JIC62terVDSR3.qxd 7/06/2005 15:11 Page 1 LE JOURNAL DE L’INSTITUT CURIE COMPRENDRE POUR AGIR CONTRE LE CANCER DOSSIER Les cancers du nez, de la bouche et de la gorge # 62ter – JUIN 2005 – 1,25 € - ISSN 1145-9131 JIC62terVDSR3.qxd 7/06/2005 15:12 Page 2 DOSSIER CANCERS DES VADS B La chirurgie réparatrice a fait de nombreux progrès, diminuant les séquelles de ces cancers du nez, de la bouche et de la gorge. SOMMAIRE h Trois questions au… Dr José Rodriguez, chef du service de chirurgie cervico-faciale et ORL à l’Institut Curie p. 3 h Grâce à vous Les cancers des voies aérodigestives supérieures menacent des fonctions vitales – respiration, déglutition – et sociales – voix, apparence. Traiter les patients atteints de ces cancers, dont de plus en plus de femmes, nécessite de tenir compte de toutes ces conséquences liées au traitement ou à la maladie. Une prise en charge précoce permet des traitements plus efficaces, donc plus respectueux de l’intégrité fonctionnelle ou corporelle. Réserver du temps pour accélérer la recherchep. 5 h Témoignage Christian, 67 ans, a découvert son cancer il y a deux ans p. 6 2, LE JOURNAL DE L’INSTITUT CURIE LE JOURNAL DE L’INSTITUT CURIE COMPRENDRE POUR AGIR CONTRE LE CANCER EST ÉDITÉ PAR L’INSTITUT CURIE 26, RUE D’ULM, 75248 PARIS CEDEX 05 - [email protected] - WWW.CURIE.FR - DIRECTEUR DE LA PUBLICATION: PR CLAUDE HURIET - RÉDACTRICE EN CHEF: NATHALIE BOISSIÈRE - ICONOGRAPHIE: CÉCILE CHARRÉ (01 44 32 40 51) - CONTACT AVEC LES ABONNÉS : YOVAN VUJOSEVIC (01 44 32 40 80) - ABONNEMENT POUR 4 NUMÉROS/AN : 5 € - PHOTO DE COUVERTURE : ALEXANDRE LESCURE DE L’INSTITUT CURIE - CRÉATION ET RÉALISATION : CITIZEN PRESS (01 53 00 10 00) - FABRICATION: TC GRAPHITE (PARIS) - IMPRESSION: VINCENT 26, AVENUE CHARLES-BEDAUX 37000 TOURS - NUMÉRO DE COMMISSION PARITAIRE 0907H82469 - DÉPÔT LÉGAL DU N° 62TER: JUIN 2005 - CE NUMÉRO A ÉTÉ IMPRIMÉ À OOO 000 EXEMPLAIRES. Les méfaits du tabac et de l’alcool La France est le pays industrialisé le plus touché par les cancers des VADS. Ils y occupent la 4e place des cancers les plus fréquents. Toutefois, leur incidence est en baisse chez l’homme grâce à l’amélioration des conditions d’hygiène et d’alimentation (45/100 000 habitants en 2000 contre 65/100 000 en 1980). En revanche, de plus en plus de femmes sont concernées, même si 95 % des cas observés le sont chez les hommes dont l’âge moyen est de 55 ans. Il existe un gradient français Nord-Sud lié aux difficultés socio-économiques rencontrées par les populations du nord de la France, grosses consommatrices de tabac et d’alcool. Ces Sans tabac et avec moins facteurs de risque jouent un rôle primordial, surtout s’ils sont assode 40 g d’alcool/jour, 90 % des ciés : 96 % des hommes touchés cancers des VADS seraient évités. par un cancer des VADS sont en effet à la fois fumeurs et buveurs excessifs, c’est-à-dire plus d’un demi-litre de vin par jour ou de son équivalent. Les autres cancérogènes (amiante, hydrocarbures, peintures, nickel, poussières de pierre, de bois...) sont probablement impliqués dans certains cas. Le cancer des sinus chez les menuisiers est d’ailleurs reconnu comme maladie professionnelle. Mais leur rôle est difficile à mettre en évidence, du fait, là encore, de l’association fréquente à la consommation d’alcool et de tabac. Une alimentation pauvre en légumes et en fruits, avec carences en vitamines A, C et E – souvent liées également à une consommation excessive d’alcool – fait aussi partie des facteurs de risque, ainsi que les lésions chroniques des muqueuses (le lichen, maladie cutanée qui peut atteindre l’intérieur des joues, par exemple) dans 5 % des cas environ. Bilan et diagnostic rigoureux Dans 95 % des cas, un cancer des VADS se développe au niveau des muqueuses. Douleur, plaie, boule