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Jean-Baptiste Say et les obstacles à l’industrialisation
José M. Menudo
Universidad Pablo de Olavide
(Espagne)
Résumé
Jean-Baptiste Say emploie l’idée de progrès comme un vecteur unique de
croissance qui termine dans les pays qui y ont « participés aux progrès de
l’industrie qui ont surtout caractérisé les quarante dernières années qui se sont
écoulées ». Bien que la question du développement économique soit traitée dans
différentes parties de son œuvre, Say va dédier les chapitres sur la population à
présenter sa particulière « échelle de civilisation ». Ce travail étudie les causes qui
empêchent l’apparition d’une société industrielle chez Say et spécifiquement le
cas de l’Espagne. Les politiques d'industrialisation proposées par Say seront aussi
examinées. La convergence économique entre les nations ne survient pas de
façon spontanée. Cest au moyen d’un système d'instruction publique qui
englobe toute la population que la civilisation industrielle est construite. L’exemple
espagnol lui permet de souline la faiblesse d’obtenir l’industrialisation avec une
classe sociale éclairée et non nombreuse.
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Introduction
L'émergence de l'Économie comme discipline universitaire ouvre « l'âge de Jean-Baptiste
Say» dans le continent européen. Quand Jérôme-Adolphe Blanqui points à Jean-Baptiste Say
comme le principal protagoniste de l'Économie classique en Europe et l'un des auteurs le
plus traduits dans la littérature économique, il renvoie non seulement à une influence
académique. Depuis l’année 1814, Say est impliqué dans le projet de construction d'une
Europe des producteurs ; la convergence de l’action individuelle des citoyens est possible
grâce à un langage commun appelé Économie politique (Démier, 2002). La démarche utilisée
par Say ouvre la voie à une diffusion plus large de l’Économie politique ver le monde du
travail, de l’académie et de la politique1. Tandis que la littérature secondaire sur le projet de
la civilisation industrielle de Say est importante, la question des obstacles qui entravent le
progrès dans les différents pays, régions ou provinces ne réveille de l’intérêt. Sauf les travaux
sur le sous-développement dans la pensée économique classique de Platteau (1978), la
recherche est étendues aux sujets collatéraux comme l'esclavage (Steiner, 1996b; Plassart,
2009), la population (Fréry, 2014) ou la perfectibilité (Legris & Ragni, 2002).
Cet article s’inscrire dans l'analyse que Jean-Baptiste Say fait sur les pays retardé, c’est-à-
dire, sur ceux qui n'ont pas encore industriels. Nous proposons comme point de départ la
théorie du développement économique présentées par Say dans les pages dédiées à la
population. En particulier nous y allons discuter le cas de l'Espagne parce que la question des
causes de leur déclin devient un thème central dans l’exposé de Say. La question est
particulièrement pertinente parce que, étant donné la prééminence de l'ouvrage de Say en
Espagne, c’est l’explicitions du déclin donné aux étudiants d’Économie politique pendant la
première moitié du XIX siècle.
Ce travail est divisé en trois parties. La première présente la théorie du progrès de J-B. Say.
Entouré d'un institutionnalisme qui projette l'expérience européenne comme le modèle
universel à d'autres domaines, Say étudie pourquoi les « nation mal civilisées » n'ont pas
l'ensemble des institutions compatibles avec le progrès2. Deuxièmement, nous présentons la
politique de développement proposé par Say. L'auteur ne croit pas que la génération
spontanée des institutions permettra un état de prospérité. L'autorité instruite est une
condition nécessaire pour la création d'une culture industrielle, tandis que l'administrateur «
vicieux » se trompe dans sa politique de prospérité. Cest au moyen d’un système
d'instruction publique qui englobe toute la population que la civilisation industrielle est
construite. La troisième partie examine la place assignée à l'Espagne dans cette échelle de
civilisation. Say s’aventure dans le débat sur les causes du déclin espagnol avec une mesure
universelle du développement et une image changeante de la nation espagnole. Les résultats
sont modifiés et Espagne abandonne le groupe retardé pour rejoindre temporairement
l'industrialisation. La brève aventure espagnole lui permet de souline la faiblesse d’avoir une
classe éclairée et non nombreuse.
1 L’influence directe de Say s’étendre à l’Allemagne, la Suisse, l’Espagne, le Portugal, L’Italie et aux États-Unis
(Steiner, 1996a). Castro-Valdivia (2013) a trouvé des traduction en douce langages (anglais, espagnol, italien,
allemand, portugais, polonais, suédois, grec, danois, chinois, russe et turc) et la plupart des éditions
appartiennent dans la première moitié du XIXe siècle.
2 Sur les différentes approches institutionnelles au développement économique, voir López Castellano (2012).
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La théorie du progrès économique chez J.-B. Say
Le progrès d’une nation, selon J.-B. Say, est lié à la satisfaction des besoins de la
population et non seulement à la quantité des denrées alimentaires3. Les nations plus
civilisées son celles qui satisfait le mieux et de la meilleur façon des besoins de ses membres.
