Le Typage ADN dans l`espèce canine : un rêve ou une réalité

Le Typage ADN dans l’espèce canine : un rêve ou une réalité accessible aux éleveurs
Professeur Michel FRANCK
1. Préambule
Chacun sait toute l’importance que les populations d’animaux domestiques, carnivores en
particulier, peuvent avoir dans notre vie de tous les jours; le rôle de l’animal familier n’est plus à
prouver, son impact sociétal est considérable et chacun attend de son animal domestique des
qualités morphologiques, physiologiques, comportementales… qui soient à la hauteur de ses
espérances.
Les concours de « beauté » dans les espèces canine et féline se sont développés dès le
19ème siècle, les premiers livres généalogiques sont apparus à cette époque et se sont
largement développés au cours du 20ème siècle. Dans le même temps les éleveurs ont su
exploiter ce marché, et la vente de chiots n’a pu que suivre l’engouement des citoyens pour
l’animal de compagnie ; la cynophilie est aujourd’hui devenue une véritable filière, avec les
éleveurs sélectionneurs, la production d’aliments et d’objets dits de « conforts » dont la
diversification marque bien l’importance que nous accordons à cet animal de compagnie.
Mais en même temps les habitudes des propriétaires changent ; il y a une cinquantaine
d’années, on se contentait d’acheter un chien sans ou avec généalogie annoncée – on parle de
pedigree-, aujourd’hui l’acheteur demande un chien avec pedigree reconnu, une qualification
des ascendants qui ne prête pas à confusion, une garantie d’usage pour l’objet auquel il est
destiné, ce qui signifie que l’animal doit être en bonne santé, exempt de tares génétiques
graves et doté de qualités comportementales conformes à l’utilisation future de l’animal.
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Grâce à l’évolution des techniques d’analyse de la variabilité génétique, des critères autres que
morphologiques comme le signalement du cheval, autres que l’identification par médaille pour
les animaux de rente, et autres que le tatouage pour les carnivores domestiques, peuvent être
pris en compte pour la traçabilité animale : nous voulons parler du typage ADN ou génotypage
qui repose sur la recherche de parties spécifiques du support du matériel génétique : les
microsatellites.
Le typage ADN permet aux éleveurs d’atteindre leurs objectifs : il certifie la généalogie de
l’animal, et il peut aussi donner une information très utile sur les gènes d’intérêts, fruit d’une
sélection attentive et patiente de la part de l’éleveur ; pouvoir garantir qu’un chien est indemne
de tares génétiques représente une information capitale ; c’est aussi un coût non négligeable
pour l’éleveur : ce dernier doit pouvoir amortir à la fois le temps passé mais aussi son
ingéniosité dans la mise en œuvre des accouplements les plus profitables pour l’espèce.
Parmi les autres bénéfices, les sociétés d’assurance maladie peuvent demander le typage pour
être sûres de l’identité de l’animal soigné ; le chien dangereux devrait faire l’objet d’un typage
systématique ; les italiens y ont trouvé un intérêt majeur, celui de faire payer le propriétaire
indélicat et dont le chien salit les trottoirs avec ses déjections ; une ville italienne demande que
tous les chiens présents dans la ville soient génotypés, et cette mesure qui prête à sourire
figure sans doute parmi les plus incitatives pour un génotypage systématique.
Les microsatellites sont des marqueurs ADN utiles pour la recherche appliquée comme par
exemple la sélection assistée par marqueurs qui est en cours de développement ; dans
l’immédiat la traçabilité de l’animal et de son produit, les tests de paternité qui en découlent,
sont des éléments qui modifient radicalement les habitudes mercantiles. La diversité des
organismes est le résultat des variations des séquences d’ADN et des effets de
l’environnement. Cette diversité constitue un polymorphisme qui est à l’origine de l’identification
spécifique d’un individu par rapport à un autre, dans la même population. La variation génétique
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est considérable, en l’absence d’une consanguinité effrénée et chaque individu d’une espèce, à
l’exception des jumeaux monozygotes, possède une séquence ADN unique.
Les microsatellites sont à présent les marqueurs les plus utilisés dans les études de
caractérisation génétique des animaux d’élevage. De plus, leur pouvoir discriminant a permis
de conquérir de nombreux domaines comme la médecine légale, la génétique des populations,
ou encore la sélection animale.
2. Caractéristiques des séquences microsatellites
Les microsatellites appelés également SSR (répétitions de séquences simples) ou STR
(séquences répétées en tandem) consistent en une séquence d’ADN formée par une répétition
en tandem de motifs composés la plupart du temps de 2 à 10 nucléotides (par ex.
