Colloque Trudeau sur les politiques publiques 2007
Un climat de réconciliation : économie, justice sociale
et environnement
Compte rendu – Séance thématique (transports)
Conférenciers : Jean Mercier, Université Laval
Robert Cervero, Université de la Californie, Berkeley
Jean Mercier a ouvert la discussion en parlant de l’émission de gaz à effet de serre (GES)
générée par le secteur des transports. Il a particulièrement souligné la dépendance envers
l’automobile dans les grandes villes canadiennes et du monde. Le secteur des transports
est celui lémission des GES augmente le plus et lon a le moins de contrôle.me
les ONG à vocation environnementale hésitent à adopter une position ferme sur le sujet.
Or, si tous les automobilistes optaient soudainement pour le transport en commun,
l’émission des GES baisserait de 90 %. Évidemment, il ne s’agit pas d’une
recommandation politique, mais bien d’un exemple pour montrer l’ampleur de l’impact
de l’automobile.
Il existe au monde environ 750 millions d’automobiles. Si le taux de croissance se
maintient, on atteindra d’un à deux milliards d’automobiles en 2030. Il n’est pas
surprenant que le parc automobile, la fabrication de véhicules et l’émission de GES
augmentent sur la planète. Mais la situation n’est pas la même partout. L’émission de
GES en Union européenne a augmenté de 5 % depuis 1990, alors que ce chiffre atteint
20 % aux États-Unis. Au Canada, l’émission directe de GES attribuable à l’automobile
est de 31 %, mais si on y ajoute, par exemple, la fabrication d’automobiles, l’utilisation
de climatiseurs, l’entretien des véhicules et la construction des routes, ce chiffre frise les
52 %.
M. Mercier a décrit plusieurs tendances et facteurs déterminants dans l’utilisation de
l’automobile. Entre autres, les différences de densité urbaine et d’utilisation des terrains
(par exemple, l’utilisation du transport en commun à New York est de 54 % alors qu’elle
est de 3 % à Phoenix) et la relation entre le statut social et l’utilisation de l’automobile (il
y a corrélation directe entre un revenu élevé et la possession d’automobiles).
Conclusion : Les transports sont largement responsables de l’émission de GES, mais il
n’existe aucun plan sérieux de réduction, pas plus qu’aucune étude sérieuse sur les
sources d’énergie ne permet d’entrevoir, avant 2020, une technologie énergétique
révolutionnant l’industrie du transport.
Les principaux sujets abordés au cours de la discussion touchaient aux changements
nécessaires dans la planification urbaine et dans la gestion des terrains, aux facteurs
socioculturels associés à l’usage automobile et aux « villes motorisées », aux
changements et aux investissements nécessaires pour le transport en commun, et aux
processus politiques pour un changement à plusieurs niveaux ou pour susciter la
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participation citoyenne. Une grande partie de la discussion portait sur les défis propres à
la ville de Calgary. Par exemple, comment peut-on réaménager l’environnement urbain à
partir de l’anagement actuel? Comment les villes obtiennent-elles le financement pour
l’infrastructure du transport en commun (les villes, en tant que centres économiques
provinciaux et nationaux, sont responsables de leurs problèmes de transports, mais les
gouvernements municipaux n’ont généralement pas le pouvoir d’imposition nécessaire
pour traiter la question)? Comment aborder la question des préférences des résidents des
Prairies qui, par exemple, privilégient les édifices peu élevés? Comment contrer l’hiver
canadien dans le contexte du transport en commun? Pour terminer, on a soulevé des
questions au sujet de l’importance des innovations technologiques dans l’industrie
automobile. M. Mercier a répondu qu’il existait de telles technologies, mais qu’il
préférait ne pas y accorder trop d’importance car les innovations technologiques ne sont
qu’une partie des étapes nécessaires à entreprendre.
Robert Cervero a présenté plusieurs exemples de villes qui ont adopté des solutions
concrètes aux problèmes de transport urbain souligs par M. Mercier, dont voici le
résumé.
a) Copenhague et Stockholm : Vision à long terme de planification urbaine; on a d’abord
investi dans la création de corridors pour les transports en commun le long d’intersections
importantes (une sorte de « réseau de chapelets »). Le développement économique s’est
ensuite articulé autour de ce réseau (contrairement à la plupart des villes américaines où
l’investissement économique précède souvent l’aménagement urbain). On trouve, dans
chaque corridor, un agencement mixte d’utilisation des terrains (lieux de travail,
résidences, espaces de récréation) afin de réduire le kilométrage nécessaire à la
réalisation des activités quotidiennes.
