1 / La Nativité 2006-2007 T. Goffinet
CHAPITRE 4 :
CROISSANCE, PROGRES TECHNIQUE ET EMPLOI
A chaque grande étape de l’évolution technique, une bonne partie de l’opinion s’inquiète des effets des
changements. Ainsi, en 1579 apparaissait à Dantzig un métier à tisser permettant de fabriquer de nombreux
rubans de façon « industrielle ». Mais le conseil de la ville, par crainte de secousses sociales, le fit détruire, et,
pour éviter qu’il ne renaisse, décida de noyer son inventeur.
Tout au long des siècles, que de peurs et de rejets suscités par le progrès technique ! De l’empereur Tibère à
Montesquieu, de Colbert aux luddistes les partisans de la destruction des machines ce n’est qu’un seul
refus, celui de la suppression des emplois qu’entraîne la substitution d’une machine à des bras. La peur du
progrès technique n’a décidément pas d’âge.
Jusqu’en 1684, les machines étaient ainsi interdites en France. Mais le rejet se poursuit au 18
ème
siècle. Faut-il
rappeler que les métiers de Vaucanson ont été brisé en 1744, que John Kay, l’inventeur de la « navette
volante », fut chassé de nombreuses villes anglaises avant de venir se réfugier en France ? De même, les
machines baptisées « Jenny », qui se substituaient aux rouets, furent-elles détruites.
Mais l’opposition la plus forte fut celle des canuts qui, en 1831, soulevèrent une insurrection : ces 2 000
ouvriers lyonnais attaquèrent une usine de Saint-Etienne pour briser les machines. Cette révolte fut suivie à
Lyon d’une autre révolte tout aussi violente, ralliée au cri de : « Vivre en travaillant ou mourir en
combattant ». D’ailleurs, très significatif est le fort soutien de l’opinion publique à la classe ouvrière contre les
machines tout au long du 19
ème
siècle
.
Les effets du progrès technique dans la sidérurgie
« Je travaille dans la sidérurgie à Fos-sur-Mer depuis son ouverture en 1972. A l’époque, nous étions 7200 salariés. Nous ne
sommes plus que 3200 personnes aujourd’hui, et nous produisons deux fois plus d’acier qu’il y a trente ans. Pour le grand public,
l’image de la sidérurgie est vieillotte. En réalité, c’est une industrie high-tech. Evidemment, certains métiers ont disparu. Rares
sont aujourd’hui les opérations manuelles. L’ouvrier qui jugeait autrefois à l’œil (et à l’expérience) si la plaque d’acier avait
l’épaisseur et la densité requises s’en remet aujourd’hui à son ordinateur. Les progrès technologique sont à l’origine d’environ
2000 suppressions d’emplois. Ceux-ci correspondent aux postes les moins qualifiés, en particulier dans la manutention.
Parallèlement à ces suppressions d’emplois, de nouveaux métiers sont nés. Des « animateurs sécurité » surveillent aujourd’hui les
conditions de travail. Des commerciaux travaillent dans l’usine pour suivre la qualité des produits pour le compte des clients. Des
emplois ont aussi été créés dans le domaine du contrôle financier. Ces fonctions n’ont pas compensé en nombre celles qui ont
disparu. Elles correspondent aussi à des formations différentes. »
Source : D. PLUMION, contremaître chez Sollac, cité dans L. BACOT (coord.),
Le Petit Economiste illustré
, Bréal, 2002.
a. Expliquez les effets négatifs et positifs des gains de productivité sur l’emploi dans la sidérurgie.
b. Le manutentionnaire qui a perdu son poste pourra-t-il occuper un poste de commercial ?
2 / La Nativité 2006-2007 T. Goffinet
Section 1. Productivité, croissance et emploi
Les pays les plus riches et les plus développés sont aussi ceux où :
le niveau de productivité est le plus élevé
le revenu par tête est le plus élevé
le niveau de chômage est le plus faible (comparativement aux pays pauvres, dont
certains connaissent un chômage endémique)
Cette conjonction de situations montre qu’il existe bien une relation positive, voire un cercle vertueux
entre croissance, productivité et emploi.
