VOLUME 3 . NUMÉRO 1 . JANV/FÉV 2011 Journal of Clinical Oncology A R T I C L E O R I G I N A L Comparaison de la chimiothérapie néoadjuvante avec la chirurgie seule dans le cancer localement avancé de l’estomac et du cardia : essai randomisé 40954 de l’European Organisation for Research and Treatment of Cancer * Klinikum rechts der Isar, Chirurgische Klinik der TU München, Munich ; Hôpital de la Charité, Faculté de Médecine de Berlin, Berlin ; Hôpital Braunschweig, Faculté de Médecine de Hanovre ; Clinique de médecine interne III, Hôpital HELIOS de Bad Saarow, Bad Saarow ; Hôpital Universitaire d’Erlangen, Erlangen ; Hôpital Universitaire Heinrich-Heine de Düsseldorf, Düsseldorf ; Hôpital de l’Université Carl Gustav Carus, Dresde ; Hôpital Universitaire de Heidelberg, Clinique chirurgicale ; Hôpital Universitaire de Cologne, Cologne ; Université Johann Wolfgang Goethe, Francfort ; Hôpitaux d’Essen-Mitte, Essen ; Caritatsklinik St Theresia, Saarbrücken, Allemagne ; European Organisation for Research and Treatment of Cancer (EORTC), EORTC Headquarters, Bruxelles ; Hôpital Universitaire Gasthuisberg, Louvain, Belgique ; et Centre Hospitalier Universitaire Ambroisé Paré, Boulogne, France. Manuscrit soumis le 13 octobre 2009, accepté le 1er septembre 2010, publié en ligne avant impression à l’adresse www.jco.org le 8 novembre 2010. Travail supporté par les subventions n° 5U10-CA11488-29 à 5U10CA11488-38 du National Cancer Institute (Bethesda, MD) et par un don de la Fédération Belge Contre le Cancer, de Belgique à l’EORTC Charitable Trust. Le contenu est de la seule responsabilité des auteurs et ne reflète pas forcément les opinions officielles du National Cancer Institute. Les déclarations des auteurs concernant d’éventuels conflits d’intérêts et les contributions des auteurs se trouvent à la fin de cet article. Lien pour le répertoire des essais cliniques disponible sur JCO.org. Auteur correspondant : Christoph Schuhmacher, MD, Klinikum rechts der Isar, Chirurgische Klinik der TU München, Ismaningerstrasse 22, D-81675 München, Deutschland ; courriel : schuhmacher@chir. med.tu-muenchen.de. © 2010 American Society of Clinical Oncology 0732-183X/10/2835-5210/$20.00 DOI: 10.1200/JCO.2009.26.6114 Traduit de l’anglais par Kraus Biomédical www.jco.org Christoph Schuhmacher, Stephan Gretschel, Florian Lordick, Peter Reichardt, Werner Hohenberger, Claus F. Eisenberger, Cornelie Haag, Murielle E. Mauer, Baktiar Hasan, John Welch, Katja Ott, Arnulf Hoelscher, Paul M. Schneider, Wolf Bechstein, Hans Wilke, Manfred P. Lutz, Bernard Nordlinger, Eric Van Cutsem, Jörg R. Siewert et Peter M. Schlag* r é s u m é But La bonbination de la chimiothérapie pré- et post-opératoire est bénéfique chez les patients atteints d’un cancer gastrique localement avancé, mais moins de 50 % de ceux-ci sont aptes à recevoir une chimiothérapie post-opératoire. Nous avons évalué l’intérêt de la chimiothérapie uniquement pré-opératoire dans un essai de phase III suivant des critères stricts pour la stadification pré-opératoire et la résection chirurgicale. Patients et méthodes Des patients atteints d’un adénocarcinome localement avancé de l’estomac ou de la jonction œsogastrique (AEG II et III) ont été randomisés entre la chimiothérapie pré-opératoire puis chirurgie et la chirurgie seule. 282 événements étaient nécessaires pour détecter avec une puissance de 80 % une amélioration de la durée médiane de survie de 17 mois avec la chirurgie seule à 24 mois avec le traitement néoadjuvant. Résultats Le faible taux de recrutement a mis fin à l’étude après la randomisation de 144 patients (72/72) ; 52,8 % des patients avaient une tumeur localisée au tiers proximal de l’estomac, incluant l’AEG de type II et III. Le taux de résection R0 de l’UICC (Union Internationale Contre le Cancer) a été de 81,9 % après la chimiothérapie néoadjuvante, contre 66,7 % avec la chirurgie seule (p = 0,036). Les métastases ganglionnaires ont été plus nombreuses dans le groupe chirurgie seule que dans le groupe chimiothérapie néoadjuvante (76,5 % versus 61,4 % ; p = 0,018). Les complications post-opératoires ont été plus fréquentes dans le bras du traitement néoadjuvant (27,1 % versus 16,2 % ; p = 0,09). Après une durée médiane de suivi de 4,4 ans et 67 décès, aucun bénéfice n’a pu être démontré en termes de survie (risque relatif, 0,84 ; IC à 95 %, 0,52 à 1,35 ; p = 0,466). Conclusion Cet essai a montré une augmentation significative du taux de résection R0, mais n’est pas parvenu à mettre en évidence un bénéfice en termes de survie. On peut l’expliquer par la faible puissance statistique, par un taux élevé de tumeurs gastriques proximales, AEG inclus, et/ou par un meilleur résultat que prévu après chirurgie radicale seule, dû à la grande qualité de l’intervention, avec des résections d’adénopathies régionales extérieures à la région périgastrique (tronc cœliaque, ligament hépatique, ganglion au niveau de l’artère splénique ; D2). J Clin Oncol 