Trente ans de déréglementation financière

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Trente ans de déréglementation financière
Trente ans de déréglementation financière
Sommaire
La globalisation des marchés financiers s'est réalisée en trois
étapes principales
Des pétrodollars aux eurodollars
Réallocation, déréglementation et développement du marché international
des titres
L'essor des marchés de capitaux émergents (MCE)
Le système financier actuel est traversé depuis le début des années
90 par une succession de crises financières
Un système financier instable
Une succession de crises financières
La remise en cause du système financier
La nécessaire réforme du système financier mondial
Conclusion
Pour en savoir plus
par Sandrine Della Gaspera.
Quels sont les bouleversements majeurs qu'ont connus les relations financières
internationales au cours des trois dernières décennies ? Sandrine Della Gaspera
rappelle ici les trois grandes étapes - recyclage des pétrodollars et développement
du marché des eurodollars, déréglementation des marchés financiers, essor des
marchés de capitaux émergents - qui ont marqué la globalisation des marchés
financiers. Elle analyse ensuite les grandes crises financières qui se sont succédé
durant les années 90, avant de s'interroger sur la nature et les causes des
principaux dysfonctionnements du système financier international.
Ces trente dernières années ont été des années de bouleversements des relations financières
internationales, marquées par une intensification des flux, l'ouverture des marchés, la
création de nouveaux instruments financiers internationaux. Cette mobilité des capitaux est
telle que l'on parle désormais de globalisation financière, dans le sens de la mise en place
progressive d'un marché unique de l'argent au niveau planétaire. La globalisation débute par
l'essor du marché des eurodollars, le développement du marché bancaire international, puis
du marché mondial des titres, la déréglementation des marchés et finalement la création des
marchés émergents.
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Trente ans de déréglementation financière
La globalisation financière est cependant certainement à l'origine de l'instabilité des
marchés, et des crises boursières ou cambiaires qui ont secoué ces dernières années
l'économie mondiale.
La globalisation des marchés financiers s'est réalisée en trois étapes
principales
Des pétrodollars aux eurodollars
Le début de l'internationalisation des transferts financiers date du recyclage des
pétrodollars dans les années 70, et du développement du marché des eurodollars.
Les accords de Bretton Woods, à la base du nouvel ordre monétaire international de l'aprèsguerre, ont pour but le retour à la croissance dans le cadre d'une stabilité des taux de change.
Les flux internationaux de capitaux restent marginaux dans les années 50 et 60. La hausse
du cours du pétrole à partir de 1973 entraîne un transfert de revenus entre les pays
exportateurs et les pays importateurs de pétrole. Les premiers ont un niveau de
consommation et d'investissement inférieur à leurs richesses nouvellement acquises, et
placent leur épargne excédentaire auprès du système bancaire privé, en particulier sur le
marché des eurodollars, qui est devenu, en quelques années, le coeur de la finance
internationale.
Les pays développés importateurs, quant à eux, ne désirent pas prélever sur leurs réserves de
change pour régler leurs factures pétrolières. Ils ont donc recours à l'endettement extérieur.
La plupart des pays de l'OCDE connaissent par ailleurs des déficits budgétaires importants,
en raison du ralentissement de la croissance, et financent le plus souvent ces déficits par
emprunt auprès des grandes banques. Le marché bancaire international joue pleinement
son rôle d'intermédiaire financier, collectant les dépôts, d'une part, des pays pétroliers, et
accordant des eurocrédits, d'autre part, sur la base de ces dépôts. On rappelle que les
eurodollars sont des dollars détenus par une banque à l'extérieur des États-Unis. Par
extension, une euro-monnaie est un dépôt en monnaie dans une banque installée hors du
pays émetteur de cette monnaie. Les eurocrédits, crédits internationaux adossés aux
eurodollars, connaissent ainsi une forte expansion.
Toute cette période est très favorable aux débiteurs qui tirent profit du système d'économie
d'endettement. Avec des taux d'intérêt faibles en raison de l'abondance des fonds prêtables,
et des taux d'inflation relativement élevés, les taux d'intérêt réels sont négatifs et créent une
forte incitation à l'endettement.
