliniques
Tableau 23-2 Stadification du cancer du sein : le système TNM
Taille de la tumeur : T (le plus grand diamètre)
TX La tumeur primitive ne peut pas être évaluée
T0 Pas de signe de tumeur primitive
Tis
Tis (CCIS)
Tis (CLIS)
Tis (Paget)
Carcinome in situ
Carcinome canalaire in situ
Carcinome lobulaire in situ
Maladie de Paget du mamelon non associée à un carcinome invasif et/ou carcinome in situ (CCIS et/ou CLIS)
dans le parenchyme mammaire sous-jacent. Les carcinomes dans le parenchyme mammaire associé à la
maladie de Paget sont catégorisés sur la base de la taille et des caracristiques de la maladie
parenchymateuse, la présence de la maladie de Paget devant encore être mentionnée
T1 Tum eu r 20 mm dans sa plus grande dimension
T1mi Tume ur 1 mm dans sa plus grande dimension
T1a Tu meu r > 1 mm mais 5 mm dans sa plus grande dimension
T1b Tu meu r > 5 mm mais 10 mm dans sa plus grande dimension
T1c Tu meu r > 10 mm mais 20 mm dans sa plus grande dimension
T2 Tumeur > 20 mm mais non 50 mm dans sa plus grande dimension
T3 Tumeur > 50 mm dans sa plus grande dimension
T4 Tumeur de toute taille avec extension directe à la paroi thoracique ou à la peau (comprend le carcinome
in ammatoire)
Implications ganglionnaires : N (statut ganglionnaire)
NX Les ganglions lymphatiques régionaux ne peuvent pas être évalués (parce qu'éliminés ou non éliminés)
N0 À l'histologie, pas de métastase dans les ganglions régionaux
N1 Métastases dans des ganglions axillaires de niveaux I, II, homolatéraux et mobilisables
N2 Métastases dans des ganglions axillaires de niveaux I, II, homolatéraux qui sont non mobilisables et
agrégés ; ou ganglions mammaires internes homolatéraux détectés cliniquement * en l' absence de
tastases cliniquement évidentes dans les ganglions axillaires.
N3 Métastases dans les ganglions sous-claviculaires homolatéraux (niveau axillaire III) avec ou sans implication
ganglionnaire axillaire de niveaux I, II ; ou dans des ganglions mammaires internes homolatéraux détectés *
cliniquement avec des métastases ganglionnaires axillaires cliniquement évidentes de niveaux I et II, ou des
tastases dans des ganglions lymphatiques supraclaviculaires homolatéraux avec ou sans envahissement
ganglionnaire mammaire interne ou axillaire
N3a tastases dans des ganglions sous-claviculaires homolatéraux
N3b tastases dans des ganglions mammaires internes homolatéraux et dans des ganglions axillaires
N3c tastases dans les ganglions supraclaviculaires homolatéraux
tastases : M
M0 Pas de signe clinique ou radiographique de métastases à distance
cM0(i +) Pas de signe clinique ou radiologique de métastases à distance, mais des cellules tumorales sont détec-
tées par des marqueurs moléculaires ou en microscopie dans le sang, la moelle osseuse ou d'autres tissus
ganglionnaires non régionaux qui ne mesurent pas plus de 0,2 mm chez une patiente sans symptômes ou
signes de métastases
M1 tastases à distance décelables par des moyens cliniques et radiographiques classiques et/ou prouvées
histologiquement, et de taille supérieure à 0,2 mm
* Par détection clinique, on entend une détection, par imagerie (hors lymphoscintigraphie) ou par examen clinique, de signes très suspects
de malignité ou de macrotastase (psence d'amas de cellules néoplasiques de plus de 2 mm [NdT]) présumée sur la base de cytoponction
avec examen cytologique.
Source : AJCC Cancer Staging Manual, 7th ed. New York : Springer-Verlag ; 2010.
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262 Cecil Medicine Cancérologie
de phase III ou IV devraient subir une évaluation plus
extensive, tomodensitométrie (TDM) et scintigraphie, à la
recherche de métastases dans les sites habituels, les pou-
mons, le foie, les os.