dans le cou, troubles de la déglutition, de la voix… Tout symptôme de ce type doit conduire à consulter s’il persiste plus de quinze jours, d’autant plus si la personne fume ou (suite page 5) ■ ■ ■ TROIS QUESTIONS AU… P. Levivier/Institut Curie ouche, nez, larynx (voix) et pharynx (déglutition) peuvent être le siège de tumeurs malignes. Chaque année, plus de 16 000 nouveaux cas de cancers des voies aérodigestives supérieures (VADS) sont diagnostiqués et environ 9 000 décès recensés. h S. Laure / Institut Curie LES CANCERS DU NEZ, DE LA BOUCHE ET DE LA GORGE DR JOSÉ RODRIGUEZ chef du service de chirurgie cervicofaciale et ORL de l’Institut Curie Sans le tabac et l’alcool, vous auriez bien moins de patients… Assurément : 90 % de nos patients se révèlent de gros consommateurs de tabac. Et l’alcool renforce la toxicité des produits du tabac en diluant les substances chimiques et en facilitant leur diffusion dans les muqueuses. Comme pour les cancers du poumon, ces substances ont une action directe sur les gènes liés aux cancers des VADS. En quoi la prise en charge des cancers des VADS est-elle délicate ? Nous intervenons sur un acteur majeur de la vie relationnelle de nos patients, sur des fonctions essentielles : la respiration, la déglutition, la voix... Il faut tenter de conserver au maximum ces éléments qui déterminent leur devenir personnel, familial et social. Les récents progrès de la chirurgie réparatrice permettent de diminuer les séquelles. Et en associant le plus tôt possible les trois stratégies thérapeutiques à notre disposition – chirurgie, radiothérapie et chimiothérapie –, nous améliorons nettement les résultats. Tout comme en dépistant tôt En effet, en repérant la tumeur à son premier stade de développement, le traitement est beaucoup plus facile et les chances de guérison élevées : 90 % à cinq ans, pour certaines localisations tumorales. À défaut de pouvoir organiser un dépistage de masse, qui concernerait un trop grand nombre de personnes, il faut inciter à une détection précoce chez les populations à risque : les fumeurs, les gros consommateurs d’alcool, les personnes déjà touchées par un cancer du poumon ou des VADS ou les personnes exposées aux poussières cancérogènes dans leur milieu professionnel. Elles doivent être suivies, d’autant que les premiers symptômes sont banals. Propos recueillis par G. L. LE JOURNAL DE L’INSTITUT CURIE ,3 JIC62terVDSR3.qxd 7/06/2005 15:12 Page 4 DOSSIER FICHE PRATIQUE CANCERS DES VADS Le diagnostic et la prise en charge d’un cancer des voies aérodigestives supérieures nécessitent une investigation visuelle des muqueuses, la pan-endoscopie. Il s’agit de repérer d’éventuelles lésions et le cas échéant de préciser l’extension de la tumeur et de faire des biopsies ou prélèvements. h LA PRÉPARATION Pour réaliser l’examen, le chirurgien et l’anesthésiste ont besoin d’informations comme les traitements pris régulièrement (en particulier l’aspirine ou les anticoagulants), les réactions allergiques… Lors de son entrée à l’hôpital, le patient doit penser à apporter tous les documents médicaux en sa possession : examens radiologiques, analyses de sang… h LE DÉROULEMENT Sous anesthésie générale, un tube rigide (endoscope) équipé d’un système optique est introduit par la bouche. Les premières observations sont parfois complétées par une exploration à l’aide d’un tube souple (fibroscope), introduit jusqu’au niveau des bronches, de l’œsophage ou de l’estomac. Les endoscopes sont souvent équipés d’accessoires permettant de réaliser des prélèvements. Un faible saignement peut être observé, sous forme de crachats sanguinolents. Les prélèvements, adressés à un laboratoire spécialisé pour analyse, permettront de confirmer en quelques jours s’il s’agit ou non d’un cancer. Le