b) Curitiba (Brésil) : Création de voies parallèles réservées aux autobus, une pour les
courtes distances (un arrêt à tous les 500 m) et deux autres pour les longues distances (un
arrêt à tous les 5 ou 6 km). Bien que Curitiba soit une ville plus petite et plus industrielle,
la densité de population y est plus grande et on y trouve moins de véhicules par kilomètre
carré qu’à Brasilia.
c) Bogotá : Création de couloirs piétonniers sécuritaires et limitation de la circulation
(système de restriction d’utilisation des voitures, selon les jours de la semaine, en
fonction des deux derniers chiffres de la plaque d’immatriculation). Il s’agit d’une
solution plus démocratique et sans doute plus appropriée aux populations à faible revenu,
par rapport au principe pollueur-payeur qui permet aux mieux nantis d’utiliser leur
voiture à loisir.
d) Londres : Témoigne de l’importance d’investir dans le transport en commun en même
temps ou avant de mettre en œuvre les mesures pour réduire l’utilisation des automobiles,
par exemple, en élargissant les services d’autobus et en réduisant le coût des cartes
d’abonnement au transport en commun.
e) Hong Kong : Un exemple illustrant comment tirer parti des investissements effectués
dans les transports en commun, tel que par la construction de gratte-ciel, d’espaces
créatifs et de centres commerciaux au-dessus des stations ferroviaires. Les profits tirés
de ces développements peuvent être réinvestis dans les transports en commun.
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f) Zurich : C’est la ville la plus riche du monde, toutefois elle figure parmi celles où l’on
utilise le plus les transports en commun. Cela remet en question l’idée reçue selon
laquelle seuls les moins bien nantis utilisent le transport en commun.
g) Séoul : Un des ses maires a fait une campagne de réappropriation urbaine,
transformant ainsi de grandes portions du système routier en réseau de transport en
commun et en espaces verts. Ce cas démontre les possibilités du leadership individuel.
h) Houten (Pays-Bas) :veloppement impressionnant de l’infrastructure et de
l’utilisation dulo, notamment la canalisation et les aires de stationnement pourlos
aux arrêts d’autobus et aux stations. Les systèmes de transport en commun où l’on doit se
rendre en voiture aux points d’embarquement, tel que le Bay Area Rapid Transit,
annulent pratiquement toute économie d’émission de GES, puisque la majorité des
émissions ont lieu au cours de 3 ou 4 premiers kilomètres de déplacement.
Conclusion : Non seulement ces innovations urbanistiques aident-elles à réduire
l’émission des GES, mais elles favorisent aussi la sécurité dans les quartiers, le
développement économique, une économie de temps (tout en réduisant le temps de
pollution) et un meilleur accès à la mobilité urbaine (rappelons qu’une personne sur trois
aux États-Unis ne possède pas de voiture).
Discussion : Les questions adressées à M. Cervero portaient sur de nombreux sujets tels
que le rôle de la Chine et de l’Inde, les différentes formes de gouvernance, l’influence de
la privatisation et les façons de mettre en marche les changements. Le cas de la Chine
demeure énigmatique, car tout en y construisant de nombreuses autoroutes gigantesques,
elle fait figure de leader dans les innovations en matière de transport en commun (par
exemple, la récupération des plus-values pour le transport en commun à Hong Kong ou
les projets de « PIB vert » aux échelons municipaux). La complexité de cette situation
vient en partie de la division des pouvoirs entre les gouvernements central et municipaux.
Dans plusieurs cas, les municipalités ont la liberté d’innover dans les transports en
commun selon leurs besoins et intérêts propres. Les exemples cités par M. Cervero
témoignent aussi de la diversité politique dans laquelle chacun d’eux a lieu, allant des
mocraties socialistes ou capitalistes aux régimes totalitaires. M. Cervero souligne que,
peu importe le cadre politique, l’important est de voir les possibilités de planification
stratégique à long terme. L’équilibre entre le public et le privé est une question
importante : le secteur privé peut offrir plus efficacement les services tout en assumant un
part des risques d’investissement, mais il doit être étroitement surveillé par le secteur
public. Les associations public-privé sont primordiales pour les initiatives de récupération
des plus-values, comme dans le cas de Hong Kong. Finalement, les questions au sujet du
aménagement de lenvironnement urbain à partir de laménagement actuel (tel que
soulevé à la première séance) ont refait surface. Il n’y a pas de réponse facile, mais cela
ne veut pas dire qu’il est impossible d’y arriver; le cas de Séoul l’illustre bien. En deux
ans, le gouvernement municipal a réussi à transformer de vastes étendues routières en
parcs et en zones piétonnières. Les changements peuvent avoir lieu progressivement et
les résultats devraient pouvoir offrir un éventail d’avantages accrus pour les citoyens.
Président de séance et compte rendu : Jason Morris-Jung, Université de la Californie, Berkeley, boursier
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