Les grandes banques servent d'intermédiaire également entre les pays du Sud : elles
financent le déficit du Tiers monde grâce aux excédents de l'Organisation des pays
exportateurs de pétrole (OPEP), mais ce système va accentuer le fractionnement entre les
pays du Sud. Certains pays d'Amérique latine (Brésil, Mexique), ou d'Asie (Corée du Sud)
parviennent à financer leurs investissements en empruntant des capitaux à des taux
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avantageux, alors que les pays les plus pauvres reçoivent une part de plus en plus faible des
prêts internationaux car les créanciers préfèrent prêter aux pays en développement (PED)
possédant des richesses potentielles et dotés de gouvernements stables. Au total, les pays
d'Amérique latine représentent la moitié de la dette des pays en développement à la fin des
années 70.
Le recyclage des pétrodollars peut donc être considéré comme le début de la globalisation
financière avec un fort développement des flux Sud/Nord et Sud/Sud. Les montants traités
par les euromarchés ont été multipliés par trois entre 1975 et 1980. Cette première étape de
la globalisation prend fin avec la crise du Mexique de 1982 et les difficultés de paiement de
plusieurs PED.
Les pays en développement ont été confrontés à un double mouvement de détérioration des
termes de l'échange (-15 % entre 1978 et 1982), et de hausse des taux d'intérêt. En effet, les
États-Unis ont mené une politique monétaire d'inspiration monétariste donnant la priorité à
la lutte contre l'inflation en freinant la création monétaire. La hausse des taux d'intérêt
s'étend à l'ensemble de l'économie mondiale. Alors que leurs revenus stagnent, les PED
doivent faire face à un alourdissement du service de la dette. En 1982, suivis d'autres pays
du Sud, le Mexique menace de ne plus honorer ses dettes. Confrontées à un risque croissant
d'insolvabilité des pays emprunteurs, les banques privées réduisent les prêts à destination
des pays les plus endettés. En privant les PED des ressources dont ils avaient besoin, les
banques accélèrent la crise financière.
Réallocation, déréglementation et développement du marché
international des titres
Réallocation géographique des flux
Les pays de l'OCDE mettent dès 1980 la lutte contre l'inflation au premier rang de leurs
priorités. Ils opèrent un resserrement général de leur politique monétaire, entraînant une
hausse des taux d'intérêt. D'autre part les équilibres internationaux se modifient :
- les excédents de l'OPEP disparaissent ; dans le même temps, les politiques d'ajustement
imposées par le Fonds monétaire international (FMI) aboutissent à une réduction du déficit
global des PED ;
- les États-Unis cumulent désormais les déficits budgétaires, mais aussi commerciaux, en
raison d'une moindre croissance entre 1983 et 1985 par rapport aux autres pays occidentaux,
et d'importantes importations de produits manufacturés. Grâce à des taux d'intérêt élevés, les
États-Unis ont pu attirer des capitaux afin de financer leurs importations. Pour la première
fois en 1985, les États-Unis empruntent à l'extérieur plus qu'ils ne prêtent. Le Japon et
l'Allemagne sont leurs créanciers principaux, grâce à d'importantes capacités de
financement issues de l'excédent de leur balance commerciale, et un fort taux d'épargne des
ménages et des entreprises.
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Ces phénomènes expliquent les fluctuations des taux de change. L'afflux de capitaux vers
les États-Unis se traduit par une demande croissante de dollars, et donc par l'appréciation de
cette monnaie dont la valeur a doublé par rapport au deutschemark et augmenté de près de
30 % par rapport au yen.
Dans les années 80, on assiste donc à un recentrage des flux financiers entre pays
développés, le Japon et l'Allemagne devenant créanciers des États-Unis.
En revanche, les capitaux désertent, au cours des années 80, les PED à la suite de la crise de
paiement de 1982. La part des pays du Sud dans les mouvements de capitaux internationaux
se restreint. La charge de la dette (remboursement du capital et paiement des intérêts)
devenant même supérieure aux nouveaux capitaux reçus, les PED financent pendant cette
période la croissance des pays développés. On peut se demander, à ce propos, si les
investisseurs ont réellement opéré, en excluant les PED de leurs choix, une allocation
optimale des ressources financières dans l'économie mondiale entre pays et secteurs
d'activité.