Les deux facteurs les plus déterminants du pronostic du
cancer du sein au stade précoce sont le statut pathologique
ganglionnaire et la taille de la tumeur. Les autres facteurs
qui contribuent au pronostic sont : le récepteur α des estro-
gènes (RE), le récepteur de la progestérone (RP) et la pro-
téine HER2, qui sert de récepteur membranaire du facteur
de croissance épidermique ; ils sont classiquement dosés
par immunohistochimie, bien que l'hybridation in situ en
fluorescence ( fluorescence in situ hybridization [FISH]) pour
rechercher l'amplification du gène HER2 soit également uti-
lisée. Le pronostic est considéré comme défavorable en cas
de charge ganglionnaire importante, de mauvais grade his-
tologique, de tumeur volumineuse, d'absence d'expression
de RE et de PR et de surexpression de HER2.
Récemment, l'accent a été mis sur les marqueurs prédic-
tifs RE, RP et HER2 comme guides dans le choix du traite-
ment. Ceux-ci devraient être systématiquement évalués dans
chaque cancer invasif. La plupart des tumeurs qui expri-
ment RE ou RP, ou les deux, sont sensibles à l'hormonothé-
rapie, tandis que celles qui en sont dépourvues répondent
rarement à une telle thérapie. La surexpression de la pro-
téine HER2 observée par immunohistochimie ou par FISH
annonce une réponse favorable à l'anticorps monoclonal
anti-HER2 qu'est le trastuzumab, ou au lapatinib, une petite
molécule qui inhibe l'activité de tyrosine kinase du récep-
teur HER2. On manque encore de données concernant les
relations entre l'efficacité de la chimiothérapie et l'expres-
sion des trois marqueurs, RE, RP ou HER2.
Des techniques moléculaires modernes ont permis une
classification moléculaire des cancers du sein. Le profil des
transcrits suggère que ces tumeurs peuvent être réparties en
au moins cinq sous-types moléculaires : semblable au tissu
mammaire normal, luminal A et B, HER2 et basal. Le sous-
type luminal A et le luminal B expriment fréquemment le
RE, mais le luminal A aurait un meilleur pronostic et répon-
drait mieux à l'hormonothérapie que le luminal B. Le sous-
type basal est dominé par les tumeurs qui n'expriment pas
RE, RP ni HER2 ; celles-ci sont dites triplement négatives et
n'offrent pas de cible moléculaire facilement identifiable.
Des tests multigéniques qui évaluent ces profils d'expres-
sion génique sont encore à l'étude, mais plusieurs sont déjà
disponibles en pratique clinique. Un de ces tests, Oncotype
Dx®, peut contribuer à l'identification, à un stade précoce,
d'un cancer du sein positif pour un récepteur de stéroïde et
qui pourrait être mieux neutralisé par l'ajout de la chimio-
thérapie au tamoxifène. Un autre test, Mammaprint®, peut
être utile pour l'identification des jeunes femmes atteintes
d'un cancer du sein au pronostic défavorable. Un certain
nombre d'autres tests sont en cours de développement ;
quant aux Oncotype Dx® et au Mammaprint®, ils font l'objet
de vastes essais randomisés pour que les conditions de leur
utilisation soient affinées et deviennent optimales.
Traitement
Traitement local du cancer du sein au stade précoce
Carcinome in situ
La sensibilisation du public au cancer du sein et le dépistage plus
répandu par mammographie ont permis des diagnostics plus
précoces : les carcinomes in situ représentent aujourd'hui 20 à
25 % des nouveaux cas ( tableau 23-4 ). La plupart de ceux-ci sont des
carcinomes canalaires in situ (CCIS). Environ 30 % de ceux-ci laissés
sans traitement deviendraient invasifs dans le même sein. Le risque
de métastase d'un CCIS est extrêmement faible. En conséquence, les
choix de traitement sont centrés sur le sein concerné, l'exploration
des ganglions axillaires n'étant pas systématique. La mastectomie
totale, la thérapie traditionnelle, aboutit, avec une forte probabilité, à
la guérison, mais pour de nombreuses femmes atteintes d'un CCIS,
des études suggèrent que le sein peut être conservé. Ce procédé ne
pourra être choisi que s'il ne déforme pas de manière excessive le
sein, si la tumeur n'est pas trop étendue et si la patiente le souhaite.