patient est hospitalisé pendant 48 heures en moyenne. h consomme excessivement de l’alcool. L’envahissement ganglionnaire cervical est aussi très fréquent. Dans 10 à 15 % des cas, ces cancers s’accompagnent d’autres localisations tumorales simultanées ou successives, dans la même zone, voire au niveau des poumons1 ou de l’œsophage. Des métastases peuvent aussi survenir. Pour faire un bilan de l’état général du patient, plusieurs examens sont pratiqués. Examen clinique, pan-endoscopie (lire la fiche pratique ci-contre), radiographie, scanner (tomodensitométrie) et parfois IRM (imagerie par résonance magnétique). Ils permettent de repérer une masse suspecte, de préciser son extension, de faire des prélèvements pour analyse histologique, de rechercher de possibles secondes tumeurs – poumon, squelette, foie2. Ce bilan d’extension est essentiel avant de commencer tout traitement. ■■■ Grâce à la vidéo L’extension locale de certaines tumeurs est mieux évaluée avec la vidéo. La numérisation des images permet à l’équipe médicale de conserver un document intéressant pour le suivi du patient et pour l’évaluation de sa réponse au traitement (en cas de dysplasie muqueuse, une anomalie des tissus). Au cours d’une endoscopie, il est également possible d’atteindre de petites tumeurs des cordes vocales avec le laser, une alternative à la radiothérapie qui remporte d’excellents résultats. APRÈS L’EXAMEN Compte tenu de la position de la tête, le patient peut ressentir quelques douleurs au niveau du cou. Elles sont passagères et sans gravité. h DES COMPLICATIONS POSSIBLES? L’intervention peut provoquer un pincement des lèvres ou de la langue, une petite plaie ou même nécessiter l’extraction de quelques dents. Des complications graves sont rares mais possibles. Géraldine Lebourgeois LE JOURNAL DE L’INSTITUT CURIE A. Lescure / Institut Curie DES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES Un examen d’imagerie, scanner ou IRM (imagerie par résonance magnétique), peut être nécessaire pour préciser le stade de la tumeur. 4, h h LE SAVIEZVOUS? Le virus d’EpsteinBarr – de la famille des virus de l’herpès – est un facteur de risque important des cancers rhinopharyngés (cavum) en Asie, au Maghreb et en Arctique. Des traitements de plus en plus conservateurs À l’appui des résultats des examens et après la consultation d’annonce du diagnostic, un deuxième rendez-vous permet de discuter avec le patient du programme thérapeutique que les spécialistes envisagent. Dans le cas des cancers des VADS, la collaboration est particulièrement étroite entre le chirurgien, le chimiothérapeute, le radiothérapeute et le diététicien. Le plan de traitement tient compte des éventuels problèmes nutritionnels provoqués par la tumeur – qui gênent le patient pour s’alimenter – ou par la surconsommation d’alcool. Les thérapies seront menées à terme à condition de maintenir un état général et nutritionnel acceptable et d’arrêter le tabagisme et la consommation d’alcool. Le patient est pris en charge dans sa globalité. Une attention toute particulière est portée à son confort (traitement de la douleur, de l’angoisse, conseils nutritionnels, soins cutanés...), parallèlement aux traitements spécifiques du cancer. L’approche multidisciplinaire permet de faire un choix thérapeutique individualisé. Selon la taille, la localisation de la tumeur et son extension, seront prescrites – seules, combinées ou successives – une chirurgie, une radiothérapie et/ou une ■ ■ ■ GRÂCE À VOUS Réserver du temps pour accélérer la recherche Méconnue du public, la recherche infirmière, axée sur le confort du malade, contribue à améliorer la qualité des soins en complément de la « classique » recherche médicale. Depuis 2003, l’Institut Curie a instauré le « temps protégé », pour permettre aux équipes médicales comme aux équipes soignantes de développer des projets de recherche. En 2005, 1,2 million d’euros y est consacré grâce à la générosité des donateurs de l’Institut Curie. La recherche est en effet une priorité de l’Institut, une façon pour ses professionnels de participer à l’évolution de la cancérologie nationale en diffusant ses pratiques innovantes. A. Lescure / Institut Curie A. Lescure/Institut Curie La pan-endoscopie 1. Lire aussi le Journal de l’Institut Curie n° 61 ter «Le cancer du poumon». 