Une profonde déréglementation des marchés financiers
Afin de drainer l'épargne mondiale pour financer leurs déficits budgétaires croissants, les
pays développés procèdent à une profonde déréglementation de leur système financier, plus
favorable aux mécanismes de marché. L'abolition des réglementations a pour but de faciliter
la circulation internationale de capitaux. On aboutit en dix ans à la constitution d'un vaste
marché des capitaux dans lequel s'intègrent les marchés nationaux.
Encadré [La déréglementation en France]
Tout d'abord, les taux d'intérêt ne sont plus contrôlés par les pouvoirs publics mais
librement déterminés par le marché. Aux États-Unis, la réglementation " Q ", qui plafonnait
les taux d'intérêt, est abrogée en 1986.
En France, il y a eu décloisonnement des activités bancaires et mise en concurrence des
établissements (cf. encadré). Le contrôle des changes est complètement aboli en 1984. En
1990, en Europe, la création du marché unique des capitaux marque la fin de tous les
systèmes de contrôle des changes nationaux.
La suppression de la réglementation des capitaux accélère les échanges. Par exemple, les
États-Unis suppriment en 1984 le prélèvement à la source de 30 % sur la rémunération des
obligations détenues par les étrangers.
Les principales places boursières dans le monde sont également déréglementées, à
commencer par le " Big Bang " de la City à Londres, où, dès 1987, les charges d'agents de
change sont mises en concurrence et doivent ouvrir leur capital à des investisseurs
nationaux ou étrangers. Jusqu'alors, seuls des courtiers (brokers), intermédiaires qui
enregistrent les ordres et procèdent aux cotations, et les contrepartistes (jobbers), pouvaient
intervenir sur le marché des actions. Désormais, les personnes morales, et pas seulement les
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individus, peuvent devenir membres de la Bourse. Les compagnies d'assurance et les
banques américaines et européennes prennent le contrôle de firmes de courtage afin de
devenir membres de la Bourse et améliorer les performances de leurs placements. Cette
concurrence se traduit par une baisse des coûts car les commissions versées aux
intermédiaires deviennent libres. Le London Stock Exchange (LSE) devient l'International
Stock Exchange(ISE) en 1987 et affirme sa position comme une des principales places
financières dans le monde, loin devant Paris ou Francfort.
Pour rester concurrentielles, les autres Bourses suivent l'exemple britannique et
déréglementent leurs activités. Ainsi, à Paris, en 1987, le statut des agents de change est
modifié et les charges d'agent de changes sont remplacées par des " sociétés de Bourse "
dont le capital est ouvert à des partenaires extérieurs ( 1 ).
Le développement du marché international des titres
Les flux de capitaux se font dans le cadre du système bancaire international jusqu'au début
des années 80, la finance directe prend le relais du crédit bancaire international, en
parallèle avec le passage à l'intérieur des économies nationales du financement par crédit
bancaire au financement par émission de titres.
Lever des fonds directement sur le marché international des titres signifie par exemple,
pour une entreprise française, emprunter des capitaux en dollars sur le territoire européen en
émettant des obligations en dollars. Elle a également la possibilité de lever des fonds
propres directement sur le sol américain ou ailleurs en cotant ses actions en dollars à la
Bourse de New York. Les pouvoirs publics, aux côtés des investisseurs privés, ont recours
également de plus en plus au financement par titres et non par crédit bancaire pour couvrir
leurs déficits. En 1998, les prêts accordés par le marché bancaire international sont encore
de 959 milliards de dollars, et les émissions nettes de titres de 678 milliards de dollars.
Pour les différents acteurs de la finance internationale (investisseurs institutionnels,
entreprises, banques, Trésors publics), le recours à la finance directe, et globale, répond à la
volonté de trouver des solutions plus souples à leurs besoins de financement, et aussi moins
coûteuses, grâce à la suppression du coût de l'intermédiation.
L'essor des marchés de capitaux émergents (MCE)
Au début des années 90, une vingtaine de nouveaux pays industrialisés, d'Amérique latine
(sept pays dont le Mexique et le Brésil), d'Asie (neuf pays parmi lesquels Hong Kong et
Taïwan) et quatre d'Europe de l'Est deviennent des marchés attractifs pour les investisseurs.
Il s'agit de la troisième et dernière phase de la globalisation financière.