28:5210-5218. © American Society of Clinical Oncology INTRODUCTION Le cancer de l’estomac est une maladie agressive de mauvais pronostic,1,2 même en cas de résection complète sans métastases à distance. Chez les deux tiers environ des patients atteints d’un cancer gastrique, la maladie est localement avancée au moment du diagnostic.3 Dans les pays occidentaux, le taux de résection R0 (résection complète, macroscopique et microscopique, selon les critères de l’UICC [Union Internationale Contre le Cancer]) avec la chirurgie seule dans cette population de patients est insuffisant (41,1 %) et la durée médiane de survie globale atteint à peine 16,4 mois.4 45 Schuhmacher et coll Randomisés (N = 144) Assignés à la chimiothérapie néoadjuvante plus chirurgie (n = 72) Ont reçu le traitement assigné (n = 69 ; 95,8 %) N’ont pas reçu la chimiothérapie néoadjuvante (mais ont été opérés) (n = 1 ; 1,4 %) Refus du patient (n = 1 ; 100 %) Pas d’enregistrements (n = 2 ; 2,8 %) Assignés à la chirurgie seule (n = 72) Ont reçu l’intervention assignée (n = 68 ; 94,4 %) N’ont pas reçu le traitement assigné (n = 3 ; 4,2 %) Résection tumorale impossible (n = 2 ; 66,7 %) Preuve per-opératoire de métastases hépatiques (n = 1 ; 33,3 %) Pas d’enregistrements (n = 1 ; 1,4 %) Perte de vue en cours de suivi Fin normale du traitement Arrêt du traitement Progression de la maladie Toxicité Refus du patient Autre Perte de vue en cours de suivi Fin normale du traitement Arrêt du traitement Résection tumorale impossible Preuve per-opératoire de métastases hépatiques (n = 2) (n = 45) (n = 25) (n = 4 ; 16 %) (n = 8 ; 32 %) (n = 6 ; 24 %) (n = 7 ; 28 %) Analysés selon intention de traiter (n = 72) Pas d’analyse per protocole Patients inéligibles (n = 3) Pas de données pour évaluer l’éligibilité (n = 2) Patient M1 conformément à stadification (n = 1) Eligible, n’a pas commencé le traitement assigné (n = 1) (n = 1) (n = 68) (n = 3) (n = 2 ; 66,7 %) Fig. 1. Diagramme CONSORT. M, stade des métastases en classification TNM. (n = 1 ; 33,3 %) Analysés selon intention de traiter (n = 72) Pas d’analyse per protocole Patients inéligibles (n = 3) Pas de données pour évaluer l’éligibilité (n = 1) Lymphome non hodgkinien (n = 1) Antécédents de gastrectomie subtotale, laparoscopie non réalisée (n = 1) Eligibles, n’ont pas été opérés (n = 3) De nombreux essais cliniques randomisés ont comparé la chirurgie seule avec la chimiothérapie adjuvante, mais aucune conclusion formelle n’en est ressortie. Une méta-analyse récemment publiée de 17 essais randomisés et contrôlés de la chimiothérapie adjuvante dans le cancer gastrique a mis en évidence un bénéfice statistiquement significatif en termes de survie globale (risque relatif [RR], 0,82 ; IC à 95 %, 0,76 à 0,90 ; p < 0,001) et de survie sans maladie (RR, 0,82 ; IC à 95 %, 0,75 à 0,90 ; p < 0,001) chez les patients ayant reçu une chimiothérapie adjuvante basée sur le fluoro-uracile par rapport à la chirurgie seule.5 L’étude MAGIC (Medical Research Council Adjuvant Gastric Infusional Chemotherapy), qui portait sur 503 patients, a évalué l’effet d’une association de chimiothérapie pré- et post-opératoire par rapport à la chirurgie seule chez des patients atteints d’un adénocarcinome opérable de l’estomac ou de l’extrémité inférieure de l’œsophage. La survie globale (RR, 0,75 ; IC à 95 %, 0,60 à 0,93 ; p = 0,009) et la survie sans progression (RR, 0,66 ; IC à 95 %, 0,53 à 0,81 ; p < 0,0019) ont été significativement améliorées dans le bras de la chimiothérapie. De même, la survie à 5 ans a été meilleure dans ce bras (36 % versus 23 %).6 L’étude française ACCORD-07 (Action Clinique Coordonnée en Cancérologie Digestive) semble elle aussi confirmer ces résultats, mais elle n’a pas encore été publiée intégralement.7 Il est cependant difficile de déterminer la contribution relative de la composante pré-opératoire et de la post-opératoire en ce qui concerne le bénéfice en termes de survie dans les essais MAGIC et ACCORD-07. Compte tenu de la très faible efficacité de la chimiothérapie adjuvante notée dans les essais randomisés et contrôlés réalisés dans l’hémisphère occidental et de la relative rareté avec laquelle la chimiothérapie peut être administrée en post-opératoire, un protocole de chimiothérapie purement pré-opératoire constitue une option intéressante. Nous avons donc conçu cet essai analo46 Exclus (n = 0) gue aux essais MAGIC et ACCORD-07 en utilisant l’association de cisplatine, d’acide folinique et de fluoro-uracile en perfusion précédemment testée dans une étude de phase II, prospective et randomisée, réalisée par l’EORTC (European Organisation for Research and Treatment of Cancer) chez des patients atteints d’un cancer gastrique avancé.8 Dans un autre essai de phase II mené dans la même population de patients, la stadification par échographie endoscopique (EUS) et laparoscopie diagnostique étendue avant traitement néoadjuvant a entraîné l’exclusion de jusqu’à 30 % des patients