c’est la croissance seule qui nous permettra de lutter contre la pollution, que ceux qui, en
transposant des lois des sciences naturelles aux sciences sociales (l’application des lois de la
thermodynamique à l’économie), prônent la décroissance. Selon lui, il faut plutôt miser sur
une « économie écologique », appliquer systématiquement le principe de précaution et mener
des politiques proactives permettant, en engendrant des coûts économiques faibles, d’éviter
des coûts écologiques importants. Il s’agit donc de découpler la croissance économique, d’une
part, de la consommation excessive de ressources non renouvelables et des émissions nocives
que cette croissance entraîne, d’autre part. Selon Bürgenmeier, un tel découplage n’est
possible que si on se demande « comment on produit ».
Benoît Charrière, doctorant à l’Institut de politiques territoriales et d’environnement humain
de l’Université de Lausanne, et collaborateur du professeur Suren Erkman, nous a aidés à
répondre concrètement à cette question en nous présentant l’écologie industrielle. Il s’agit de
réorganiser le système industriel en tenant compte de quelques règles élémentaires de
l’écologie scientifique. D’apparence purement technique, une telle réorganisation suppose
pourtant des changements socio-économiques fondamentaux : privilégier la coopération plutôt
que la concurrence, remettre en cause la pertinence du libre-échange généralisé, favoriser une
relocalisation de l’économie. Dans un canton périphérique tel que le Valais, l’écologie
industrielle pourrait en plus servir d’outil pour planifier son développement, et contribuer à la
création de nouvelles activités.
Droit/Devoir d’ingérence
Monsieur Emmanuel Tronc, Policy & Advocacy Coordinator de Médecins Sans Frontières
International, nous a fait part de son scepticisme concernant le droit/devoir d’ingérence :
lorsque interventions il y a, désormais au nom de la « responsabilité de protéger », celles-ci
n’ont pas pour objectif réel de protéger les civils, mais de gérer les conflits. Les puissances
n’intervenant que lorsque leurs intérêts sont en jeu. L’organisation MSF, quant à elle, en vient
presque à regretter d’avoir parfois appelé à une intervention armée (ce qu’elle n’a fait que très
rarement). A l’instar du CICR, MSF croit de plus en plus aux vertus de la neutralité.
Le professeur Victor-Yves Ghebali, (désormais professeur honoraire à l'Institut de Hautes
Etudes Internationales et du Développement de Genève) lors d'une conférence extrêmement
dense et structurée, intitulée « Le devoir d’ingérence humanitaire : une idée altruiste ou un
prétexte d’intervention politique ? », nous a tout d'abord présenté un historique de l'idée
d'ingérence, puis les arguments des partisans et des détracteurs de cette idée, et finalement,
pour illustrer ses propos, deux cas significatifs : le Kosovo et le Rwanda. Le professeur
Ghebali déplore l'absence d'une véritable armée permanente de l'ONU. Dans le cas du
Rwanda, il considère que cinq ou six milles soldats bien équipés auraient pu arrêter le
génocide. L'intervention au Kosovo était à son avis justifiée. Mais un des trois aspects
essentiels de la responsabilité de protéger a été négligé : la reconstruction (les deux autres
étant la prévention et la réaction). Quant à l'Iran, le professeur Ghebali se déclare
pragmatique: si une intervention pouvait véritablement empêcher l'Iran de se doter d'un
armement nucléaire, il y serait favorable. Mais, les capacités nucléaires iraniennes étant
enterrées, une telle intervention ne pourrait être que vaine. En conclusion, le professeur
Ghebali estime que si la morale ne prévaut pas dans les relations internationales, la
"responsabilité de protéger" constitue tout de même un progrès.