Les sexualités de « transgression » dans le monde islamique. Nouvelles questions, nouvelles approches. Journée d’étude organisée le 31 mai 2010, à EHESS, 96 bd Raspail, dans la salle Maurice et Denis Lombard. Que sous-tend la répression contemporaine des sexualités de « transgression », homosexualité, hétéro-sexualités hors mariages, prostitution etc., dans les pays islamiques contemporains1 ? Est-elle seulement une réaction à la dépénalisation et à la « libération » de la sexualité, et à l’acquisition de droits civiques par les homosexuels en Occident ? En quoi l’islam, posé comme source des valeurs morales, universelles et essentielles, auxquelles les sociétés islamiques devraient se conformer, est-il porteur d'un discours normalisateur sur la sexualité, essayant de la circonscrire à son utilité sociale, celle de la procréation, et excluant toute sexualité transgressant la norme ? Cette vision de la norme religieuse, faut-il le rappeler, est non spécifique au seul islam, puisqu’on la retrouve dans les cercles réactionnaires et conservateurs des autres monothéismes. Comment interpréter, de ce fait, l’observation des pratiques quotidiennes des sociétés islamiques qui montrent des situations complexes de négociations et de contournement des interdits religieux, moraux, légaux ? Dans les sociétés islamiques, le sens, le rôle et la place de la sexualité d’une manière générale, et de la sexualité de « transgression » d’une manière plus particulière, sont toujours en mouvement. Ces situations mettent donc en difficulté une vision monolithique s’appuyant le plus souvent sur une approche a-historique des sociétés islamiques. Cela pose dans tous les cas, à la recherche en sciences sociales, de nouveaux défis qui nécessitent la réélaboration des paradigmes culturellement surdéterminés aux fondements des analyses menées jusqu’à ces dernières années dans ce domaine : les facteurs historiques, politiques, culturels et sociaux sur ces questions doivent retrouver leur juste place dans l’analyse des différentes sociétés islamiques 1 Il ya eut de nombreuses affaires ces dernières années comme le Queen Boat en Égypte en 2001 ou plus récemment l’affaire du « mariage gay » de Ksar el-Kebir, en 2007, au Maroc. De récents travaux, pour la plupart anglo-saxons, mettent en œuvre de nouvelles approches à propos de la sexualité dans les pays islamiques. Joseph Massad2, notamment, dont l’interrogation radicale ouvre un grand débat à propos de l’universalité des catégories sexuelles telles qu’elles ont été théorisées dans les travaux sur la sexualité en Occident, enrichit l’apport de la recherche dans la compréhension de ces questions tout en se voyant fortement contesté par d’autres chercheurs du domaine. Dans le sillage de ces travaux, nous souhaitons relever un double défi : mettre en vis-à-vis les nouvelles approches des sciences sociales sur la sexualité et contribuer à impulser la constitution d’un nouveau savoir sur les sexualités dans le monde islamique. La journée d’étude aura lieu le 31 mai 2010. Elle s’organisera autour de deux axes. La construction de l'anormal. Le premier axe tentera d’aborder ou d’approfondir des questions relatives aux transformations historiques que connaît le discours sur la sexualité, sa place et son rôle dans les sociétés islamiques. Il posera notamment des questions à propos de l’origine et de l’évolution de notions comme normal/anormal qualifiant les pratiques sexuelles dans un contexte islamique ainsi que le rôle et la portée de la pensée islamiste, religieuse « classique », nationaliste, ou séculariste dans la définition/redéfinition de ces notions. Quelle place pour les identités sexuelles ? A quels mécanismes de contrôle la sexualité de transgression est-elle soumise ? De quelle manière les valeurs sociales, anciennes ou plus récentes, sont-elles réélaborées pour soutenir les discours sur la sexualité « hors » norme ? Les pratiques de résistance et de transgression. Le second axe portera sur l’analyse des pratiques de résistance et de transgression, de préférence à travers des exemples issus d’un terrain d’investigation, ou alors par une approche plus théorique à partir d’enquêtes sociologiques ou anthropologiques antérieures : quelles formes et quels sens prennent les pratiques individuelles et collectives qui tout en s’opposant à la morale religieuse ou étatique sont soit acceptées, soit rejetées ou stigmatisées dans leurs sociétés respectives ? Quel est le rôle et la place de ces transgressions dans les sociétés islamiques ? On pourra s'interroger sur la force performative, de subversion et de rupture de l'ordre sexuel et du genre que ces pratiques « anormales » peuvent engendrer dans ces sociétés. 2 Joseph A. Massad, Desiring Arabs, University of Chicago Press, Chicago, Londres, 2007. Organisée par : Mohammed Mezziane (doctorant, histoire, EHESS). [email protected] Gianfranco Rebucini (post-doctorant, anthropologue rattaché au LAHIC, Ater EHESS). [email protected] Maggy Grabundzija (Post-doctorante, anthropologue rattachée au CEFAS). [email protected] Yavuz Aykan (doctorant, histoire, EHESS). [email protected] Programme provisoire. 9h-30-10h Accueil, café 10h-12-30 La lutte contre la prostitution à Beyrouth durant le Mandat : enjeux, discours et réalités quotidiennes. Par Nessim Znaien (Master, Rennes II) . La Livâta avant l’homosexualité : discussion de la sodomie par les juristes Ottomans du 17e et du 18e siècles. Par Yavuz Aykan (doctorant, histoire, EHESS) Sayyd Qutb et la sexualité illicite. Une approche contemporaine de « l’anormalité »dans l’exégèse du Coran. Par Mohammed Mezziane (doctorant, histoire, EHESS). Discutantes : Magali Della Suda (post-doctorante EHESS/CRH ; Salima Amari (doctorante Paris-8) 14h-15h30 L'homosexualité est-elle transgressive? La nécessité d'une re-définition des sexualités maghrébines. Par Valérie Baumont (doctorante en anthropologie, EHESS-Paris). Les « faux » mariages homosexuels de Sidi Ali au Maroc : enjeux d’un scandale médiatique. Par Florence Bergeaud-Blackler (Sociologue associée à l'IREMAM – CNRS MMSH [enquête menée avec Victor Eck]). DiscutantEs : Mariannne Blidon (Maître de Conférences Paris-1/Ined-UR12, sociologiedémographie), Bruno Perreau (Maître de conférences Science-Po-Paris) Pause café 15h45-17h15 A l'ombre du paradoxe, les rationalités de la passion. Une excursion à hammam Kraysh (Yémen). Par Vincent Planel (Doctorant, anthropologie, université Aix-en-Provence ; rattaché aux MMSH-IDEMEC et CMH-ETT). Les nouvelles règles du « respectable », nouveaux champs de la séduction et expressions de la sexualité. Par Maggy Grabundzija (Post-doctorante, anthropologue rattachée au CEFAS) Discutants : Sébastien Roux (post-doctorant, sociologue, EHESS/IRIS) ; (Mehammed Mack (Doctorant Columbia) [à confirmer]. 17h15-18h15 La construction complexe de deux catégories subalternes. Homoérotisme et identité gay au Maroc. Par Gianfranco Rebucini (post-doctorant, anthropologue rattaché au LAHIC, Ater EHESS). Discutant : Marco Dell’Omodarme (Doctorant, philosophie, Paris-1). 18h15-18-30 : Conclusions de la journée 18h30-19h : Pot de fin de journée.