en raison de la découverte d’une carcinose péritonéale ou de métastases viscérales occultes.9 Nous avons donc utilisé cette approche pour mieux sélectionner les patients réellement opérables. PATIENT S ET MÉTHODES Conception de l’étude et critères d’inclusion Des patients atteints d’un adénocarcinome gastrique localement avancé (stades III et IV [cM0] de l’UICC), y compris de tumeurs Siewert I et II de la jonction œso-gastrique,10 ont été randomisés entre une chimiothérapie pré-opératoire suivie de chirurgie et la chirurgie seule (Fig. 1). Les critères d’inclusion dans l’étude étaient les suivants : âge compris entre 18 et 70 ans (amendé à 75 ans en 2003) ; indice de performance de l’OMS de 0 à 1 ; preuve histologique d’adénocarcinome de l’estomac ou de la jonction œso-gastrique (AEG II et III) ; tumeur T3 ou T4 d’après l’échographie endoscopique ; absence de signes de métastases à distance ou de maladie jugée inopérable par EUS, tomodensitométrie (TDM) ou laparoscopie diagnostique étendue ; absence d’antécédents de chirurgie gastrique ; absence de Journal of Clinical Oncology Chimiothérapie néoadjuvante dans le cancer gastrique : EORTC 40954 chimiothérapie ou de radiothérapie antérieure ; absence d’infection ou de cardiopathie mal contrôlée ; fonction rénale correcte ; et absence de cancer ancien ou d’autre cancer actuel, à l’exception des cancers cutanés non mélaniques traités curativement et du cancer in situ du col de l’utérus. Le protocole a été examiné par le comité d’étude des protocoles de l’EORTC et approuvé par le comité d’éthique des établissements participants. Tous les patients ont fourni leur consentement éclairé écrit. Stadification Outre la stadification par TDM et radiographies du thorax, un examen laparoscopique général de la cavité abdominale et de l’arrière-cavité des épiploons avec échographie laparoscopique du foie a été pratiqué par trois points d’entrée abdominaux avant l’inclusion dans l’étude.11 Aucune confirmation histologique d’une infiltration de la séreuse n’a eu lieu pendant la laparoscopie diagnostique afin d’éviter toute dissémination de la tumeur primaire, mais les lésions suspectes du péritoine viscéral et pariétal à distance étaient excisées et soumises à un examen histologique. Traitement La chimiothérapie était commencée dans les 7 jours suivant la randomisation et comportait deux cycles de 48 jours de cisplatine 50 mg/m² par voie intraveineuse (IV) en 1 heure avec hydratation les jours 1, 15 et 29, suivi de l’administration IV en 2 heures d’acide L-folinique 500 mg/m² et de fluoro-uracile 2 000 mg/m² en perfu- Tableau 1. Caractéristiques démographiques et individuelles initiales Traitement Chimiothérapie Chirurgie seule + chirurgie (n = 72) (n = 72) Total (N = 144) Démographie et caractéristiques Nombre % Nombre % Nombre Age, Ans Médiane 56 58 57 Valeurs extrêmes 38-70 26-69 26-70 Sexe Hommes 50 69.4 50 69.4 100 Femmes 22 30.6 22 30.6 44 Indice de performance de l’OMS 0 48 66.7 55 76.4 103 1 24 33.3 17 23.6 41 Stade T clinique T3 68 94.4 67 93.1 135 T4 4 5.6 5 6.9 9 Sous-type histologique Intestinal 33 45.8 33 45.8 66 Non-intestinal 39 54.2 39 54.2 78 Localisation de la tumeur Tiers supérieur + cardia II, IIII 37 51.4 39 54.2 76 Tiers moyen 20 27.8 18 25.0 38 Tiers inférieur 15 20.8 15 20.8 30 Laparoscopie Complète 61 84.7 60 83.3 121 Incomplète 8 11.1 10 13.9 18 1.4 Non réalisée 0 0.0 1 1 Donnée manquante 3 4.2 1 1.4 4 Catégorie T selon différentes méthodes de stadification T3 62 86.1 64 88.9 126 T4 8 11.1 7 9.7 15 Donnée manquante 2 2.8 1 1.4 3 Catégorie N selon différentes méthodes de stadification N0 4 5.6 6 8.3 10 N1 48 66.7 44 61.1 92 N2 6 8.3 5 6.9 11 N3 1 1.4 1 1.4 2 N positif*† 11 15.3 15 20.8 26 Donnée manquante 2 2.8 1 1.4 3 Catégorie M selon différentes méthodes de stadification M0 66 91.7 69 95.8 135 M1 1 1.4 1 1.4 2‡ Mx 3 4.2 1 1.4 4 Donnée manquante 2 2.8 1 1.4 3 % 69.4 30.6 71.5 28.5 93.8 6.3 45.8 54.2 52.8 26.4 20.8 84.0 12.5 0.7 2.8 87.5 10.4 2.1 6.9 63.9 7.6 1.4 18.1 2.1 93.8 1.4 2.8 2.1 * Laparoscopie réalisée chez un patient, mais sans indication qu’elle est complète ou incomplète. † Les N-positifs sont les patients pour qui le nombre de ganglions positifs est inconnu (la classification peut être N1 ou N2 ou N3) ‡ Un patient était inéligible en raison de métastases ; un patient présentait des métastases ganglionnaires. www.jco.org 47 Schuhmacher et coll sion IV continue sur 24 heures les jours 1, 8, 15, 22, 29 et 36.12 Une nouvelle stadification par endoscopie et TDM était effectuée au cours des 3 derniers jours du premier cycle. En l’absence de progression, de dégradation de l’indice de performance de l’OMS au-delà du grade 1, de toxicité intolérable ou de refus du patient, un deuxième cycle de chimiothérapie était administré. Des modifications des doses étaient prévues pour les patients souffrant de toxicités (autres que l’alopécie et les vomissements) de grade supérieur à 2. L’exérèse de la tumeur gastrique était