Le plan Brady de 1989 met fin à huit années d'échec pour trouver une issue à la crise de la
dette des pays d'Amérique latine, depuis le défaut de paiement du Mexique de 1982. On
utilise la technique de la titrisation pour gérer la crise de l'endettement des PED : le plan
Brady autorise les banques à échanger une partie de leurs créances sur les pays endettés par
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des obligations émises par les États bénéficiaires, les fameux Brady Bonds. Ces obligations
sont assorties d'un taux d'intérêt plus faible que celui du marché, et sont partiellement
garanties par le FMI. Ce mécanisme a été expérimenté au Mexique, puis étendu à une
vingtaine d'autres pays, dont l'Argentine, le Brésil, le Venezuela.
Ce plan ne contribue que faiblement à réduire la dette des PED. Mais ayant acquis une
nouvelle stabilité, ces pays ont à nouveau accès au marché de capitaux internationaux, après
de longues années de complète éviction. D'autre part, ces accords modifient les conditions
d'insertion des pays émergents dans l'économie mondiale. En convertissant leurs stocks de
crédits bancaires en obligations libellées en dollars et négociables sur les marchés de
capitaux, les pays émergents se sont orientés vers la finance directe. Les flux ne sont plus
des créances bancaires mais des placements sur le marché des actions et des obligations.
L'aide accordée par les institutions financières internationales est assorti d'un vaste
programme de libéralisation des marchés dans les pays en développement concernés :
suppression du contrôle des changes, ouverture des frontières, privatisations,
déréglementations, etc.
Dans les années 90, les pays en développement redeviennent à nouveau importateurs nets de
capitaux. Les fonds versés tendent à changer de nature. Les capitaux privés prennent le
relais des fonds publics, tant les investissements directs que les placements financiers. De
plus, les investisseurs institutionnels (fonds de pension américains et compagnies
d'assurance japonaises) se substituent aux banques, dans le cadre de la finance directe.
Le processus d'intégration des marchés développés et émergents a fortement contribué à
développer les activités financières. Le marché financier global ainsi constitué permet aux
investisseurs d'arbitrer aisément entre les différentes opportunités d'investissement, et des
masses de capitaux considérables passent d'un État à l'autre dans le cadre d'une stratégie
d'optimisation maximale des placements.
La part des MCE dans la capitalisation boursière mondiale passe de 2,5 % en 1983 à 9 % en
1993. Le succès des marchés émergents tient aux rendements élevés de leurs actifs, qui sont
par ailleurs faiblement corrélés avec les marchés des pays développés, ce qui permet aux
investisseurs internationaux de diversifier leurs risques de portefeuille.
Le système financier actuel est traversé depuis le début des années 90
par une succession de crises financières
Un système financier instable
Ces capitaux destinés aux marchés émergents ont tendance à être instables : ce sont des
placements spéculatifs à court terme qui peuvent quitter le pays d'accueil s'il y a une baisse
du taux de change ou en cas de chute des cours. Ainsi, l'Asie reçoit 81 milliards de dollars
nets en 1996, puis perd 97 milliards de dollars en 1997, et encore 69 milliards l'année
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suivante.
Par ailleurs, on assiste à un décalage croissant entre la " sphère réelle " et le " sphère
financière ". D'après les estimations de la Banque des règlements internationaux, le montant
des transactions financières est cinquante fois plus important que la valeur des échanges de
biens et de services.
De même, lorsque le cours des actions gonfle sans que les performances de l'économie ne
justifient cette envolée des cours, on assiste à la formation de " bulles spéculatives " comme
celle qui a atteint contre toute attente les valeurs de la " nouvelle économie " : les cours sont
parvenus à des sommets disproportionnés par rapport aux perspectives de profit réalisables
par les entreprises en question.
Alors que sous le régime de l'" économie d'endettement ", les risques d'impayés sont
mutualisés et pris en charge par les banques, une partie du risque financier est désormais
assumée par les détenteurs finaux de titres. Du fait de leur aversion marquée pour les
risques, les investisseurs ont tendance à " sur-réagir " par rapport aux perturbations de
l'environnement et leurs comportements mimétiques amplifient les mouvements du marché.
Ce phénomène s'oppose à la théorie néoclassique qui considère les investisseurs rationnels
et les marchés efficients, et explique que les prix des actifs soient si volatils.
Les flux de capitaux importants et volatiles sont attirés par des perspectives de rendement
élevés en comparaison du faible coût de l'endettement dans certains pays de la zone (Japon
en particulier), mais financent en définitive des investissements de plus en plus précaires.