CACACACACACACACA que l’on écrit (CA)n ; avec n= 8 on écrit (CA)8). Ils sont nombreux
dans l’ensemble des génomes eucaryotes, ils représentent environ 1,6 % du génome humain
[1] et 3 % de celui de la souris [2]. Les microsatellites ont une taille relativement petite et par
conséquent, sont facilement amplifiables par PCR. Les ADN sont extraits de différentes sources
comme le sang, les poils, la peau, le cartilage … Ces séquences microsatellites sont présentes
sur l'ensemble du génome, le plus fréquemment au niveau des introns des gènes mais parfois
également au niveau des exons. La transmission génétique de ces séquences suit les lois
mendéliennes de l'hérédité. La longueur de ces séquences, c'est-à-dire le nombre de
répétitions, est variable d'un individu à l'autre et d'un allèle à l'autre chez un même individu, on
parle de polymorphisme de taille (ex. (CA)15, (CA)11 ou (CA)19). Par exemple, un individu
portera sur un locus déterminé un allèle CA15 sur un chromosome de la paire n°8 par exemple,
et un allèle CA11 sur le second chromosome de la même paire n°8; il transmettra à chacun de
ses descendants l’un de ces deux allèles ; un autre chien portera un allèle CA15 et un allèle
CA9 ; on comprend donc aisément que plus le nombre d’allèles possibles est important pour un
locus, plus celui-ci est discriminant ; et pour que l’identification soit parfaite, nous ne travaillons
pas sur un locus mais sur une dizaine de locus pour augmenter le pouvoir discriminant de cette
méthode.
Le pouvoir discriminant de ces profils génétiques est très fort. La probabilité que deux individus
pris au hasard partagent les mêmes allèles est inférieure à de 1015 [Pascal, 1998]. Cette
affirmation est en partie démentie selon les populations étudiées. Les populations canines et
félines sont des populations au sein desquelles la consanguinité est forte ; on aura donc
tendance à augmenter le nombre de loci à analyser pour maintenir un polymorphisme suffisant
en vue de l’identification.
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3 Analyse des marqueurs microsatellites
Les pics électrophorétiques des chiens analysés nous permet de définir la taille des allèles pour
chaque animal. Le résultat obtenu sur l’ensemble des marqueurs microsatellites permet
d’identifier un animal avec une probabilité proche de 100%. 170 174 168 168 170 172
Génotype chiot: 168/170 Génotype mère: 168/172 Génotype père: 170/174 Schéma n°1 :
Figure explicative des résultats obtenus.
4. Le prélèvement de l’échantillon et le stockage de l’ADN
4.1. Le prélèvement
C’est une des phases délicates, étant entendu que la simplicité garantit le meilleur résultat; les
cellules de la face interne de la joue (photographie 3) constituent un échantillon de choix
permettant de recueillir suffisamment de cellules. On prendra soin d’éviter les contaminations
par d’autres cellules, et on recommande de faire ce « frottis » buccal 2 heures après que
l’animal ait consommé sa ration. Il existe plusieurs matériels de prélèvement : des écouvillons
en coton mais également des cytobrosses en polyester (photographies 1 et 2).
Photographie n°3 : Exemple d’un prélèvement par frottis buccal
Photographie n°1 : Exemple de différents kits de prélèvements : cytobrosse, tube EDTA (prise
de sang) et écouvillon en coton.
Photographie n°2 : Exemple d’un kit de prélèvement ADNucleis pour frottis buccal
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Pour éviter toute erreur, il est recommandé de certifier l’identification de l’animal, cette
certification peut être faite par le propriétaire, ou par un tiers nommément désigné, ce tiers
pouvant être un vétérinaire. Ce dernier ou un agent assermenté est un passage obligé en cas
de contestation juridique sur l’identité de l’animal.
Le typage ADN conduisant à une identification biologique est non contestable, la fraude ne peut
porter que sur le lien entre l’animal et son propre ADN ; si fraude il y avait, elle serait
rapidement mise en évidence et à ce titre sévèrement punie au titre de la tromperie. Ce qui
signifie que le risque de fraude est quasi nul.
En résumé, le prélèvement pour un typage génétique peut être fait par le propriétaire, sachant
que l’identité du préleveur devrait figurer sur la carte d’identité de l’animal ou dans la base de
données relative à l’espèce; à défaut, le propriétaire sera tenu pour responsable de la fraude si
elle est avérée, puisque le prélèvement ne peut se faire sans son assentiment.
4.2. Le stockage de l’ADN
L’ADN de l’animal est extrait des cellules buccales ou sanguines, et il est utilisé pour réaliser le
typage génétique. La question est de connaître la destination de l’ADN, qui en est le
propriétaire, comment doit-il être stocké, dans quelles conditions, et pour combien de temps.
Ces questions ne peuvent être éludées.
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Certifier l’identification de l’animal par le propriétaire
par un tiers tel le vétérinaire
Revendication de la propriété de l’échantillon d’ADN ADN remis au propriétaire
Destruction de l’échantillon
Stockage (La conservation de l’échantillon est une sécurité en cas de besoin d’analyse complémentaire) Dans un organisme privé (Club canin, labo d’analyses…)
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