réalisée dans les 14 jours suivant la randomisation chez les patients assignés à la chirurgie seule et dans les 4 semaines suivant le dernier jour de chimiothérapie chez ceux assignés à la chimiothérapie. La résection consistait en une gastrectomie subtotale ou totale avec extension, suivant la localisation de la tumeur primaire, par une lymphadénectomie D1 (pour les ganglions périgastriques situés au niveau de la petite et de la grande courbure ; sept patients) ou, de préférence, une lymphadénectomie D2 (pour les ganglions régionaux extérieurs à la région périgastrique ; 130 patients).13 La résection pouvait être étendue à d’autres organes ou localisations pour obtenir une exérèse complète de la tumeur primaire et des adénopathies suspectes. Le rétablissement de la continuité gastro-intestinale était réalisé conformément aux pratiques locales. L’importance de la résection était documentée (gastrectomie subtotale, totale ou étendue avec D1 ou D2, extension aux organes voisins), ainsi qu’une estimation des marges de sécurité qui a été confrontée ultérieurement aux résultats histo-pathologiques. Évaluation et suivi Les échantillons ont été classés suivant la 5e édition de la classification TNM de l’UICC14 avec documentation de la taille de la tumeur, du nombre de ganglions lymphatiques disséqués et porteurs de métastases et de la présence d’une lymphangite carcinomateuse. L’évaluation de la réponse au traitement néoadjuvant reposait sur la diminution de la taille de la tumeur primaire mesurée par endoscopie (l’EUS n’était pas obligatoire en raison des difficultés connues de l’évaluation de la réponse par cette méthode) et par TDM. La disparition complète des lésions, par constatation visuelle subjective en endoscopie ou par mesure d’un épaississement de la paroi de l’organe en TDM, était considérée comme une réponse clinique complète. Une diminution supérieure à 50 % de la taille de la tumeur par rapport aux mesures initiales était définie comme une réponse partielle. La progression de la maladie correspondait à l’apparition de nouvelles lésions ou à une augmentation de plus de 25 % de la taille de la tumeur primaire. Tableau 2. Type de chirurgie Traitement Chimiothérapie Chirurgie seule + chirurgie (n = 70) (n = 68) Total (N = 138) Chirurgie Nombre % Nombre % Gastrectomie Avec lymphadénectomie D2 67 95.7 63 92.6 Avec lymphadénectomie limitée D1 2 2.9 5 7.4 Donnée manquante 1 1.4 0 0.0 Résection trans-hiatale complémentaire Non 38 54.3 33 48.5 Oui 31 44.3 35 51.5 Donnée manquante 1 1.4 0 0.0 Résection hépato-duodénale Non 49 70.0 46 67.6 Oui 20 28.6 22 32.4 Donnée manquante 1 1.4 0 0.0 Résection distale subtotale Non 68 97.1 66 97.1 Oui 1 1.4 2 2.9 Donnée manquante 1 1.4 0 0.0 Résection multiviscérale Non 63 90.0 56 82.4 Oui 6 8.6 12 17.6 Donnée manquante 1 1.4 0 0.0 Résection de métastases Non 68 97.1 61 89.7 Oui 1 1.4 7 10.3 Donnée manquante 1 1.4 0 0.0 Type de reconstruction Roux en Y 48 68.6 50 73.5 Poche 17 24.3 12 17.6 Billroth II 0 0.0 2 2.9 Autre* 4 5.7 3 4.4 Non réalisée 0 0.0 1 1.5 Donnée manquante 1 1.4 0 0.0 Nombre % 130 7 1 94.2 5.1 0.7 71 66 1 51.4 47.8 0.7 95 42 1 68.8 30.4 0.7 134 3 1 97.1 2.2 0.7 119 18 1 86.2 13.0 0.7 129 8 1 93.5 5.8 0.7 98 29 2 7 1 1 71.0 21.0 1.4 5.1 0.7 0.7 * Autre méthode ou combinaison de méthodes 48 Journal of Clinical Oncology Chimiothérapie néoadjuvante dans le cancer gastrique : EORTC 40954 La toxicité et les effets indésirables ont été rapportés en utilisant la cotation des Critères Communs de Toxicité, version 2.0, du National Cancer Institute.15 Les complications per- et post-opératoires et les interventions correspondantes (par exemple, réintervention, traitement conservateur) ont été documentées. Les patients ont subi un examen TDM 3, 6, 9, 12, 18 et 24 mois après l’opération et tous les ans ensuite. Les autres examens pratiqués à chaque visite étaient la collecte de l’histoire médicale, une évaluation de la toxicité, un examen clinique, une endoscopie, des examens hématologiques et biochimiques, une radiographie du thorax, éventuellement une échographie abdominale et, s’il y avait lieu, une scintigraphie osseuse. En cas d’anomalies radiologiques douteuses, une biopsie était recommandée. Critères de jugement et taille de l’échantillon Le critère de jugement principal de cet essai était la survie globale. L’étude était conçue pour détecter une amélioration de la durée médiane de survie globale de 17 mois dans le bras de la chirurgie seule à 24 mois dans le bras du traitement néoadjuvant (RR, 0,708) avec une puissance de 80 % et un seuil de signification bilatéral de 4 %. Pour observer les 282 événements nécessaires au cours des 4 années de recrutement prévues et des 2 années de suivi, nous avons établi qu’il faudrait 180 patients par bras. Les critères de jugement secondaires étaient le pourcentage de résections R0 (selon l’UICC), la survie sans progression, la toxicité au cours de la chimiothérapie pré-opératoire, la morbidité