PRELIMINAIRES
Notions historiques
1. Le traitement du cancer de la langue
Si Hippocrate (460-370 avant Jésus-Christ)2 réalisa les premières descriptions précises de
cancer, ce n’est qu’au XVIe et XVIIe siècles qu’apparaissent les premières observations de
cancer de la langue et leurs tentatives de traitement.
Jusque-là, comme l’écrivit Baudet [6], « la crainte de priver les opérés de la parole et la peur
de l’hémorragie arrêtaient la main des chirurgiens et motivèrent longtemps cette abstention
opératoire pour les affections de la langue. »
La première résection linguale pour cancer de la langue semble avoir été réalisé en 1664 par
Pétrus de Marchetti, chirurgien de Padoue qui « se servit du fer rouge comme agent de
diérèse » [6].
D’autres tentatives sporadiques d’extirpation chirurgicale du cancer de la langue sont réalisées
en Allemagne (Buxdorf en 1734), en Angleterre (Guthrie en 1756) mais c’est en 1774 que
Louis pose les bases du traitement chirurgical du traitement du cancer de la langue dans son
Mémoire à l’Académie de Chirurgie [7].
Baudet en résume l’idée : « …Sous sa plume, les souffrances horribles des cancéreux de la
langue deviennent un puissant argument en faveur de l’intervention chirurgicale.
Brillamment, il ouvre la voie et porte l’instrument tranchant sur la langue. L’hémorragie ne
l’effraie pas ; pour la combattre, il éteint des fers rouges dans la plaie, après l’excision. Au
début, il n’enlevait que les cancers de la pointe, mais, encouragé par ses succès, il s’enhardit,
il devient radical, il ampute la totalité de l’organe et insiste sur la conservation de la parole
après cette amputation.
Dès ce moment, la chirurgie de la langue existe, les successeurs de Louis ne feront que le
continuer. »
Le « manuel opératoire de l’extirpation de la langue avec le couteau » publié en 1785 par le
viennois Hunczowski décrit la technique de l’époque qui prévaudra jusqu’au début du XIXe
siècle[6] :
« On fait asseoir le patient sur une chaise, on lui ouvre la bouche, et, quand c’est possible, on
saisit la langue avec une compresse tenue entre le pouce et l’index de la main gauche ; on
sépare la langue du plancher de la bouche, on la tire dehors, et, par des incisions lentes et
répétées, on cherche alors à la détacher aussi près que possible de son origine. »
Tout au long du XIXe siècle, le traitement chirurgical du cancer de la langue bénéficie des
progrès techniques de la chirurgie notamment en matière d’hémostase (écraseur, serre nœud3,
2 Il fut le premier à utiliser les termes grec de « carcino, carcinoma » pour décrire des ulcérations chroniques
probablement suspectes de tumeurs malignes. http://www.bordet.be/historic/cancer/cancer1.htm
3 Mayor, mémoire sur les ligatures en masse. Paris, 1826