Mais le critère pour définir le degré de civilisation n’est pas uniquement la mesure de la
satisfaction. Il faut avoir des besoins nombreux pour pouvoir d’être considéré une nation
civilisés. Pour J-B. Say, produire c’est créer une utilité susceptible de satisfaire une besoin et
alors il n’y a pas une grande production sans nombreux besoins. Ainsi, pour mesurer le degré
de civilisation Say adopte un étalon précis qui n’est autre que la production ou la
consommation par tête4.
« Nous avons pu produire et consommer d’autant plus que nous étions plus civilisés ; et nous nous
sommes trouvés d’autant plus civilisés que nous sommes parvenus à produire et à consommer
davantage. C’est le trait le plus saillant de la civilisation. Qu’avons-nous en effet par-dessus les
Kalmoucks, si ce n’est que nous produisons et consommons plus queux ? Si la civilisation est plus
avancée à Paris que dans la basse Bretagne, en Angleterre qu’en Irlande, c’est parce qu’on sait y
produire et y consommer des produits plus nombreux et plus variés proportionnellement au
nombre des hommes »5.
Jean-Baptiste Say emploie l’idée de progrès des Lumières comme un vecteur unique de
croissance qui termine dans les pays de l’Europe occidentale6. Même si la question est placé
dans plusieurs lieus depuis la première édition du Traité d’économie politique (désormais Traité),
les chapitres dédiés à la population onzième chapitre du deuxième livre du Traité, dès
chapitres I jusqu’au XVIII de la sixième partie du Cours complet d’économie politique pratique
(désormais Cours complet), la septième session du Cours à l’Athénée et les articles “Cours
d’économie politique” de la Gazette littéraire et “De l'influence des futurs progrès des
connaissances économiques sur le sort des nations” de la Revue Encyclopédique présentent sa
particulière « échelle de civilisation ».
Le niveau le plus bas est formé par les peuples sauvages, c’est-à-dire les individus qui ne
vivent pas dans « l’état de société ». Say présente un tableau chaotique d’individus qui ne
cherchent que leur propre subsistance. Le premier pas consiste à établir des relations sociales
par exemple à travers la construction des villes ou l’encerclement de terrains pour que la
civilisation soit possible7. Le second groupe est qualifié comme des nations inférieurement
civilisées. L’Inde ou la Chine n’ont pas seulement un problème de retard économique. Il
existe une discontinuité fondamentale avec l’Europe provoquée par la participation nulle des
3 Malthus et Say distinguent deux bornes à la croissance démographique: les biens de subsistance que limite la
croissance de la classe inferieur et les biens d’existence que limite la croissance de la classe supérieure. Voir Fréry
(2014).
4 Say (1840), p. 232.
5 Say (1840), p. 232.
6 Sur la théorie du développement économique de Say, voir Platteau (1978).
7 Ce stade du progrès est uniquement exposé dans le Cours complet. Voir Say (1840), pp. 379s.
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profits du commerce international8. L’Europe a une responsabilité civilisatrice qui implique
l’élimination des monopoles commerciaux pour permettre à ces nations de rivaliser dans les
marchés internationaux. Le troisième groupe se compose des pays économiquement retardés.
La Syrie, l’Égypte, la Russie, l’Irlande ou l’Espagne sont des pays « mal civilisés ».
« Que feraient un actif manufacturier, un habile négociant dans une ville mal peuplée et mal
civilisée de certaines portions de l'Espagne ou de la Pologne ? Quoiqu' il n'y rencontrât aucun
concurrent, il y vendrait peu, parce qu'on y produit peu ; tandis qu'à Paris, à Amsterdam, à
Londres, malgré la concurrence de cent marchands comme lui, il pourra faire d'immenses
affaires »9.
Say fait la différence entre une période momentané de décroissance économique en cas
de mouvais récoltes, par exemple et le déclin durable de ces nations. Ce dernier cas a son
origine dans l’existence des institutions qui empêchent le fond productif appelés l’industrie de
l’homme de s’étendre10. Chez Say, l’industrie de l’homme apparaît comme un fond cumulable
de capacités et implique la transformation du concept de production et de distribution11.
Premièrement, le capital humain affleure de façon primordiale dans la littérature
économique et, plus particulièrement, dans le processus de production12. Say considère
même que les parents qui ont investi dans la formation de leurs enfants doivent récupérer cet
investissement par des transferts monétaires quand le capital incorporel porte ses fruits.
Deuxièmement, Say propose ces capacités comme argument explicatif des différences
salariales présentes dans le prix de l’équilibre des marchés des facteurs. Ainsi, l’absence de
certains talents, en relation avec les besoins des services productifs, augmente la
rémunération de ceux qui les possèdent. Troisièmement, l’étude des capacités lui permet
d’étendre le domaine théorique de l’activité entrepreneuriale à la perspective de l’offre d’un
recours rare et nécessaire. Concrètement, il existe trois raisons principales qui expliquent
l’insuffisance d’entrepreneurs : (i) l’accès au crédit, (ii) les capacités entrepreneuriales et (iii) le
risque de la production13. L’activité entrepreneuriale passe par une combinaison peu
fréquente des conditions précédentes. Sa capacité pour créer de l’utilité et, par conséquent,
8 Il faut ajouter les institutions et les mœurs qui génèrent le comportement opposé à la croissance économique.
Voir Say (1840), p. 141.