Au plan géographique, des phénomènes de contagion affectent également les marchés dans
des pays ou des régions normalement isolés les uns des autres. La multiplication des
investissements de portefeuille transfrontaliers met les marchés émergents de titres au
contact direct des marchés de titres des pays industrialisés. Un déplacement de fonds trop
important peut submerger n'importe quel marché d'actions émergent, conduisant à la
constitution de " bulles " d'actifs financiers.
Enfin, la globalisation engendre un " risque systémique " accru. Il s'agit d'une incapacité
des marchés à revenir à une nouvelle situation d'équilibre, après un moment de turbulence,
par le simple jeu des mouvements d'achat et de vente des spéculateurs. Les marchés ne
parviennent pas à se stabiliser par eux-mêmes, et l'intervention d'organismes extérieurs est
nécessaire. La " crise systémique " est liée au fonctionnement du marché financier globalisé
et ne peut être résolue que par une régulation extérieure.
Une succession de crises financières
La crise mexicaine de 1994
Pour attirer les investisseurs, le Mexique s'est donné comme priorité la lutte contre
l'inflation et la stabilité du taux de change par rapport au dollar. Or le peso mexicain se
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trouve être surévalué en raison du déficit des échanges extérieurs consécutif à l'ouverture
des marchés. A la suite d'un déficit extérieur record, le gouvernement mexicain se résout
malgré tout à dévaluer la monnaie de 13 % le 20 décembre 1994. Il en résulte une crise de
confiance des investisseurs qui commencent à spéculer à la baisse. Le 21 décembre 1994, le
gouvernement doit laisser flotter sa monnaie et celle-ci perd plus de 60 % de sa valeur. De
monétaire, la crise est devenue financière, bancaire puis économique. La crise s'étend
ensuite à d'autres pays émergents, dont l'Argentine, même si sa situation était un peu
différente (croissance économique plus forte et inflation plus faible). En Asie, d'autres
monnaies sont attaquées : à Hong Kong, en Thaïlande, Indonésie et Singapour.
La crise mexicaine provient de la contradiction entre un taux de change fixe et un déficit des
échanges extérieurs. Cependant l'ampleur de la crise est disproportionnée par rapport à la
situation réelle de l'économie mexicaine. Elle s'explique par les comportements mimétiques
des investisseurs qui ont perdu confiance dans la conduite du gouvernement. Ceux-ci
prennent conscience de la fragilité des économies des pays émergents, et en particulier de
l'incompatibilité entre une monnaie surévaluée et un financement extérieur par des fonds à
court terme à vocation spéculative.
La crise asiatique de 1997
Les économies asiatiques en 1997 semblaient entraînées par un élan de croissance continu,
sous l'impulsion de huit pays : le Japon, suivi chronologiquement des " tigres " ou des
" dragons " (Hong Kong, Corée du Sud, Singapour, Taïwan), puis de la Thaïlande et de la
Malaisie, dont le décollage économique date des années 80.
En 1997 éclate en Asie une crise de change très violente, initiée par la dévaluation
inattendue du bath thaïlandais, le 2 juillet 1997, et suivie d'une spirale de dévaluations qui
frappent à peu près toutes les monnaies des autres pays d'Asie, traduisant une défiance
extrême des marchés financiers à l'égard des pays concernés. La crise financière qui a suivi
a entraîné une forte récession dans l'économie réelle des pays touchés et s'est étendue à
l'ensemble des marchés mondiaux de capitaux.
En Asie, ce sont tout d'abord les " bulles spéculatives " financières et immobilières qui sont
à l'origine de la crise - des logements neufs construits pendant la période d'euphorie des
années 90 sont restés vacants lorsque la bulle immobilière a éclaté - mais aussi les déficits
de la balance des paiements. Ces déficits sont courants dans cette région où plusieurs pays
montraient des signes de faiblesse : investissements lourds dans des opérations immobilières
hautement spéculatives et surcapacités immobilières, notamment en Thaïlande, baisse des
exportations due à l'appréciation du dollar et de la concurrence de plus en plus rude de la
Chine.
La crise asiatique revêt une dimension systémique évidente : qu'y a-t-il de commun en 1997
entre une Indonésie encore fortement dépendante de ses matières premières et la Corée,
puissance industrielle membre de l'OCDE ? La crise s'est répandue comme une traînée de
poudre, portée par la logique moutonnière des marchés.