2. Lire aussi le Journal de l’Institut Curie n° 61 bis « Métastases hépatiques – Quand le cancer s’étend au foie ». LE JOURNAL DE L’INSTITUT CURIE ,5 JIC62terVDSR3.qxd 7/06/2005 15:12 Page 6 DOSSIER DOSSIER CANCERS DES VADS CANCERS DES VADS GÉNÉROSITÉ « Pour donner les meilleures chances aux patients » Pour soutenir les projets de l’Institut Curie, merci d’utiliser le bulletin joint ou à défaut d’envoyer votre participation à Institut Curie – gestion des dons – 26 rue d’Ulm – 75248 Paris Cedex 05. Vous pouvez également faire des dons en ligne sur notre site sécurisé https://soutenir. curie.fr. Grâce au soutien et à la générosité de ses donateurs, l’Institut Curie explore de nouvelles stratégies thérapeutiques, améliore la prise en charge de ses patients et soutient des activités de recherche innovantes. ■■■ chimiothérapie, en privilégiant le traitement conservateur de l’organe lorsque l’extension de la maladie le permet. La chirurgie consiste en l’ablation de la tumeur avec, en général, la suppression des chaînes de ganglions à proximité. La technique du ganglion sentinelle permet de repérer les ganglions de «drainage » de la zone tumorale et d’éviter de retirer inutilement la chaîne ganglionnaire saine. La chirurgie des cancers des VADS a fait de remarquables progrès. Les chirurgiens effectuent dans le même temps opératoire l’ablation et la répara- Noak / Le bar Floréal / Institut Curie Régulièrement, les protocoles de prise en charge suivis par la communauté médicale de l’Institut Curie sont mis à jour et intègrent les dernières évolutions dès l’instant où une amélioration des résultats est observée. Les protocoles fixent les modalités selon lesquelles doivent être effectués le bilan, le traitement, le suivi et la surveillance des patients. Une révision générale des protocoles a été finalisée début 2005 par le groupe d’étude multidisciplinaire Tête et cou de l’Institut Curie. «Il s’est agi de réfléchir au meilleur traitement à apporter, d’uniformiser les pratiques, pour donner à chaque patient les meilleures chances de guérison», précise le Dr José Rodriguez, responsable de ce groupe d’experts. Pour autant, des traitements hors protocole peuvent être appliqués, si c’est nécessaire pour le mieux-être du malade. La rigueur des protocoles permet aux cancérologues de tirer des enseignements et de les faire partager à la communauté scientifique et médicale française et internationale. tion des tissus endommagés par la tumeur. La technique dite « des lambeaux » permet, par exemple, de reconstruire la mâchoire avec des parties de muscle, de peau et d’os prélevés sur le péroné3 du patient. L’intervention dure environ dix heures. Associer les techniques pour de meilleurs résultats Souvent, un mois après l’opération, une séance quotidienne de radiothérapie est programmée, 5 jours 3. Péroné : os de la face latérale de la jambe. CONSULTATION INFIRMIÈRE UNE INFORMATION ET UN SUIVI DE PROXIMITÉ Une consultation infirmière en chirurgie cervico-faciale et ORL doit se mettre en place à l’Institut Curie d’ici 2006. En effet, l’information est primordiale, certains actes chirurgicaux pouvant entraîner des modifications sur la respiration, la déglutition, la voix et l’image corporelle. Chaque