Plusieurs études ont suggéré que la taille et l'étendue des marges
chirurgicales de la lésion étaient d'importants déterminants du
résultat local. Il est essentiel que l'excision soit suf samment large
pour que les marges soient libres de tissu cancéreux. Il est crucial
de con rmer que le CCIS a été excisé convenablement par un
examen mammographique attentif de la tumeur réséquée et une
mammographie du sein après exérèse. Un large essai randomisé
a montré que l'association de la radiothérapie à la tumorectomie
diminuait, mieux que la tumorectomie seule, la probabilité de
récurrence in situ ou invasive. D'autres séries de données suggèrent
qu'une exérèse locale seule peut être proposée lorsque l'histologie
est favorable et lorsque les patientes sont prêtes à se soumettre à
une surveillance étroite. En outre, l'utilisation du tamoxifène pendant
5 ans peut réduire d'environ 50 % la probabilité de récurrence
homolatérale et le développement d'un cancer dans l'autre sein.
Tableau 23-3 Stade TNM et survie
Stade Catégorie TNM * Sans récidive à 10 ans
(sans thérapie
adjuvante systémique)
0 TisN0M0 98 %
I T1N0M0 80 % (toutes les
patientes au stade I)
T < 1 cm 90 %
T > 1–2 cm 8090 %
IIA T0N1M0 ; T2N0M0 6080 %
IIA T1N1M0 5060 %
IIB T2 N1M0 5–10 %, plus mauvais
que IIA et fondé sur le
statut ganglionnaire
IIB T3N0M0 30–50 %
IIIA T0 ou T1 ou T2N2M0 ;
ou T3N1 ou N2M0 1040 %
IIIB T4N0 ou N1 ou N2M0 530 %
IIIC Tout T, N3M0 1520 %
IV Tout T, tout NM1 < 5 %
* Voir tableau 23-2 pour les dé nitions TNM.
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Chapitre 23. Cancer du sein et maladies mammaires bénignes 263
La controverse continue quant à savoir si le carcinome lobulaire in
situ (CLIS) est vraiment une lésion maligne. Habituellement, il est
découvert fortuitement lors d'une biopsie prélevée pour d'autres
indications. Le risque de développement en cancer invasif dans l'un
ou l'autre sein semble être de 25 %. En général, en cas de CLIS,
l'expectative avec examen régulier des seins et mammographie est
de mise. Si d'autres facteurs de risque menacent ou si les patientes
souffrent d'anxiété extrême, c'est alors qu'une mastectomie totale
bilatérale pourrait être envisagée. En n, plusieurs vastes études de
chimioprévention indiquent que, chez ces patientes, le tamoxifène
ou le raloxifène réduisent les risques.
Cancer du sein invasif
Chirurgie. Depuis de nombreusesannées, la mastectomie radi-
cale (ablation du sein, des ganglions axillaires et des pectoraux)
était considérée comme le traitement par excellence du cancer
du sein, mais aujourd'hui, elle est rarement pratiquée. Plusieurs
essais randomisés ont montré de façon consistante que, pour les
cancers du sein au stade I ou II, la survie après tumorectomie avec
conservation du sein (TCS) et radiothérapie était la même qu'après
mastectomie radicale modi ée (ablation du sein et des ganglions
lymphatiques). Les contre-indications médicales à la TCS sont :
la présence de plusieurs tumeurs, une radiothérapie précédente,
une grossesse en cours qui exclut le recours à la radiothérapie en
temps opportun, la probabilité d'un résultat esthétique médio-
cre et un refus de la patiente. Le nombre de patientes qui ont
subi une TCS a considérablement augmenté, mais à l'intérieur
des États-Unis, de grandes différences géographiques subsistent.
Les patientes qui subissent une mastectomie devraient être infor-
mées sur les possibilités de reconstruction à partir de tissus auto-
logues ou d'implants ; celle-ci peut avoir lieu au moment de la
résection ou à tout moment par la suite.