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Trente ans de déréglementation financière
Des mécanismes cumulatifs présentent des similitudes avec la crise née de la dévaluation du
peso mexicain en 1994 : il s'agit de la brutale contraction bancaire et du recul des dépenses
publiques qui ont suivi l'effondrement des marchés et du système financier, eux-mêmes
résultant des dévaluations successives. Mais l'engrenage asiatique revêt certaines
spécificités : tout d'abord l'interconnexion d'économie très dépendantes des marchés
extérieurs, en premier lieu du marché japonais, et ensuite l'incapacité du Japon, du fait de
ses propres difficultés, à jouer auprès des pays les premiers touchés - la Thaïlande et
l'Indonésie - le rôle de prêteur en dernier ressort tenu par les États-Unis à l'égard du
Mexique.
La crise financière russe
Le 17 août 1998, après avoir tenté de défendre sa monnaie sans succès, le gouvernement de
Russie annonce qu'il laisse le rouble se dévaluer et qu'il suspend pour quatre vingt-dix jours
le remboursement de sa dette extérieure. Cette crise semble répondre à des critères
classiques de crises financières : déséquilibre budgétaire hors de contrôle, endettement
public élevé, inflation non maîtrisée, comptes extérieurs très déséquilibrés.
La crise de défiance se propage rapidement. Entre le 15 juillet et le 15 octobre, la Bourse de
Moscou perd 80 %, celle du Brésil 57 %, Francfort 37 % et Paris 32 %.
La Russie est la première victime non asiatique de la crise financière de 1997. Le pétrole
représentant son premier poste d'exportation, la Russie a souffert de la contraction de ses
ventes en Asie. Dans le même temps, la Russie a subi un retournement de confiance général
des investisseurs pour les marchés émergents, et une fuite des capitaux.
Le système financier international est exposé à un risque grave de rupture lors des crises de
l'automne 1998. Un effondrement n'a vraisemblablement été évité que grâce aux
interventions officielles qui ont pris deux formes. Tout d'abord le sauvetage du fonds
spéculatif américainLong Term Credit Management (LTCM) afin que le dénouement de ses
positions spéculatives, qui aurait été la conséquence normale d'une mise en faillite, ne
déstabilise pas le marché. Ensuite la Réserve fédérale a assoupli les conditions de liquidité
aux États-Unis en procédant par trois fois à la diminution de ses taux directeurs.
Les autres turbulences
Les menaces qui pèsent sur l'équilibre du système financier international sont permanentes,
et chaque tourmente fait resurgir les craintes d'une crise financière généralisée, au travers
d'un mouvement massif de défiance des investisseurs vis-à-vis des pays émergents.
Ainsi, en 2000, l'Argentine, en récession depuis deux ans, souffre de difficultés de paiement.
Alors que la parité entre le peso et le dollar est inscrite dans la loi depuis 1991, le pays est
incapable de rembourser sa dette extérieure, estimée à 153 milliards de dollars. L'aide du
FMI et de la communauté internationale, pour un total de 39,7 milliards de dollars, évite à la
crise de s'étendre à d'autres pays.
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Trente ans de déréglementation financière
En février 2001, les autorités turques laissent flotter la livre turque pour faire face à la crise
financière que traverse le pays. Le système de change fixe, qui permettait une dépréciation
contrôlée de la livre, était au coeur d'un plan adopté en décembre 1999 avec le FMI pour
contenir l'inflation. Le pays devra faire face à l'accroissement de la charge de sa dette,
libellée en dollars.
La remise en cause du système financier
Les crises financières récentes sont-elles la sanction d'une mauvaise gestion ou bien la
manifestation d'une crise plus générale de la finance " globalisée " ? Les
dysfonctionnements du système financier international sont multiples.
• Une déréglementation trop brutale : la crise asiatique a rendu incontournable la question
de la déréglementation financière dans les pays émergents. Était-il nécessaire de libéraliser
les mouvements de capitaux si rapidement, sans prendre le temps de mettre en place des
structures d'encadrement et de contrôle du marché comme il en existe dans les pays
industrialisés ? Cette déréglementation brutale des marchés financiers dans les pays
émergents a sans doute accru la fragilité du système financier international en rendant les
capitaux plus volatiles. Michel Aglietta recommande aux pays qui n'ont pas encore
libéralisé leurs systèmes financiers " une ouverture ordonnée et progressive, l'adoption de
directives internationales, ainsi que la production de meilleures données de marché " ( 2 ).
