154
GABRIEL COLLETIS - LA GRÈCE : LABORATOIRE D’EXPÉRIMENTATION POUR L’EUROPE ?
J’ai parlé de vicissitudes historiques : effectivement,
depuis la chute d’Athènes en 86,
les Grecs ont
été soumis sans discontinuer aux contraintes administratives et militaires de trois empires : l’Empire
romain, l’Empire Romain d’Orient (plus connu sous le nom d’Empire byzantin) et enfin l’Empire
Ottoman. Durant 19 siècles malgré invasions, administrations étrangères successives, destructions,
pillages, déportations… les Grecs maintiennent l’unité et la conscience de leurs identités, aidés en
cela par la nature de leur culture et l’unité de leur religion, d’abord olympienne puis chrétienne
orthodoxe. Cette dernière a été très efficace pour la sauvegarde de la conscience hellénique, ce qui
ne devrait pas autoriser le haut clergé actuel à abuser de privilèges fiscaux exorbitants et scandaleux !
Il est aisé de comprendre que, durant tout ce temps, les Grecs ont développé comme une seconde
nature, pour leur survie, une capacité à résister, finasser, combattre toute administration ou autorité,
puisqu’elles étaient répressives et étrangères à leur culture.
Vers 1830
l’Europe, imprégnée du désir d’émancipation et de liberté, s’émeut du sort des Grecs et,
avec la Russie, aide les Hellènes à se libérer, tout en essayant de s’octroyer les restes de l’Empire Otto-
man en déroute. La Grèce en position géostratégique de premier plan est alors très convoitée. C’est
Othon 1° de Bavière qui devient, à 16 ans, le premier roi d’un petit bout de territoire libéré. Il arrivera
avec son armée et son administration sur des croiseurs au Pirée. Depuis, et pratiquement sans discon-
tinuer jusqu’à une époque assez récente, c’est la xénocratie dévouée aux puissances « protectrices »
qui domine et gère la Grèce. Comment dans ces conditions le pays pourrait-il mettre en place des
institutions (au sens large du terme) fiables et solides, capables de résister, de tenir, si des problèmes
graves, tels que ceux actuels, se déclarent ?
Il y aura cependant de nombreuses tentatives, menées par des patriotes démocrates (Vénizélos…)
pour libérer l’État grec de toute tutelle et ouvrir l’Espace Public à la démocratie. Elles seront constam-
ment contrecarrées par des coups d’État militaires, des guerres civiles, des complots anarchistes et
des interventions extérieures.
1940-1945 :
Les Italiens (battus), puis les Allemands, mettront sept mois pour envahir le pays. La ré-
sistance héroïque fixera d’importantes forces ennemies (hommage de W. Churchill). Ce qui n’empê-
chera pas l’Angleterre d’envoyer 7 000 hommes lourdement armés pour maintenir la Grèce dans la
sphère occidentale définie par Yalta. Ils interviendront
jusqu’en 1949 dans l’atroce guerre civile entre
les Grecs.
La Grèce est alors dans une situation économique, sociale et humaine désespérée.
Et je passe, mais signale,
les années de Dictature des Colonels grecs de 1969 à 1974
qui verra l’instal-
lation d’une administration pléthorique, corrompue et violente. Après une longue lutte des démo-
crates,
la République est enfin proclamée.
Et le conservateur Constantin Caramanlis, sous influence
américaine, négociera, alors que le pays est extrêmement affaibli,
l’entrée de la Grèce dans la CEE en
1981.
La Grèce est alors un pays pauvre, plutôt agricole et touristique, elle a favorisé le secteur tertiaire au
détriment de son industrie. Les fonctionnaires, très nombreux, (le nombre le plus élevé d’Europe par
tête d’habitant, tout comme son budget militaire pléthorique…) sont désignés par les élus suivant les
services politiques rendus. La population réagit toujours négativement à toute administration, surtout
fiscale, traumatisée par son passé historique.
Clientélisme, affairisme, népotisme (deux, trois familles gouvernent depuis des décennies Caramanlis,
Papandréou)
Voila le tableau sombre d’un pays projeté dans la CEE, (bien entendu ce pays, ce peuple est bien autre
aussi, culturellement, humainement : ce tableau figure dans le cadre de ce qui nous préoccupe…). Il
n’est pas préparé à la société de consommation et au néo-libéralisme des institutions européennes.
Les aides financières structurelles (les « paquets Delors ») alimentent en partie la corruption et les
réalisations somptuaires, le dernier avatar étant les Jeux Olympiques d’Athènes. Le pays s’endette très
lourdement, sa balance commerciale est déficitaire faute d’une industrie locale, alors que la consom-
mation décolle… Les reports comptables de certaines dettes s’accumulent (achats d’armes à l’Alle-
magne !)… elles finiront par éclater.
2008,
les banques en très grande difficulté seront renflouées par l’État. Georges Papandréou, du