1.1. Gains de productivité et extension des marchés
1.1.1. Les mécanismes de fixation des prix
Doc 1 p 110 « Le marché et la fixation des prix à court terme »
Rappels sur la régulation d’un marché concurrentiel :
La notion de marché d’un point de vue économique correspond à un lieu de
rencontre (fictif ou réel) des demandeurs et des offreurs d’un même produit
(bien ou service, le bien étant matériel et le service étant immatériel), à
chaque produit correspondant un marché spécifique ; sur le marché, des
mécanismes de marché et/ou institutionnels (prix administrés par l’Etat)
permettent la détermination du niveau de prix, celui-ci pouvant être analysé
comme un indicateur de rareté du produit échangé sur ce marché (si l’offre
est abondante par rapport à la demande exprimée, le prix est faible, et
inversement).
Les prix ont trois fonctions essentielles dans une économie de marché :
- transmettre l’information du marché aux offreurs et aux demandeurs
(quoi produire par exemple) ;
- déterminer la répartition des revenus ;
- permettre de choisir les combinaisons productives les plus efficaces (les
méthodes de production présentant le coût le plus faible).
Les prix et leurs variations sont les variables déterminantes sur des marchés
concurrentiels, et constituent le régulateur de l’économie. En effet, une variation des
prix modifie le comportement des offreurs et des demandeurs, qui ajustent les
quantités offertes et demandées en fonction de la variation des prix. Le système de prix
représente donc le système d’information qui oriente les comportements des offreurs et
3 / La Nativité 2006-2007 T. Goffinet
des demandeurs, et permet donc au marché d’être équilibré grâce aux canismes de
marché.
Dans une situation de concurrence, les mécanismes de marché permettent l’équilibre
entre :
L’offre : celle-ci correspond à la quantité de produits que les vendeurs
souhaitent vendre à un prix donné. L’offre est en général une fonction
croissante du prix ;
La demande correspond à la quantité agrégée (somme des demandes
individuelles des acheteurs) de produits (biens et services) que les
acheteurs sont prêts à acquérir pour un niveau de prix donné. A chaque
niveau de prix correspond à priori un niveau de demande différent. La
demande est en général une fonction inverse du prix : la demande
augmente quand le prix baisse, et inversement.
En situation concurrentielle, la régulation de chaque marché est donc
assurée par l’intermédiaire du prix du marché : il existe théoriquement
pour chaque marché (c’est-à-dire pour chaque produit) une situation
d’équilibre entre offre et demande sur le marché pour un niveau de prix
appelé prix d’équilibre, qui satisfait les offreurs et les demandeurs. Cet
équilibre se détermine grâce au jeu de la « loi de l’offre et de la
demande ».
Cette loi de l’offre et de la demande consiste en l’existence de réactions opposées des
vendeurs et des acheteurs sur le marché d’un produit lorsque le prix varie sur ce
marché. Si, par exemple, le prix augmente, la demande baisse et l’offre augmente. La
condition nécessaire du retour à l’équilibre est ici la baisse du prix.
La rencontre entre offre et demande sur un marché, et la loi de l’offre et de la
demande (réactions opposées des vendeurs et des acheteurs à une variation du prix
du marché) débouchent sur des mécanismes de marché qui permettent, par un
processus dit « de tâtonnement », la détermination du prix d’équilibre du marché :
par un processus d’ajustements successifs de l’offre et de la demande engendrés par
une variation des prix, les quantités offertes et demandées s’équilibrent au niveau du
prix d’équilibre du marché (défini simplement comme le prix qui permet d’égaliser
l’offre et la demande sur un marché donné).
Les prix et leurs variations sont donc les variables déterminantes sur des marchés
concurrentiels, et constituent le régulateur de l’économie. En effet, une variation des
prix modifie le comportement des offreurs et des demandeurs, qui ajustent les
quantités offertes et demandées en fonction de la variation des prix. Le système de
prix représente donc le système d’information qui oriente les comportements des
offreurs et des demandeurs, et permet donc au marché d’être équilibré grâce aux
mécanismes de marché.
Ces mécanismes d’ajustement des marchés par les prix supposent que ceux-ci soient
flexibles, à la hausse comme à la baisse. Cette flexibilité est garantie dans la théorie
néoclassique par l’existence d’un degré fort de concurrence. La concurrence est
d’autant plus forte que le marché se rapproche de l’idéal de la Concurrence pure et
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parfaite défini par les économistes néoclassiques, dont les hypothèses sont les
suivantes :
1) L’atomicité du marché : les offreurs et demandeurs sont très nombreux et
de petite taille, et ne peuvent de ce fait pas influer sur les conditions du
marché (quantités offertes et demandées, niveau du prix).