• Un ancrage contesté des monnaies au dollar : afin de rassurer les investisseurs potentiels,
plusieurs pays émergents ont choisi d'ancrer leur monnaie par rapport au dollar. Cette
situation a conduit à des taux de change réels insoutenables au regard des déficits des
transactions courantes accumulés. La surévaluation des taux de change et un endettement
lourd en devises rendent les pays très vulnérables à tout renversement des anticipations. Les
crises asiatique, russe et brésilienne des années 1997-1998 et la crise du peso mexicain en
sont l'exemple. Un renchérissement du dollar peut rendre par ailleurs très délicat le
remboursement des dettes. L'ancrage des monnaies est d'autant plus néfaste lorsque les
cycles économiques ne sont pas en phase, comme ça a été le cas entre l'Asie et les ÉtatsUnis en 1995. A partir de là, deux solutions se dessinent : la dollarisation complète des
économies, avec l'accroissement des problèmes déjà soulevés, ou bien l'instauration de
monnaies locales flottantes, sans zone cible ni bande de fluctuation définies. Cette deuxième
solution, en attirant les spéculateurs, renforcerait les risques de déstabilisation des marchés
financiers. Pour sortir de ce dilemme, certains économistes ont lancé l'idée d'une monnaie
unique en Asie, car une plus grande intégration régionale semble bien aller dans le sens de
l'histoire.
• La difficulté à contenir des taux de change fixes dans un contexte de forte mobilité
internationale des capitaux. Au Mexique comme en Asie, en Russie comme au Brésil, la
crise financière est d'abord apparue sous la forme d'une crise de change. Dans les pays
émergents où les tensions inflationnistes sont, en général, plus vigoureuses que dans les
pays industrialisés, la fixité du change provoque une appréciation progressive du taux de
change réel, une perte de compétitivité et un déficit de la balance des paiements. Après
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Trente ans de déréglementation financière
avoir longtemps fermé les yeux, les marchés ont condamné des régimes de changes
intenables.
• Une insuffisante maîtrise des risques bancaires dans un contexte de garanties implicites
(ou ressenties comme telles par les autorités de surveillance), ainsi que l'absence de culture
de marché. Ainsi au Japon, la faiblesse de la supervision bancaire est telle que les créances
irrécupérables des banques sont estimées à 300 milliards de dollars en 1998. Les
interférences entre les appartenances familiales, politiques et économiques sont
caractéristiques du modèle asiatique de développement. Les banques japonaises ont manqué
de prudence dans l'attribution de leurs lignes de crédit, en raison des liens privilégiés les
unissant à d'autres entreprises du même groupe (les Zaibatsu), et du soutien politique
qu'elles pensaient obtenir.
• Des phénomènes de sur-réaction affectent les marchés financiers. Il est surprenant de
constater que les monnaies asiatiques, dont la surévaluation en terme effectif réel était au
maximum de 10 % avant juillet 1997, ont été propulsées quelque temps plus tard à des
niveaux de moitié inférieurs à leur valeur initiale.
La nécessaire réforme du système financier mondial
La fréquence des crises a clairement augmenté par rapport aux années 70, et celles-ci
tendent à être beaucoup plus sévères qu'auparavant. Au Mexique, en 1995, comme en
Thaïlande, en Malaisie et en Corée en 1998, la chute du PNB s'est établie entre 6 % et 8 %.
Ces reculs sont d'autant plus importants que ces pays connaissaient les années précédentes
une croissance comprise entre 6 % et 10 % par an. Les pertes subies par l'Argentine, le
Mexique ou le Brésil dans les années 80 n'étaient pas si élevées.
Plus fréquentes et plus graves, les crises seraient également moins prévisibles. Ce sont bien
les acteurs du " miracle économique " asiatique, célébré par la Banque mondiale, qui ont été
frappés de façon soudaine en 1997, malgré leur croissance trentenaire conduite dans un
contexte macroéconomique jugé satisfaisant. De même, le Mexique était considéré comme
un " bon élève " de l'Amérique latine par le FMI, ce qui n'a pas empêché l'effondrement du
peso en décembre 1994.