post-opératoire et l’effet de la chimiothérapie sur la tumeur primaire et les métastases ganglionnaires. Analyse statistique L’analyse statistique a concerné tous les patients randomisés sur la base de l’intention de traiter. La survie globale et la survie sans progression ont été calculées à partir de la randomisation. Les courbes de survie ont été établies selon la méthode de KaplanMeier. Les durées de survie ont été comparées entre les bras au moyen d’un test log-rank bilatéral. Nous nous sommes servis du modèle de proportionnalité des risques de Cox avec stratification rétrospective à des fins d’ajustement aux facteurs de confusion. Les facteurs de stratification étaient l’établissement, l’extension de la tumeur primaire (cT3 ou cT4), la localisation de la tumeur (tiers supérieur de l’estomac, cardia inclus, versus tiers moyen ou tiers inférieur), le sexe et le sous-type histologique (intestinal versus non intestinal). Toutes les analyses de données ont été effectuées avec le logiciel Statistical Analysis Software, version 9 (SAS Institute, Cary, NC). RÉSULTAT S Patients Entre juillet 1999 et février 2004, 144 patients ont été recrutés. L’étude a pris fin prématurément en raison de difficultés de recrutement après avoir atteint 40 % de son objectif. Au moment de l’analyse, en juin 2007, 67 patients étaient décédés. Ce faible nombre de décès par rapport aux 282 nécessaires limitait la puissance de l’analyse statistique formelle. Exception faite d’un petit déséquilibre de l’indice de performance de l’OMS (66,7 % d’indice 0 dans le bras chimiothérapie plus chirurgie versus 76,4 % dans le bras chirurgie seule, les caractéristiques initiales étaient distribuées uniformément (Tableau 1). Deux et un patients respectivement ont été perdus de vue en cours de suivi, immédiatement après leur assignation au bras du traitement néoadjuvant et au bras de la chirurgie seule. De plus, un et deux patients se sont avérés ne pas satisfaire aux critères d’éligibilité. Au total, trois patients de chaque bras ont été jugés inéligibles. Traitement Dans le bras du traitement néoadjuvant, 69 (95,8 %) des 72 patients ont reçu les deux modalités thérapeutiques. Un patient a refusé la chimiothérapie, mais a subi l’intervention chirurgicale. Parmi les 69 patients ayant reçu la chimiothérapie, 19 ont arrêté le traitement à l’étude au premier cycle et cinq autres pendant le second cycle. 45 patients ont donc reçu deux cycles de chimiothé- Tableau 3. Complications post-opératoires Traitement Chimiothérapie Chirurgie seule + chirurgie (n = 70) (n = 68) Total (N = 138) Nombre % Hémorragie 3 4.3 1 1.5 4 Transfusion 10 14.3 4 5.9 14 Défaillance de l’anastomose 3 4.3 2 2.9 5 Fuite du moignon duodénal 1 1.4 0 0.0 1 Péritonite 2 2.9 1 1.5 3 Fistule 3 4.3 5 7.4 8 Septicémie 5 7.1 2 2.9 7 Rétention 0 0.0 1 1.5 1 Infection de la plaie 2 2.9 1 1.5 3 Abcédation 4 5.7 4 5.9 8 Occlusion intestinale 1 1.4 1 1.5 2 Autre complication post-opératoire 11 15.7 4 5.9 15 Décès secondaire à une complication post-opératoire 3 4.3 1 1.5 4 Toute complication post-opératoire* 19 27. 1 11 16.2 30† Complication post-opératoire Nombre % Nombre % 2.9 10.1 3.6 0.7 2.2 5.8 5.1 0.7 2.2 5.8 1.4 10.9 2.9 21.7 * Nombre de patients victimes d’au moins une complication post-opératoire. † Certains patients ont été victimes de plusieurs complications post-opératoires www.jco.org 49 Schuhmacher et coll Tableau 4. Rapport anatomo-pathologique Traitement Chimiothérapie Chirurgie seule + chirurgie (n = 70) (n = 68) Total (N = 138) Rapport anatomo-pathologique Nombre % Nombre % Nombre % Marge chirurgicale* R0 59 84.3 49† 72.1 108 78.3 R1 10 14.3 17 25.0 27 19.6 R2 1 1.4 0 0.0 1 0.7 Inconnue 0 0.0 1 1.5 1 0.7 Donnée manquante 0 0.0 1 1.5 1 0.7 Localisation de la tumeur, tiers supérieur Non 28 40.0 25 36.8 53 38.4 Oui 42 60.0 42 61.8 84 60.9 Donnée manquante 0 0.0 1 1.5 1 0.7 Epaisseur de la tumeur, mm Médiane 11.0 13.0 12.0 Valeurs extrêmes 0.0-100.0 1.0-130.0 0.0-130.0 No. observed 51 55 106 Longueur de la tumeur, mm Médiane 50.0 57.5 55.0 Valeurs extrêmes 0.0-160.0 10.0-170.0 0.0-170.0 Non. observé 66 64 130 Largeur de la tumeur, mm Médiane 40.0 45.0 45.0 Valeurs extrêmes 0.0-150.0 10.0-170.0 0.0-170.0 Non. observé 65 62 127 Classification de la tumeur primaire T0 5 7.1 0 0.0 5 3.6 5.9 T1 5 7.1 4 9 6.5 T2 36 51.4 30 44.1 66 47.8 T3 20 28.6 24 35.3 44 31.9 T4 4 5.7 7 10.3 11 8.0 Inconnue 0 0.0 2 2.9 2 1.4 Donnée manquante 0 0.0 1 1.5 1 0.7 Classification des ganglions lymphatiques N0 27 38.6 13 19.1 40 29.0 N1 29 41.4 22 32.4 51 37.0 N2 9 12.9 13 19.1 22 15.9 N3 5 7.1 17 25.0 22 15.9 Inconnue 0 0.0 2 2.9 2 1.4 Donnée manquante 0 0.0 1 1.5 1 0.7 Classification des métastases à distance M0 45 64.3 36 52.9 81 58.7 M1 9 12.9 11 16.2 20 14.5 Mx 16 22.9 19 27.9 35 25.4 Inconnue 0 0.0 1 1.5 1 0.7 Donnée manquante 0 0.0 1 1.5 1 0.7 * Sept patients ont été classés R2 par le chirurgien ; les échantillons de cinq de ces patients ont été soumis à