Puisque le risque de propagation micrométastatique à distance
est fortement corrélé avec le nombre de ganglions axillaires
impliqués, un curage axillaire a été traditionnellement pratiqué ;
cela fournissait des informations pronostiques. Une tendance vers
la restriction de la chirurgie axillaire a n de minimiser l'incidence
de lymphœdème postopératoire (voir plus loin) a conduit à la mise
au point de techniques dites du « ganglion sentinelle ». Après
injection d'une substance radioactive ou d'un colorant bleu, ou
les deux, dans la zone qui entoure la tumeur primitive, le traceur
est entraîné rapidement dans le ganglion lymphatique axillaire
dominant, le ganglion sentinelle, qui peut ainsi être localisé et
retiré par le chirurgien. Si le ganglion sentinelle est normal, les
autres ganglions sont susceptibles de l'être également, et aucun
curage axillaire n'est nécessaire. Actuellement, celui-ci n'est
conseillé qu'aux patientes ayant des ganglions axillaires palpables
ou un ganglion sentinelle histologiquement impliqué. Pour les
patientes porteuses d'une petite tumeur, sans extension dans les
ganglions axillaires, de vastes études randomisées ont montré
que la technique du ganglion sentinelle donne des résultats
semblables à ceux du curage axillaire classique.
Radiothérapie adjuvante. La radiothérapie s'est avérée essen-
tielle en cas de TCS, car après tumorectomie seule, le taux de réci-
dive de cancer du sein atteint 40 %, alors qu'il est inférieur à 10 %
après radiothérapie du sein entier
1 . Des études en cours tentent
d'identi er les patientes dont la tumeur paraît d'un pronostic si
favorable que la radiothérapie pourrait être évitée. Un vaste essai
suggère qu'elle s'avère peu utile chez les femmes âgées de plus de
70 ans avec de petites tumeurs exprimant le RE et traitées par
le tamoxifène. La recherche actuelle se concentre également sur
une radiothérapie plus ciblée ; un plus petit champ serait irradié
ef cacement et en toute sécurité (radiothérapie partielle du sein)
ou durant une plus courte période.
Le rôle de la radiothérapie après mastectomie continue d'être
un sujet de débat. Sur la base des résultats de différents essais
randomisés ainsi que d'une méta-analyse qui suggèrent un
allongement de la survie, les radio-oncologues sont nombreux
à recommander une irradiation après mastectomie pour les
patientes ayant plus de trois ganglions envahis et discutent de son
bien-fondé pour celles dont un à trois ganglions sont impliqués.
Traitement systémique adjuvant du cancer du sein
au stade précoce
Le traitement systémique adjuvant après résection locale d'un
cancer du sein à un stade précoce consiste en chimiothérapie,
hormonothérapie, biothérapie ou une combinaison de celles-
ci. Le but est de supprimer ou d'éradiquer les micrométastases
cliniquement occultes. Puisque les tests actuels de dépistage
Tableau 23-4 Carcinome in situ : canalaire versus lobulaire
Caractéristique Carcinome lobulaire in situ Carcinome canalaire in situ
Âge Plus jeune Plus â
Masse palpable Non Rare
Mammographie Non détecté à la mammographie Microcalci cations, masse
Immunophénotype E-cadhérine négative E-cadhérine positive
Manifestation habituelle couverte fortuite à la biopsie du sein Microcalci cations à la mammographie
ou masse
Implication bilatérale Fréquente Douteuse
Risque et site d'un cancer mammaire
subséquent 25 % de risque de cancer invasif dans l'un
ou l'autre sein durant le reste de la vie Au site de la tumeur initiale ; 0,5 % risque/
an de cancer invasif dans l'autre sein
Prévention Envisager le tamoxifène ou le raloxifène Envisager le tamoxifène ou le raloxifène
si le récepteur d'estrone est exprimé
Traitement Mammographie et examen des seins
annuels Tumor ect omie ± radiation ; mastectomie
en cas de tumeur volumineuse
ou multifocale
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