patient est unique et avec sa propre personnalité et sa propre histoire. Au-delà des soins, il exprime le besoin d’une relation humaine, voire affective. Il attend des infirmières une écoute attentive et une médiation entre lui, l’équipe médico-soignante et ses proches. L’attente avant l’hospitalisation est souvent mal vécue par le patient et sa famille : l’annonce de la maladie et son évolution, l’inconnu que représente l’hôpital, l’incertitude quant à l’avenir, les interrogations restées en suspens… font peur. La consultation infirmière préalable à l’acte chirurgical permet d’instaurer un climat de confiance, de sécurité et d’empathie, d’enseigner au malade les savoir-faire et les savoir-être indispensables pour être acteur de sa prise en charge, réduire son temps d’hospitalisation et prévoir avec lui la meilleure réinsertion sociale, familiale et professionnelle. 6, LE JOURNAL DE L’INSTITUT CURIE par semaine, pendant six semaines en moyenne. Plus efficaces, de nouvelles formes de radiothérapie sont mises en œuvre. La radiothérapie conformationelle avec modulation d’intensité, prometteuse, commence à être appliquée aux VADS. Elle épargne les tissus sains aux alentours, souvent très sensibles (glandes salivaires, yeux…) et met fin, notamment, à une des principales complications, la bouche sèche, handicap définitif du fait de l’irradiation involontaire des glandes salivaires. La toxicité moindre de la radiothérapie permet aujourd’hui de l’associer plus facilement à une chimiothérapie. Des recherches sont en cours pour en améliorer encore la tolérance. La chimiothérapie peut aussi être utilisée avant chirurgie et/ou radiothérapie, combinant généralement le cisplatine et le fluoro-uracile (2 à 3 administrations tous les vingt et un jours). Des essais cliniques récents associent également le taxotère qui semblerait améliorer la réponse tumorale et la survie. Enfin, la recherche médicale explore les bénéfices de l’utilisation de molécules ciblées, par exemple, des anticorps visant les récepteurs de facteurs de croissance. L’Institut Curie débute en 2005 un essai clinique de traitement postopératoire des formes graves de cancer des VADS associant radiochimiothérapie et thérapie ciblée avec la molécule gefitinib déjà utilisée contre certains cancers pulmonaires. Le développement de la recherche clinique a pour objectifs de faire reculer le taux de décès et d’améliorer la qualité de vie des patients. Les séquelles de la radiothérapie, comme celles de la chirurgie, sont également atténuées grâce aux conseils alimentaires, aux massages, à la rééducation de la voix... Une surveillance s’impose pendant plusieurs années. L’arrêt définitif du tabac et de la consommation excessive d’alcool sont des éléments majeurs de la guérison définitive. Géraldine Lebourgeois h POUR EN SAVOIR PLUS • www.curie.fr, site Internet de l’Institut Curie • www.fnclcc.fr, site de la Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer • Union des associations françaises de laryngectomisés et mutilés de la voix. 25, rue Coquillière - 75001 Paris - Tél. : 01 42 33 16 86 TÉMOIGNAGE « Un matin en me rasant, j’ai senti une boule dans la gorge » C. Charre / Institut Curie GROUPE D’ÉTUDE CHRISTIAN, 67 ANS, A DÉCOUVERT SON CANCER IL Y A DEUX ANS « C’est arrivé très vite. Un matin en me rasant, j’ai senti une boule dans la gorge. L’après-midi justement, j’avais un rendezvous chez mon médecin généraliste. Heureusement que j’ai pensé à lui en parler ; cela a permis d’agir très vite. Il m’a suggéré de faire une ponction. Huit jours après, on m’annonçait qu’il y avait un problème, sans m’inquiéter. Cela ne semblait pas à un stade très dangereux. Rapidement, on m’a recommandé l’équipe de l’Institut Curie pour me faire opérer. Au final, il y avait