l’anatomo-pathologiste ; sur ces 5 patients, un a été classé R2 par l’anatomo-pathologiste, trois R1 et un R0. † 48 patients seulement du bras de la chirurgie seule ont été classés R0 par le chirurgien, avec confirmation par l’anatomo-pathologiste. rapie. Les principaux motifs d’arrêt du traitement ont été la toxicité (n = 8 ; 11,6 %), le refus du patient (n = 5 ; 7,2 %), la progression de la maladie (n = 4 ; 5,8 %) et une autre raison (n = 7 ; 10,1 %), qui incluait l’aggravation des symptômes sans signes de progression (n = 2), le défaut d’observance motivé par l’éloignement du centre de traitement (n = 1), l’avis de l’investigateur local (n = 3) et un infarctus de la protubérance annulaire présumé sans rapport avec la chimiothérapie. Huit patients ont été exclus de l’étude en raison d’une toxicité : n = 2 pour une toxicité rénale (grade 2 maximum), n = 1 pour une toxicité cardiaque de grade 3, n = 4 pour des nausées (grade 3 maximum) et vomissements (grade 3 maximum) et n = 1 50 pour une neutropénie de grade 2. De plus, chez 6 patients, la dose a été diminuée à cause de la toxicité, mais il n’a pas été nécessaire d’arrêter l’étude (8,7 %). Dans le bras de la chirurgie seule, la tumeur a été réséquée chez 68 (94,4 %) des 72 patients. Elle n’a a pas été pour cause d’inopérabilité chez deux patients. Une métastase hépatique a été découverte en per-opératoire chez un patient et les données sont manquantes pour l’autre patient. Dans le bras du traitement néoadjuvant, les données sont manquantes pour deux patients, mais tous les autres (70 sur 72) ont subi une résection de leur tumeur. Soixante-sept patients (95,7 %) Journal of Clinical Oncology Chimiothérapie néoadjuvante dans le cancer gastrique : EORTC 40954 Tableau 5. Pourcentage de résections Traitement Chimiothérapie Chirurgie seule + chirurgie (n = 72) (n = 72) Total (N = 144) 59 9 2 2 ont subi une gastrectomie, contre 63 patients (92,6 %) dans le bras de la chirurgie seule (Tableau 2). Compte tenu de la localisation proximale de la tumeur primaire, l’exérèse a été élargie à l’extrémité distale de l’œsophage chez 39 patients (55,7 %) dans le bras néoadjuvant, contre 41 patients (60,3 %) dans le bras de la chirurgie seule. Le nombre total de complications post-opératoires a été plus élevé dans le bras du traitement néoadjuvant (n = 19 ; 27,1 %) que dans le bras de la chirurgie seule (n = 11 ; 16,2 %, p = 0,09 ; Tableau 3). Aucune complication fatale n’a été documentée pendant l’opération. Une lésion vasculaire majeure s’est produite chez trois patients (4,3 %) dans le bras du traitement néoadjuvant, contre une seule (1,5 %) dans le bras de la chirurgie seule. Dans ce dernier, une splénectomie a été nécessaire pour obtenir l’hémostase. Les autres complications les plus fréquentes ont été le pneumothorax (n = 3), l’épanchement pleural (n = 2) et la pancréatite (n = 2). Trois décès ont été dus à des complications post-opératoires dans le bras du traitement néoadjuvant (septicémie chez deux patients et un arrêt cardiaque après embolie pulmonaire) et un dans le bras de la chirurgie seule (septicémie). Évolution Sur les 69 patients qui ont reçu la chimiothérapie néoadjuvante, une réponse clinique complète a été observée chez quatre (5,8 %) et une réponse partielle chez 21 (30,4 %), ce qui donne un taux global de réponse de 36,2 % (IC à 95 %, 25,0 % à 48,7 %). La taille post-opératoire de la tumeur a eu tendance à être plus petite dans le bras du traitement néoadjuvant (Tableau 4). Dans ce bras, 65,7 % des tumeurs ont été classées pT0/1/2, contre 50 % dans le groupe de la chirurgie seule. Cinq patients (7,1 %) ont présenté une réponse anatomo-pathologique complète après le traitement néoadjuvant. À la suite de l’évaluation per-opératoire, une résection complète a été réalisée chez 87,5 % de l’ensemble des patients assignés à chaque bras (63 sur 72 dans chaque bras). Le pourcentage de résections R0, d’après l’évaluation de l’anatomo-pathologiste, a été de 81,9 % dans le bras de la chimiothérapie néoadjuvante (n = 59) et de 66,7 % dans le bras de la chirurgie seule (n = 48 ; Tableau 5). Cette différence a atteint le seuil de signification statistique (test Z, p = 0,036). Avec un IC à 95 %, l’estimation du bénéfice absolu est comprise entre +1,2 % et +29,3 %. Bien que le nombre médian de ganglions lymphatiques disséqués ait été comparable dans les deux bras (31 avec la chimiothérapie ; valeurs extrêmes, 5 à 80, versus 33 avec la chirurgie seule, valeurs extrêmes, 10 à 88), les métastases ganglionnaires ont été plus fréquentes chez les patients uniquement soumis à la chirurgie, 52 patients (76,5 %) versus 43 (61,4 % ; p = 0,018). Le nombre www.jco.org % Nombre 81.9 12.5 2.8 2.8 % 48 15 5 4 Nombre % 107 24 7 6 74.3 16.7 4.9 4.2 66.7 20.8 6.9 5.6 médian de ganglions positifs a été de un (valeurs extrêmes, 0 à 32) dans le groupe chimiothérapie versus six (valeurs extrêmes, 0 à 38) dans le groupe chirurgie seule. Aucun envahissement lymphatique n’a