9 Say (1841), p. 144.
10 Say discrimine explicitement l’industrie de l’homme du travail afin de reconstruire la triade d’Adam Smith
(travail, terre et capital) à partir de sa propre théorie de la production : « J’appelle travail l’action suivie à laquelle
on se livre pour exécuter une des opérations de l’industrie, ou seulement une partie de ces opérations. » (Say,
1803, I, p. 38). La question des capacités et de la connaissance donne lieu à une critique de Say envers Adam
Smith parce que l’auteur écossais résume tout ce qui a été dit précédemment au concept de travail, en éludant
l’ensemble des opérations et les qualités industrielles (Say, 1840, p. 47).
11 « J’appelle travail l’action suivie à laquelle on se livre pour exécuter une des opérations de l’industrie, ou
seulement une partie de ces opérations » (Say, 1803, I, p. 38). La question des capacités et de la connaissance
donne lieu à une critique de Say envers Adam Smith parce que l’auteur écossais résume tout ce qui a été dit
précédemment au concept de travail, en éludant l’ensemble des opérations et les qualités industrielles (Say,
1840, p. 47).
12 Say (1840), p. 330.
13 Say (1840), p. 327.
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pour joigne une valeur permet que les productions soient marchandises. Si l'activité
entrepreneuriale nécessite une rare combinaison de conditions, la structure institutionnelle
des nations mal civilisées ajoute plus de difficultés en limitant l’industrie de l'homme.
Ces institutions archaïques présentent deux types de problèmes. D’un côté, il y a un
gaspillage de ressources productifs parce ils découragent l'activité productive. Plus
précisément, la population ne fait pas partie du circuit de production–distribution–dépense
exposé dans sa théorie. Say fait référence à la paresse provoquée par les petites rentes
provenant de certains privilèges ou de fonds. Ni la motivation du profit, ni la nécessité, ni le
goût pour des biens superflus n’ont d’influence sur la décision individuelle de
l’incorporation au système industriel14. D’un autre côté, le problème réside dans les erreurs
provoquées par la pénurie de capacités productives dans la population. L’entrepreneur mal
formé se trompe au moment de prendre des décisions car ses raisonnements sont basés sur
des préjugés et non sur les capacités. Say rejette l’expérience comme mode d’apprentissage
parce qu’elle implique l’ignorance et débouche sur la routine. Les conséquences
économiques sont particulièrement néfastes:
« Les entrepreneurs des diverses branches d'industrie ont coutume de dire que la difficulté n'est pas
de produire, mais de vendre ; qu'on produirait toujours assez de marchandises, si l'on pouvait
facilement en trouver le débit. Lorsque le placement de leurs produits est lent, pénible, peu
avantageux, ils disent que l'argent est rare ; l'objet de leurs désirs est une consommation active qui
multiplie les ventes et soutienne les prix. Mais si on leur demande quelles circonstances, quelles
causes sont favorables au placement de leurs produits, on s'aperçoit que le plus grand nombre n'a
que des idées confuses sur ces matières, observe mal les faits et les explique plus mal encore, tient
pour constant ce qui est douteux, souhaite ce qui est directement contraire à ses intérêts, et
cherche à obtenir de l'autorité une protection féconde en mauvais résultats »15.
L’activité des entreprises est le résultat de facultés industrielles, qui peuvent être morales
ou personnelles: « la manière dont les entreprises industrielles y sont conduites, contribue à
leur succès beaucoup plus que leurs connaissances techniques et les bons procédés
d’exécution dont on y fait usage, tout important qu’ils sont »16. Les qualités morales
possèdent ce qualificatif car elles proviennent du processus de socialisation de l’individu
selon lequel le sujet acquiert les compétences, par le moyen de l’éducation industrielle et de
la famille, pour exercer une bonne conduite. Le jugement est la qualité morale la plus
importante et il permet à l’entrepreneur d’entrevoir les risques qu’implique n’importe quel
projet que nous pourrons façonner en le confrontant à la réalité. L’entrepreneur réalise une
organisation particulière de l’activité de production en fonction d’un modèle préétablit et
élaboré basé sur son jugement et sur ses connaissances. À l’envers, l’absence de jugement
chez les entrepreneurs à des conséquences sur la façon d’affronter l’incertitude. Cette
incapacité conduit les entreprises à être trop négatives face au risque et par conséquent à
produire de faibles quantités. Dans ce cas-là, « la loi du marché » ne fonctionne pas parce que
14 Say (1819a), II, pp. 200-1.
15 Say (1841), p. 138.
16 Say (1828a), p. 158. Sur les capacités entrepreneuriales chez Jean-Baptiste Say, voir Goglio (2002) et Menudo
(2014).
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