
La Lettre du Sénologue - n° 36 - avril-mai-juin 2007
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pécitabine et la vinorelbine orales. Deux études de phase II
(13, 14) ont été menées en première ou deuxième ligne. Elles
ont permis une réponse objective dans 41 à 61 % des cas. La
toxicité clinique et hématologique reste faible.
Verma (15) a testé également ces deux molécules, mais selon
un schéma séquentiel, obtenant ainsi une survie à un an de
46 % chez des patientes métastatiques réfractaires aux anthra-
cyclines et aux taxanes.
LES PRÉFÉRENCES DES PATIENTS
L’efficacité de ces molécules par voie orale étant maintenant
établie, interrogeons-nous sur les préférences des patients.
Liu, en 1997 (16), a évalué 103 patients atteints de cancer dont
89 % ont affirmé avoir une préférence pour la chimiothérapie
orale, si celle-ci présente une efficacité équivalente à la voie
intraveineuse (i.v.). Parmi les principales raisons de ce choix,
sont évoqués la maniabilité (57 %), les problèmes liés à la tubu-
lure de perfusion (55 %) et le fait que la chimiothérapie puisse
être administrée à domicile (33 %). En revanche, 70 % des pa-
tients n’acceptent pas de prendre une chimiothérapie orale
ayant un taux de réponse plus faible que la voie i.v. et 74 % des
patients s’orientent vers la voie intraveineuse si celle-ci offre
une durée de réponse plus longue.
Borner, en 2002 (17), a évalué dans le cancer colorectal avan-
cé, l’administration croisée randomisée de chimiothérapie par
voie orale (UFT) et par voie veineuse (5-FU). Les patients ont
donc testé les deux formes d’administration et 84 % d’entre eux
préfèrent la voie orale avec, pour critère le plus marquant, le
fait que la chimiothérapie puisse être administrée à domicile.
LES AVANTAGES
L’histoire naturelle des cancers métastatiques se modifie peu à
peu et cette maladie se transforme progressivement en une pa-
thologie chronique. Il faut donc tenter de conjuguer les traite-
ments avec la vie professionnelle et familiale. Différentes études
et enquêtes de perception des effets secondaires redoutés par les
patients vis-à-vis des chimiothérapies intraveineuses ont été réa-
lisées. On constate que la voie orale peut améliorer un certain
nombre de ces critères : la ponction veineuse et les morbidités
induites par les voies veineuses centrales, le risque d’extravasa-
tion, le fait de subir un traitement, le temps passé à l’hôpital pour
la perfusion, l’alopécie et les conséquences familiales du temps
passé à l’hôpital (18-20). L’absence d’alopécie induite par ce type
de chimiothérapie permet aux patientes de partir en vacances, de
faire leurs courses et de travailler sans signe extérieur de maladie.
Le traitement oral a un impact également sur l’entourage fami-
lial, car il est moins anxiogène. Le geste de chimiothérapie est
dédramatisé. Les patientes assument mieux leur prise en charge
et éprouvent un sentiment de plus grande liberté.
Par ailleurs, en termes de coût, on peut penser que les trai-
tements oraux permettent un gain non négligeable. Aucune
étude n’a réellement évalué les différences de coût entre les
traitements i.v. et oraux dans le domaine du cancer du sein
métastatique. En revanche, on peut citer l’étude réalisée dans
le cancer du poumon non à petites cellules comparant les
coûts de diverses chimiothérapies (vinorelbine i.v., vinorel-
bine orale, gemcitabine i.v., docétaxel i.v., paclitaxel i.v.) (21) :
la vinorelbine orale apparaît, à efficacité équivalente, comme
la molécule la moins onéreuse et la plus efficiente. Elle permet
une réduction des coûts hospitaliers et pour la société.
LES LIMITES
Les avantages des traitements par voie orale sont bien sûr sé-
duisants. Rappelons toutefois qu’il s’agit de chimiothérapies,
ces médicaments n’étant pas dénués d’effets indésirables. L’ad-
ministration par voie orale implique une autonomie du pa-
tient et une bonne compliance (22, 23). Sa prescription engage
la responsabilité médicolégale de l’oncologue et l’implication
plus importante du patient dans sa prise en charge n’épargne
pas le cancérologue prescripteur d’un suivi relationnel et mé-
dical étroit. En effet, il a été démontré que la compliance peut
être améliorée de manière significative par des programmes
de formation et un support psychologique (24).
EN PRATIQUE
La chimiothérapie à domicile ne doit donc pas être imposée.
Elle s’adresse principalement à des patientes valides, volontai-
res, informées, compliantes et entourées sur le plan familial.
Liu (16) cite un certain nombre de facteurs de mauvaise com-
pliance : personnes seules ou isolées, dépendantes ou handi-
capées, présentant des troubles mnésiques ou comportemen-
taux ou sans entourage social ou familial.
Toute prescription de traitement chimiothérapique oral im-
pose une temps d’éducation thérapeutique par l’oncologue.
Outre les explications sur les effets secondaires potentiels, le
médecin prescripteur doit apporter l’information sur les mo-
dalités de prise du traitement à domicile et sur la conduite à
tenir en cas d’oubli. Une étude récente publiée en janvier 2007
(25) témoigne d’un manque important de rigueur médicale et
d’exigence des pharmaciens dans la prescription et la délivrance
de ces traitements oraux alors qu’ils ont aussi un coût et une
toxicité non négligeable. Afin de faciliter cette prescription,
l’ANAES a énoncé des critères d’éligibilité des patients à une
chimiothérapie anticancéreuse à domicile (26). Cependant, on
ne peut faire l’économie, dans ce domaine notamment, d’une
bonne coopération entre professionnels par l’intermédiaire de
réseaux et de la formation de tous les intervenants (27).
CONCLUSION
Bien que la maladie mammaire métastatique soit le plus sou-
vent incurable, elle peut être longtemps compatible avec une
vie proche de la normale. La chimiothérapie orale constitue
un gain non négligeable dans ce domaine où elle va permettre
d’améliorer l’autonomie, le confort et la qualité de vie des pa-
tientes. La prescription de ces molécules nécessite une bonne