Les crises financières récentes ont ranimé les débats anciens sur l'organisation des relations
financières et la nécessité de renforcer l'ordre financier mondial.
En décembre 1997, Robert Rubin, alors Secrétaire américain au Trésor, s'est référé au
concept nouveau d'" architecture financière internationale ". Cette expression a rencontré
beaucoup de succès mais la maigreur des résultats frappe en comparaison des promesses
affichées pour améliorer la stabilité financière internationale.
La réforme du système monétaire et financier international aborde les points suivants :
- améliorer le fonctionnement des marchés financiers par une régulation renforcée et une
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Trente ans de déréglementation financière
plus grande transparence des opérations ;
- renforcer la prévention et la surveillance ; élaborer un cadre de réponse aux crises
financières, s'appuyant notamment sur une participation accrue du secteur privé dans la
résolution des crises ;
- placer la notion de " gouvernance " au centre des missions des institutions financières
internationales, et notamment du FMI ;
- améliorer la capacité d'action du FMI tant en terme de volumes financiers que sur la nature
de l'assistance fournie, dans un contexte marqué par le débat lancé par la publication du
rapport de la commission Meltzer en mars 2000 ;
- mieux conseiller les pays émergents dans leurs choix monétaires et financiers, notamment
en matière de régime des changes.
Signe encourageant, la régulation financière internationale a considérablement avancé
depuis la création en février 1999 du Forum de stabilité financière (FSF), qui a pour objectif
de mieux traiter les vulnérabilités financières internationales les plus importantes. Présidée
par le Directeur général de la BRI, c'est une enceinte légère composée d'experts de haut
niveau dont la mission est de donner des propositions sur des sujets sensibles, comme les
mouvements de capitaux à court terme, les fonds d'investissement à fort levier financier, les
centres offshore, la mise en oeuvre de normes et de codes internationaux en matière
financière, etc.
Conclusion
L'esprit des réformes envisagées actuellement évolue vers une plus grande considération des
effets dépressionnistes dramatiques des crises financières pour les populations concernées,
qui ont payé un lourd tribut en termes d'emploi et de niveau de vie.
Le " consensus de Washington " correspond à une idéologie dépassée. Cette expression a été
forgée par l'économiste britannique John Williamson en 1990 pour nommer les politiques
néolibérales alors recommandées, aux pays d'Amérique latine, par les institutions
internationales, le FMI et la BRI, toutes deux situées à Washington, et par le gouvernement
américain. Le consensus de Washington recouvre en fait une dizaine de réformes
fondamentales, axées sur la stabilité macroéconomique, le libéralisation du commerce, les
privatisations, etc.
L'erreur de la communauté internationale, inspirée par les théories libérales, a sans doute été
de penser qu'il suffisait de remplacer l'État par le marché, alors qu'il aurai plutôt fallu
transformer le modèle étatique, c'est-à-dire substituer l'État de droit à l'État interventionniste
et étatique.
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Trente ans de déréglementation financière
Dans le cadre d'une réflexion plus générale sur la notion de bien public, le renversement
idéologique des institutions de Bretton Woods semble aujourd'hui bien engagé. L'accent est
mis sur la réduction de la pauvreté, sur l'importance des problèmes sociaux, et sur la
nécessaire appropriation par les gouvernements et les sociétés des réformes proposées dans
le cadre de l'assistance multilatérale.
Pour en savoir plus
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Aglietta M., " La maîtrise du risque systémique international ", Économie
internationale, n°76, 4e trimestre 1999.
Boissieu Ch. de, " Mutations du systèmes français ", Revue française d'économie, n°1,
1987.
Les Notes bleues de Bercy, n°200, 1er au 15 février 2001, " Réformes du Système
monétaire international "
( 1) Depuis 1996, le monopole de négociation des sociétés de Bourse est aboli. Ces dernières sont remplacées par des
Entreprises d'investissement.
( 2) Michel Aglietta, " La maîtrise du risque systémique international ", Économie internationale, n°76, 4e trimestre 1999,
Paris, La Documentation française, p. 43.
Les cahiers français, n° 301 (03/2001)
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Auteur : Sandrine Della Gaspera (Professeur agrégé) .
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