2) L’homogénéité du produit : toutes les firmes proposent des produits que
les acheteurs jugent identiques ; il n’y a pas de différenciation du produit par la
marque, le conditionnement.
3) La libre entrée sur le marché : n’importe quel producteur ou demandeur a
accès librement au marché ; il n’y a pas de barrières à l’entrée sur le marché
pour de nouveaux entrants potentiels.
4) La transparence du marché (information pure et parfaite) : tous les
participants du marché connaissent parfaitement et gratuitement toutes les
informations sur le marché (quantités offertes et demandées pour chaque
niveau de prix, prix du marché).
5) La parfaite mobilité des facteurs de production : d’une branche d’activité
à une autre, les capitaux et le travail sont mobiles et peuvent se déplacer d’une
branche à une autre.
A long terme, la fixation des prix va dépendre essentiellement de l’évolution des coûts de
production :
Doc 2 p 100-111 « La fixation des prix à long terme »
L’évolution des coûts dépend de l’évolution de la productivité et de la manière dont les entreprises
affectent les gains de productivité générés par l’investissement et le progrès technique et/ ou
l’amélioration des qualifications des actifs et/ou les économies d’échelle etc.
1.1.2. Les effets des gains de productivité : baisse des prix et
augmentation des salaires réels
Les gains de productivité générés par le progrès technique ont permis de fait une baisse des prix de
vente et une hausse des salaires sur le long terme : ceci se traduit par une augmentation du pouvoir
d’achat des salaires, qui avait été mise en évidence par Jean FOURASTIE. Comment observer cette
hausse du pouvoir d’achat ?
Doc 4 p 111 « La hausse des salaires »
La hausse des salaires nominaux résulte, outre les gains de productivité, de mécanismes de hausse
institutionnalisée du fait de la négociation collective dans le cadre de la société salariale par exemple
les mécanismes d’indexation des salaires sur les prix ; mais ceux-ci ne permettent que de garantir le
5 / La Nativité 2006-2007 T. Goffinet
maintien du salaire réel. Mais ce qui permet d’expliquer que le pouvoir d’achat du salaire (salaire
réel) ait été multiplié par pratiquement 5 en un siècle est l’accroissement de la productivité.
1.1.3. L’extension des marchés : une relation positive entre gains de
productivité et croissance
On peut parler d’un cercle vertueux croissance-gains de productivité. La notion de cercle vertueux
implique que la relation de causalité soit bilatérale : celle-ci repose sur une relation (tant
microéconomique que microéconomique) positive entre volume de production et productivité ; on
peut analyser la relation entre croissance et gains de productivité dans les deux sens :
Gains de productivité
évolution de la production ;
Augmentation de la production
évolution de la productivité.
1.1.3.1. Les effets des gains de productivité sur la demande :
l’extension des marchés
L’extension des marchés signe l’accroissement du volume de la production écoulé
grâce à une augmentation de la demande sur les différents marchés de biens et de
services.
Doc 5 p 112 « L’extension des marchés »
La hausse du pouvoir d’achat permet l’extension des marchés du fait de deux phénomènes :
La demande augmente sur les marchés déjà existants si le marché n’est pas
saturé, c’est-à-dire si la demande n’est pas inélastique au prix ;
La demande augmente pour des nouveaux produits dus au progrès technique
(innovations de produit). Il faut qu’une condition soit satisfaite : l’élasticité de
la demande par rapport au prix doit être forte, càd qu’une petite baisse du
prix entraîne une augmentation plus que proportionnelle de la demande ;
On peut identifier un autre facteur explicatif de l’extension des marchés, que nous étudierons
ultérieurement dans l’année : l’ouverture des économies (marchés extérieurs)
L’extension des marchés traduit donc l’existence d’une relation positive entre
accroissement de la productivité et accroissement de la production :
Hausse de la productivité
accroissement du pouvoir d’achat
extension de la taille
des marchés
augmentation de la production sur les marchés de biens et de services
(ce qui suppose que l’offre soit élastique à la demande)
1.1.3.2. L’accroissement de la production favorise l’accroissement de
la productivité : les rendements d’échelle croissants
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