trois tumeurs, la plus grosse faisant 3 centimètres. Toute la partie gauche de la chaîne ganglionnaire m’a été enlevée. J’ai une cicatrice qui s’étend sur les deux tiers de la gorge, aujourd’hui très discrète. Après l’opération, par sécurité, j’ai suivi aussi une radiothérapie, pendant deux mois. Au début je n’ai ressenti aucune gêne, mais j’ai fini par ne plus avoir de salive. J’avais du mal à parler et une sorte de goitre s’est formé sous mon menton. J’ai d’ailleurs toujours une partie du cou dur comme du bois et je dois boire beaucoup d’eau pendant les repas, pour m’aider à avaler. Mais surtout, malgré les massages, j’ai souvent une gêne dans l’épaule (le chirurgien est intervenu jusque derrière l’omoplate !). J’ai aussi perdu 15 kg ; je n’en ai repris que 2 pour l’instant. En même temps, j’avais du poids à perdre... J’ai aujourd’hui repris le fil de ma vie. Je restaure des livres anciens, des gravures notamment. Je profite de chaque moment. Je veux me faire plaisir, sans penser au risque de retomber malade un jour. » Propos recueillis par G. L. LE JOURNAL DE L’INSTITUT CURIE ,7 JIC62terVDSR3.qxd 7/06/2005 15:12 Page 8 DÉCRYPTAGE CANCÉROGENÈSE Naissance d’une tumeur Le cancer est une maladie chronique résultant de dérèglements du fonctionnement des gènes, tout particulièrement dans les cellules vieillissantes. Alors que la séquence des événements aboutissant à une tumeur recèle encore des inconnues au niveau génétique, les spécialistes connaissent très bien les phénomènes à l’échelle des tissus. PLANTES AUSSI Le cancer touche l’homme, mais aussi les autres vertébrés et même certains invertébrés. Quant au règne végétal, il n’est pas à l’abri. La majorité des types cellulaires des vertébrés – près de 200 – peut donner naissance à une cellule cancéreuse. h TOUT DÉPEND DU TISSU TOUCHÉ On subdivise les cancers en deux grandes catégories : • La catégorie des cancers concernant les cellules hématopoïétiques (les cellules du sang) et qui causent des leucémies et des lymphomes, • et celle incluant les cancers, communément nommés « tumeurs solides », associés aux autres tissus, tels que les mélanomes (les cancers de la peau) ou les carcinomes (les cancers des épithéliums, ces tissus qui recouvrent les faces interne et externe des organes). D’après La Complexité des mécanismes de cancérogenèse Daniel Louvard et Jean Paul Thiery, Institut Curie. Pour la science Hors série n° 314 – décembre 2003. Avec l’aimable autorisation de l’éditeur. L’exemple type d’un carcinome: le cancer de l’intestin Quand une cellule épithéliale acquiert une mutation génétique, elle risque de proliférer. 2 3 1 2 Cette hyperplasie est à l’origine de la tumeur. 3 Quand une cellule de cet amas prolifératif subit à nouveau une mutation (c’est la phase de dysplasie), les cellulesfilles sont de plus en plus anormales. Tant que l’amas de cellules tumorales reste en place, on parle de carcinome in situ. 4 4 Parfois, une cellule acquiert une nouvelle mutation qui lui confère la capacité de traverser la membrane basale. 5 Le cancer devient invasif. 6 Une des cellules peut atteindre un vaisseau sanguin ; elle est alors transportée par le sang. Quand plusieurs de ces cellules s’accumulent dans un petit capillaire, elles l’obstruent. 5 7 Certaines quittent le vaisseau pour gagner le tissu environnant. Quand l’affinité pour ce tissu est suffisante, une nouvelle tumeur, une métastase, se développe. Ce type de cancer peut être repéré avant la phase métastatique et, dans le meilleur des cas, éliminé avant d’avoir métastasé : le patient peut guérir. ATTENTION. Certains carcinomes, dont celui de la vessie, ne suivent pas la série des étapes décrites pour le cancer intestinal. Ils évoluent différemment. 6 7 Delphine Bailly/Pour la science 2003 h CHEZ LES 1