été observé chez 41 patients (58,6 %) dans le groupe chimiothérapie néoadjuvante versus 23 (33,8 %) dans le groupe chirurgie seule (p = 0,01). La durée médiane de suivi pour l’ensemble des patients a été de 4,4 ans : 4,7 ans dans le bras du traitement néoadjuvant et 4,1 ans dans le bras de la chirurgie seule. Cette différence n’a pas été statistiquement significative (p = 0,637). Il s’est produit 32 décès A 100 Survie globale (%) Resection margin R0 R1 R2 No surgery Nombre Traitement Chirurgie seule CTx plus chirurgie 80 0 35 32 N 72 72 60 40 20 Test log-rank, p = 0,466 0 1 2 3 4 5 6 11 15 4 6 7 Temps (ans) Nbre de patients à risque Chirurgie seule 58 CTx plus chirurgie 61 B 48 49 34 41 100 Survie sans progression (%) Pourcentage de résections 20 29 Traitement Chirurgie seule CTx plus chirurgie 80 0 44 40 N 72 72 60 40 20 0 Test log-rank, p = 0.2 1 2 3 4 5 6 11 13 4 5 7 Temps (ans) Nbre de patients à risque Chirurgie seule 44 CTx plus chirurgie 56 34 41 28 31 16 24 Fig. 2. (A) Survie globale et (B) survie sans progression. CTx, chimiothérapie ; O, événements (décès) observés ; N, nombre total. 51 Schuhmacher et coll dans le bras du traitement néoadjuvant : 24 dus à la progression de la maladie, trois à des complications post-opératoires, quatre à d’autres causes et un à une cause inconnue, versus 35 décès dans le bras de la chirurgie seule : 33 dus à la progression de la maladie, un à des complications post-opératoires et un à une cause inconnue (Fig. 2A). Comme les courbes de Kaplan-Meier coupent à peine le 50e percentile, il n’a pas été possible d’évaluer avec fiabilité la durée médiane de survie. La médiane de survie a été estimée à 64,62 mois (IC à 95 %, 42,41 à donnée non disponible [NA]) dans le bras du traitement néoadjuvant versus 52,53 mois (IC à 95 %, 31,70 à NA) dans le bras de la chirurgie seule. Compte tenu des 67 événements observés, la puissance pour l’analyse primaire a été de 25 %. À la comparaison de la chimiothérapie plus chirurgie avec la chirurgie seule, le RR pour la survie globale a été de 0,84 (IC à 95 %, 0,52 à 1,35 ; p = 0,466). Les résultats ont été identiques après ajustement aux facteurs de stratification : localisation de la tumeur, sexe et sous-type histologique (p ajusté = 0,43). Les taux de survie à 2 ans ont été respectivement de 72,7 % (IC à 95 %, 60,7 % à 81,7 %) et 69,9 % (IC à 95, 57,7 % à 79,2 %) dans les bras du traitement néoadjuvant et de la chirurgie seule. L’analyse de la survie sans progression a reposé sur 44 événements observés dans le bras de la chirurgie seule et 40 dans le bras du traitement néoadjuvant (Fig. 2B). À la comparaison de la chimiothérapie plus chirurgie avec la chirurgie seule, le RR a été de 0,76 (IC à 95 %, 0,49 à 1,16 ; p = 0,20). DISCUSSION Bien que plusieurs éléments importants aient été significativement en faveur de l’approche néoadjuvante (pourcentage plus élevé de résections complètes, plus petite taille de la tumeur primaire, moins de métastases ganglionnaires et lymphangite carcinomateuse moins fréquente qu’avec la chirurgie seule), cette étude n’est pas parvenue à mettre en évidence un bénéfice statistiquement significatif en termes de survie du traitement néoadjuvant pour le cancer gastrique localement avancé. Le faible nombre d’événements observés dans les deux bras en raison de la fin prématurée du recrutement ainsi que les résultats chirurgicaux meilleurs que prévus ont entraîné une puissance tout à fait insuffisante pour mettre en évidence le bénéfice visé d’un RR de 0,708. Cet essai est limité par la puissance statistique insuffisante pour détecter une éventuelle différence de survie et par la possibilité tout à fait réelle que la chimiothérapie pré-opératoire n’a pas d’impact bénéfique sur les patients traités dans cet essai. Outre sa faible puissance, plusieurs différences avec l’étude MAGIC peuvent avoir contribué à ce résultat négatif de notre étude. Dans l’étude MAGIC, des lymphadénectomies D2 n’ont été pratiquées que chez 43 % des patients, versus plus de 92 % dans les deux bras du présent essai. Un curage ganglionnaire plus étendu peut minimiser la contribution de la chimiothérapie néoadjuvante, car une résection primaire plus complète est réalisée. De plus, le taux d’achèvement du traitement néoadjuvant a été plus grand dans MAGIC que dans notre étude (86 % versus 65 %) et MAGIC incluait des catégories de tumeurs plus précoces. Les pourcentages plus élevés de complications post-opératoires peuvent eux aussi avoir contribué à altérer la survie globale dans la présente étude. Il est important de noter que le bénéfice pronostique des 43 % de chimiothérapies adjuvantes post-opératoires délivrées dans l’étude MAGIC manque de clarté. 52 Un autre facteur contributif est le pourcentage élevé de patients présentant une tumeur proximale (52,8 %) dans la présente étude. Même dans l’essai positif OE2, le taux plus important de résections s’est traduit par un bénéfice relativement limité de 6 %, de 17,1 % à 23,0 %, du pourcentage de survie à 5 ans.16 Le meilleur résultat chirurgical observé dans notre étude par rapport à d’autres peut être imputé, au moins en partie, à la surstadification pré-opératoire systématique. Malgré l’utilisation de procédures de stadification méticuleuses, incluant l’EUS, la TDM et la laparoscopie diagnostique étendue, permettant de limiter le recrutement aux tumeurs cT3-4, un fort pourcentage de patients des deux bras s’est avéré être de stade pT2 sans envahissement ganglionnaire au moment de l’opération chirurgicale. Il est possible que cette mauvaise corrélation ait été atténuée par le pourcentage élevé de patients présentant une tumeur proximale (52,8 %) dans notre étude. Dans cette localisation, la couche musculeuse gastrique est recouverte plutôt par du tissu adipeux que par la séreuse. Les tumeurs localisées au tiers proximal sont donc classées cT3 par l’EUS pré-opératoire, mais sont finalement classées pT2. Le pronostic des tumeurs pT2 du tiers proximal est comparable à celui des tumeurs pT3 du reste de l’estomac. Le protocole cisplatine plus leucovorine plus fluoro-uracile a été largement utilisé dans le cancer gastrique métastasé 12,17-18 et a fait preuve d’une activité prometteuse dans une étude multicentrique randomisée de phase II.19 Après 3 mois de traitement néoadjuvant, le taux de réponse au protocole cisplatine/leucovorine/ fluoro-uracile a été bon (35,2 % avec un IC à 95 % de 23,7 % à 45,7 %), mais le pourcentage de cycle de chimiothérapie diminués ou incomplets a été important, le plus souvent à la suite d’une demande du patient, d’une progression de la maladie, de la décision du médecin (24,1 %) ou d’une toxicité mesurable (11 %). Ce résultat va à l’encontre de l’essai que nous avons précédemment mené dans le cancer gastrique métastasé, dans lequel 90 % des cycles de chimiothérapie ont été administrés sans la moindre diminution de dose. Nous pensons que l’acceptabilité de la chimiothérapie peut être moins bonne dans le cadre néoadjuvant. D’autres protocoles à base d’oxaliplatine, moins toxiques mais tout aussi actifs, conviendraient peut-être mieux à cette population de patients.20 En concevant un futur essai, les investigateurs pourraient y intégrer les leçons tirées du présent essai : stadifier aussi précisément que possible, avec laparoscopie et curage ganglionnaire D2 adéquat, et s’attendre à une surstadification endo-échographique des tumeurs proximales. La solution pourrait être d’inclure toutes les catégories plus avancées que cT1, comme l’ont précédemment rapporté l’étude MAGIC6 et d’autres essais.21,22 Cette approche est pragmatique car il semble que la discrimination du cancer gastrique débutant est plus fiable que la distinction entre les catégories cT2 et cT3 par échographie endoscopique. De plus, les tumeurs pT2 ont déjà une forte probabilité de dissémination tumorale lymphatique, ce qui justifie leur inclusion dans un groupe de risque de moins bon pronostic. Les investigateurs devraient également anticiper de meilleurs résultats chirurgicaux, en particulier dans les centres à débit important. DÉCL ARATION D’ÉVENTUEL S CONFLIT S D’INTÉRÊT S DES AUTEURS Les auteurs n’ont indiqué aucun conflit d’intérêts potentiel. Journal of Clinical Oncology Chimiothérapie néoadjuvante dans le cancer gastrique : EORTC 40954 CONTRIBUTIONS DES AUTEURS Conception et plan : Christoph Schuhmacher, Stephan Gretschel, Katja Ott, Manfred P. Lutz, Bernard Nordlinger, Eric Van Cutsem, Peter M. Schlag Soutien administratif : Stephan Gretschel, Bernard Nordlinger Fourniture du matériel d’étude ou de patients : Christoph Schuhmacher, Stephan Gretschel, Florian Lordick, Peter Reichardt, Werner Hohenberger, Claus F. Eisenberger, Cornelie Haag, Baktiar Hasan, Katja Ott, Arnulf Hoelscher, Paul M. Schneider, Wolf Bechstein, Hans Wilke, Jörg R. Siewert, Peter M. Schlag Collecte et assemblage des données : Stephan Gretschel, Références 1. 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Schlag Rédaction du manuscrit : Tous les auteurs Approbation finale du manuscrit : Tous les auteurs folinic acid (HD-FU/FA), or HD-FU/FA plus biweekly cisplatin in advanced gastric cancer: Randomized phase II trial 40953 of the European Organisation for Research and Treatment of Cancer Gastrointestinal Group and the Arbeitsgemeinschaft Internistische Onkologie. J Clin Oncol 25:2580-2585, 2007 9. Feussner H, Fink U, Walker SL, et coll. Preoperative laparoscopic staging in advanced gastric carcinoma, in Nishi M, Sugano H, Takahashi I (eds): First International Gastric Cancer Congress, Kyoto, 1995. Bologna, Italy, Monduzzi, 1995, pp 82-87 10. Stein HJ, Feith M, Siewert JR: Cancer of the esophagogastric junction. Surg Oncol 9:35-41, 2000 11. Feussner H, Omote K, Fink U, et coll. Pretherapeutic laparoscopic staging in advanced gastric carcinoma. Endoscopy 31:342-347, 1999 12. Ott K, Sendler A, Becker K, et coll. 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